Les muqueuses du TRF constituent la première barrière naturelle de l’organisme, protégeant le milieu intérieur des agressions de l’environnement . Dans un premier temps, nous verrons donc les caractéristiques des muqueuses du TRF, qui leur confèrent ce rôle de barrière, puis nous détaillerons les cellules immunitaires présentes et qui jouent un rôle dans la réponse à des agressions au niveau de la muqueuse.
LES MUQUEUSES DU TRF
Le tractus reproducteur féminin (TRF)
Généralités sur le TRF et son rôle contre les pathogènes
Le TRF est divisé en deux parties, aux structures différentes :
• Le tractus haut, comprenant les ovaires, les trompes de Fallope, l’utérus et l’endocol.
• Le tractus bas, comprenant l’exocol, le vagin et la vulve.
Le tractus bas est recouvert d’un épithélium stratifié, squameux (de type malpighien) et non kératinisé, tandis que le tractus haut est recouvert d’un épithélium simple cylindrique composé de cellules glandulaires et de cellules ciliées. L’épithélium repose sur un tissu conjonctif appelé lamina propria, riche en cellules immunitaires et en fibroblastes, qui se trouvent dans une matrice extracellulaire riche en fibres de collagènes et en élastine . L’épithélium est en contact avec la lumière du tractus génital féminin. La muqueuse utérine possède une architecture particulière, l’endomètre, formé d’une monocouche de cellules épithéliales reposant sur une couche de tissu conjonctif (stroma) fortement vascularisé. Après la puberté, la structure de l’endomètre varie selon les phases du cycle menstruel. L’utérus et l’endocol sont riches en glandes sécrétrices de mucus .
La zone de transition entre les tractus haut et bas au niveau du col est appelée zone de transformation. Cette zone est immunologiquement active et constitue un site préférentiel d’entrée dans l’organisme pour des pathogènes tel que le virus de l’immunodéficience humaine 1 (VIH-1) ou Chlamydia trachomatis (CT) .
Caractéristiques du cycle menstruel chez la femme
L’utérus subit des changements cycliques continus de la puberté à la ménopause. Chaque cycle menstruel dure environ 28 jours. Il est contrôlé par des hormones, et s’accompagne d’un cycle ovarien concomitant .
Le cycle menstruel est divisé en 3 phases : les menstruations, la phase proliférative (ou phase folliculaire pour le cycle ovarien) et la phase sécrétoire (ou phase lutéale pour le cycle ovarien) . La phase folliculaire est caractérisée par une augmentation croissante de la concentration d’œstrogène produit par un follicule ovarien mature. Cette production d’œstrogène est induite par l’hormone folliculo stimulante (FSH), sécrétée par l’hypophyse.
Elle entraîne la prolifération de l’endomètre utérin. Deux jours avant l’ovulation, le niveau d’œstrogène est maximal et entraîne un rétrocontrôle positif au niveau de l’hypophyse, permettant un pic de sécrétion de l’hormone lutéinisante (LH). Ce dernier permet la libération de l’ovocyte du follicule ovarien, puis les concentrations de LH, de FSH et d’œstrogène diminuent. Lors de la phase sécrétoire, le corps jaune au sein de l’ovocyte produit de la progestérone et de l’œstrogène. Sous l’effet de ces hormones, l’endomètre se différencie et atteint sa maturité. Le stroma conjonctif, les glandes exocrines et les artères qui irriguent l’endomètre sont le siège de diverses transformations, assurant la réceptivité de l’endomètre pour l’implantation d’un éventuel embryon . En absence de fécondation 7 à 10 jours après l’ovulation, le corps jaune est dégradé, les niveaux de progestérone et d’œstrogène diminuent ce qui induit les menstruations. Ces changements cycliques au niveau du TRF affectent également le système immunitaire, avec des modifications des facteurs solubles sécrétés, ou des cellules immunitaires .
Système immunitaire local
Le système immunitaire des muqueuses du TRF assure la première ligne de défense contre les IST.
Les muqueuses du TRF, une barrière naturelle
Les muqueuses génitales forment une barrière physique empêchant les pathogènes de pénétrer dans l’organisme . Des brèches dans l’épithélium peuvent favoriser l’entrée des pathogènes au sein de la muqueuse. Au niveau du tractus haut, les cellules épithéliales peuvent former des jonctions serrées, assurant le maintien de l’intégrité de la monocouche . Une couche de mucus recouvre l’épithélium du TRF, et permet de “piéger” les microorganismes avant qu’ils n’atteignent l’épithélium . Le mucus est composé de mucines (MUC), glycoprotéines de haut poids moléculaire . Ces glycoprotéines peuvent être libres dans l’espace extracellulaire (MUC5/6) et former une matrice de gel épais, ou au contraire liées à la membrane des cellules épithéliales (MUC1/16). Les mucines sont différentiellement exprimées dans les compartiments du TRF : MUC 1, 4, 5AC, 5B et 6 sont exprimées au niveau de l’exocol, MUC 1 et 4 par les épithéliums ectocervicaux et vaginaux, tandis que dans l’endomètre et les trompes de Fallope, MUC 1 est la principale mucine retrouvée . Les cellules épithéliales du tractus haut expriment également des récepteurs aux immunoglobulines polymériques (pIgR) permettant la sécrétion d’immunoglobulines (Ig) dans la lumière du tractus. Elles pourraient par ailleurs participer à la présentation antigénique à des lymphocytes T. Au niveau vaginal, les conditions d’oxygénation (environnement microaérophile), de température et surtout de pH (acide), restreignent la croissance de la plupart des microorganismes .
Immunité innée
L’immunité innée permet à l’organisme de répondre de manière immédiate contre une infection ou une irritation de la muqueuse du TRF . L’immunité innée assure de nombreuses fonctions au niveau du TRF : elle participe à la réponse immunitaire face au microbiote, à la protection contre les IST ou encore à la régulation du cycle menstruel utérin .
Expression et fonctions des PRR
Les récepteurs de reconnaissance de motifs moléculaires (PRR) sont des récepteurs du système immunitaire inné, capables de reconnaître des motifs moléculaires associés à des pathogènes (PAMP). Il existe plusieurs familles de récepteurs, dont les récepteurs membranaires de type Toll (TLR), intracellulaires de type Nod (NLR) ou encore cytosoliques de type Rig-I (RLR). Chez l’Homme, 10 TLR numérotés de 1 à 10 ont été identifiés. La famille des NLR compte 22 membres répartis en 4 sous-familles en fonction de la structure de leur domaine N-terminal : NLRA, NLRB, NLRC et NLRP . La famille des RLR compte à ce jour trois membres : RIG-I, MDA5 et LGP2. Les PRR sont exprimés par des cellules épithéliales, des fibroblastes ou des cellules immunitaires telles que les macrophages, les cellules dendritiques (DC) ou des lymphocytes B, T ou tueuses naturelles (NK) . RIG-1 est exprimé de manière quasi ubiquitaire . Les muqueuses du TRF expriment une variété de TLR. Les ARNm des TLR1 à 9 sont exprimés dans les différents compartiments du TRF, mais des études immunohistologiques, montrent en revanche une disparité de l’expression des TLR1 à 10 dans les différents tissus du TRF . Ces TLR sont exprimés par les cellules épithéliales et/ou par les cellules immunitaires résidentes. Les mutations génétiques de plusieurs NLR (NALP7 ou encore NLRP5) ont été associées à des problèmes de santé reproductive , ce qui indique qu’ils jouent un rôle au niveau du TRF. La stimulation de ces PRR par leur ligand respectif déclenche une cascade de signalisation aboutissant à l’activation de facteurs de transcription qui augmente l’expression de gènes immunomodulateurs. Ce processus conduit généralement à la sécrétion de cytokines et de chimiokines, ou à la sécrétion de composés antimicrobiens .
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Table des matières
Introduction
Les muqueuses du TRF
1.1 Le tractus reproducteur féminin (TRF)
Généralités sur le TRF et son rôle contre les pathogènes
Caractéristiques du cycle menstruel chez la femme
1.2 Système immunitaire local
Les muqueuses du TRF, une barrière naturelle
Immunité innée
Immunité spécifique
1.3 Régulations du système immunitaire par le cycle menstruel
Régulations cellulaires
Régulation des facteurs solubles
Le microbiote vaginal
2.1 Composition du microbiote vaginal
Le genre Lactobacillus
Gardnerella vaginalis et autres bactéries des microbiotes vaginaux de type IV
2.2 Facteurs influençant le microbiote vaginal
Facteurs génétiques
Facteurs environnementaux
2.3 Impact du microbiote sur le système immunitaire et inversement
Le liquide séminal (LS)
3.1 Composition et propriétés du LS
Composition biochimique
Propriétés biochimiques
3.2 Facteurs influençant le LS
Facteurs génétiques
Facteurs environnementaux
3.3 Impact du LS sur le système immunitaire
Chlamydia trachomatis (CT), l’IST bactérienne majoritaire chez les jeunes femmes
4.1 Epidémiologie
4.2 Cycle de vie, physiopathologie et traitement
4.3 Réponse immunitaire à l’infection CT
Réponse innée
Réponse adaptative
Impact du microbiote sur l’infection CT et inversement
Impact du LS sur l’infection CT
4.4 Une IST fréquente en co-infection
Epidémiologie
Mécanismes impliqués dans la co-infection CT/VIH-1
Modèles expérimentaux d’étude des muqueuses du TRF
5.1 Modèles in vitro et ex vivo
5.2 Modèles in vivo : intérêt du macaque cynomolgus
Généralités sur l’espèce
Physiologie du macaque cynomolgus
Réponse à l’infection CT
Hypothèses et objectifs
Hypothèses
Objectifs
Résultats
Etude in vitro de l’impact du LS sur l’infection CT et sur l’inflammation
1.1 Introduction et Objectifs
1.2 Résultats
1.3 Article 1
Caractérisation de l’inflammation génitale et systémique en condition physiologique in vivo
2.1 Introduction et Objectifs
2.2 Résultats
2.3 Article 2
Etude in vivo de l’impact du LS sur l’inflammation en condition physiologique ou dans un contexte d’infection CT
3.1 Introduction et Objectifs
3.2 Résultats
3.3 Article 3
Etude in vitro de l’impact de la composition du microbiote vaginal sur
l’inflammation induite par CT
4.1 Introduction et Objectifs
4.2 Matériels et méthodes
4.3 Résultats
4.4 Discussion
4.5 Perspectives
Discussion générale
Caractérisation de l’inflammation au niveau du TRF
1.1 En condition physiologique
1.2 Au cours de l’infection CT
Rôle des facteurs de l’environnement au niveau du TRF
2.1 Le liquide séminal
En condition physiologique
Au cours de l’infection CT
2.2 Le microbiote vaginal
En condition physiologique
Au cours de l’infection CT
Comparaison des modèles utilisés
3.1 Modèle in vitro vs in vivo
3.2 Espèce humaine vs modèle macaque
Conclusion
Bibliographie
Annexes