Les moyens d’échappement des cancers au système immunitaire

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Rôle de l’immunité innée

Tout d’abord, l’immunité innée agit en première ligne de défense antitumorale, est non spécifique (ne dépend pas de la reconnaissance d’antigènes tumoraux) et favorise la réponse immunitaire adaptative. Elle fait intervenir plusieurs acteurs notamment les macrophages, polynucléaires, cellules NK (Natural Killer) et cytokines possédant une activité antitumorale (IFNγ). Les cellules NK ont par ailleurs un rôle majeur grâce à la fois à une cytotoxicité directe (exocytose de granzyme et de perforine) et à une cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC).

Rôle de l’immunité adaptative

L’immunité adaptative (ou immunité humorale) arrive quant à elle en deuxième ligne et est spécifique puisqu’elle est conditionnée par la reconnaissance des antigènes tumoraux. Elle implique notamment les cellules dendritiques (qui sont des Cellules Présentatrices d’Antigènes ou CPA), les lymphocytes T CD4 (auxiliaires) et CD8 (cytotoxiques), ainsi que les lymphocytes B (et les anticorps qu’ils fabriquent). Les cellules dendritiques captent les antigènes libérés par la tumeur, migrent dans les organes lymphoïdes secondaires (ganglions) où elles deviennent matures et présentent les antigènes aux lymphocytes T qui par la suite se différencient et sont activés (prêts à détruire les cellules tumorales).

Cycle immunitaire antitumoral

Adapté de Chen et Mellman (22).

Chen et Mellman ont résumé en 2013 les grandes lignes de l’immunité anticancéreuse avec le cycle immunitaire antitumoral. Nous retrouvons ainsi après cytolyse des cellules cancéreuses entraînant la libération d’antigènes tumoraux dans l’environnement tumoral, l’implication des CPA, puis des lymphocytes T. Les sites de connexion entre les CPA et les lymphocytes T sont appelés points de contrôle immunitaire qu’ils soient activateurs (points de co-stimulation) ou inhibiteurs (points de co-inhibition) de la réponse immunitaire. Ces lymphocytes T ainsi, activés rejoignent par le biais de la circulation sanguine les cellules cancéreuses et reconnaissent les antigènes tumoraux (préalablement présentés par les CPA) présents à la surface des cellules tumorales. De nouveaux points de contrôle immunitaire entre alors en jeu, cette fois-ci entre les cellules tumorales et les lymphocytes T et permettent, quand cette signalisation fonctionne correctement l’apoptose des cellules cancéreuses, ce qui nous ramène au début du cycle (23). Les différentes étapes de ce cycle peuvent ainsi être exploitées comme cibles thérapeutiques des immunothérapies.

Les moyens d’échappement des cancers au système immunitaire

De l’immunosurveillance à l’immunosubversion

En 1970, Burnet et Thomas ont proposé le concept d’immunosurveillance des cancers en plaçant la destruction des cellules tumorales au coeur des fonctions essentielles du système immunitaire (21). Ce processus sera par la suite interprété en 3 phases dites des « 3E » : élimination, équilibre, échappement (Figure 3).

Adapté de Zitvogel et al. (24).

Pendant la phase d’élimination le système immunitaire peut détecter et éliminer les cellules à peine transformées (lésions précancéreuses), il n’y a pas de signes cliniques. Lors de la phase d’équilibre les cellules tumorales ne sont plus éliminées mais l’oncogenèse est toujours contrôlée. Le dépistage de la maladie est possible mais les symptômes ne sont toujours pas présents. Cette phase de latence peut expliquer les récidives de certains cancers après obtention d’une rémission. Ensuite, l’expansion tumorale devient incontrôlable, le système immunitaire n’est plus efficace et on parle de phase d’échappement ou de résistance (25).
Les cellules cancéreuses ont généralement une faible immunogénicité qui peut être due à leur faculté inefficace de présentation antigénique et/ou à la trop faible expression de molécules co-stimulatrices (19). Ainsi, l’immunosélection est la première cause d’échappement des cancers au système immunitaire. Ce processus se déroule durant la carcinogénèse : les cellules cancéreuses génétiquement instables qui sont capables d’acquérir une résistance à la pression exercée par le système immunitaire sont sélectionnées et prolifèrent (26). Après cette étape, les variants sont choisis (modifications des antigènes tumoraux), la tumeur progresse et l’inefficacité de la réponse immunitaire favorise sa croissance, c’est le phénomène d’immunosubversion (24). En résumé, plus la tumeur évolue, moins elle est sensible à la réponse immunitaire.
Pour résister au système immunitaire, les cellules tumorales trouvent le moyen de le tromper. L’altération de l’antigénicité est un premier moyen qui peut se manifester par la diminution de l’expression des CMH-I par exemple par mutation du gène codant pour la β2-microglobuline (composant du CMH). La diminution de la réponse immune humorale peut aussi être due à la production de cytokines immunosuppressives (IL10) (21).
Au fil des études, l’implication de plusieurs protéines a été mise en évidence dans l’inhibition de l’immunovigilance antitumorale, tout particulièrement CTLA-4 (Cytotoxic T-Lymphocyte-Associated protein-4), PD-1 (Programmed Cell Death-1) et son ligand PD-L1 (Programmed Cell Death-Ligand 1).

La voie PD-1/PD-L1

La voie PD-1/PD-L1 est impliquée au niveau périphérique et au niveau du microenvironnement tumoral (28). Naturellement, elle est cruciale pour la maintenance de l’homéostasie immunitaire en modulant la durée, l’amplitude de la réponse immunitaire et par conséquent l’inflammation qui survient, afin de limiter les dommages des lymphocytes T au niveau des tissus périphériques lors d’infections virales (29).
PD-1 est exprimé à la surface des lymphocytes, son ligand naturel, PD-L1 est une autre protéine transmembranaire qui est quant à elle présente notamment sur les macrophages et les cellules dendritiques à l’état normal, tout comme PD-L2, le second ligand de PD-1.
Les cancers exploitent ce système pour éviter la lyse des cellules tumorales en surexprimant PD-L1 (et/ou PD-L2), qui en se liant aux cellules T activées va ainsi compromettre l’activité immunitaire de ces lymphocytes (30). Cette liaison constitue ainsi un point de contrôle de co-inhibition qui permet aux cellules tumorales de continuer à se développer.

Cancer bronchique non à petites cellules

Le CBNPC représente la forme la plus fréquente des cancers du poumon (85%). Deux sous-types histologiques s’en dégagent : le carcinome épidermoïde et le non épidermoïde (dont les adénocarcinomes, très majoritaires, et les carcinomes indifférenciés à grandes cellules, beaucoup plus rares).

Cancer bronchique à petites cellules

Bien qu’il soit plus rare (15% des cancers du poumon) le pronostic du CBPC est en général bien plus sombre et la tumeur d’origine non opérable. Selon la classification histologique de l’Organisation Mondiale de la Santé réactualisée en 2015, il fait partie des tumeurs neuroendocrines avec les carcinomes à grandes cellules et les tumeurs carcinoïdes (34).

Carcinome urothélial (vessie)

Il y a eu 13 100 nouveaux cas de cancers de la vessie en France en 2018, il touche en particulier les hommes, se place en 7ème position des cancers les plus fréquents, et représente 2% des décès par cancer (35). On peut différencier les tumeurs superficielles ou TVNIM (tumeurs de la vessie n’infiltrant pas le muscle vésical) des TVIM (tumeurs de la vessie infiltrant le muscle vésical), plus profondes et de plus mauvais pronostic (environ 15% des cas). Le carcinome urothélial (ou carcinome à cellules transitionnelles) représente 95% des cancers de la vessie et évolue à partir de l’épithélium urothélial (36). Relativement peu de traitements médicamenteux étaient disponibles pour les formes graves jusqu’à l’arrivée récente du remboursement du pembrolizumab en monothérapie dans cette indication. Le tabagisme est là aussi un facteur de risque fortement associé au développement tumoral.

Carcinome à cellules rénales (rein)

Avec près de 13 000 nouveaux cas estimés en France en 2015, le cancer du rein représente environ 3% de l’ensemble des cancers. La tendance actuelle est à l’augmentation et il touche deux fois plus les hommes que les femmes (37). On parle de Carcinome à Cellules Rénales (CCR) quand la tumeur se développe à partir d’une cellule du parenchyme rénal, il représente la grande majorité (90 à 95%) des cancers du rein (38). Le traitement reposera sur la chirurgie (surtout pour les cancers localisés) et les traitements médicamenteux (immunothérapie et thérapies ciblées essentiellement), voire sur la radiothérapie en cas de métastases. La chimiothérapie n’est que très peu proposée car elle n’a pas d’efficacité franche (39, 40).

Carcinome épidermoïde de la tête et du cou (ORL)

Les cancers de la tête et du cou, ou cancers de la sphère ORL sont localisés dans les voies aérodigestives supérieures (VADS). Il y a environ 14 000 nouveaux cas de cancers des VADS par an en France. Tout comme le cancer du poumon, les hommes sont plus touchés, bien que l’incidence augmente chez la femme. Ils sont la 5ème cause de décès par cancer dans le pays (41). Le type histologique épidermoïde (Carcinome Epidermoïde de la Tête Et du Cou ou CETEC) est le plus fréquemment impliqué (90% des cancers ORL), et est essentiellement représenté par les cancers de la bouche et de la gorge (larynx, pharynx). Les principaux facteurs de risque sont le tabac et l’alcool, une infection à certains types d’HPV (papillomavirus humain), majoritairement au sérotype 16, peut également être associée aux cancers oropharyngés (42).

Lymphome de Hodgkin classique

Il y a eu 1880 nouveaux cas de lymphome de Hodgkin (ou lymphome Hodgkinien) en 2012 en France selon l’INCa, c’est donc une maladie assez rare qui représente 0,5% des cancers. Il fait partie des hémopathies malignes du système lymphatique. Il y a principalement 2 pics d’incidence : chez le jeune adulte et chez les plus de 60 ans. Le lymphome de Hodgkin classique (LHc) correspond à la grande majorité des lymphomes de Hodgkin (90-95%). Le pronostic est généralement plutôt bon avec environ 80% de guérison et une bonne sensibilité aux traitements chimio-radiothérapeutiques (43, 44). Néanmoins, pour les cas réfractaires, l’immunothérapie peut être une option thérapeutique.

La révolution thérapeutique de l’immunothérapie en cancérologie

L’immunothérapie par ICIs (Immune Checkpoint Inhibitors ou inhibiteurs de points de contrôle immunitaire) a été qualifiée de véritable révolution thérapeutique par le laboratoire titulaire de l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) de l’OPDIVO® (nivolumab) et du YERVOY® (ipilimumab) : BMS (51). Cette avancée majeure a été mise en lumière par le prix Nobel de médecine qui a été attribué en 2018 à deux immunologistes, l’américain James P. Alisson et le japonais Tasuku Honjo pour leurs découvertes respectives des points de contrôle immunitaire CTLA-4 et PD-1, et des moyens de les inhiber pour en faire une nouvelle voie majeure, en plus des quatre autres (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie et thérapies ciblées), pour lutter contre les cancers (52, 53). Les recherches ont commencé par les cancers à charge mutationnelle élevée (mélanome, cancer du poumon et de la vessie), ceux-ci étant mieux reconnus par le système immunitaire (20). Ainsi, depuis la découverte des points de contrôle immunitaire et de leurs inhibiteurs il y a plus de 10 ans, leurs indications ne cessent de s’étendre.
L’immunothérapie a ainsi fait progresser la prise en charge de nombreux cancers que les tumeurs soient solides ou hématologiques : CBNPC, carcinome épidermoïde de la tête et du cou, carcinome à cellule rénales, carcinome urothélial, lymphome de Hodgkin et mélanome (54–62). De très bons résultats ont également été relevés dans la prise en charge de certains cancers digestifs (63).
Une association d’ICIs entre eux a par la suite montré son efficacité dans le mélanome avancé ou métastatique, il s’agit de l’association ipilimumab et nivolumab qui, d’après les données d’un essai clinique de phase III est plus efficace que la monothérapie par nivolumab ou ipilimumab (64). L’intérêt d’associer l’atézolizumab ou le pembrolizumab à la chimiothérapie (immunochimiothérapie) a aussi été démontré dans la prise en charge du cancer du poumon (65, 66). Depuis d’autres inhibiteurs de points de contrôle immunitaire ont fait leur apparition. Ces molécules onéreuses sont des biothérapies et plus précisément des anticorps monoclonaux thérapeutiques (synthétisés par un seul clone cellulaire).

Inhibiteurs de points de contrôle immunitaire commercialisés

Anticorps ciblant la voie CTLA-4 : L’ipilimumab

L’ipilimumab (YERVOY®) est actuellement le seul anticorps anti-CTLA-4 commercialisé en France, c’est le cas depuis 2011. C’est un anticorps monoclonal entièrement humain indiqué en monothérapie chez les patients de plus de 12 ans ou bien en association avec le nivolumab chez les adultes dans le traitement du mélanome avancé (non résécable ou métastatique). Cette association peut également être utilisée en première ligne dans le carcinome à cellules rénales avancé de pronostic intermédiaire ou défavorable (67).

Avélumab

L’Avélumab (BAVENCIO®) est quant à lui autorisé en Europe depuis septembre 2017. C’est un anticorps humain et ses indications se limitent au carcinome à cellules de Merkel (cancer de la peau) métastatique de l’adulte (monothérapie) et au CCR (association avec l’axitinib) de stade avancé (76).

Mécanisme d’action

Au lieu de s’attaquer aux cellules cancéreuses en ciblant les cellules qui se multiplient rapidement, comme le font les traitements cytostatiques et antinéoplasiques (communément regroupés sous le terme de chimiothérapie), les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire ont pour objectif d’aider le système immunitaire à combattre le cancer. En ciblant les voies inhibitrices du système immunitaire qui s’imposent entre cellules tumorales ou cellules présentatrices d’antigènes et lymphocytes T, ces anticorps monoclonaux thérapeutiques activent ou réactivent l’immunité cellulaire T antitumorale (63). Ils induisent ainsi la prolifération des lymphocytes T CD4+/CD8+. Les ICIs fonctionnent ainsi en réinstallant la cytotoxicité anticancéreuse naturelle du système immunitaire.

Avant ou au moment de l’initiation de l’immunothérapie

Les patients sous fortes doses de corticoïdes au moment de l’initiation du traitement par immunothérapie sont habituellement exclus des essais cliniques en se basant sur l’hypothèse que les corticoïdes pourraient diminuer l’efficacité des ICIs par effet antagoniste, empêchant ainsi l’obtention de données prospectives à ce sujet.
Arbour et ses collaborateurs (2018) ont montré un impact négatif significatif de la corticothérapie pré-immunothérapie à des doses > à 10 mg d’équivalent prednisone sur l’efficacité des anti-PD-(L)1 (survie globale, survie sans progression, taux de réponse globale) dans le CBNPC (90). Les corticoïdes étaient dans cette étude utilisés pour tout de même 14% des patients dans 3 principales indications : métastases cérébrales, dyspnée ou asthénie. Une différence de l’ordre de 6-7 mois de médiane de survie a été observée entre les groupes de patients sous corticothérapie > 10 mg et les autres selon les cohortes. Cette différence étant moins marquée pour les patients ayant été sous corticothérapie > 10 mg entre 1 et 30 jours avant l’initiation du traitement par immunothérapie, cela suggère qu’il peut être utile d’arrêter la corticothérapie au long cours avant de débuter l’immunothérapie si applicable. De plus cette perte d’efficacité est proportionnelle à la dose des corticoïdes. Si une corticothérapie est indispensable avant de débuter l’immunothérapie la dose minimale efficace est donc recommandée.
L’impact potentiel de l’utilisation préalable de corticoïdes sur l’efficacité des ICIs reste cependant discuté. En effet, une récente étude rétrospective s’est intéressée aux indications des corticoïdes prescrits au moment de l’initiation de l’immunothérapie en créant des sous-groupes dans son analyse. Ainsi, même si elle montre à nouveau l’effet délétère de la corticothérapie de manière globale sur l’efficacité de l’immunothérapie, il s’avère après analyse des sous-groupes que cette conclusion n’est retrouvée que pour l’indication palliative de la corticothérapie et pas quand celle-ci est prescrite pour d’autres indications sans lien avec le cancer, suggérant que ces résultats négatifs sont plutôt dus au pronostic plus sombre des patients au début des cures d’immunothérapie (91).

Au début du traitement par immunothérapie

Un autre article de 2018 s’est intéressé aux 30 premiers jours après l’initiation du nivolumab, là aussi dans le CBNPC. Nous retrouvons également une différence d’environ 7 mois au niveau de la médiane de survie entre les patients sous corticoïdes > 10 mg (4,3 mois) dans les 30 premiers jours d’immunothérapie et les patients sans corticoïdes (11 mois) pendant cette période (92). Il semble donc préférable, lorsque cela est possible, d’éviter les corticoïdes aussi au début de l’immunothérapie. Cependant ce groupe de patients sous corticoïdes avait également un nombre médian de cures de nivolumab plus faible (2 contre 6) et plus de comorbidités ou des cancers plus avancés (d’où l’utilisation de corticoïdes). A noter que seulement 15% des patients traités par corticostéroïdes l’ont été pour la prise en charge d’effets indésirables liés à l’immunothérapie (irAEs).
En 2019, Luca et al. ont obtenu des résultats allant dans le même sens, et ont en plus souligné le fait que l’utilisation de corticoïdes en début d’immunothérapie était associée à une modification de la numération des globules blancs ce qui peut ainsi contribuer à une moins bonne réponse immunitaire antitumorale (93).

Inhibiteurs de la pompe à protons

Moins de données sont disponibles concernant les autres co-médications qui sont aussi source potentielle d’interactions médicamenteuses avec les ICIs. De récentes études suggèrent que le microbiote intestinal pourrait avoir une influence sur l’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (95). Ainsi les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et les antibiotiques, puisqu’ils déséquilibrent la flore intestinale et créent une dysbiose en exerçant leur action, pourraient faire que l’immunothérapie soit moins efficiente (96).
A l’état normal, l’acidité gastrique protège et rend l’estomac quasiment stérile. C’est en augmentant le pH gastrique par le biais du blocage de la pompe H+/K+ ATPase que les IPP vont permettre la prolifération bactérienne gastrique et ainsi modifier la composition du microbiote intestinal, ce qui augmente par ailleurs le risque de diarrhées et d’infections intestinales notamment à Clostridium difficile (97).
Encore trop peu d’études se sont intéressées à l’impact de la prise concomitante d’IPP sur l’efficacité de l’immunothérapie, et leurs résultats ne sont pas toujours en accord, par exemple, quand une analyse groupée de 2 essais cliniques (phase III de l’essai OAK et phase II de l’essai POPLAR) suggère que les IPP utilisés dans un intervalle de 30 jours avant ou après le début de l’atézolizumab réduisent son efficacité, une étude chinoise sur plusieurs anti-PD-(L)1 ne retrouve pas de différence significative à ce niveau (98, 99). Cette influence potentielle reste donc à prouver.

Toxicité dermatologique

Selon Sibaud et al., plus d’un tiers des patients sous immunothérapie développent des réactions dermatologiques associées (124). La toxicité cutanéo-muqueuse est la plus fréquente mais n’est la plupart du temps bien heureusement pas assez sévère pour susciter l’interruption du traitement. Ces affections peuvent pourtant prendre de nombreuses formes bien souvent à composante auto-immune pouvant aller jusqu’à la nécrose : prurit, rash, psoriasis, exanthème maculo-papuleux, vitiligo, pemphigoïde, lésions acnéiformes ou lichénoïdes, ainsi que des réactions plus graves de type Stevens-Johnson ou de « DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms) syndrom ».

Toxicité digestive

Les complications du tractus gastro-intestinal sont elles aussi très fréquentes bien que plus rares avec les anti-PD-(L)1 qu’avec les anti-CTLA-4 (125). Au niveau digestif, il est bien souvent difficile de différencier la toxicité des anti-PD-(L)1 de l’atteinte liée à la tumeur qui peut par exemple être une carcinose péritonéale ou des métastases intestinales (126). La majorité de ces affections se limite à de simples diarrhées mais dans certains cas, essentiellement avec les anticorps anti-CTLA-4, de véritables colites inflammatoires peuvent apparaître en quelques semaines ou mois et ainsi mettre en jeu le pronostic vital des patients.

Toxicité endocrinienne

Les effets indésirables endocriniens des immunothérapies sont représentés essentiellement par des dysthyroïdies pour les anticorps anti-PD-(L)1 avec une fréquence un peu plus élevée d’hypothyroïdies (commençant souvent par des hyperthyroïdies transitoires) que d’hyperthyroïdies (127). Des hypophysites auto-immunes sont également possibles, bien qu’assez inhabituelles avec les anti-PD-1, elles le sont beaucoup moins avec les anti-CTLA-4 puisque selon Faje et al. (2019) la prévalence des hypophysites est de 0,5% avec le nivolumab et le pembrolizumab contre 13,6% avec l’ipilimumab (128). Très rarement, les patients sous ICIs peuvent également développer une insuffisance surrénalienne primitive ou un diabète (129).

Toxicité pulmonaire

Selon une étude rétrospective publiée en 2017, sur 915 patients qui ont reçu des anti-PD-(L)1 43 ont été atteints de pneumopathie soit 5% (130). Ces complications s’améliorent généralement avec l’utilisation de corticostéroïdes mais des pneumopathies graves et résistantes sont possibles, peuvent évoluer vers des infections et mettre en jeu le pronostic vital. Le diagnostic est difficile étant donné la non spécificité des aspects radiologiques des pneumopathies liées à l’immunothérapie, la présence éventuelle de métastases pulmonaires (ou d’une tumeur primaire) et les symptômes (toux, dyspnée) pas toujours présents et pouvant aussi être ceux d’une atteinte infectieuse sans lien avec l’immunothérapie.

Atteintes rhumatologiques

Dans le cadre d’un traitement par ICIs des complications rhumatologiques peuvent survenir avec une fréquence d’environ 6 à 7% (63). La toxicité peut aussi bien concerner les articulations (arthralgies souvent à composante auto-immune, polyarthrite, rhumatisme psoriasique, lupus induit) ou les muscles (myalgies avec possible rhabdomyolyse, myosites, myasthénies). Les arthrites sont polymorphes et la ponction articulaire permettra d’écarter les diagnostics différentiels (liquide synovial inflammatoire). Le risque de survenue d’effets indésirables de ce type pourrait être plus élevé en cas d’antécédents de maladies auto-immunes rhumatismales d’où l’intérêt de réaliser un bilan immunologique avant de débuter le traitement par immunothérapie.

Toxicité hépatique

Les troubles hépatiques liés à l’utilisation d’ICIs se manifestent principalement par la hausse des enzymes hépatiques, surtout des transaminases (ASAT et ALAT) et des phosphatases alcalines (PAL). Selon une étude française de 2018 réalisée sur des patients atteints de cancers métastatiques, les hépatites aigües de grade > 3 liées aux immunothérapies sont peu fréquentes (retrouvées chez 3,5% des patients) et très souvent non sévères (131). Des atteintes pancréatiques ont également été décrites mais restent plus rares surtout avec les anti-PD-(L)1 (132).

Toxicité rénale

Se manifestant par la hausse de la créatininémie traduisant une Insuffisance Rénale Aigüe (IRA), la toxicité rénale des immunothérapies est, selon une étude récente réalisée à l’Hôpital Lyon Sud, d’origine immunoallergique puisque des néphrites interstitielles aigües de ce type ont été identifiées sur les biopsies rénales de 5 patients ayant présenté une IRA au cours de leur traitement par anti-PD-1 (133). La prise concomitante de certains médicaments, comme les Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP) ou les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS), doit être connue car ils sont des facteurs favorisant les néphrites tubulo-intersticielles aigües qui peuvent être exacerbées par la réactivation de la réponse immune des lymphocytes T induite par les ICIs (134). La fréquence des complications rénales est estimée entre 0,6 et 3% selon les études et les résultats des essais cliniques de phase II et III (135).

Toxicité neurologique

Des atteintes neurologiques assez diverses peuvent survenir sous ICIs chez 1 à 10% des patients selon les études (136). Elle va de la simple céphalée à des complications plus graves comme par exemple des neuropathies périphériques (incluant le syndrome de Guillain-Barré), des méningites ou des encéphalites aseptiques. A noter que d’après l’analyse de Sato et al. sur une base de données de pharmacovigilance japonaise, le nombre de méningites et de myélites/encéphalites était significativement plus élevé avec les anti-PD-L1 qu’avec le nivolumab (anti-PD-1).

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Table des matières

PREMIÈRE PARTIE : L’IMMUNOTHÉRAPIE EN ONCOLOGIE
I. Le cancer
Etymologie et définitions
Epidémiologie
Facteurs de risque
Diagnostic
Prévention
Traitements
La réponse immunitaire antitumorale
Principe
Rôle de l’immunité innée
Rôle de l’immunité adaptative
Cycle immunitaire antitumoral
Les moyens d’échappement des cancers au système immunitaire
De l’immunosurveillance à l’immunosubversion
La voie CTLA-4
La voie PD-1/PD-L1
Cancers impliqués dans notre étude sur les anti-PD-(L)1
Cancer du poumon
a) Généralités
b) Cancer bronchique non à petites cellules
c) Cancer bronchique à petites cellules
Carcinome à cellules rénales (rein)
Carcinome épidermoïde de la tête et du cou (ORL)
Lymphome de Hodgkin classique
II. L’immunothérapie
Principe
Historique
Immunothérapie non spécifique
Immunothérapie spécifique
La révolution thérapeutique de l’immunothérapie en cancérologie
Inhibiteurs de points de contrôle immunitaire commercialisés
Anticorps ciblant la voie CTLA-4 : L’ipilimumab
Anticorps ciblant la voie PD-1/PD-L1
a) Les anti-PD-1
i. Nivolumab
ii. Pembrolizumab
iii. Cemiplimab
b) Les anti-PD-L1
i. Atézolizumab
ii. Durvalumab
iii. Avélumab
Pharmacocinétique
Efficacité
Corrélation avec la mauvaise tolérance
Impact des co-médications
a) Corticothérapie
i. Avant ou au moment de l’initiation de l’immunothérapie
ii. Au début du traitement par immunothérapie
iii. Pendant le traitement par immunothérapie
b) Inhibiteurs de la pompe à protons
c) Antibiotiques
d) Vaccins
Effets indésirables
Généralités
Délai d’apparition
Sévérité
Localisations
a) Toxicité dermatologique
b) Toxicité digestive
c) Toxicité endocrinienne
d) Toxicité pulmonaire
e) Atteintes rhumatologiques
f) Toxicité hépatique
g) Toxicité rénale
h) Toxicité neurologique
i) Toxicité cardiologique
j) Toxicité hématologique
k) Toxicité ophtalmologique
Populations à risque
a) Patients atteints de maladies auto-immunes
b) Patients greffés
a) Une coalition pluridisciplinaire
b) Corticothérapie
c) Recommandations internationales pour la gestion des irAEs
d) Utilisation d’autres immunosuppresseurs
e) Ressources françaises pour la gestion des irAEs
Autres complications
L’immunothérapie à l’Hôpital Européen (Marseille)
Inhibiteurs de points de contrôle immunitaire utilisés
Consultation interniste pré-immunothérapie
Conciliation médicamenteuse
Préparation et administration
Suivi des patients
a) Suivi biologique
b) Suivi clinique et imagerie médicale
DEUXIÈME PARTIE : ARTICLE
TROISIÈME PARTIE : DISCUSSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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