Les moyens de protection hygiénique à travers l’histoire

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Le cycle lunaire

Au Paléolithique, les hommes vénéraient les menstruations au même titre que certaines manifestations surnaturelles du corps. Ils les considéraient comme divines. Le fait que les femmes1 puissent saigner sans en mourir, qu’il s’agisse d’un phénomène cyclique et que celui-ci soit en phase avec des forces cosmiques (marée, lune) sont autant d’éléments qui contribuaient à accorder aux menstruations un statut mystérieux et magique (4).
L’existence d’un lien entre le cycle menstruel et le cycle lunaire a longtemps été envisagée. Ces deux cycles durant 28 jours, il était supposé que celui de la femme était calqué sur celui de la lune. Comme l’eau est soumise à la lune, la femme serait, elle aussi, à la fois humide et lunaire (8). Dans son ouvrage Jacques Gélis2, nomme la lune « belle-mère des mois » (9). Au XVIIe siècle, les médecins français continuent de mettre en parallèle femme et lune. Le Dr Mauriceau, pensait, par exemple, que, comme la lune possédait « une grande domination sur tous les corps humides, [elle] devait en exercer une sur le corps de la femme, que l’on dit, en risée, être lunatique à cause de cela »(10).
De cette analogie cycle lunaire – cycle menstruel naissent également des croyances autour de la lune rousse, débutant fin avril, après Pâques. La rousseur de l’astre renverrait ainsi à la rougeur du sang. Pendant cette période, la lune aurait un équivalent des règles. Le sang menstruel lunaire est, d’ailleurs symbolisé par la rosée matinale printanière. Pendant toute sa durée, la lune rousse ramènerait le froid de l’hiver et empêcherait le développement saisonnier de la flore. Cette lune est alors considérée comme la plus dangereuse de l’année car elle est symbole de stérilité, d’infertilité (11).
De nos jours, selon une croyance populaire, il existerait un pic d’accouchements les jours de pleine lune. Des études scientifiques se sont intéressées à ce phénomène déclarant qu’il n’existe aucun lien entre le cycle lunaire et le cycle menstruel (8).

La théorie des humeurs

A l’Antiquité, selon la théorie des humeurs, on pouvait distinguer quatre tempéraments : le sang, la bile jaune, la bile noire et la pituite (lymphe). Ces éléments étaient susceptibles de varier selon les sexes, les humeurs, les saisons (12).
Selon cette idée :
• Le tempérament sanguin est lié au sang. Il correspond à la chaleur, à l’humidité, aux corps puissants, aux esprits bienveillants et mesurés.
• Le tempérament bilieux dépend de la bile jaune. Il correspond à la chaleur, à la sécheresse, au feu, aux corps musclés, vifs, aux teints jaunes, aux caractères irascibles et vaillants.
• Le tempérament atrabilaire est lié à la bile noire, à la terre, au froid, à la sécheresse. Il génère des corps anguleux, souffrants, des visages terreux, des natures mélancoliques et graves.
• Le tempérament flegmatique dépend de la lymphe, il est associé à l’eau, au froid, et à l’humidité. Il donne des chairs molles et maladives, des teints blêmes et des caractères lâches et négligents. Ces différents tempéraments distinguaient les hommes des femmes, bien que nul ne soit à l’abri d’une virilisation ou d’un efféminement. Le corps féminin associé au tempérament flegmatique est décrit comme humide et froid. Il correspondrait à une surabondance de fluides dont résultent les écoulements menstruels de sang. La froideur des femmes empêcherait le bon équilibre des humeurs et génèrerait donc un excès sanguin. Celui-ci serait d’ailleurs à l’origine de diverses pathologies et induirait une prédisposition maladive du corps féminin (12).
Ces représentations corporels instaurent une hiérarchisation sexuée des corps et contribuent grandement à une dévalorisation du féminin. L’image de la femme faible, malade et rebelle se résumant à un trop plein d’humeurs, s’oppose à celle de l’homme chaud, fort, chaleureux et vaillant. Cette différenciation sexuée est emprunte d’enjeux sociaux puisque les hommes, décrits comme forts et intelligents bénéficient de privilèges. Leurs corps condamnaient les femmes à l’infériorité, les enfermant dans une enveloppe dite souffrantes et malades (12).
Le sang menstruel semble jouer un rôle essentiel dans cette représentation. En effet, la perte involontaire et non contrôlée de fluide emprisonne les femmes dans une image passive. Il convient de souligner que les femmes n’ayant plus leurs règles (perdant ainsi leur pouvoir d’enfanter et de sexualité), gagnent certaines caractéristiques physiques et morales des hommes. Il en va de même pour les femmes paysannes, habituées à des travaux physiques importants, qui acquièrent alors un tempérament masculin chaleureux. Selon cette logique, les hommes choyés, protégés de tout danger et vivant dans le luxe, possèdent un tempérament flegmatique et deviennent donc faibles, froids et malades. Si le sang menstruel renvoie à la féminité, c’est le sperme, représenté par l’eau qui constitue le reflet de la masculinité (8).
La faiblesse féminine et les attributs dégradants attribués aux femmes seraient ainsi à l’origine de saignements mensuels. Ces caractères féminins pourraient également faire saigner les hommes se comportant aussi « faiblement » que les femmes. Des saignements (issus d’hémorroïdes) sont ainsi décrits chez les hommes adoptant un tempérament flegmatique.
Au travers de leur écrit commun, Nahema Hanafi3 et Caroline Polle4 mettent en évidence la place centrale qu’occupent les règles, synonyme de poison, dans cette sacralisation de la maladie féminine (12).

Apparition des religions patriarcales

A partir du Moyen-Âge, l’essor des religions patriarcales (christianisme, judaïsme, islam) rend inconcevable l’idée selon laquelle les femmes possèdent, grâce à leurs menstruations, des pouvoirs incontrôlables. Cette image est d’autant plus inenvisageable que les hommes n’ont pas accès à ces dons. Selon Liv Stormquist5, le caractère « sacré » des menstruations s’est ainsi trouvé relégué dans la catégorie « antithèse du sacré » (6,13). Les origines du tabou restent floues mais il semblerait que l’essor des religions monothéistes ait appuyé la notion déjà établie d’impureté des règles.
Dans le Lévitique XV 19.33 (3ème des cinq premiers livres de la Bible), livre commun au judaïsme et au catholicisme, les règles sont, en effet, décrites comme impures. A chaque verset, la notion d’impureté est retrouvée et celle-ci est qualifiée de contagieuse. Ainsi, si un tiers est en contact avec le sang menstruel aussi défini comme « la souillure des règles », il restera impur jusqu’au soir (14). Cette contamination touche aussi bien le mobilier et le linge que la faune et la flore. Afin de conjurer le sort, il est alors nécessaire de s’adonner à des rites purificateurs. La pureté est ainsi retrouvée pour le cycle à venir. Malgré « la souillures », les lieux de culte sont ouverts aux femmes menstruées. Elles sont d’ailleurs vivement encouragées à prier pour se purifier (14) (Annexe 1) De plus, on retrouve dans l’ancien testament l’idée que les écoulements corporels sont semblables à la perte d’une partie de l’être. La perte sanguine est d’autant plus inquiétante qu’elle symbolise l’âme (12). Comme l’évoque le Deutéronome XII 23 « Seulement, garde-toi de manger le sang, car le sang, c’est l’âme; et tu ne mangeras pas l’âme avec la chair. » (15).
Dans l’Islam, le Coran n’évoque les règles que dans un seul verset : Allah s’adresse à ses prophètes en parlant des croyants « Ils t’interrogent sur les menstrues. Dis « c’est une impureté. Isolez les femmes en cours de menstruation. N’approchez d’elles qu’une fois purifiées » » (16).
En pratique, les musulmans, interdisent, la prière aux femmes. Elles ont néanmoins la possibilité d’écouter le prêche au sein de la mosquée. Lors du Ramadan, les femmes ayant leurs règles doivent cesser le jeûne et le reprendre une fois les menstrues terminées. Elles devront cependant s’acquitter des jours d’arrêt du jeûne avant le Ramadan suivant (17,18).
Des principes similaires sont retrouvés dans d’autres religions moins pratiquées en France.

Les premières explications médicales

Hippocrate, père de la médecine (460 -370 avant JC) considérait que la conception était faite à partir de semence masculine et que le sang menstruel servait à nourrir le fœtus pendant la grossesse. Aristote, lui pensait que les menstruations étaient la preuve de l’infériorité féminine. Selon ce dernier le rôle de la femme dans la reproduction n’était que passif : elle faisait office d’hôte (19) « C’est le mâle qui apporte la forme et le principe de mouvement ; la femme apporte le corps et la matière […] Si donc le mâle peut être regardé comme le moteur et l’agent, et que la femelle soit en quelque sorte passive en tant que femelle, il s’ensuit que dans la semence du mâle, la femelle apporte, non pas de la semence, mais de la matière. ». De plus il considère les règles comme « […] Les menstrues sont un sperme qui n’est pas tout à fait pur et qui a encore besoin d’élaboration ». (Annexe 2)
Pour Galien en l’an 160, les pertes menstruelles correspondaient à une régulation périodique du sang (20).
Cependant en 1672, Reinier de Graaf6 découvre des follicules ovariens et est à l’origine de la théorie oviste, évoquant le principe d’un ferment sécrété par l’ovaire à l’origine des menstruations.
Au XIXème siècle, les médecins sont persuadés que l’odeur des règles possède un rôle important dans la séduction. La femme traduirait une vitalité de la nature, et lancerait, de ce fait, un appel à la fécondation en exhalant ses effluves charmeurs (6).
En 1833, Martin-Solon7 dans son dictionnaire de médecine pratique, recommande de substituer et de hâter l’apparition des règles par la pose de sangsues à la vulve et à l’anus (21).
En 1920, à Vienne, le docteur Béla Schick8 élabore la théorie des « ménotoxines », qui vient donner une explication médicale au prétendu pouvoir néfaste des femmes menstruées. Les « ménotoxines » seraient des substances nocives responsables de pourrissement éliminé par la peau des menstruantes. (20)
La découverte majeure fut celle du gynécologue japonais Kyusaku Ogino en 1924, qui met en évidence la loi d’Ogino, précisant la date d’ovulation entre le 12ème et le 16ème jour du cycle. En 1928, le docteur Hermann Knaus9 confirme et précise la découverte d’Ogino, mettant au point la méthode Ogino-Knaus, dite également rythmique ou cyclique, qui consiste à prévoir à chaque fois, grâce à un calcul statistique des cycles menstruels précédents, la période de l’ovulation, c’est-à-dire la période pendant laquelle la fécondation est possible (22).
En 1961, le docteur André Pecker10 explique les règles par un phénomène hormonal. Cette congrégation établit alors que la lune possède un effet sur le déclenchement hypophysaire (10). Bien avant que chercheurs et médecins n’établissent de lien entre le phénomène d’ovulation et les règles (en 1920), les hommes cherchaient déjà à comprendre et à contrôler les règles. En Inde, par exemple, les onguents étaient proposés pour réduire le flux menstruel. Aujourd’hui encore, des moyens hormonaux existent pour permettre d’empêcher les règles, ou au contraire, de les déclencher (8).

Les moyens de protection hygiénique à travers l’histoire.

Pendant l’Antiquité, les Egyptiennes fabriquaient des tampons avec du papyrus ramolli, elles utilisaient aussi des billes de cuivre comme moyen de contraception.
En Grèce, Hippocrate nous apprend qu’au Vème siècle avant notre ère, que les femmes confectionnaient des tampons pour absorber leur flux avec des morceaux de bois entourés de fibres. Enfin, à Rome on utilisait de la laine, au Japon du papier, en Indonésie des fibres végétales ou encore en Afrique Équatoriale, des rouleaux de gazon (11).
Au Moyen-Âge, l’essor des religions monothéistes a entrainé un contrôle du corps des femmes. L’insertion de moyen de protection étant donc prohibée pour maintenir la virginité des filles, et le rapport au corps était très contrôlé, l’insertion vaginale d’objet était considérée comme un péché. Les sous-vêtements n’existaient pas encore. Les femmes portaient donc des jupes longues, et laissaient le sang couler librement (23).
Au 19ème siècle, on inventa la machine à tisser le coton, petit à petit l’utilisation de linges de ce dernier se répand. Enfin, les premiers sous-vêtements commencent à faire leur apparition, les tenues sont larges et longues et porter des sous-vêtements étroits permet de préserver les vêtements de la transpiration mais aussi de n’importe quelles sécrétions. Le problème reste l’hygiène : selon la théorie des humeurs, il était effectivement conseillé de ne pas se laver, car l’eau pouvait arrêter les règles.
Avec Pasteur et l’hygiénisme, les habitudes changent les douches régulières sont conseillées pour éviter les infections. En 1896, la première serviette hygiénique est commercialisée aux États-Unis, par Johnson & Johnson, toutefois sans se populariser.
En 1920, la société Kimberly-Clark invente une ceinture avec épingle et une bande de tissus servant d’absorbant. Dans l’intime, plusieurs femmes utilisaient déjà des tissus, mais l’invention de la ceinture est un pas en avant (24).
En 1929, suite à l’idée d’une de ses patientes de se glisser un morceau d’éponge et des bouchons vaginaux chirurgicaux faits de coton, le docteur Earle Cleveland Haas11, invente le tampon à base de coton comprimé et crée la marque Tampax®.
Le premier tampon avec applicateur est vendu en 1936, le tube faisait 5 cm de large pour 15 cm de long avec un applicateur et une cordelette pour le retirer. Il a fallu beaucoup de temps pour que le produit devienne banal sur le marché (24).
En 1956, Mary Beatrice Davidson Kenner invente la serviette hygiénique. En 1963, les premières serviettes hygiéniques jetables font leur apparition dans les grandes surfaces et sont une véritable libération pour les femmes de l’époque. Cela marque la fin des heures de nettoyage du linge. (3)

Représentations et tabou autour des règles

Le sang impur et l’exclusion féminine

Dans l’Histoire, les règles ont une mauvaise image tant elles sont considérées comme un déchet, une souillure, voire un poison. Elles imposent aux femmes l’isolement et un certain nombre de rites et pratiques purificatrices. Françoise Hériter12 et Alain Testart13 pensent que les règles ont été utilisées comme prétexte pour évincer les femmes de certains postes de pouvoir et tâches qui incomberaient à un être dit « fort », comme la chasse (20). Les femmes ont ainsi dû subir le fardeau de leur sang pendant des siècles. Ces notions d’impureté et d’isolement se manifestent différemment au sein des cultures mais sont retrouvées tout autour du monde, leur conférant ainsi un caractère presque universel.
D’après le Lévitique XV 19.33 (3ème des 5 premiers livres de la Bible), les femmes doivent être isolées puisque le sang menstruel contaminerait à la fois les hommes mais également les lieux, les objets et le linge par son impureté. Cette exclusion se manifeste par la mise en place d’une période de « quarantaine » (14). (Annexe 1)
Pour Pline L’ancien, le sang menstruel était sale mais aussi toxique. Selon lui, par son action les liqueurs tournent, les fleurs perdent leur fécondité, les graines dessèchent, les fruits des arbres tombent, les lames, les miroirs et l’ivoire se ternissent, les essaims d’abeilles meurent, le cuivre et le fer rouillent, le lin noircit et le cuivre délivre une odeur fétide. En ce qui concerne les animaux, les chiens léchant le sang menstruel deviendraient fous et mourraient tandis que des insectes comme les fourmis rejetteraient le grain infecté (25,26). (Annexe 3)
Le Pape Innocent VIII participe d’ailleurs au débat sur l’impact négatif des menstrues. Il publie en 1488, une bulle déclamant que « les maudites règles ont tué la terre, le raisin, en résumé tout », mais aussi qu’elles affligent des « maladies qui tuent la progéniture du bétail, qui empêchent les hommes d’exécuter l’acte sexuel et les femmes de concevoir » (6).
Il était dit en France « La femme estant dans ses mois se pourmenant par les planches de pompons, courges et concombres, les fait seicher et mourir ; le fruit qui en réchappe sera amer » (27). Au XVIème siècle, le poète Eustache Deschamps14 rapportait que la végétation avait tendance à s’embraser au passage de la femme menstruée : « l’erbe en muert, c’est chose clere » (9).
En effet, Mary Douglas explique que la saleté est une création sociale, une création de l’Ordre. Tout ce qui n’est pas identifiable, classable ou différent est considéré comme polluant. La pollution et la saleté existent car le propre existe, l’un n’existe pas sans l’autre. Ainsi, le sale permet de définir des structures sociales en mettant en opposition les éléments et en les organisant dans des cases. De nos jours cette abolition du sale et de la pollution est encore présente. On la retrouve notamment au travers de nos rites d’hygiène (13).
Il est retrouvé dans le monde de nombreuses croyances et pratiques concernant les règles. En Perse, les femmes menstruées avaient pour consigne de rester éloignées de 3 à 15 pas des autres personnes, du feu et des objets de cultes. Les rapports pendant les règles étaient alors punis de 20 à 200 coups de fouets pour les femmes contre 200 pour les hommes. Une interdiction de monter sur les éléphants et de s’approcher des enfants s’appliquait également à ces femmes.
Dans l’Egypte ancienne et chez les Hébreux, les femmes devaient, à la fin des menstruations, se plonger dans des bains purificateurs. En Chine, le sang ne devait pas toucher la terre au risque d’offenser l’Esprit de la Terre. Elles n’avaient le droit à aucun contact avec le sol et devaient alors se recroqueviller sur des poutres. En Colombie, les jeunes filles étaient couvertes d’un chapeau de cuir les empêchant de voir les rayons du soleil. Au Congo, elles peignaient leurs corps couleur vermeille. Au Sénégal, elles portaient un mouchoir rouge. Au Queensland en Australie, elles s’ornaient de coquillages vides. En Grèce, les femmes ne devaient en aucun cas avoir de contact avec l’eau. En Ouganda, elles avaient interdiction de toucher aux armes. En Afrique australe, les femmes ne pouvaient pas emprunter le même chemin que le bétail (8).
Au XXème siècle, de la Nouvelle-Guinée au Japon ; de la Mongolie à la Corée ; chez les Falachas mais aussi chez les tziganes, il existait un édifice : une hutte, une cabane, une tente, un lieu isolé où les menstruantes et les accouchées devaient se retirer (28).
Avant 2017, il existait en Inde l’exil menstruel où les femmes menstruées étaient obligées de dormir dehors, et certaines en décédaient (28).
Cependant, les menstrues considérées comme source de magie noire, sont aussi reconnues pour certains de leurs bienfaits.

Les bienfaits du sang menstruel.

Au-delà de sa toxicité, le sang menstruel est reconnu pour ses propriétés médicinales. Il est notamment utilisé en Grèce pour traiter la rage ou bien encore en tant que médicament abortif. Dans la mythologie grecque, Juno, la déesse grecque des menstruations, protégeait contre les avortements précoces (6). Pline l’Ancien et Paracelse décrivaient les règles comme le pire poison, un poison responsable de toutes les catastrophes du monde (tempêtes, maladies etc..) mais reconnaissaient des propriétés médicinales dans le traitement de furoncles, abcès et tumeurs. L’Homme a donc su tirer avantage de cette impureté, puisque la femme pouvait servir d’insecticide et de répulsif. Il était fréquent de voir des femmes menstruées courir dans les champs afin de faire fuir les insectes nuisibles. Pline l’Ancien rapporte notamment l’histoire d’une femme nue ayant parcouru un champ de céréales causant la mort de chenilles, vers, scarabées et autres insectes nuisibles (8).
Avant l’ère industrielle, en Suède, on pensait qu’il était possible de fabriquer un philtre d’amour avec quelques gouttes de sang menstruel. Au XXème siècle, dans la province d’Angermanland, un récit raconte l’histoire d’un vieux guérisseur soignant les maux grâce à du sang menstruel. Les jeunes filles faisaient également don de leur sang menstruel aux personnes le désirant (6).
Les menstruations sont donc frappées d’ambivalence, à la fois source de magie et poison pouvant conduire hommes et animaux à la folie.

Croyances : héritage de vieilles théories.

Chaque génération reproduit les mêmes erreurs, et se transmet les mêmes théories et mythes. On retrouve donc de nombreuses croyances et superstitions à propos des règles héritées des théories anciennes.
Yvonne Verdier15 relate de nombreuses interdictions alimentaires, on pensait que le sang menstruel des femmes pouvait rendre toute transformation, maturation ou fermentation impossible. Les femmes menstruées étaient donc interdites d’accès au saloir au XIXème siècle (pourrissement de la viande), aux caves (vin aigre), aux raffineries de sucre au début du XXème siècle au nord de la France. Elles étaient incapables de monter des blancs en neige ou de faire une mayonnaise, selon cette même théorie. Les femmes avaient donc soi-disant besoin de la transformation par la flamme afin d’assécher leur caractère humide. (12)
Les superstitions autour de la force destructrice des règles ont perduré jusqu’à des temps relativement modernes. Dans les années 1920 en Suède, une croyance populaire déconseillait aux femmes de faire une permanente chez le coiffeur pendant leurs règles car elle ne tiendrait pas. Au XIXe, aucune femme n’était embauchée dans l’industrie de l’opium à Saigon puisque la présence d’une femme en période de menstruations aboutirait au gâchis du produit (8).
En France, au XVIème siècle, l’agriculteur beaujolais, n’hésite pas à recycler ces « vertus » cataméniales, ainsi que d’autres déchets corporels (ongles, sécrétions corporelles), afin de protéger ses terres des ravages provoqués par les insectes (8).
Au début du XXème siècle, en Limousin, les femmes menstruées ne pouvaient approcher des ruches car on pensait qu’elles pouvaient tuer l’essaim d’un seul regard. (29). On pensait aussi que les enfants roux, étaient issus d’un rapport sexuel pendant les règles (30).
Sophie Vavasseur16 lors de son mémoire de fin d’études en 1996, s’est intéressée aux croyances et superstitions autour des règles. Elle a constaté que plusieurs idées revenaient notamment celles tout droit héritées de la théorie des humeurs comme ne pas se laver les cheveux, ne pas se doucher, faire attention à l’eau froide, pas de baignade, pas de glace, ne pas manger d’orange ou autres aliments acides. Elle a aussi constaté beaucoup de croyances autour de la transformation et de la fermentation des produits, en effet, les menstrues étaient considérées comme un échec de fécondation, on considérait que toutes les transformations vaines, de plus la théorie des « ménotoxines »17 appuyait ces idées (22). De cette théorie d’échec, découlent des croyances qu’une majorité de personnes ont déjà entendu comme rater une mayonnaise, ne pas pouvoir monter des blancs en neige, ou bien l’interdiction des caves. En troisième catégorie, les interdictions touchaient au sexe, une interdiction de rapports sexuels mais aussi un évitement des garçons, soit par volonté de préservation de la virginité soit par héritage d’un péché ou d’une image de contamination des menstrues. Même si ces croyances ont été reconnues obsolètes par les femmes interrogées, 8 femmes sur 49 continuaient de les respecter par superstition.
Il existe encore aujourd’hui des vieilles croyances et rumeurs qui défient le temps et la logique. Elles passent de génération en génération, et de femme en femme et deviennent des croyances bien ancrées reflet d’un tabou toujours présent. Elles ont pour héritage, une époque dénigrant les femmes et leurs menstruations, même si elles ne sont plus forcément respectées, elle restent tout du moins dans la conscience collective (2).

Le tabou autour des règles

L’image des règles maléfiques et les mesures mises en place pour contrôler, exclure et purifier les règles ont entrainé un tabou. En effet, elles appartiennent à la sphère privée, les femmes ont honte de leurs règles, elles se considèrent et sont considérées comme souillées. L’héritage des croyances anciennes pèse sur les règles et ses représentations. Il n’y a pas de discussion autour des menstrues, pas de sang apparent et il existe un culte du secret.
Le tabou menstruel est présent partout dans le monde. Dans toutes les cultures, les mêmes interdictions et les mêmes rites sont retrouvés (3). Aujourd’hui encore, les femmes se demandent discrètement des protections hygiéniques et les cachent pour se rendre aux toilettes. Loin d’être anodine cette gêne révèle que le sang des règles est toujours honteux, impur et marque d’infériorité. Le montrer ou le dire est dès lors inconvenant, et dès leur puberté, les jeunes filles sous le poids des interdits sociaux, apprennent à nommer métaphoriquement leurs menstrues. Plus de 273 456 786 périphrases, codes, ruses et euphémismes concernant les règles existent dans le monde, et tous les ans de nouveaux sont inventés. En France, on retrouve « être indisposée » qui est une des ruses les plus répandues, mais aussi « avoir ses lunes », « les anglais ont débarqué » et bien d’autres encore (2,3,23). (Annexe 4)
On ne nomme pas les règles comme si le terme était maudit. La seule réaction autorisée pendant les règles, reste le silence. Peu importe la culture, il faut que les règles soient tues, qu’elles soient aussi discrètes que possible et qu’elles ne dérangent personne.
Il est donc établi qu’il existe toujours aujourd’hui dans le monde un vrai tabou autour des règles (7).

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Table des matières

Introduction
1. Les règles : une approche historique.
1.1 Origines des représentations
1.2 Le cycle lunaire
1.3 La théorie des humeurs
1.4 Apparition des religions patriarcales
1.5 Les premières explications médicales
1.6 Les moyens de protection hygiénique à travers l’histoire
2. Représentations et tabou autour des règles
2.1 Le sang impur et l’exclusion féminine
2.2 Les bienfaits du sang menstruel
2.3 Croyances : héritage de vieilles théories
2.4 Le tabou autour des règles
Matériels et méthodes
1. Problématique
2. Objectifs et hypothèses
3. Outils
4. Les variables étudiées
4.1 Population cible
4.2 Critères d’inclusion
4.4 Mode de diffusion du questionnaire
4.5 Durée de l’étude
5. Difficultés rencontrées
6. Accord préalable
7. Analyses statistiques
Résultats
1. Nombre de questionnaires récoltés
2. Résultats bruts
2.1 Profil de la population étudiée
2.2 Thème 1 : Les premières règles
2.3 Thème 2 : L’image des règles
2.4 Thème 3 : Les règles au quotidien
2.5 Thème 4 : Evolution des pratiques et des pensées
3. Tests statistiques
Analyse et discussion
1. Forces et limites de l’étude
2. Analyse des données et discussion
2.1 Evolution du tabou autour des règles
2.2 Facteurs pouvant influencer les représentations et le vécu
2.3 Ouverture : quels projets pour demain ?
Conclusion
Bibliographie

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