LES MOTIFS D’EXTRACTION DES DENTS PERMANENTES CHEZ L’ENFANT

L’embryologie faciale

      L’embryologie faciale se produit au niveau d’un seul des trois feuillets qui constituent l’embryon : le feuillet ectoblastique. Dès la troisième semaine suivant la fécondation, lors de la phase de neurulation, le massif facial commence à se développer ; c’est à ce moment là que les structures faciales se différencient. Le massif facial s’ébauche à partir d’une structure ectoblastique qui est la plaque neurale. Cette plaque neurale donnera le tube neural qui donnera à son tour les tissus de l’extrémité céphalique. Ces tissus se différencient en :
– neurones et cellules faciales du cerveau,
– cellules de l’ectoderme (peau de la face et muqueuse de la bouche),
– cellules des crêtes neurales qui vont se différencier en plusieurs cellules dont les cellules odontoblastiques constitutives des futures dents: (figure 1)
Au cours de la cinquième et sixième semaines du développement intra utérin, la face présente plusieurs bourgeons qui circonscrivent une cavité, le stomodæum ou bouche primitive. Il s’agit d’un bourgeon naso-frontal médian en haut, de deux bourgeons maxillaires et de deux bourgeons mandibulaires en bas. Dès la fin de la cinquième semaine, les bourgeons mandibulaires vont fusionner et ne faire qu’un, pour constituer le futur premier arc branchial. Ils seront en grande partie recouverts par l’ectoderme, tissu qui va contribuer à former le plancher de la bouche où les dents vont pouvoir apparaître. À ce stade on peut observer la formation du futur palais constitué par le bourgeon naso-frontal dans sa région antérieure et par les bourgeons maxillaires dans ses parties latérales (figure 2) [52].

Le stade de follicule dentaire

       Il comporte une portion épithéliale par l’organe de l’émail, qui à ce stade, est constitué par un ensemble de cellules différenciées appelées améloblastes, cellules mères de l’émail. Ces améloblastes vont induire la différentiation des odontoblastes ou cellules mères de la dentine. La gelée de l’email (réticulum étoilé) disparaît progressivement. La zone de réflexion située au pôle inférieur ou à l’apex de l’odonte va devenir une véritable zone germinative, siège d’une intense activité mitotique. Elle donnera une nouvelle génération d’améloblastes dont le rôle est essentiel dans la formation de la racine dentaire. La formation de la couronne fait suite à celle du follicule dentaire. Elle est marquée par la minéralisation de la couronne. C’est une fois que la couronne est complètement formée et minéralisée que débute la formation radiculaire qui va se poursuivre pendant toute la période de l’éruption dentaire.

Chronologie de l’éruption dentaire

        L’éruption dentaire est un phénomène physiologique qui conduit à l’établissement de la denture temporaire puis permanente. Elle se produit quand la couronne est complètement formée, avant la minéralisation totale de la racine. C’est un phénomène dynamique au cours duquel, la dent semble migrer horizontalement et verticalement. Au stade embryologique de la cloche, le germe dentaire est composé de trois éléments: l’organe de l’émail, le follicule dentaire et la papille dentaire. Autour de cette formation (germe dentaire), le tissu mésenchymateux s’organise et s’adapte à la croissance du germe. Progressivement, il est remplacé par du tissu osseux lamellaire. La loge osseuse ainsi constituée est dénommée crypte osseuse. A l’intérieur de cette cavité, la minéralisation de l’émail et l’amorce de l’édification radiculaire s’effectuent. L’éruption proprement dite de la dent débute lorsque le premier quart de la racine est édifié. Au cours des mouvements pré éruptifs les cryptes osseuses se transforment et se déplacent avec les germes. Lorsque la minéralisation de la couronne est achevée, le germe présente deux pôles d’activités dirigés et contrôlés essentiellement par les cellules du sac folliculaire: le pôle apical qui est à l’origine de la formation des tissus de soutien de la dent (cément, ligament, paroi alvéolaire) et le pôle coronaire du follicule qui reste adhérent à la couronne jusqu’à sa fusion avec l’épithélium buccale avant l’émergence de la dent. Lorsque la couronne sort de son sac folliculaire initial, les éléments épithéliaux du cordon fibreux, vestige de la lame dentaire, appelé gubernaculum, forment avec le tissu conjonctif remanié (crypte osseuse) un sac. Les cellules mononucléaires précurseurs des ostéoclastes et des odontoblastes stockées à l’intérieur du sac folliculaire avant le début de l’éruption sont libérées, et sont à l’origine de la fonte osseuse qui permet le passage de la dent à travers le canal gubernaculaire ou l’iter dentis. Ce tunnel osseux relie la crypte à la corticale et parfois à la paroi alvéolaire de la dent lactéale. C’est ce trajet qu’emprunte la dent au cours de son éruption, réalisant en même temps la migration de la couronne, l’élargissement du canal ainsi que la rhizalyse de la dent temporaire, quand il s’agit de l’éruption des dents permanentes. Les différentes étapes de la physiologie de l’éruption sont connues mais les mécanismes qui les régissent ne sont pas tous élucidés à ce jour. Cependant les différentes expérimentations démontrent unanimement le rôle joué par le follicule dentaire. Ainsi, l’absence d’éruption des dents conduisant à l’inclusion serait liée à l’éloignement du follicule dentaire des structures de la dent temporaire provoqué par des causes d’ordre général, local ou autre.

Constitution de la denture adolescente

      Elle correspond au remplacement des canines et molaires temporaires entre la dixième et la douzième année. A ce stade, on observe des phénomènes qui sont à l’origine d’un crédit d’espace laissé aux dents permanentes de remplacement. En effet, les premières et les deuxièmes molaires temporaires ont un diamètre mésio-distal supérieur aux premières et deuxièmes prémolaires qui doivent les remplacer. Le crédit de place est appelé par Nance « lee way space » ou espace de dérive mésiale. Cet espace est plus important à la mandibule (1,7mm x 2) qu’au maxillaire (0,9mm x 2). Le plus souvent, les canines permanentes (CP) et les prémolaires (PM1, PM2) apparaissent dans l’ordre chronologique CP, PM1 et PM2. La canine qui fait son éruption avant la première prémolaire, peut utiliser tout le diamètre simien. Entre 8 et 12 ans, la distance inter canine restant inchangée, la place destinée à la canine est donc insuffisante. Les PM sont moins larges que les molaires temporaires qu’elles remplacent, en revanche la couronne de la canine permanente est plus large que celle de son homologue temporaire. La canine temporaire émerge tardivement après la première (voir la deuxième) PM. Dans le cadre d’un remplacement harmonieux il est souhaitable que la deuxième molaire temporaire soit la dernière dent temporaire à s’exfolier, pour éviter la mésialisation de la dent de six ans. Les séquences d’éruption CP, PM1, PM2 sont plus favorables. Par contre, dans les cas où la deuxième prémolaire n’est pas la dernière à faire son éruption, on pourrait assister à la perte du ‘’lee way space ‘’ et à une aggravation d’un encombrement pré existant.

L’immaturité dentinaire

     La susceptibilité de la dentine immature est en grande partie liée à la dentinogenèse qui est continue mais différente tout au long de la vie. Ainsi, trois sortes de dentine sont formées et apposées à différentes périodes du développement : la dentine primaire (synthétisée par les odontoblastes au cours du développement dentaire et jusqu’à l’édification radiculaire), la dentine secondaire (à partir de la rhizagénèse complète et tout au long de la vie, dans des conditions physiologiques) et la dentine tertiaire (formée en réponse à une agression, il s’agit de dentine réactionnelle ou de réparation). La dent post-éruptive ne présente donc ni de dentine secondaire ni de bordure hyperminéralisée de dentine péricanaliculaire. Par conséquent, l’oblitération des canalicules induit par le dépôt de dentine péricanaliculaire qui n’a pas encore eu lieu, le plafond pulpaire constitué à 80% de canalicules ouverts et les larges espaces péri-odontoblastiques envahis par les fluides tissulaires rendent la dentine très perméable, ce qui se traduit cliniquement par une progression rapide de la lésion carieuse dans la dentine une fois que la jonction amélo-dentinaire est atteinte. Par ailleurs, le contraste entre la cavitation retardée de l’émail due à sa déminéralisation lente et la déminéralisation rapide de la dentine à partir de micro pertuis donne lieu au phénomène de « caries cachées ». La déminéralisation dentinaire se produit en direction de la pulpe et sous les cuspides ce qui entraine une destruction coronaire presque totale en trois ans, sans signe clinique. La table occlusale s’effondre dans un second temps lors de la mastication lorsque toute la dentine est détruite. De plus, la reminéralisation de l’émail par voie interne par la libération des ions phosphates, calcium et fluor par la dentine déminéralisée sous la jonction amélo-dentinaire et la fluoration par voie systémique et topique qui rend l’émail plus résistant participent à ce phénomène de « caries cachées ».

CONCLUSION

     La plupart des affections bucco-dentaires n’engagent pas directement le pronostic vital chez les enfants. Elles sont néanmoins très fréquentes et aboutissent souvent à une perte précoce des dents permanentes. Elles ont ainsi des implications considérables en termes de morbidité et de répercussions psychosociales et constituent à ce titre de véritables problèmes de santé publique. La recherche des motifs qui poussent les praticiens à recourir aux extractions de dents permanentes chez les enfants comme alternatives thérapeutiques est doncd’une importance capitale pour mettre en place et planifier des stratégies de prévention et de prise en charge des affections bucco- dentaires. De nombreux travaux ont été réalisés un peu partout à travers le monde dans cette perspective. L’enquête réalisée dans le cadre de cette thèse s’inscrit dans cette dynamique. Une étude a été entreprise pour déterminer les aspects généraux et les motifs d’extraction des dents permanentes chez l’enfant à Dakar. Ainsi, 26362 enfants ont été reçus dans ces établissements publics de santé de Janvier 2010 à Août 2014, selon la répartition suivante : 2280 patients dans le service d’Odonto-stomatologie de HOGGY, 882 patients se sont  présentés en consultation à la clinique d’Odontologie pédiatrique de l’IOS, 11520 au service d’Odontologie pédiatrique du CHNEAR et 160 patients au cabinet dentaire de l’HALD. Ces enfants étaient âgés de 6 à 15 ans avec un âge moyen de 12 ans. L’âge le plus fréquent était de 14 ans. Parmi les patients ayant consulté dans ces établissements, 321 soit 1,21% ont subi des extractions de dents permanentes avec notamment 175 filles soit 54,52% et 146 garçons soit 45,48%. La répartition des extractions effectuées selon l’établissement de soin a montré que 108 soit 33,64% ont été reçus dans le service d’Odontologie Pédiatrique de l’Hôpital d’enfants Albert Royer, 102 soit 31,77 % dans le service d’Odontostomatologie de l’Hôpital Général de Grand Yoff, 61 patients soit 19,00% sont issus de la clinique d’Odontologie Pédiatrique du Département d’Odonto-stomatologie de l’UCAD et 50 soit 15,57% dans le service d’Odontologie de l’Hôpital Aristide Le Dantec. La répartition de la population d’étude selon le motif de consultation a montré que la douleur était le principal motif de la consultation (74,8%) suivie des caries (11,2%). La majeure partie des patients soit 292 enfants (90,73%) étaient en bonne santé c’est-à-dire ne présentaient aucune pathologie et 29 enfants, soit 9,03% souffraient d’une maladie. Parmi les patients qui présentaient une pathologie, 17 soit 5,3% étaient porteurs de cardiopathies. Chez ces enfants, 375 dents permanentes ont été extraites dont 207 chez les filles soit 55,20 % et 168 dents chez les garçons soit 44,80%. Les extractions augmentaient avec l’âge pour atteindre un maximum de 279 dents extraites entre 12 et 15 ans, où elles représentaient 78,66% des extractions effectuées. Les molaires étaient les dents qui ont le plus souvent fait l’objet d’une extraction, représentant 85,60% de l’ensemble des dents extraites dont 76,94% étaient constituées par les premières molaires. Elles sont suivies par les prémolaires et les incisives avec respectivement 9,60% et 3,20%. Les canines sont les dents qui ont été le moins souvent extraites pendant ces 4 années avec seulement 1,6 %. Les dents du maxillaire supérieur étaient plus fréquemment extraites et constituaient 60% des extractions contre 40% à la mandibule. Sur ces dents extraites, 355 l’ont été pour des raisons liées aux caries dentaires, soit 94,66%. Nous avons également noté que la douleur a été à l’origine de la recherche de soins pour ¾ des dents qui ont été extraites. Avec un taux de 94,7% les caries dentaires et leurs conséquences sont les motifs majeurs d’extraction des dents permanentes chez l’enfant, suivis de loin par les traumatismes avec 1,9%, les accidents d’éruption des dents avec 1,6%, l’esthétique et l’orthodontie et les parodontopathies avec seulement 0,6%.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. RAPPELS SUR LES DENTS PERMANENTES ET LES PATHOLOGIES BUCCODENTAIRES CHEZ L’ENFANT
I.1. Embryologie
I.1.1. L’embryologie faciale
I.1.2. Embryologie dentaire
I.1.2.1. Le stade de cupule
I.1.2.2. Le stade de cloche
I.1.2.3. Le stade de follicule dentaire
I.2. L’éruption dentaire
I.2.1. Chronologie de l’éruption dentaire
I.2.2. Séquence de l’éruption de la denture permanente
I.3. Rôle des dents permanentes dans l’occlusion
I.3.1. En denture mixte
I.3.1.1. Phase de dentition mixte (1° partie)
I.3.1.1.1. Eruption des dents de 6 ans
I.3.1.1.2. Eruption du bloc incisif
I.3.1.2. Phase de denture mixte stable
I.3.2.3. Phase de dentition mixte (2° partie)
I.3.2. En denture adolescente
I.3.2.1. Constitution de la denture adolescente
I.3.3.2. Denture adolescente stable
I.4. Pathologies buccodentaires chez l’enfant
I.4.1. La carie dentaire chez l’enfant
I.4.1.1. Définition
I.4.1.2. Etiopathogénie
I.4.2. Les parodontopathies
I.4.2.1. Etiologie
I.4.2.1.1. Les causes locales
I.4.2.1.2. Les causes générales
I.4.3. Les traumatismes
I.4.4- Les anomalies dentaires
II. LA DENT PERMANENTE IMMATURE : LE CAS DE LA PREMIERE MOLAIRE
II.1. L’anatomophysiologie de la première molaire permanente immature (PMPI)
II.1.1. La physiologie de la première molaire permanente immature
II.1.1.1. L’immaturité histologique
II.1.1.1.1. L’immaturité amélaire
II. 1.1.1.2. L’immaturité dentinaire
II 1.1.1.3. L’immaturité pulporadiculaire
II.1.1.2. L’anatomie occlusale : les puits et fissures
II.1.1.2.1. L’histologie
II.1.1.2.2. L’anatomie morphologique
II. 1.1.2.3. La taille
I.1.1.3. L’éruption
I.1.1.3.1. La localisation
I.1.1.3.2. La période et les conditions
I.1.1.3.3. La durée
II.2. Décisions thérapeutiques et plan de traitement en présence d’un délabrement de la première molaire permanente immature
II.2.1. Approches thérapeutiques de la première molaire permanente immature
II.2.1.1. La thérapeutique en fonction de la classification ICDAS
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1- JUSTIFICATIF
2- OBJECTIF
3- MATERIEL ET METHODE
3.1. Type d’étude
3.2. Population d’étude
3.3. Procédure de collecte de données
3.4. Analyse des données
4. RESULTATS
4.1. Répartition des patients
4.1.1. Selon la structure d’accueil
4.1.2. Selon l’âge
4.1.3. Répartition de la population d’étude selon le sexe
4.1.4. Répartition des enfants ayant subi des extractions selon l’établissement
4.1.5. Répartition de la population selon le motif de la consultation
4-1-6. Selon l’état général des patients
4.2. Répartition des dents extraites
4.2.1. Selon le nombre et le type dents extraites
4.2.2. Selon l’arcade
4.2.3. Selon les motifs d’extraction
4.2.4. Selon le motif de consultation
4.2.5. Selon le sexe
4.2.6. Selon la tranche d’âge
5. DISCUSSION
5.1. Limites de l’étude
5.2. La fréquence des extractions
5.3. Répartition de la population d’étude
5.4. La distribution des extractions selon le type de dents
5.5. Les raisons d’extraction
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE

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