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ETIOPATHOGENIE
La rupture utérine se produit soit :
Par altération du muscle utérin
Cela se rencontre le plus souvent au cours de la grossesse :
· Chez les femmes multipares avec intervalle inter génésique (IIG) inférieur à deux ans car il y a une altération des muscles élastiques utérins due à des « micro ruptures musculaires » laissées par chaque grossesse(distension utérine) (14)(15).
· Chez les femmes ayant eu comme antécédent gynéco-obstértique une opération césarienne ou une myomectomie ou encore un curetage répété ou trop appuyé…. Qui peuvent léser ou fragiliser la paroi utérine (16).
· Chez les parturientes présentant des insertions placentaires anormales en particulier le placenta accreta qui entraîne une altération de la paroi utérine.
· Et en fin il y a les facteurs rares comme : les lésions d’athéromatose sclérosante de la paroi utérine ( DOLERIS) ; les modifications des tissus inter fasciculaires (DURSCHENER) ; et en fin la dégénérescence hyaline (DURSCHENER-THORN) (17).
Par disproportion fœto-maternelle
On a deux mécanismes différents mais qui se complètent :
Selon la théorie de BANDL
L’œuf distend l’utérus au terme de la grossesse et pendant le travail. Les contractions utérines lors du travail aboutiront à une élongation du segment inférieur ou « formation du segment inférieur », entraînent l’effacement et la dilatation du col.
Si pour une raison ou une autre (dystocie osseuse, macrosomie fœtale, …), la progression ne se fait pas, la distension va accentuer de plus en plus l’allongement du segment inférieur et l’amincir en même temps, voire le démuscler et le fragiliser pour aboutir à une rupture.
Selon la théorie de BREYS
La paroi de l’utérus comprimée entre la présentation et le promontoire du détroit supérieur serait le siège d’escarre par usure perforante. DOMMIER introduit un autre facteur qui est «l’ischémie ». En effet, la compression de l’utérus entraîne une insuffisance circulatoire qui aboutirait à l’ischémie de la paroi utérine déterminant la fragilité de l’organe, d’où l a rupture (18).
Ces deux mécanismes se voient surtout au cours du travail et dans les pays sous médicalisés :
– Chez les femmes présentant une dystocie dynamique et/ou mécanique on peut citer : anomalie de la contraction utérine et de la dilatation du col associée ou non à des anomalies du bassin y compris les bassins rétrécis ou une macrosomie fœtale ou malformation fœtale ( hydrocéphalie…) (19)(23).
– Et en particulier si le travail se prolonge, c’est-à-dire plus de 15h, voire 24h (20).
Par mécanisme iatrogène
Cela se rencontre surtout lors du travail et est dû :
– Aux différentes manœuvres obstétricales comme la VMI avec erreur d’indication telles : membranes non rompues, dilatation incomplète…et/ ou erreur au niveau de la technique lors de l’application.
– A l’expression qui est hélas fréquemment utilisée dans les pays sous médicalisés comme la notre de façon inapproprié la plupart du temps (14)(15)(21).
– Aux instruments d’extraction du fœtus tels : forceps, vacuum, ventouse….
– Et enfin, à des abus d’ocytocine en perfusion et surtout en intramusculaire ou
à d’autres substances à visées ocytociques (TAMBAVY) en décoction ou infusion des feuilles, des graines, des racines…
on peut citer :
· Vatolalaka (CAESALPINIA BUNDUCELLA) (écorce et graine)
· Ahibalala (HELLCHYGUN RUSILLONII HOOK) (feuille)
· Rotra (E.CYCLOPHYLLABAK) (feuilles)
· Nonoka (FICUS PYROFOLIABAC) (feuille)
Ces substances produisent en plus de leurs effets ocytociques anarchiques des complications graves d’origine toxique mettant en jeu rapidement le pronostic vital de la parturiente (22).
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
UTERUS NON CICATRICIEL
La rupture utérine siège le plus souvent au niveau du segment inférieur. Son aspect est variable selon sa direction, son étendue, son étiologie.
· Si elle est primitive , la rupture est souvent complète c’est-à-dire intéressant les trois tuniques de la paroi utérine , latéralisée à gauche du fait de la dextro-torsion de l’utérus gravide et de la congestion du ligament gauche et de la veine rénale. Si les lésions ne sont pas verticales, elles sont plus ou moins étendues et deviennent obliques ou en « L ».
· Les bords sont irréguliers, effilochés, dilacérés. La plaie est contuse et on assiste fréquemment à une atteinte de l’artère utérine.
· Si elle est secondaire , à une rupture de la cicatrice d’opération césarienne corporéale ou segmentaire , la rupture est souvent incomplète c’est-à-dire que le péritoine est intact. Les lésions sont transversales et à bords nets.
· Il y a formation d’hématome sous péritonéal ou d’hématome inter vésico-utérin dans la plupart des cas.
· Si elle est compliquée : la rupture est vaste et peut s’étendre vers tous les viscères pelviens comme le dôm e vaginal réalisant le colpopexis de HUMGERBERGER, ou de la paroi postérieure de la vessie et même les pédicules vasculaires latero-utérine qui est la plus grave…(17)(23)
UTERUS CICATRICIEL
Deux cas sont à envisager :
· La rupture complète : on observe une déchirure de toute l’épaisseur de la paroi utérine au niveau de la cicatrice avec séparation complète des deux berges et déchirure des membranes et localisation du fœtus dans l’abdomen. Elle se rencontre après une césarienne corporéale.
· La rupture incomplète ou déhiscence : la désunion intéresse toute ou une partie de la cicatrice. Le péritoine et les membranes ovulaires restent intacts. Le fœtus reste dans l’utérus. Elle se rencontre après une césarienne segmentaire (24).
ETUDE CLINIQUE
DIAGNOSTIC POSITIF
La forme typique se voit au cours du travail sur un utérus non cicatriciel. Elle évolue en deux phases :
– Phase de pré-rupture ou syndrome de BANDL-FROMMEL :
Elle est caractérisée par des signes de lutte utérine au cours d’un travail prolongé et qui s’explique par un mauvais relâchement utérin, suivi d’hypercinésie et d’hypertonie utérine sur un col mal dilaté et œdématié. Ces signes de lutte aboutissent à la formation de la triade de BANDL-FROMMEL :
· Déformation en sablier de l’utérus,
· Ascension de l’anneau de BANDL,
· Tension douloureuse du ligament rond.
Suivie de douleur abdominale intense et continue avec agitation etcrise d’anxiété chez la parturiente.
A la palpation : on découvre un œdème et une douleur sus-pubienne, avec utérus hypertonique.
A l’auscultation : on entend difficilement le bruit du cœur fœtal (7)(25).
– Phase de rupture utérine :
Elle est marquée par l’apparition de douleur abdominale brutale en coup de poignard. La douleur régresse rapidement, suivie de sensation d’écoulement chaud dans l’abdomen, puis un état de bien-être.
La palpation retrouve une hyperesthésie cutanée et un fœtus situé haut dans l’abdomen sous la peau à côté d’une petite masse ferme, rétractée représentant l’utérus. Une douleur sur un des bords de l’utérus peut être ressentie par la parturiente.
A l’auscultation, le bruit du coeur fœtal est inaudible.
Au toucher vaginal, on constate la disparition de la présentation et une hémorragie faite de sang noir s’extériorisant de la vulve.
Survient ensuite un état de choc avec syncope (6)(7)(15)(17).
DIFFERENTES FORMES CLINIQUES (10)(20)
· Les ruptures utérines précoces avant 6 mois (rares). Ce sont des ruptures de cornes utérines après salpingectomie, des ruptures d’utérus malformés, ruptures isthmiques des IMG (interruption médicale de grossesse). Les signes cliniques de ruptures utérines apparaissent vers le deuxième trimestre et d’une façon atténuée, voire atypique.
· Les ruptures de cicatrice corporéale ou segmentaire ont une phase prodromique atténuée ou absente. Elles sont favorisées par des manœuvres telles la VME( version par manœuvre externe), ou la VMI.
· Les ruptures utérines à diagnostic retardé sont : les ruptures sous-péridurales, les ruptures découvertes à la révision utérine, les ruptures révélées par un choc ou une hémorragie, les ruptures découvertes en cours de césarienne. Les signes cliniques sont quasiment inexistants.
· Les ruptures utérines compliquées, c’est-à-dire que les lésions s’étendent sur les organes de voisinage (surtout vessie et vagin) a une manifestation clinique plus orientée vers les organes atteintes et peuvent entraîner la mort rapidement.
DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS (10)(11)
Toutes causes d’hémorragie du troisième trimestre de la grossesse doivent être éliminées afin de poser le diagnostic de rupture utérine. On peut citer :
– L’hématome rétroplacentaire : caractérisé par un antécédent d’HTA, existence de protéinurie massive, un col dur (« calotte du segment inférieur coiffant la présentation comme une sébile de bois »).
– Le placenta prævia : caractérisé par un utérus souple et indolore, saignement rouge, diagnostiqué à l’échographie.
– Syndrome de BENCKISER : c’est une rupture des membranes à un endroit où p asse un vaisseau fœtal, gravissime pour le fœtus. Il se traduit par une hémorragie faite de sang rouge mélangé au liquide amniotique et une mort subite du fœtus.
PRONOSTIC (11)(26)(27)(28)
MATERNEL
Le pronostic maternel est marqué par une forte mortalité de l’ordre de 10 à 25 % dans les pays en voie de développement contre un taux avoisinant 0,1 % dans les pays médicalisés. Cela est dû à bon nombre de facteurs comme :
– Le lieu de l’accouchement : car il est évident que la prise en charge est meilleure dans les centres hospitaliers. Et dans les pays en voie de développement y compris le nôt re, beaucoup de femmes choisissent encore l’accouchement à domicile malgré les risques qu’elles courent et qu’elles font courir aux fœtus dans ce genre de situation.
– La nature des lésions : en cas de déhiscence, le pronostic est favorable contrairement à une rupture franche qui est parsemée de complication, et grevée d’une lourde mortalité.
– Le délai de prise en charge : il est important car la rupture utérine a une potentielle assez rapide de mettre en jeu le pronostic vital de la parturiente. D’après de nombreuses études, un délai de prise en charge inférieure à 18 minutes est l’idéale pour avoir un pronostic materno-fœtal favorable, alors que l’université américaine des obstétriciens et des gynécologues (ACOG) et de la société des obstétriciens et des gynécologues du Canada (SOGC) ont rédigé un protocole de prise en charge avec un délai de prise en charge inférieur à 30 minutes.
FŒTAL
Une lourde mortalité marque le pronostic fœtal, surtout si le fœtus fait irruption dans l’abdomen lors d’une rupture complète.
TRAITEMENT
TRAITEMENT PROPHYLACTIQUE
La prévention de la rupture utérine se fait dès le début de la grossesse par la consultation prénatale qui recherche toutes causes de dystocie mécanique en particulier par le biais des données anamnestiques, cliniques et paracliniques ; afin de mieux surveiller les femmes à risques.
L’anamnèse insiste sur les antécédents gynéco-obstétriques tels : G P A, Issue de la grossesse antérieure, notion de césarienne …
Et aussi sur les habitudes toxiques comme la prise de « TAMBAVY »…
L’examen clinique et paraclinique explorent avec minutie le bassin et le fœtus à la recherche d’anomalie pouvant entraver l’accouchement par voie basse (une disproportion foeto-pelvienne).
La dystocie dynamique ne peut se voir que lors du travail , il est donc important de faire une surveillance stricte des parturientes en début et au cours du travail à l’aide du partogramme ; afin de relever à temps l’existence de signes d’alerte de rupture utérine.
Et enfin le respect des indications des médicaments (ocytocine) et des techniques.
TRAITEMENT CURATIF (29)
Le seul traitement rationnel est la chirurgie avec l’opération césarienne associée à, une bonne réanimation préopératoire, per et postopératoire. Cette réanimation consiste en premier lieu à corriger le choc hypovolémique en utilisant les solutés de grosses molécules ou encore mieux une transfusion sanguine iso-groupe, iso-rhésus en quantité proportionnelle à la spoliation sanguine, ceci afin d’avoir un état satisfaisant permettant de supporter l’opération césarienne et même permettant de s’en remettre.
L’opération césarienne proprement dite se fait en plusieurs étapes :
Ouverture de l’abdomen : classiquement on pratique une laparotomie médiane sous ombilicale. Cette incision est réputée d’être rapide et suffisante pour une extraction facile du fœtus. Mais parfois on pratique l’incision de Pfannenstiel pour plus d’esthétique. L’ouverture de l’abdomen se fait plan par plan de l’extérieur vers l’intérieur : la peau – aponévrose – muscle grand droit – péritoine abdominal.
Hystérotomie : après décollement et incision du péritoine vésico-utérin, on incise le segment inférieur transversalement. Cette incision doit être assez grande pour pouvoir dégager la tête et le corps de l’enfant sans déchirer l’utérus. Il est parfois nécessaire de faire une incision en forme de croissant avec une convexité dirigée vers le bas lorsque le segment inférieur est épais et étroit.
Extraction du fœtus et du placenta : le mode d’extraction utérine du fœtus varie selon la présentation :
· elle est céphalique lorsque le fœtus a une présentation céphalique,
· elle est podalique lorsque le fœtus a une présentation de siège ou transversale.
La délivrance est toujours manuelle quelle que soit l’insertion du placenta.
Réparation des lésions utérines : elle dépend directement de la gravité des lésions (type, étendue…). Elle peut aller d’une simple suture en points séparés ou en surjet… jusqu’à l’hystérectomie subtotale ( le col est laissé en place) ou totale ( on enlève l’utérus avec le col). Dans la mesure du possible, les chirurgiens adoptent une attitude conservatrice vis-à-vis de l’utérus sauf dans les cas extrêmes tels que :
• une rupture utérine importante, contuse, irrégulière, multidirectionnelle , rendant toute suture aléatoire,
· une rupture datée de plus de six heures,
· une rupture utérine avec une lésion vasculaire importante,
· une rupture utérine associée ou compliquée de lésion de voisinage…
Réparation des lésions associées : s’il en a comme l’atteinte de la vessie, du ligament large, de l’artère utérine, du vagin , du col….
Suture de l’abdomen : après avoir assuré l’hémostase et vérifié l’intégrité des organes, on suture l’aponévrose en surjet le plus souvent avec un fil à résorption lente. Pour la suture du péritoine, les avis sont partagés ; certains auteurs disent qu’elle est nécessaire, d’autres non. On utilise le fil à peau pour le plan cutané.
NB : une ligature de la trompe peut être faite extemporanément avec l’opération césarienne si on a eu l’accord de la patiente en connaissance de cause.
COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
LA FREQUENCE
Du 01 Janvier au 31 Décembre 2002, on a recensé 16 cas de rupture utérine parmi 5890 accouchements enregistrés, soit une fréquence de 0,27 %. En d’autres termes, une rupture utérine pour 368 accouchements.
Ce taux a connu une hausse en comparaison avec celui des trois dernières années qui était de l’ordre de 0,25 % soit une rupture utérine pour 388 accouchements. Ceci s’explique d’une part, par l’augmentation de la fréquentation hospitalière des parturientes. En effet, depuis l’année 2000, le nombre de femmes qui viennent accoucher à la Maternité de Befeletanana a connu en moyenne une hausse de 12,59 % par an. Ce qui est un bon indice de regain de confiance des gens vis-à-vis de nos services de santé.
En outre, cette hausse provient de l’augmentation des centres de santé de base, voire des centres de santés de district qui évacuent tous sur le centre de référence, cadre de cette étude ; dans des conditions très précaires.
L’enclavement de ces infrastructures sanitaires et le manque de moyens sont des facteurs étiologiques importants.
Cette fréquence est largement inférieure par rapport à certaines données africaines.
Dans l’ordre décroissant :
Niger : 4,04 % (30), Gabon : 1,4 %, Tunisie : 1,51 %, Mali avec 0,89 % (13),
Tous ces pays ont en commun le manque d’infrastructure médicale en plus de l’enclavement et le manque de moyens financiers ; en d’autres termes les problèmes quotidiens des pays en voie de développement, étiquetés aussi sous médicalisés. Il n’est pas étonnant alors de dire que ce taux de 0,27 % retrouvé dans notre étude, est très élevé par rapport à celui des pays développés comme les Etats Unis d’Amérique avec un taux de 0,06 % (27), La chine avec un taux de 0,04 % (32), l’Allemagne avec un taux de 0,03 % (33).
En somme, le niveau socio-économique d’un pays en général joue un rô le important dans la genèse de la rupture utérine.
Age
La moyenne d’âge des parturientes est de 28 ans et 6 mois avec comme âges extrêmes : 21ans et 45 ans.
C’est la tranche d’âge de 21 à 30 ans qui paye un lourd tribut avec plus de la moitié des cas (62,5 %). Ce sont des femmes jeunes dans l’âge de la procréation. Ceci est lié à une grossesse précoce, en effet aucune de nos patientes n’est primipare, ce qui veut dire qu’elles ont eu au moins un accouchement à leurs comptes durant les deux années précédant la rupture utérine.
L’âge constitue ainsi l’une des facteurs étiologiques non négligeables en association dans la plupart des cas à une multiparité.
Dans la majorité des pays africains, y compris le nôt re, il est monnaie courante de marier les jeunes filles dès l’âge de 16 ans et même avant comme au Niger où la primigestité se situe aux alentours de 15 ans (31).
Parité
La multiparité est l’un des facteurs étiologiques majeurs retrouvé par plusieurs auteurs comme terrain de prédilection à la rupture utérine (34)(35)(36)(37).
Dans notre étude, la moitié des cas de rupture utérine a été constatée chez les multipares, soit 8 cas de rupture utérine sur les 16 colligés.
Cette concordance est due à la notion traditionnelle de procréation encore ancrée à notre société en ce début du troisième millénaire, ainsi qu’au niveau d’éducation relativement bas, ce qui est le cas dans notre série car seul un quart de nos patientes a fait des études secondaires et plus. Ce dernier aspect se reflète dans la répartition des patientes en fonction de la profession par leur nombre minime à avoir une activité rémunératrice régulière soit 4 femmes sur les 16, représentant un taux de 25 %. Et enfin, mais non les moindres, les problèmes d’accès aux différentes formations sanitaires liés à l’éloignement et difficulté géographique d’une part, et à une désinformation de tout genre comme le manque de moyen logistique pour la sensibilisation de la population dans le domaine de la santé, les croyances traditionnelles, les us et coutumes…d’autre part rendent la situation encore plus précaire.
Tout ceci crée un obstacle majeur au rôl e de la communication entre les agents sanitaires et la population, entraînant un manque de confiance de cette dernière vis-à-vis des progrès médicales comme le planning familial (PF).
Provenance
Plus de deux tiers des parturientes sont originaires du milieu rural, soit 11 femmes sur 16 en ou 68,75 % des parturientes.
On retrouve ce taux presque dans la plupart des pays africains. Il y en a même qui atteignent 98 % comme au Niger (31)(34).
Cette constatation s’explique surtout par l’enclavement de bon nombre de régions se trouvant à la périphérie de la capitale, voire dans tout Madagascar, et par le manque de formation et recyclage périodique des agents de santés qui s’y trouvent.
En effet, 07 parturientes sur 11 venant du milieu rural, soit 63,63 % ont été évacuées par des centres de santé de base et une par une sage femme. Ces ruptures utérines auraient pu être évitées si ces agents de santé avaient suivi à la lettre l’utilisation du partogramme en tenant compte des difficultés liées à l’évacuation telles l’enclavement du centre de santé, l’état de la route… Et s’ils avaient fait l’objet d’une formation continue en matière d’évacuation sanitaire. Cette dernière consisterait à dépister les dystocies nécessitant une évacuation, et à la rédaction d’une fiche de liaison en bonne et due forme car la plupart des patientes évacuées n’avait même pas de fiche de liaison et celles qui en avaient ne contenaient que des informations insuffisantes du point de vue médical . A cela s’ajoutent les problèmes de décentralisation de la prise en charge chirurgicale des dystocies obstétricales au niveau des districts.
En conséquence, les femmes porteuses d’une dystocie méconnue ne sont évacuées vers le centre de référence qu’au bout de plusieurs heures de travail inefficace et dans des conditions déplorables.
Du point de vue nutritionnel, c’est surtout en milieu rural qu’on rencontre une proportion assez élevée des gens hypotrophiques ou malnutries. Elle est due à un déséquilibre alimentaire non seulement en qualité mais aussi en quantité, et qui est liée à un niveau socio-économique assez bas.
D’après d’ autres études, la malnutrition figure parmi les facteurs favorisants de la rupture utérine (38).
Consultation prénatale
Dans notre série, 62,5 % ont fait de la consultation prénatale, mais seule la moitié l’a fait régulièrement.
La cause est que beaucoup des femmes enceintes ignorent l’importance et l’intérêt de la consultation vis-à-vis d’elle-même et vis-à-vis de l’enfant qu’elle porte. Ce qui révèle des lacunes dans la sensibilisation :
– Soit au niveau de la méthode utilisée, c’est-à-dire que malgré la séance d’information, les gens n’arrivent pas à saisir le message ; c’est un problème lié à un niveau d’instruction moindre et à la compétence des animateurs et enfin aux us et coutumes de chaque région.
– Soit au niveau des moyens de travail qui ne permettent pas d’avoir une couverture de sensibilisation à l’échelle nationale.
Mode d’admission
Dans notre étude, 62,5 % de nos cas de rupture utérine sont des parturientes évacuées soit par des centres de santés représentant plus des deux tiers des cas, soit par des corps médicaux (médecins et paramédicaux) travaillant pour leurs propres comptes représentant le tiers restant.
Ceci prouve que la majorité des ruptures utérines se produisait en dehors du milieu hospitalier mettant en cause les personnels des centres de santé de base et de district sur leurs capacités à agir et à dépister les indications d’évacuation sanitaire. En effet, les parturientes évacuées ont été admises dans une situation de complication obstétricale avancée.
Le niveau socio-économique joue un rôl e important dans la réalisation d’une bonne évacuation sanitaire et a une influence importante sur le choix du lieu d’accouchement. C’est pour cette raison que beaucoup de femmes optent pour un accouchement à domicile réputé moins cher que dans un centre de santé.
Cette constatation est commune dans presque toutes les études africaines antérieures (39).
ASPECTS CLINIQUES
Circonstances étiologiques
Dans notre série, 37,5 % des cas de rupture utérine sont attribués à un effet ocytocique. Toutes les parturientes ont reçu leurs perfusions d’ocytocine dans des centres de formations sanitaires sauf une qui a reçu les soins à domicile par une sage femme. On trouve une notion de prise de « TAMBAVY » chez le tiers d’entre elles. Et 18,75 % des cas de ruptures utérines, soit trois cas sont causés par des manœuvres obstétricales dont deux par VMI et un par forceps.
Cela dit, plus de la moitié des cas de rupture utérine, soit 56,25 % sont attribués à une cause iatrogène qui relève directement de la responsabilité des agents de santé. Bien sûr , il est évident que dans les pays en voie de développement comme le nôt re, le matériel médical pour la surveillance de la grossesse fait défaut, tel le monitoring cardiotocométrie, l’appareil à ultrason…Mais il y a aussi le non respect des indications des manœuvres obstétricales et de la perfusion d’ocytocine. Cette dernière et tous les produits utilisés lors de l’induction du travail ont été incriminés par de nombreux auteurs comme étant le responsable d’une hausse de la fréquence de la rupture utérine même dans les pays développés (40)(41)(42).
D’après les autres données africaines, la première cause des ruptures utérines est dominée par la rupture spontanée sur utérus cicatriciel lié à une grossesse précoce (vers l’âge de 15 ans) et à une indication d’opération césarienne souvent facilement indiquée antérieurement (13)(31)(35).
Il est à noter que nous n’avons recensé qu’un seul cas de rupture utérine évacué par une matrone et qui avait une présentation transversale. La cause semble avoir été le programme de décentralisation des soins de santé de base mise en route depuis quelques années et aussi que notre étude a été menée dans un centre hospitalier de référence situé dans la capitale de Madagascar, bref dans une grande ville.
Mais qui dit matrone dit « TAMBAVY » alors que nous avons encore trouvé trois femmes qui ont pris une infusion à visée ocytocique dont deux ont été associés à la perfusion d’ocytocine à l’insu des agents de santé. C’est la preuve que même dans une grande ville, la communication en matière de santé n’a pas tellement d’emprise.
Durée du travail
De nombreux auteurs estiment la durée maximale du travail d’une parturiente à 15 heures (20)(43). Donc une durée supérieure à cette limite est la preuve d’une mauvaise surveillance de la femme en travail et un retard de la prise de décision qui pourrait être fatale non seulement pour la mère mais aussi pour le bébé.
Dans notre série, 50 % de nos patientes ont eu une durée de travail supérieure à 24 heures. Et seuls 25 % de l’ensemble, soit 4 parturientes sur 16 ont eu une durée de travail inférieure à 15 heures. Ce qui met en cause l’intégrité de tous notre système sanitaire.
Rupture utérine et hémorragie du troisième trimestre
Selon la littérature, la rupture utérine occupe la troisième place sur la cause d’hémorragie du troisième trimestre après l’hématome retro placentaire et le placenta prævia.
Cette notion reste valable pour nos cas mais seule la proportion change :
La rupture utérine représente 3 % de la cause de l’hémorragie du troisième trimestre dans les pays développés comme la France (11). De ce fait, la rupture utérine a presque disparu des annales des services d’obstétrique alors qu’elle est une réalité quotidienne chez nous. En effet, ce taux est presque quatre fois moins élevé que celui retrouvé dans notre étude qui est de 11,35 %.
En somme, la rupture utérine nous apparaît comme un problème étroitement lié au niveau socio-économique de chaque pays.
ASPECTS ANATOMOPATHOLOGIQUES
Siège de la rupture
Parmi les 16 ruptures utérines, 14 cas soit 87,5 % intéressent le segment inférieur. Cette proportion est due à une prédisposition anatomique spécifique de cette partie de l’utérus et aux différents facteurs étiologiques prédominant dans les pays en voie de développement ( disproportion foeto-maternelle, la VMI…) qui entraînent une hyper pression ou un arrêt de la progression fœtale à ce niveau.
Ce taux concorde avec les données des autres pays africains comme celles d’Ouagadougou ( Burkina Faso) avec un taux de 71,2% (34), ou encore celles de Niamey (Niger) avec 88 % (31), et Sikasso (Mali) avec 61,9 % (13).
De même dans les pays développés tels les Etats-Unis d’Amérique et la France, on a une pourcentage avoisinant les valeurs suscitées, à une différence prés : c’est que le siège de la rupture utérine est surtout conditionné par le type d’opération césarienne antérieure. La raison est que la rupture utérine sur utérus sain est exceptionnelle dans ces pays (6) (40).
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Table des matières
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. Rappel anatomo-physiologique
1.1 Utérus non gravide
1.2 Les modifications au cours de la grossesse
2. La rupture utérine
2.1 Définition
2.2 Historique
2.3 Prévalence
2.4 Etiopathogénie
2.5 Anatomie pathologique
2.6 Etude clinique
2.7 Pronostic
2.8 Traitement
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. Objectifs de l’étude
2. Cadre d’étude
2.1 Présentation du cadre d’étude
2.2 Profil du personnel
2.3 Mission
3. Méthodologie
3.1 Méthodes
3.2 Matériels
4. Résultats
4.1 Aspects épidémiologiques
4.2 Aspects cliniques
4.3 Aspects anatomopathologiques
4.4 Modalités thérapeutiques et suites opératoires
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRE, DISCUSSION ET SUGGESTION
1. Commentaires et discussions
2. Suggestions
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
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