LES MODES DE TRANSFORMATION DE L’ESPACE PUBLIC
DรMOCRATIE ET DรLIBรRATION : รTAT DE LA QUESTIONย
La citรฉ d’Athรจnes offre le premier modรจle (quoique restreint) de la dรฉmocratie au moment oรน, ร l’รขge classique, les Grecs cherchรจrent ร instaurer un rรฉgime dรฉmocratique suite au rรฉgime despotique et tyrannique de Phalaris , tyran d’Agrigente en Sicile, qui n’a pas rรฉsolu de faรงon durable la crise qui trouva sa conclusion au VIe siรจcle : Telle est la conclusion que l’Athรฉnien Clisthรจne tire de la chute des derniers tyrans. Cet aristocrate, rejeton de la puissante famille des Alcmรฉonides, va รฉtablir la dรฉmocratie ร Athรจnes. Vers 508, il instaure le rรฉgime de l’isonomie, c’est-ร -dire de l’รฉgalitรฉ devant la loi. ร ses yeux, seul le partage du pouvoir assure la stabilitรฉ de la citรฉ .
Cette quรชte visait l’รฉtablissement d’un gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple tel que l’รฉtymologie de l’expression le laisse entendre et qui coรฏncide avec la dรฉfinition normative du concept. Elle consacre en droit le fait que chaque citoyen libre puisse dรฉbattre des sujets touchant les affaires publiques. La dรฉlibรฉration, qui correspond au processus de formation de la volontรฉ qui prรฉcรจde le choix proprement dit, est au fondement de l’idรฉal dรฉmocratique tel que les Hellรจnes le concevaient : elle est au cลur de la pensรฉe politique d’Aristote et le noyau dur de sa Rhรฉtorique. Aristote dรฉclare dans Les politiques qu’il y a avantage pour une dรฉmocratie, au sens oรน on entend de nos jours la dรฉmocratie par excellence (je veux dire celle oรน le peuple est souverain mรชme des lois), ร faire pour que l’ deliberative mieux, ce qu’on fait pour les tribunaux dans les oligarchies (on inflige une amende pour faire siรฉger ceux qu’on veut voir siรฉger, tandis que les rรฉgimes populaires donnent un salaire aux gens modestes ) et aussi ร faire de mรชme en ce qui concerne les assemblรฉes. La dรฉlibรฉration sera, en effet, meilleure si tous dรฉlibรจrent en commun, le peuple avec les notables, ceux-ci avec la masse. Il y a aussi avantage ร ce que ceux qui sont รฉlus ou tirรฉs au sort pour dรฉlibรฉrer soient รฉgal dans les <diffรฉrentes> parties ; mais si la masse des citoyens de la classe populaire est de beaucoup la plus forte, il y a avantage soit ร ne pas leur donner ร tous un salaire, mais seulement ร un nombre proportionnรฉ ร celui des notables, soit ร exclure en sur nombre par tirage au sort.
L’Agora (qui, jusqu’aux rรฉformes de Clisthรจne, รฉtait le lieu de rassemblement de l’Ecclรฉsia, soit l’assemblรฉe du peuple citoyen) fut l’enceinte symbolique par excellence oรน des personnes privรฉes avaient la chance de dรฉbattre, de dialoguer (notion proche de la dialectique) sur des sujets d’intรฉrรชt public .
La plupart des รtats dรฉmocratiques ont adoptรฉ des rรฉgimes de gouvernement reprรฉsentatif issu soit de la conception libรฉrale soit de la conception rรฉpublicaine, soit d’un amalgame des deux. Les thรฉories de la dรฉlibรฉration sont apparues pour relever le dรฉfi des exigences cosmopolitiques, le choc des cultures. Jรนrgen Habermas s’explique en ces termes : Selon la vision libรฉrale, la fonction de formation dรฉmocratique de la volontรฉ consiste exclusivement ร lรฉgitimer l’exercice du pouvoir politique. Selon la vision rรฉpublicaine, en revanche, cette formation dรฉmocratique de la volontรฉ a une fonction bien plus puissante : elle consiste ร constituer la sociรฉtรฉ en tant que communautรฉ politique et ร raviver ร chaque รฉlection la mรฉmoire de cet acte fondateur […]. La thรฉorie de la discussion introduit une autre idรฉe encore : les procรฉdures et les conditions communicationnelles de la formation dรฉmocratique de l’opinion et de la volontรฉ fonctionnent, en effet, comme l’รฉcluse la plus importante d’une rationalisation au moyen de la discussion, des dรฉcisions que prennent un gouvernement et une administration liรฉs par des lois et par a justice. La rationalisation est plus qu’une simple lรฉgitimation, mais moins que la constitution du pouvoir .
L’histoire moderne est traversรฉe par le rรดle de la dรฉlibรฉration (la libertรฉ du choix pour reprendre les termes d’Arthur Schopenhauer ) comme facteur constitutif de la lรฉgitimitรฉ politique. Les modรจles classiques, formulรฉs plus haut, semblent toutefois insuffisants pour dรฉcrire les pratiques dรฉlibรฉratives contemporaines oรน les citoyens รฉnoncent les principes qui devraient rรฉgir la vie en sociรฉtรฉ. L’exemple emblรฉmatique fut le diffรฉrend qui opposa jadis Thomas Jefferson (signataire de la Dรฉclaration d’Indรฉpendance des รtats-Unis) et James Madison et tous les deux fondateurs, en 1792, du Democratic-Republican Party . Ces pรจres de la nation amรฉricaine รฉtaient au diapason sur la nรฉcessitรฉ de limiter le pouvoir central, mais une diffรฉrence d’รฉchelle les sรฉpare. S’ils s’entendent sur le principe de la dรฉmocratie fondรฉe sur la reprรฉsentation, une divergence apparaรฎt dans le choix de ceux qui seront les titulaires de la prise de parole publique et de la dรฉcision. Madison, partisan de la grande รฉchelle pour rรฉguler la sociรฉtรฉ en accord avec la dรฉmocratie, stipule que seuls les reprรฉsentants, รฉlus par les citoyens, peuvent dรฉlibรฉrer. Will Friedman souligne: ยซThe quality of engagement by most citizens was not a core concern ยป. S’il admet la dรฉlibรฉration comme un รฉlรฉment constitutif du processus politique, celleci doit advenir parmi les reprรฉsentants et non au sein de la sociรฉtรฉ civile. En somme, la fonction du peuple est d’รฉlire des ยซ dรฉlibรฉrateurs ยป et non de se substituer ร eux en s’appropriant le pouvoir de dรฉbattre sur des thรจmes reliรฉs ร l’administration de la chose publique (la res publica des Grecs de l’Antiquitรฉ).
Thomas Jefferson dรฉfendait une conception plus substantielle et plus active du rรดle du citoyen dans la sociรฉtรฉ : Throughout his political life, Jefferson argued that democracy demands an active citizenry, one that would participate energetically in governance and thereby contribute, and develop a commitment, to a public good. ยซย The whole is cemented,ย ยป he argued, ยซย by giving to every citizen, personally, a part in the administration of the public affairsย ยป .
ร la question de savoir qui doit dรฉbattre, s’ajoute celle du topos de la parole รฉnoncรฉe dans une sociรฉtรฉ politiquement structurรฉe. Les rรฉflexions de Jefferson et de Madison (respectivement troisiรจme et quatriรจme prรฉsidents des รtats-Unis) sont riches d’enseignements et hautement pertinentes pour le dรฉveloppement rรฉgional.
DรLIBรRATION, QUรTE D’IDENTITร ET DรVELOPPEMENT LA NรBULEUSE QUรBรCOISE
L’histoire rรฉcente du Quรฉbec se caractรฉrise, entre autres, par une volontรฉ de dรฉlรฉguer la dรฉlibรฉration, jusque-lร dรฉtenue par les รฉlites, aux citoyens dรฉrogeant ainsi aux principes fondamentaux de la dรฉmocratie reprรฉsentative. Comme le suggรจre Gilbert Larochelle : Depuis la fin du 18e siรจcle, la construction des processus dรฉmocratiques en Occident repose largement sur la croyance, sinon l’assurance que le discours des รฉlites dans l’arรจne politique tient sa lรฉgitimitรฉ de ce qu’il s’รฉnonce au nom du peuple .
Ainsi, la parole des tuteurs attitrรฉs, selon la formule de Kant, n’รฉtait qu’une redondance, une tautologie de la volontรฉ populaire. Entre lรฏntentionnalitรฉ plus ou moins รฉnoncรฉe par le peuple et la dรฉcision rรฉvรฉlรฉe des reprรฉsentants, une transition sans interfรฉrence existait. De cette congruence naissait la lรฉgitimitรฉ politique des รฉlus. Or, quatre expรฉriences tรฉmoignent d’un dรฉplacement de la scรจne รฉnonciative des รฉlites vers les citoyens dotรฉs des attributs de la rhรฉtorique.
Un scรฉnario autre s’est donc mis en place et dans lequel les commettants se voient attribuer la tรขche de dicter les paramรจtres souhaitables pour une dรฉfinition et une conception mieux incarnรฉes de l’รชtre ensemble et pour autrui. Les commissions ont รฉtรฉ le thรฉรขtre d’une rรฉflexion commune sur des questions fondamentales et substantielles sans doute ร nulle autre pareille dans l’histoire du Quรฉbec contemporain. ร cet รฉgard, le modรจle helvรฉtique fondรฉ sur la dรฉmocratie directe dans lequel le plus grand nombre est appelรฉ ร dรฉcider de faรงon dรฉfinitive relรจve davantage d’une conception procรฉdurale oรน la convocation des citoyens se concrรฉtise dans l’exercice du droit de vote lors de rรฉfรฉrendum, comme outil lรฉgislatif majeur, ad hoc, reliรฉ ร toutes dรฉcisions significatives qui, elles, รฉmanent des รฉlus. Ces demandes rรฉitรฉrรฉes de la population ne visent, en dรฉfinitive, qu’ร sanctionner ou rejeter les propositions soumises ร son approbation. Rien de tel au Quรฉbec oรน un dispositif de la dรฉlibรฉration publique inรฉdit ร cette รฉchelle semble รฉmerger et dont la mise en place inaugure une nouvelle faรงon de fonder la dรฉcision politique dont la responsabilitรฉ incombe au peuple lui-mรชme. Cette dรฉmarche s’inscrit en porte-ร faux face ร la reprรฉsentation dรฉmocratique par dรฉlรฉgation. Quatre consultations publiques eurent lieu ร l’aune de cette volte-face du processus dรฉmocratique afin de rรฉactiver le dรฉbat public au Quรฉbec au-delร du simple parti pris. La Commission de la Gaspรฉsie-รฎles-de-la-Madeleine est, en ce sens, fort rรฉvรฉlatrice dans la mesure oรน la souverainetรฉ se situe au-dessus des partis politiques, comme si elle les prรฉcรฉdait : Des intervenants et des intervenantes ont dรฉplorรฉ que beaucoup de gens se demandent seulement ce qui arrivera s’ils votent oui, mais ne remettent pas en doute les consรฉquences d’un non. Dans le mรชme ordre d’idรฉe, des intervenants et des intervenantes ont fait remarquer que, malheureusement, le dรฉbat sur l’avant-projet de loi avait pris un pli partisan et qu’il fallait ร tout prix le rendre moins partisan pour faire comprendre aux gens qu’en votant oui, ils ne reniaient pas les autres partis politiques de la province; d’ailleurs, le plus important n’est-il pas de devenir souverain? Advenant la souverainetรฉ, tout parti dรฉmocratiquement รฉlu pourrait diriger le pays .
Une autre assertion point vers une direction analogue puisque ยซ le Quรฉbec n’a plus d’autre vocation que la souverainetรฉ, est-il nรฉcessaire de dire et de redire que ladite souverainetรฉ n’est pas une question de parti, mais de patrie ยป. Il est sans doute utile de rappeler que la mise sur pied de cette commission sur l’avenir du Quรฉbec fut dรฉcrรฉtรฉe par le Gouvernement du Parti quรฉbรฉcois sans qu’il ait reรงu l’aval des partis d’opposition, notamment le Parti libรฉral du Quรฉbec. Aussi fut-elle interprรฉtรฉe comme un exercice partisan avec comme objectif ultime la souverainetรฉ : ยซ Les Quรฉbรฉcoises et les Quรฉbรฉcois demeureront toujours hรฉsitants ร concrรฉtiser leur dรฉsir par la voie de la souverainetรฉ et c’est pour cette raison que l’avant-projet de loi risque de ne pas rallier la majoritรฉ de la population lors du rรฉfรฉrendum ยป. D’oรน cette conclusion : ยซ le dรฉbat est trop politisรฉ; il vรฉhicule les vieilles images de 198068 ยป. Quel aurait รฉtรฉ le scรฉnario si l’Assemblรฉe nationale avait entรฉrinรฉ cette dรฉmarche en la dissociant de l’idรฉologie Revenons ร prรฉsent sur le survol des principales consultations publiques qui jalonnent l’histoire rรฉcente du Quรฉbec. Deux furent dรฉcidรฉes par le Parti libรฉral du Quรฉbec, nommรฉment : 1/La Commission Bรฉlanger-Campeau, connut sous le nom de Commission sur l’avenir politique et constitutionnel du Quรฉbec. 2/La Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliรฉes aux diffรฉrences culturelles, dite Commission Bouchard-Taylor. Une troisiรจme fut entreprise en juin 2000 par le Gouvernement du Parti quรฉbรฉcois. Il s’agit de la Commission Clair sur les services de santรฉ. Une quatriรจme fut commandรฉe elle aussi par le Parti quรฉbรฉcois, soit les Commissions sur l’avenir du Quรฉbec. Cette expรฉrience consultative fera l’objet d’un examen plus approfondi. Mais, avant d’entrer de plain-pied dans ce qui sera le sujet de cette thรจse, un survol des trois autres commissions s’impose afin d’y repรฉrer des similitudes, le cas รฉchรฉant des diffรฉrences pour tirer certaines trajectoires, une leรงon, une pรฉdagogie dans ce qui pourrait รชtre le modรจle dรฉmocratique d’un Quรฉbec souverain.
LA COMMISSION SUR L’AVENIR DU QUรBEC ET LEURS OBJECTIFS
L’enjeu de cette thรจse consiste ร mettre ร jour les limites de cette conception substantielle qu’est la dรฉmocratie deliberative et de la dรฉfinition de l’รชtre ensemble. En outre, elle cherchera ร comprendre ce qu’il advient lorsque l’espace public, comme socle de la dรฉmocratie deliberative, cesse de se dรฉfinir par une idรฉologie commune quitte ร dรฉborder sur un รฉclatement, une prolifรฉration de revendications (peut-รชtre inconciliables entre elles) d’ordre รฉthique qui prรฉcรฉderait, en quelque sorte, la dimension strictement politique ร l’image de la division sociale. Certes, la souverainetรฉ ne fut pas relรฉguรฉe aux oubliettes, mais la population ne pouvait entrevoir cet objectif qu’en l’insรฉrant dans un idรฉal intรฉgrateur (holiste et non plus sectoriel) dont la politique ne serait qu’une dimension parmi d’autres.
L’analyse de ce vaste corpus documentaire montre que la thรฉmatique gouvernementale n’รฉtait pas assez ouverte pour y inclure des prรฉoccupations qui relรจvent aussi de l’รฉthique que de l’identitรฉ rรฉgionale cependant que cette derniรจre fut รฉnoncรฉe sous un mode nรฉgatif plutรดt qu’affirmatif. Les revendications des rรฉgions indiquent plutรดt une pรฉnurie, un mal de vivre que seul le pouvoir rรฉgional pourrait surmonter. La dรฉlibรฉration est une requรชte, un espoir. Le prรฉsent de renonciation ne saurait coรฏncider avec la rรฉalisation du contenu qu’elle vรฉhicule. C’est un horizon que les acteurs de la discussion publique ne peuvent atteindre sans l’assistance d’un destinataire, en l’occurrence l’รtat ร qui la dรฉcision finale revient. Un florilรจge thรฉmatique apparut lors de la tenue de la Commission sur l’avenir du Quรฉbec. Elle nous renseigne comme peu d’autres exercices dรฉlibรฉratifs sur l’identitรฉ rรฉgionale entendue ici comme un moteur de dรฉveloppement.
Cette apparente cacophonie est l’indice de quels symptรดmes? ร cette question, Gilbert Larochelle identifie trois possibilitรฉs d’interprรฉtation : 1/ce dรฉbordement est le signe que la population n’avait pas la discipline requise pour porter son attention ร la thรฉmatique proposรฉe : 2/ le recours ร un modรจle plus direct, plus dรฉlibรฉratif n’aurait รฉtรฉ qu’une astuce politicienne et partisane : 3/ ou alors, ยซ faut-il y voir une tendance lourde, l’amorce d’un lent, mais dรฉcisif recadrage dans la perception des enjeux sociaux que les 53 000 personnes ayant comparu devant les commissions auraient exprimรฉs ร travers la disparitรฉ manifeste de leurs discours ยป. Cette appropriation (ou revendication) du pouvoir vers les rรฉgions prend une tournure toute kantienne que rรฉsume l’impรฉratif Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement .
En somme, la dรฉmocratie deliberative (et l’รฉthique de la discussion qui en est le corollaire) et ses visรฉes universalistes serait-elle, du moins en partie, invalidรฉe par une prise de la parole localisรฉe et territorialisรฉe? Le modรจle rรฉpublicain et l’universalisme de la modernitรฉ politique seraient dรจs lors parvenus ร un stade critique avec la montรฉe en puissance des identitรฉs particuliรจres . L’รฉpoque contemporaine serait stigmatisรฉe par cette polaritรฉ irrรฉsolue, ce rรฉgime concurrentiel, oรน le modรจle rรฉpublicain (universaliste) serait en crise, sinon fragilisรฉ, cohabiterait avec le libรฉralisme (le phรฉnomรจne identitaire). En dรฉfinitive, il s’agit de comprendre l’irruption des identitรฉs ร partir de la fin du siรจcle dernier et de montrer que la problรฉmatique du dรฉveloppement rรฉgional semble aujourd’hui prise en รฉtau entre le discours classique de l’รฉconomie et les demandes sociales de reconnaissance telles qu’elles apparaissent avec insistance dans les discours ayant pour thรจme la rรฉgionalisation. La rรฉgion serait-elle l’รฉchelle adรฉquate pour la mise en place d’un dispositif dialogique et intersubjectif en liaison avec le principe de subsidiaritรฉ? La subsidiaritรฉ est, avec le concept de dรฉbat public, une des dimensions constitutives de la dรฉmocratie deliberative conjuguant reprรฉsentation et participation, dรฉbat et prises de dรฉcisions. Ce principe, introduit dans l’article 5 ยง 1et 2 du Traitรฉ instituant la Communautรฉ Europรฉenne, fut par la suite inscrit dans le traitรฉ de l’Union Europรฉenne en 1992 par le traitรฉ de Maastricht afin de concilier les communautรฉs et le respect de leur souverainetรฉ dans un contexte oรน l’action de l’รtat est insuffisante. Ce terme (opposรฉ au centralisme) repose sur un principe d’attribution, de rรฉpartition directe des compรฉtences entre niveaux et sousensembles d’une sociรฉtรฉ complexe. Les dรฉcisions doivent รชtre prises ร l’รฉchelle la plus subsidiaire possible, car c’est ce dernier qui entretient la plus grande proximitรฉ avec les membres d’une communautรฉ. Ce principe est issu du droit canonique et a รฉtรฉ รฉnoncรฉ pour la premiรจre fois par le pape Lรฉon XIII dans l’encyclique Rerum novarum qui constitue, ร ce titre, la premiรจre formalisation de la doctrine sociale de l’รglise catholique .
Chantai Milon-Delsol mentionne que ce principe se retrouve dans la pensรฉe aristotรฉlicienne oรน la sociรฉtรฉ s’apparente ร une forme gigogne en ce sens qu’elle est constituรฉe de groupes emboรฎtรฉs les uns dans les autres. Selon cet auteur, la subsidiaritรฉ prรฉsente un double volet. De faรงon nรฉgative : ยซ la subsidiaritรฉ suppose qu’une instance supรฉrieure n’intervienne pas dans la rรฉgulation opรฉrรฉe par une instance infรฉrieure, si cette instance infรฉrieure est apte ร rรฉguler les affaires publiques qui sont de sa compรฉtence ยป. De faรงon positive, ยซla subsidiaritรฉ entraรฎne l’assistance ร la rรฉgulation opรฉrรฉe par l’instance infรฉrieure ou encore sa prise en charge en cas d’insuffisance avรฉrรฉe ยป. Pour sa part, le Gouvernement du Quรฉbec en donne la dรฉfinition suivante : c’est le ยซ partage des responsabilitรฉs entre les diffรฉrents paliers territoriaux doit s’effectuer selon le principe voulant qu’une responsabilitรฉ soit confiรฉe au palier le mieux placรฉ pour l’assumer avec efficacitรฉ et au moindre coรปt et, selon un partage clair des rรดles de chacun permettant d’รฉviter dรฉdoublements et chevauchementsย ยป. Ce principe est en quelque sorte une solution de rechange ร l’รtat providence. De plus, il existe trois critรจres pour รฉvaluer, pour une responsabilitรฉ exercรฉe ร un palier donnรฉ, son degrรฉ de concordance au principe de subsidiaritรฉ : 1/Efficacitรฉ, ce qui produit l’effet espรฉrรฉ, qui aboutit ร des rรฉsultats utiles : 2/Efficience, c’est-ร -dire tout processus capable de rendement : 3/Responsabilitรฉ, c’est-ร dire qui dรฉcide et agit en acceptant de rendre compte et de supporter les consรฉquences de ses actes .
CONCLUSION
Cette thรจse ร dominante thรฉorique n’avait nullement l’ambition d’รฉpuiser la signification des problรฉmatiques soulevรฉes lors des Commissions sur l’avenir du Quรฉbec: sa couverture systรฉmatique et complรจte aurait nรฉcessitรฉ un travail dรฉbordant largement les balises de cet exercice, ร moins de recourir ร l’ensemble des sciences sociales de l’histoire ร l’anthropologie, de l’รฉconomie aux รฉtudes constitutionnelles ainsi qu’ร la politologie. L’empirie visait non pas ร rรฉsoudre la quadrature du cercle, de synthรฉtiser le sujet dans son ensemble, mais d’offrir un champ d’observation pour que les considรฉrations d’ordre thรฉorique ne se rรฉduisent point en un simple exercice de rรฉflexion abstraite. Par mรฉthode et par rรฉalisme, l’analyse s’est astreinte ร รฉtudier des sujets directement reliรฉs ร la problรฉmatique du dรฉveloppement rรฉgional et ร renonciation d’un projet de sociรฉtรฉ inรฉdit fondรฉ sur la dรฉcentralisation et non plus sur la centralisation, cette derniรจre ayant รฉtรฉ choisie pour que le Quรฉbec puisse accรฉder ร la modernitรฉ. Toutefois, ce glissement progressif vers les instances rรฉgionales et locales ne s’est pas encore matรฉrialisรฉ. ร telle enseigne, le Quรฉbec cherche toujours un mode de gouvernance adรฉquat (souverainetรฉ, dรฉcentralisation, sociรฉtรฉ distincte, etc.) ce qui suppose qu’il existe des contraintes et des obstacles suffisamment forts pour que sa mise en application soit sans cesse remise ร une date ultรฉrieure.
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Table des matiรจres
INTRODUCTIONย
CHAPITRE I – DรMOCRATIE ET DรLIBรRATION :
รTAT DE LA QUESTION…
CHAPITRE II – DรLIBรRATION, QUรTE D’IDENTITร ET
DรVELOPPEMENT RรGIONAL : LA NรBULEUSE QUEBECOISE
1. LE CONTEXTE D’รMERGENCE DES COMMISSIONS
2. LE MANDAT DES COMMISSIONS
CHAPITRE III – LA PROBLรMATIQUE : LES COMMISSIONS
SUR L’AVENIR DU QUรBEC ET LEURS OBJECTIFS
1. LES PROPOSITIONS
2. LES LIENS ENTRE LE SUJET ET LE DรVELOPPEMENT RรGIONAL
3. L’IDENTITร RรGIONALE
4. LE RAPPORT SOUVERAINETร ET RรGIONS
5. LES MODES DE TRANSFORMATION DE L’ESPACE PUBLIC
6. DรLIBรRATION ET LA DEMANDE EN DรVELOPPEMENT
CHAPITRE IV- LA MรTHODOLOGIE : DรMARCHE QUALITATIVEย
1. LESOUTILSDE RECHERCHE
2. L’HERMรNEUTIQUE
3. LE RรCIT DE PRATIQUE
CHAPITRE V – LES SOURCES DOCUMENTAIRES :
PRรSENTATION ET DECOUPAGE DU CORPUS
CHAPITRE VI – L’ANALYSE DU CORPUS. PRรAMBULEย
1. DE LA SOUVERAINETร EN QUESTION : L’APPEL DES RรGIONS
2. DE LA CONCURRENCE DANS L’ESPACE PUBLIC
3. CENTRALISATION ET DรCENTRALISATION : ASPECTS THรORIQUES
4. DEBATS ET DECENTRALISATION : A LA RECHERCHE DU POUVOIR
CONCLUSION
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