Les modèles tarifaires des services de VOD
Si en théorie les bibliothèques ont la possibilité de négocier avec n’importe quel éditeur de service de VOD, dans la pratique, la souscription à une offre commerciale non-adaptée à l’usage spécifique des bibliothèques semble difficile. (Phalippou 2013, p. 89-92) Les trois principaux modèles tarifaires suivants sont donc actuellement proposés aux bibliothèques : L’achat de fichiers avec droits attachés : l’établissement achète les fichiers ainsi que les droits de prêt, de consultation sur place et/ou de projection publique. Dans ce cas, l’établissement prend généralement en charge le développement de l’interface, l’hébergement des fichiers et la maintenance du service. L’avantage de ce modèle est que le coût de la ressource n’augmente pas avec le nombre de consultations, par contre il s’avère beaucoup trop lourd à gérer pour un établissement individuel et de taille modeste (Phalippou 2013, p. 89-92). A noter qu’il existe aujourd’hui des plateformes de VOD lesquelles permettent aux bibliothèques d’intégrer leurs propres fichiers audiovisuels. paiement à l’acte : l’hébergement et la gestion des fichiers sont assurés par l’éditeur du service.
L’établissement paie alors un crédit pour un certain nombre de consultations sur une période donnée. L’avantage de ce système est que seules les consultations effectives sont facturées. La bibliothèque peut donc proposer à moindre frais (et risque) des films peu demandés par le public mais dont les contenus répondent aux critères de la politique d’acquisition. En revanche, en cas de succès d’une ressource, chaque consultation entraîne une croissance exponentielle de son coût. (Phalippou 2013, p. 89-92) En plus des frais de mise en service et de maintenance de la plateforme, les bibliothèques doivent donc s’acquitter d’un abonnement forfaitaire annuel donnant accès à un nombre défini de crédits, lesquels sont alors déduits lors de chaque visionnage. Ce modèle tarifaire oblige ainsi les bibliothécaires de procéder à une estimation des besoins, avec toutefois le risque de sous- ou surévaluer le potentiel succès de l’offre. (León y Barella 2013, p. 40) Le paiement forfaitaire : l’hébergement et la gestion des fichiers sont assurés par l’éditeur du service. Le coût de chaque ressource est fixe et n’augmente donc pas en fonction du nombre de consultations. Ce modèle offre ainsi les avantages techniques du modèle du paiement à l’acte ainsi que les avantages tarifaires de l’achat de fichiers avec droits attachés. (En 2013 le paiement forfaitaire se limitait généralement à la consultation sur place et pour un nombre de licences prédéfini) (Phalippou 2013, p. 89-92). Pour l’accès à distance, les abonnements annuels peuvent être plafonnés sur le nombre d’inscrits au service et le nombre de visionnages.
La médiation
De par leur dématérialisation, les contenus en ligne « restent invisibles tant qu’ils n’ont pas été trouvés par le lecteur […] » (Tuleu 2013, p.139). Ils nécessitent par conséquent un important travail de valorisation. La notion de médiation désigne ici l’intervention humaine qui vient accompagner le public dans ses découvertes et faciliter son accès à la culture. Les différents réseaux sociaux, forums de discussion et sites de partage témoignent du besoin de médiation sur Internet. Le besoin de conseils et de repères ne disparaît ainsi pas avec la dématérialisation des oeuvres mais, au contraire, augmente avec la masse de données disponibles sur le web. (Cazeneuve 2015, p. 54) La médiation est donc aujourd’hui une valeur ajoutée face à la surabondance de l’information (Calenge 2015, p. 15), d’où l’intérêt pour les bibliothèques de publier un blog présentant des sélections musicales ou de diffuser des playlists.
Quant aux plateformes de VOD, la possibilité d’y proposer des sélections et d’y ajouter des compléments semble essentielle pour remplir une fonction de médiation. Aussi, il est « nécessaire de mener des actions autour des contenus numériques, afin de ne pas être un simple relais « gratuit » d’une offre commerciale » (León y Barella 2013 p. 40). Alors que les modes d’écoute évoluent et que les disques sont abandonnés pour des fils musicaux ou des listes de lecture, ces derniers « seront de plus en plus le résultat d’outils de recommandation plus ou moins évolués auxquels nous sommes en train, lentement mais sûrement, de laisser les commandes » (Bouton 2014). Le même constat peut être fait pour la vidéo. Si les enjeux de la recommandation sont stratégiques pour les plateformes commerciales (lesquelles utilisent la recommandation comme facteur concurrentiel) et économiques pour les ayants droit (lesquels souhaitent être recommandés pour être diffusés le plus possible), le troisième enjeu est culturel (Bouton 2014) et les bibliothèques ont ici un rôle important à jouer. Selon Axel Dauchez, président du service d’écoute de musique en streaming Deezer : « Ce qui a de la valeur aujourd’hui, c’est le temps et l’exposition, la visibilité. Tout est (ou sera) disponible mais tout n’est pas visible, visité. Entre les deux il y a la médiation. » (Dauchez, cité dans Rettel 2012, p. 76)
Les bornes d’écoute et de téléchargement
Afin d’adapter leur offre aux nouvelles pratiques d’écoute, certaines bibliothèques en France ont, dans un premier temps, mis à la disposition de leurs usagers des bornes d’écoute et de téléchargement de musique libre. Il s’agit de dispositifs interactifs (aujourd’hui généralement avec écrans tactiles) permettant la promotion de musique sous licence libre ou entrée dans le domaine public. L’offre peut être composée de collections numérisées par la bibliothèque et/ou de fonds proposés par les distributeurs de bornes. Les usagers ont ainsi la possibilité de télécharger la musique sur différents types de supports tels que clés USB ou smartphones. Actuellement, les principaux fournisseurs de bornes dédiées à l’écoute et au téléchargement en bibliothèque sont Cristal Zik (effectue aussi la numérisation des CD) et doob. Ainsi, pour exemple, 300 CD de la scène locale de Nancy ont été numérisés par Crystal Zik8 en 2011 puis ont été mis à disposition des usagers sur une borne d’écoute et de téléchargement de la médiathèque. Les plus intéressés semblaient alors être les artistes locaux lesquels espéraient toucher un public plus large que celui de leurs concerts (Neveux 2011). Un autre exemple est celui de la médiathèque de Gradignan, laquelle propose depuis 2007 la première borne Automazic (devenue plus tard doob9) pour la consultation et la copie de musiques sous licences libres.
Les objectifs de la médiathèque étaient alors de « représenter tout un courant musical passé sous silence, quasi-absent des radios, des majors ou des disquaires » afin de « témoigner de l’activité musicale de multiples artistes et rendre visible tout un pan musical présent sur internet et peu présent sur le secteur marchand » (Peignon 2011). En 2011, la médiathèque de Gradignan présente un bilan très positif de l’expérimentation autour de la borne devenue partie intégrante des fonds et entièrement adoptée par le public (Peignon 2011). Aujourd’hui, la borne doob permet à la médiathèque de proposer à ses usagers une offre de streaming complémentaire à celle des collections physiques et d’enrichir ainsi son catalogue. Actuellement, plusieurs bibliothèques en France proposent les bornes doob cependant leur succès dépend principalement de la forte implication des équipes en place et du travail d’accompagnement pour les faire connaître et utiliser. (Galaup 2012a) Les bornes d’écoute et d’échange sont donc des outils de promotion dont la réussite peut fortement varier d’une région à l’autre et dont la visibilité nécessite toutefois un engagement plus ou moins important de la part des bibliothécaires.
1D touch A l’écart des majors, le concept de 1D touch14 – initié en 2010 par la fédération française de labels indépendants CD1D (Claquin 2014) – a séduit un certain nombre de bibliothèques en France. Afin de proposer des alternatives aux principaux services de streaming (Deezer, Spotify ou encore musicMe), artistes, labels, médiathèques, salles de concerts et radios associatives se sont réunis pour développer une plateforme de « streaming équitable ». (1D touch 2014) Géré depuis 2014 par une société coopérative d’intérêt collectif (Claquin 2014), 1D touch reverse aux ayants droit 65% des sommes brutes collectées. De cette part, 10% alimentent un fonds de soutien et 15% sont reversés, sous forme de forfait, à chaque producteur pour la mise en ligne de sa production (même si celle-ci n’est jamais écoutée). Les 40% restants sont distribués en fonction des statistiques d’écoute, chaque écoute étant rémunérée de la même manière, indépendamment de la notoriété de l’artiste ou de son producteur. (Monsieur MO 2014)
Les objectifs de la société coopérative sont donc les suivants : « mettre en avant, grâce aux nouvelles technologies, les créations indépendantes et la « touche » souvent singulière qui les caractérise, tout en proposant une réflexion sur une juste rémunération des créateurs susceptible de soutenir le renouvellement de la création et une diversité des expressions artistiques.» (1D touch 2014) Ainsi, le service propose un catalogue de plus d’un million de titres, 68’000 artistes et 11’000 labels indépendants du monde entier et de tous les genres (1D touch 2014). L’offre peut être consultée sur place via des bornes d’écoute tactiles installées dans les lieux partenaires (bibliothèques, salles de concerts et autres institutions culturelles) ou à distance, sur tout appareil connecté, pour les personnes inscrites auprès d’une de ces structures. La page d’accueil de la plateforme pouvant être éditorialisée, les usagers accèdent dans un premier temps à des playlists et des mises en avant proposées par la bibliothèque dont ils sont adhérents.
La coopérative travaille également avec des sociétés issues de l’institut de recherche IRCAM afin de créer un système de recommandation d’écoute basé sur les appréciations de l’utilisateur ainsi que sur une analyse des morceaux. (Blanc 2016) « Les publics ciblés sont les amateurs de musiques, les « curieux » de contenus culturels non formatés, les jeunes de 15-25 ans, les lieux de médiation artistique et culturelle et les collectivités territoriales soucieuses de défendre la diversité culturelle. » (Monsieur Mo 2014) Afin d’offrir un accès à leurs usagers, les lieux partenaires versent donc une contribution créative à la société coopérative, sous forme d’abonnements mensuels. Le montant varie en fonction des services, du nombre d’utilisateurs et des catalogues proposés, allant de 99 à 299 Euros par mois et plus selon les contenus ajoutés au dispositif. (Claquin 2014) En proposant le service 1D touch, les bibliothèques soutiennent les artistes ainsi que les labels indépendants lesquels sont aujourd’hui plus facilement diffusés en ligne alors que le marché physique devient de plus en plus étroit.
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
1Introduction
2La diffusion de musique et de vidéo en ligne
2.1Les modes de diffusion
2.1.1Le téléchargement
2.1.2Le streaming
2.2La vidéo à la demande
2.3Les DRM
2.4Les droits de diffusion
2.4.1Les sociétés de gestion
2.4.2Les Creative Commons
3La musique et la vidéo en ligne en bibliothèque
3.1Les modalités d’acquisition
3.1.1Le modèle économique de la VOD
3.1.2Les modèles tarifaires des services de VOD
3.1.3Les consortiums
3.2Les modalités d’accès
3.3Les politiques documentaires
3.4La médiation
4La musique en bibliothèque
4.1Les bornes d’écoute et de téléchargement
4.2L’offre en ligne
4.2.1Les sites de téléchargement
4.2.2Les plateformes de streaming
4.2.2.1musicMe
4.2.2.21D touch
4.2.2.3Cité de la Musique de Paris
4.2.2.4BnF Collection
4.2.3Les playlists et webradios
4.2.4Les blogs thématiques
4.3La BiblioBox
4.4Les vinyles
4.5Les services de pratiques musicales
5La vidéo en bibliothèque
5.1Les services de VOD
5.1.1Médiathèque Numérique
5.1.2Médi@thèque Numérique – CVS
5.1.3adavision – medialib.tv
5.1.4InstantFlix de IndieFlix
5.2Les offres gratuites sur Internet
5.3La BiblioBox
6L’offre en ligne des bibliothèques en Suisse
6.1Les services de musique et de vidéo en ligne
6.1.1Onleihe
6.1.2Naxos Music Library – La Discothèque Numérique Naxos
6.1.3Medici.tv
6.1.4La Cité de la Musique de Paris
6.1.5Alexander Street
7La BCU de Fribourg : analyse de l’existant
7.1Les missions
7.2Les publics
7.3L’espace public
7.3.1La borne de prêt
7.3.2L’Espace fribourgeois
7.3.3Les ressources électroniques et FReBOOKS
7.3.4Les postes d’écoute
7.4La Médiathèque
7.4.1Les bornes de prêts
7.4.2Les DVD en magasins
7.4.3La réservation en ligne
7.4.4Les collections de CD et DVD
7.4.5La mise en valeur des collections
7.4.6Les acquisitions
7.4.7Le désherbage
7.5L’offre culturelle
7.6Les projets de la BCU
8Les propositions pour la BCU de Fribourg
8.1Les ressources numériques en ligne
8.1.1Les livres audio
8.1.2La musique classique
8.1.3Les films documentaires
8.1.4La mise en place de l’offre numérique
8.2Quelques partenaires potentiels de la BCU de Fribourg
8.2.1laPlattform de la HEP de Fribourg
8.2.2Les sites de VOD
8.3Les alternatives possibles
8.3.1Le soutien aux labels indépendants
8.3.2La promotion de productions locales
8.3.3La diffusion d’oeuvres libres de droits
Conclusion
Bibliographie
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