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Les conditions préalables au décollage
Cette étape se caractérise par de profondes mutations dans les trois secteurs non industriels : les transports, l’agriculture et le commerce extérieur. On assiste à la mise en place de structures favorables au développement notamment par le développement du système bancaire et la création de l’infrastructure nécessaire au développement industriel. Le premier est dû à l’augmentation du taux d’épargne tandis que le second est poussé par le développement technique.
Rostow souligne le rôle « moteur » dévolu au secteur agricole qui, par les gains de productivité qu’il enregistre, permet de nourrir une population croissante, assure les exportations nécessaires à l’équilibre des échanges extérieurs et autorise la réunion des conditions nécessaires au développement industriel. « Dans le domaine des échanges extérieurs, le changement se manifeste par l’augmentation des importations, financée par la meilleure mise en valeur et l’exportation des ressources naturelles ou encore l’importation de capitaux ». Le développement des transports et des moyens de communication s’opère généralement en liaison avec la commercialisation des matières premières qui « présentent un intérêt économique pour d’autres pays », et souvent financé par des capitaux étrangers. On note également une évolution des mentalités et des méthodes de travail : à l’intérieur du pays s’opère une prise de conscience d’une possible action de mise en valeur des ressources naturelles dans un but de « dignité nationale, profits privés, meilleures conditions de vie pour les générations futures ». La notion de progrès économique, émane généralement de l’extérieur et se diffuse à travers les élites nationales.
Le décollage
« Le décollage est la période pendant laquelle la société finit par renverser les obstacles et les barrages qui s’opposaient à sa croissance régulière. Les facteurs de progrès économique, qui jusqu’ici n’ont agi que sporadiquement et avec une efficacité restreinte, élargissent leur action et en viennent à dominer la société. La croissance devient la fonction normale de l’économie. Les intérêts composés s’intègrent dans les coutumes et dans la structure même des institutions ». Cette étape cruciale est d’une durée relativement brève : une à deux décennies. Rostow pose trois conditions essentielles au décollage. D’abord, le taux d’investissement productif passe de moins de 5% à plus de 10% du revenu national, de ce fait « il déborde nettement la pression démographique ». Cette augmentation de l’investissement se fera par un large appel aux capitaux extérieurs. Ensuite, la création d’industries motrices susceptibles d’entraîner l’apparition d’industries d’amont et d’aval. Ces industries pourront être stimulées dans leur croissance par le développement du commerce extérieur ou encore la substitution de la production nationale aux importations. Par ailleurs, une large diffusion des innovations et des taux d’intérêt faibles facilitent le mouvement d’industrialisation. Et en fin, la troisième condition c’est la mise en place rapide d’un appareil politique, social et institutionnel axé vers le développement afin que le taux de croissance de l’économie puisse, par la suite, rester constant. Comme l’écrit T. Szentes : « le décollage est accompagné d’une victoire politique, sociale et culturelle, décisive, des futurs responsables de la modernisation de l’économie sur les partisans de la société traditionnelle ou ceux qui poursuivaient d’autres buts ». Rostow tente de dater historiquement le décollage de certains pays : « On peut situer approximativement le décollage de l’économie britannique aux vingt dernières années du XVIIIème siècle; celui de la France et des Etats-Unis, à la période de 1830 à 1860; celui de l’Allemagne, au troisième quart du XIXème siècle; celui du Japon, aux vingt-cinq dernières années du XIXème siècle ».
Le progrès vers la maturité
C’est une période de progrès soutenu au cours de laquelle la croissance gagne l’ensemble des secteurs de l’économie et on assiste à une mise en œuvre plus générale des techniques modernes. Elle se caractérise par :
– un nouvel accroissement du taux d’investissement qui passe de 10 à 20 pour cent du revenu national.
– une diversification de la production: « l’économie prouve qu’elle est en mesure d’aller au-delà des industries qui l’ont fait démarrer à l’origine », par l’apparition de nouveaux secteurs dominant dans l’industrie.
– la structure de la population active se modifie (la main d’œuvre devient plus urbaine) et on note un phénomène d’urbanisation croissant.
– « la notion de dirigeant d’entreprise évolue également, et le gestionnaire, avec ses connaissances et sa vision plus large des choses prend de plus en plus d’importance. Les objectifs de la société commencent à ne plus se borner à l’application de la technologie moderne aux ressources. L’expansion de l’industrialisation cesse d’être la considération majeure, qui l’emporte sur toutes les autres ».
L’ère de la consommation de masse
« La production de biens de consommation durables et les services deviennent progressivement les principaux secteurs de l’économie ». Les objectifs de la société évoluent vers la consommation et le bien-être. A ce stade, les Etats peuvent privilégier trois différentes politiques: la recherche de la puissance et de l’influence extérieure, la création d’un Etat providence, l’élévation des niveaux de consommation « dépassant les besoins alimentaires, le logement et les vêtements nécessaires ». Après s’être laissés brièvement et superficiellement tentés par l’hégémonie mondiale, au tournant du siècle, les Etats-Unis ont, selon Rostow, choisit sincèrement et de tout cœur la voie de la consommation de masse dans les années 20, et connaissent depuis ce stade de croissance. D’autre part, alors que l’Europe occidentale et le Japon entrent dans l’ère de la consommation de masse et que l’Union soviétique « folâtre à la zone limitrophe », on peut dire que les Etats-Unis ont dépassé ce stade dans la mesure où, par suite de la « marche des intérêts composés », la société du pays se rapproche du point où la quête de la nourriture, du toit, des vêtements, ainsi que des biens de consommation durables et des services publics et privés ne commande plus son existence. De nouvelles perspectives se sont ouvertes au-delà de la consommation de masse et la société se tourne aujourd’hui vers de nouveaux objectifs plus élevés. Rostow en veut pour preuve le fait qu’aux Etats-Unis la natalité a augmenté ainsi que la proportion de familles nombreuses.
La force du secteur à fournir une main d’œuvre à bon marché
Les pionniers de l’économie du développement, en particulier Arthur Lewis et certains de ses héritiers de l’école du « dualisme », ont donné à l’agriculture un rôle central. Ce modèle dualiste considère que l’économie en développement est formée de deux secteurs : le secteur moderne assimilé au secteur industriel et le secteur précapitaliste traditionnel impliquant le secteur agricole. Arthur Lewis s’est intéressé à la capacité du secteur agricole à envoyer de la main d’œuvre au profit du secteur moderne de développement industriel. L’activité traditionnelle dissimule un chômage de masse dans l’économie de subsistance. Lewis en déduit une productivité faible ou nulle. L’opportunité d’employer ce chômage déguisé, c’est-à-dire, le « surplus » de main d’œuvre, améliore l’économie nationale. Le secteur moderne industriel se caractérise par une forte productivité du travail dont la productivité marginale est positive. Et cela nécessite une pluralité de main d’œuvre.
Cette théorie d’une dualité fondamentale entre secteur traditionnel et capitaliste glissera progressivement vers un dualisme « agriculture de subsistance » versus « activités industrielles ». Ce dernier aura une influence déterminante sur les premières politiques de développement par l’industrialisation, mises en place au moment de l’émancipation coloniale. La croissance de la productivité agricole demeure le mécanisme qui permet la réallocation continue du travail de l’agriculture vers l’industrie. Dans ce cas, la libéralisation de la main d’œuvre par le secteur agricole est un facteur insuffisant car la croissance de la productivité reste une condition préalable. L’industrie à elle seule ne pourra pas absorber l’excédent de main d’œuvre au début du processus de développement économique. Selon les auteurs de ce modèle : « Toute économie sous-développée qui tente de forcer l’allure de l’industrialisation sans tenir compte de la nécessité d’une révolution préalable du moins simultanée dans son secteur agricole connaîtra un avenir très difficile ». Tout critère de réussite portant seulement sur la capacité du secteur industriel à à libérer du travail.
FEI et RANIS expliquent que le transfert d’un travailleur du secteur de subsistance au secteur moderne permet de dégager un surplus agricole. Ce dernier peut être ensuite investi dans le secteur moderne. Il est estimé qu’une croissance de la productivité due à l’amélioration du capital par des techniques intensives de production permet de fournir un surplus agricole nécessaire au développement industriel. Dans ce système, l’agriculture paie les travailleurs et le surplus de production sous la forme de salaire qui servent à la croissance de l’industrie.
Le modèle de FEI et RANIS ont démontré d’une manière théorique que le secteur agricole tient un rôle non négligeable dans le processus de développement grâce à sa capacité à fournir de la main d’œuvre au secteur industriel. Cependant, sur le plan empirique, ce modèle présente certaines limites.
L’explication de Rostow est réfutable dans la mesure où il est reconnu que l’économie des pays aujourd’hui développés était différente de celles des pays sous-développés. Mais comme l’on considère le sous-développement comme un retard du développement économique, il importe alors d’élaborer des politiques économiques adéquates en suivant la voie des pays industrialisés si cela s’avèrent nécessaires. C’est à une conclusion voisine qu’on peut expliquer le sous-développement comme « un cercle vicieux », effet d’un processus de causalité circulaire. Le niveau bas du revenu national par tête est la caractéristique principale du sous-développement. De ce fait, le taux d’investissement courant est faible. Ce taux d’investissement, moteur de la croissance, ne peut accroître que si le revenu national croît. Or le revenu national est à peu près au même rythme que la croissance de la population dont la forte consommation improductive limite la création de bien-capital.
L’élaboration du modèle dualiste
Quatre hypothèses sont formulées pour l’élaboration du modèle.
Hypothèse d’offre illimitée de travail
Dans l’économie dualiste, le secteur urbain gagne une offre illimitée de travail au taux de salaire courant avec l’importance de la population relativement au capital et aux ressources naturelles. Cette hypothèse est indissociable au mode de fixation du salaire dans les économies dualistes. Car l’offre du travail est une donnée exogène par rapport au fonctionnement du secteur moderne. Il est déterminé en fonction des conditions de production et de rémunération dans le secteur traditionnel et situé au niveau de subsistance, égal au produit moyen par travailleur agricole. On suppose alors que le capitaliste fixe un salaire réel supérieur à ce niveau pour qu’il puisse disposer de main d’œuvre du secteur traditionnel et d’en dégager un excédent réinvestissable. Lewis constate un écart de 30% qui est nécessaire pour compenser les coûts de transfert pour le salarié. La parfaite élasticité de l’offre du travail implique que « quand le secteur moderne connaît un surcroît d’offre d’emploi au taux de salaire existant, le nombre disposé à travailler à ce taux est supérieur à la demande. » Cette situation, associée à l’accroissement démographique, fait que l’emploi peut augmenter sans accroissement du salaire réel qui reste constant pendant l’expansion du secteur capitaliste.
Hypothèse d’excédent structurel de travail
L’excédent de travail est déterminé par « la quantité de travail qui peut être retirée d’un secteur sans diminution de la production, les autres « facteurs de production », les techniques et les méthodes de production ne subissant aucun changement ou seulement des changements mineurs. ». Pendant la phase d’absorption du travail excédentaire le secteur capitaliste, le produit agricole total et le produit moyen par travailleur du secteur traditionnel sont toujours constants. Car la productivité marginale du travail excédentaire est nulle. Ce fait est dit un chômage déguisé agricole.
Surplus, épargne et investissement
Dans la pensée dualiste, l’utilisation du surplus économique s’avère nécessaire dans le processus d’expansion économique. Son réinvestissement permet de créer un nouveau capital. Comme on considère deux types de revenus : le salaire et le profit. Si le salaire est fixé à son niveau le plus bas, l’épargne des salariés devient négligeable et le surplus global s’identifie avec le surplus des capitalistes. Donc, on déduit que le surplus global est égal à la masse des profits en admettant que l’épargne est textuellement investie. D’où, l’identification de ces deux catégories de revenus.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I: APPROCHE THEORIQUE DU DEVELOPPEMENT BASE SUR L’AGRICULTURE
I. LES MODELES ECONOMIQUES DU SECTEUR AGRICOLE DANS LE DEVELOPPEMENT
1. Les étapes de la croissance de Rostow
2. La force du secteur à fournir une main d’oeuvre à bon marché
II. LA CONTRIBUTION DE LA PRODUCTION AGRICOLE A LA CROISSANCE
1. L’agriculture et l’activité économique
2. L’agriculture, moyen de subsistance
PARTIE II: LES PAYS A VOCATION AGRICOLE PEUVENT-T-ILS ATTEINDRE LE DEVELOPEMENT?
I. LA REUSSITE DE LA CHINE ET DE L’INDE
1. Réalité en Chine, et sa montée agricole
2. L’agriculture en Inde : Un secteur économique de première importance
II. LE CAS DE MADAGASCAR
1. Les réalités déterminantes
2. Le foncier à Madagascar
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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