Les modèles à phases du processus du changement
Définitions du changement organisationnel :
Le changement organisationnel peut être défini comme « un processus de transformation radicale ou marginale des structures et des compétences qui ponctue le processus d’évolution des organisations » (Guilhon, 1998, p. 98). D’après Revel (2004, p. 4), « cette définition a le mérite d’être consensuelle ». Il s’agirait, toujours selon Revel (2004, p. 5), d’ « une rupture par rapport aux modes de fonctionnement et aux raisonnements antérieurs. Il serait un passage entre deux équilibres, deux états stables de l’organisation. Le changement correspond, dans sa définition courante, à une modification de l’un des éléments de l’organisation du travail ou de l’organisation dans son ensemble ».
L’auteure ajoute que le changement organisationnel est circonscrit dans le temps. Pour leur part, Autissier et Moutot (2013) considèrent que la transformation peut concerner les éléments suivants : la stratégie, les conditions de travail, les outils (informatique et de gestion), les pratiques (manières de faire), l’organisation (les délimitations fonctionnelles et les zones de pouvoir), le métier (les savoir-faire de l’entreprise) et la culture organisationnelle. « Sur ces différents éléments le changement se matérialise par la disparition de l’existant qui contraint à un effort d’apprentissage et/ou à l’abandon de références identitaires » (Autissier et Moutot, 2013, p. 7). Pour Collerette et al. (1997, p. 20), le changement organisationnel est « toute modification relativement durable dans un sous-système de l’organisation, pourvu que cette modification soit observable par ses membres ou les gens qui sont en relation avec ce système ». Le changement dans l’organisation est également défini comme étant « un type d’événement, une observation empirique d’une différence dans la forme, la qualité ou l’état d’une entité à travers le temps.
Cette entité peut être un travail individuel, un groupe de travail, une stratégie d’une organisation, un programme, un produit ou toute une organisation » (Van de Ven et Poole, 1995, pp. 510-540). Il s’agit donc d’« un processus dynamique qui crée une différence dans un système entre un instant t et un instant t + 1 » (Beriot, 1992, p. 103). Ainsi, le changement organisationnel représente le chemin à parcourir entre un état de départ et un état d’arrivée (Yatchinovsky, 1999), donc entre deux équilibres de l’organisation. Nous constatons à travers ces différentes définitions que la plupart des auteurs s’accordent sur l’idée que le changement organisationnel représente un processus, qu’il constitue une rupture par rapport aux modes de fonctionnement et aux raisonnements antérieurs et qu’il peut concerner un ou plusieurs éléments de l’organisation.
Les processus de changement non linéaires :
Contrairement aux processus de changement linéaires, les processus non linéaires sont émergents, plus expérimentaux et moins bien définis par les théories (Barnabe, 2010). Carle (1998a), estime que les processus non linéaires sont axés autour d’une logique non déterministe. Ils font référence à « tout type d’activités qui brise la perspective, la façon ou l’habitude « normale» ou linéaire de faire les choses.» (Carle, 1998a, p.10). Pour cet auteur, la discontinuité associée aux processus de changement non linéaires est créée par la sacralisation du temps et de l’espace. Pour Carle (2009), ces types de processus sont universels et peuvent être exprimés sous la forme d’une courbe en U. Barnabe (2010) nous apprend que ces types de processus de changement sont enclenchés à la suite d’un événement externe (perte, choc), ou d’un événement interne (décision, arrêt de quelque chose). Cette auteure souligne également le fait que les processus de changement non linéaires conduisent les personnes impliquées à ressentir des émotions négatives. « C’est pourquoi les processus de changement non linéaires sont souvent marqués par une période plus ou moins longue de chaos et de désorganisation » (Barnabe, 2010, p. 6).
Ces types de changement sont imprévisibles et redéfinissent les liens interpersonnels en plus de créer un nouveau processus de construction identitaire (Barnabe, 2010). Pour Carle (2009), les processus de changement non linéaires sont révolutionnaires car ils modifient profondément les personnes et les organisations. Outre leur nature, « ce qui distingue les processus linéaires des processus non linéaires dans le cadre d’une intervention en entreprise est surtout le degré d’ouverture de leur cadre d’action respectif. Lors d’un processus de changement non linéaire, l’intervention ne se limite pas au cadre d’action prédéfmi. En effet, des actions autres que celles préétablies peuvent être mises en oeuvre au fil des situations rencontrées. Au contraire, dans les processus linéaires de changement, le cadre d’action est plutôt limité en ce sens qu’il découle d’une logique de planification» (Barnabe, 2010, p. 7). Morin (cité par Martins, 2007) résume cette idée en estimant que le probable ne se réalise presque jamais car il se trouve à la surface et jamais en profondeur. Malgré la prédominance de la logique linéaire du changement dans les organisations d’aujourd’hui (Wiebe et Gordon-Biddle, 2002, cités par Purser et Petranker, 2005), plusieurs auteurs comme Marshak (1993), Capra (2004) et Wheatley (2006) mettent en doute l’efficacité de ce type de changement vu la complexité du monde dans lequel nous vivons. Dans cette optique, Capra (2004, p. 154) affirme que: « Paradoxalement, le monde des affaires actuel, avec ses crises, ses complexités, el l’importance qu’ont pris le savoir et les connaissances, est un monde où l’on a aussi terriblement besoin de la souplesse, de la créativité et de la faculté d’apprentissage qui sont associées à la vitalité de l’organisation ».
La profondeur :
La profondeur du changement est relative à la manière dont celui-ci affecte la réalité organisationnelle (Zid, 2006). Il s’agit là d’établir une distinction entre : changement majeur (en profondeur) et changement marginal (superficiel) L’entreprise peut être modifiée superficiellement ou en profondeur avec toutes les nuances possibles entre ces deux extrêmes (Grouard et Meston, 1998). Selon Giroux (1991), le changement majeur marque une grande différence avec le passé, avec une rupture et une discontinuité apparentes. Cette auteure ajoute que mêmes s’ils demeurent nécessaires, les changements en profondeur doivent rester rares en raison de leur coût souvent élevé d’autant plus qu’ils mobilisent une grande partie des forces vives de l’entreprise. Ils doivent être effectués lorsque les changements superficiels ne suffisent pas. Le changement majeur représente une rupture avec le passé et vise à assurer un nouvel équilibre. Il modifie la stratégie, les processus, la structure, le système de récompenses, la culture et la performance organisationnelle (Autissier et al., 2014). Le changement marginal représente un raffinement de la situation actuelle et notamment des processus et de la mission de l’organisation (Autissier et al., 2014).
Selon Grouard et Meston (1998), ce dernier type de changement est facile à décider et joue un rôle essentiel dans les entreprises. Ils soutiennent également que ces petits changements continuels répondent parfaitement à un environnement en mouvement. Dans une logique proche de cette distinction, Watzlawick (1975) distingue entre le changement de type 1 et le changement de type 2. Le changement de type 1 « est correctif, mineur et permet à l’organisation de maintenir son équilibre. L’auteur prend l’exemple du thermostat qui régule la température en fonction des variations chaud/froid ou du cycliste qui effectue des mouvements à gauche puis à droite pour garder son équilibre » (Soparnot, 2004, p. 33). Il prend place à l’intérieur d’un système et résulte d’un déplacement par rapport à une norme de référence. Il s’impose pour la rétablir et s’obtient par l’application du contraire de ce qui a produit la situation (Delavallée, Joly et Yoldjian, 2002, p. 95). « La logique de ce changement demeure identique à la situation initiale car le mouvement s’inscrit dans le système sans le modifier. Il s’agit, par exemple, pour une entreprise de changer le système informatique du service de la comptabilité. Ce projet intervient dans le système, mais il ne modifie pas sa logique » (Soparnot, 2004, p. 33).
Le changement de type 2 est « un changement majeur qui vise à transformer complètement l’entreprise, ses valeurs, ses règles et à métamorphoser le comportement des salariés. Il s’agit d’un changement de logique qui modifie le système en profondeur. Watzlawick le définit comme le niveau «méta» qui fait se transformer le système en modifiant les normes » (Soparnot, 2004, p.33). « Le changement de type 1 s’apparente à l’action de l’accélérateur de la voiture qui permet d’aller plus vite tout en conservant le même régime (faire plus ou mieux de la même chose) alors que le changement de type 2 correspond au changement de vitesse qui, en modifiant le régime de la voiture, la fait passer à un niveau de puissance supérieur » (Delavallée et al., 2002, p. 96).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Le changement organisationnel : cadre conceptuel et théorique
Introduction
Section 1 : Définitions et typologies du changement organisationnel
1.1. Définitions
1.1.1. Définitions du changement
1.1.2. Définitions du changement organisationnel
1.2. Typologies du changement organisationnel
1.2.1. Les processus de changement linéaires et processus de changement non-linéaires
1.2.1.1. Les processus de changement linéaires
1.2.1.2. Les processus de changement non linéaires
1.2.2. L’étendue(Ampleur
1.2.3. La profondeur
1.2.4. Le rythme
1.2.4.1. Le changement progressif (incrémental
1.2.4.1.1. Le changement incrémental à moteur proactif
1.2.4.1.2. Le changement incrémental à moteur réactif
1.2.4.2. Le changement brutal
1.2.5. La mise en oeuvre du changement
1.2.5.1. Le changement prescrit
1.2.5.2. Le changement négocié
1.2.6. L’intentionnalité du changement
1.2.6.1. Le changement imposé
1.2.6.2. Le changement volontaire
1.2.7. Typologie des changements proposée par Autissier, Vandangeon-Derumez et Vas (2010)
1.2.7.1. Changement continu
1.2.7.2. Changement proposé
1.2.7.3. Changement dirigé
1.2.7.4. Changement organisé
Section 2 : Les approches du changement organisationnel
2.1 L’approche biologique
2.2 L’approche de la rationalité
2.3. L’approche institutionnelle
2.4. L’approche des ressources
2.5. L’approche contingente
2.6. L’approche psychologique
2.7. L’approche politique
2.8. L’approche culturelle
2.9. L’approche des systèmes
2.10. L’approche postmoderne
2.11. L’approche du sensemaking
2.12. L’approche de la praxis
Section 3 : Les modèles à phases du processus du changement
3.1. Le modèle de Lewin (1947)
3.2. Le modèle de Weick (1969)
3.3. Le modèle de Kotter (1996)
3.4. Le modèle de Collerette et al. (1997)
3.5. Le modèle de Vandangeon-Derumez (1998)
3.6. Le modèle de Zid (2006)
Section 4 : La résistance au changement, l’apprentissage, l’acceptation du changement et son appropriation
4.1. La résistance au changement
4.1.1. Définitions
4.1.2. Formes de résistance au changement
4.1.3. Les origines de la résistance au changement
4.1.3.1. Les facteurs individuels de la résistance au changement
4.1.3.2. Les facteurs liés au collectif ou au groupe
4.1.3.3. Les facteurs liés au système organisationnel de la résistance au changement
4.2. L’apprentissage associé au changement
4.2.1. Définitions de l’apprentissage
4.2.2. Les travaux d’Argyris et Schön (1978) et d’Argyris (1995)
4.2.3. Les travaux de March (1991)
4.2.4. Les travaux de Senge (1990)
4.3. L’acceptation du changement organisationnel
4.4. L’appropriation du changement organisationnel
Conclusion
Chapitre II : Le pilotage du changement organisationnel
Introduction
Section 1 : Définitions
Section 2 : L’importance du processus de pilotage du changement organisationnel
Section 3 : La démarche de pilotage du changement organisationnel
3.1. Le diagnostic
3.1.1. Définitions et importance
3.1.2. La note de cadrage
3.1.2.1. La burning platform du projet de changement
3.1.2.1.1. Les facteurs déclencheurs de changement
3.1.2.2. Les objectifs du projet de changement
3.1.2.3. Les principaux risques perçus
3.1.2.4. Les acteurs d’un projet de changement
3.1.3. Dimensionner un chantier de pilotage de changement
3.1.4. L’organisation d’un chantier de pilotage du changement
3.1.5. L’étude d’impacts
3.1.5.1. Les changements de compétence
3.1.5.2. Les changements de procédures
3.1.5.3. Les changements de postes et d’emplois
3.1.5.4. Les changements de structure
3.1.5.5. Les changements de mode de management
3.1.5.6. Les changements d’indicateurs de performance
3.1.5.7. Les changements d’outils et de systèmes
3.1.5.8. Les changements culturels
3.1.5.9. Les changements de comportement
3.1.5.10. Les changements de pouvoir
3.2. La communication
3.2.1. Définitions
3.2.2. L’importance de la communication dans le processus de changement
3.2.3. Les types de processus de communication dans le changement
3.2.3.1. La communication planifiée
3.2.3.2. La communication émergente
3.2.3.3. La communication interactive
3.2.3.4. La communication déclaratoire (monologique)
3.2.3.5. La communication dialogique
3.2.4. Le modèle de communication d’Autissier et Moutot (2003
3.2.5. Les outils de communication
3.2.5.1. Les outils formels
3.2.5.2. Les outils informels
3.2.6. Les pièges de la communication à éviter
3.3. La formation
3.3.1. Définitions
3.3.2. L’importance de la formation dans les projets de changement
3.3.3. Le plan de formation
3.3.3.1. La détermination des besoins en formation
3.3.3.2. L’élaboration des supports de formation
3.3.3.3. Les méthodes de formation
3.3.3.4. Les budgets de formation
3.3.3.5. La détermination de la durée de formation
3.3.3.6. La détermination du rythme de formation
3.3.3.7. L’évaluation des actions de formation
3.3.4. Les pièges de la formation à éviter
3.4. La gestion des résistances au changement
3.4.1. Typologie d’acteurs face au changement
3.4.2. Moyens de lutte contre la résistance au changement
3.5. Evaluer une action de pilotage du changement
3.5.1. Le suivi des actions de conduite du changement
3.5.2. Le modèle ICAP
3.5.2.1. Le taux d’information
3.5.2.2. Le taux de compréhension
3.5.2.3. Le taux d’adhésion
3.5.2.4. Le taux de participation
3.5.3. Les indicateurs de performance
Conclusion
Chapitre III : Etudes de cas
Introduction
Section 1 : Présentation générale
1.1. La population
1.2. Déroulement de l’étude
1.3. La description des questionnaires
1.3.1. Le questionnaire adressé aux cadres
1.3.2. Le questionnaire adressé aux employés de niveau hiérarchique maitrise ou exécution
1.4. Échantillon global et collecte des données
1.5. Les variables de l’étude
1.5.1. Les variables indépendantes
1.5.2. Les variables dépendantes
1.6. Hypothèses statistiques
1.7. Méthodes d’analyses des données
Section 2 : Etude de cas de l’entreprise Eau Minérale de Saida (E.M.S
2.1. Présentation de l’entreprise
2.1.1. Informations générales
2.1.2. Organigramme de l’entreprise Eau Minérale de Saida
2.1.3. Privatisation de l’entreprise
2.1.4. Le partenariat
2.2. Objet de l’étude
2.3.Échantillon et collecte de données
2.4. Caractéristiques de l’échantillon
2.5. Tests de normalité de la distribution de l’échantillon selon les différentes variables de l’étude
2.6. Test de fiabilité du questionnaire
2.7. Test de validité du questionnaire
2.8. Scores des axes
2.9. Analyses de régressions linéaires
2.9.1. Effet du pilotage du changement organisationnel sur le degré d’acceptation du changement des acteurs concernés par la démarche transformationnelle
2.9.2. Effet du pilotage du changement organisationnel sur le degré d’appropriation du changement par les acteurs concernés par la démarche transformationnelle
2.10. Données supplémentaires
Conclusion de l’étude de cas
Section 3 : Etude de cas de l’entreprise SARL Hispano Algérienne de l’Alimentation (H.A.AL
3.1. Présentation de l’entreprise
3.1.1. Informations générales
3.1.2. Organisation de la SARL H.A.AL
3.1.3. Organigramme de la SARL H.A.AL
3.2. Objet de l’étude
3.3. Échantillon et collecte de données
3.4. Caractéristiques de l’échantillon
3.5. Tests de normalité de la distribution de l’échantillon selon les différentes variables de l’étude
3.6. Test de fiabilité du questionnaire
3.7. Test de validité du questionnaire
3.8. Scores des axes
3.9. Analyses de régressions linéaires
3.9.1. Effet du pilotage du changement organisationnel sur le degré d’acceptation du changement des acteurs concernés par la démarche transformationnelle
3.9.2. Effet du pilotage du changement organisationnel sur le degré d’appropriation du changement par les acteurs concernés par la démarche transformationnelle
Conclusion de l’étude de cas
Section 4 : Etude de cas Société des Ciments de Saida (S.CI.S
4.1. Présentation de l’entreprise
4.1.1. Informations générales
4.1.2. Organigramme de la Société des Ciments de Saida (S.CI.S
4.2. Objet de l’étude
4.3. Échantillon et collecte de données
4.4. Caractéristiques de l’échantillon
4.5. Tests de normalité de la distribution de l’échantillon selon les différentes variables de l’étude
4.6. Test de fiabilité du questionnaire
4.7. Test de validité du questionnaire
4.8. Scores des axes
4.9. Analyses de régressions linéaires
4.9.1. Effet du pilotage du changement organisationnel sur le degré d’acceptation du changement des acteurs concernés par la démarche transformationnelle
4.9.2. Effet du pilotage du changement organisationnel sur le degré d’appropriation du changement des acteurs concernés par la démarche transformationnelle
4.10. Test des échantillons appariés
4.10.1. Effet du pilotage du changement sur les principaux indicateurs liés à l’activité de l’entreprise
Conclusion de l’étude de cas
Conclusion du chapitre
Conclusion générale
Limites et perspectives
Références bibliographiques
Annexes
Liste des tableaux
Liste des figures
Table des matières
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