Les misconceptions dans la microgenèse de l’objet technique chez des élèves ingénieurs du CESI

Depuis plusieurs décennies, on assiste à un regain d’intérêt dans la formation professionnelle pour l’approche par problème ou l’apprentissage par problème (APP ou PBL : Problems Based Learning). C’est le cas de la formation professionnelle des ingénieurs généralistes de l’école du CESI. L’approche par problème est utilisée actuellement comme méthode d’apprentissage d’une activité ou d’un métier et d’apprentissage d’une théorie. On sait très peu de choses sur les processus d’apprentissage qu’induit cette méthode, notamment dans la formation des ingénieurs. Les études les plus abondantes concernent le champ des sciences médicales dont cette méthode est issue. Cette étude explore l’apprentissage par problème (APP) chez des élèves de première année en formation professionnelle dans l’une des écoles du CESI.

La formation par l’alternance

Dans les pédagogies adoptées par le CESI, l’alternance constitue depuis le départ l’axe principal. Elle fait partie de son histoire. Bref historique : La loi sur la formation professionnelle alternée de 1987 va donner un cadre juridique à cette orientation pédagogique de l’alternance du CESI prise au départ. La formation par alternance associe un enseignement théorique dans un établissement d’enseignement à un stage pratique en entreprise (Léné, 2002). Elle a pour but l’acquisition d’une qualification professionnelle. Elle peut prendre la forme d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation. Le principe de l’alternance repose sur le constat que le travail est potentiellement formateur. Elle permet d’apprendre ce qui ne s’enseigne pas en formation et qui pourtant constitue une partie essentielle de la compétence : l’expérience. La définition courante de la formation par alternance la conçoit comme une formation qui associe, de manière alternée, deux types d’activités : des enseignements et apprentissages généraux, professionnels et/ou techniques, dans des lieux choisis de formation, pour l’acquisition de savoirs et l’exercice dans un milieu professionnel d’une activité en relation avec la formation reçue, pour l’acquisition de savoir-faire, voire pour l’apprentissage même du contexte socioprofessionnel. La définition « savante » la conçoit comme une contribution de la formation par alternance à la construction des compétences. La formation par l’alternance n’est pas une « alternance juxta positive » qui consiste en une simple succession de moments théoriques et de moments pratiques. C’est une alternance intégrative où les deux moments de formation interagissent l’un sur l’autre et s’alimentent mutuellement. Ces deux moments sont indissociables et indispensables à la construction des compétences.

Les moments de production contribuent à la construction de « ressources » (connaissances, savoir-faire, savoir être, …) utiles à la constitution de compétences.

Les moments de formation permettent d’entrainer à la prise de recul, à la distanciation, à la conceptualisation du savoir-faire acquis sur les lieux de production. Cette conceptualisation devient possible lorsqu’on est libéré des contraintes de la production (Pastré, 2005). Les passages par l’école sont des moments où cette conceptualisation peut se réaliser.

Les sources d’inspiration de l’APP 

L’APP est une méthode active d’apprentissage, dont les racines remontent, selon Schmidt (1993), à Dewey. Celui-ci fut, dans les années 30, l’un des premiers à considérer que la connaissance ne se transfère pas telle qu’elle, mais que l’apprentissage requiert une participation active de l’apprenant. Avec son « école laboratoire », il développe une méthode d’enseignement où les élèves construisent des connaissances par confrontation à des problèmes qu’ils peuvent rencontrer dans la vie réelle . Dewey (1990) conçoit que les capacités d’apprentissage se développent chez l’enfant lorsqu’il est indépendant.

Introduction de l’APP au CESI

Le CESI a introduit l’approche par problèmes (APP) comme méthode pour apprendre dans deux formations : à l’eXia.CESI et chez les FIA. Cette méthode s’insère dans un large éventail d’approches pédagogiques dont les principaux sont la pédagogie de l’alternance, la pédagogie du projet et l’approche par les compétences.

L’APP à l’eXia.CESI

L’APP est adoptée à l’eXia.CESI comme méthode pédagogique pour former à un métier ou une activité, elle fut initiée en 2004 au sein de l’école supérieure d’informatique du CESI (eXia). A l’eXia, l’APP se présente comme un dispositif curriculaire de formation des informaticiens par les situations. Pour l’eXia.CESI, l’approche APP est développée en partenariat avec l’UQAM (Université du Québec A Montréal). Cette méthode vise à plonger les étudiants dans des situations réelles d’entreprises, afin de développer les compétences dont ils auront immédiatement besoin dans leur vie professionnelle. L’école fonctionne sur le modèle de l’entreprise tant du point de vue de l’organisation, de la formation que du professionnalisme attendu de chacun. Un groupe d’élèves reçoit une commande d’un client, d’une entreprise, et la réalise dans les conditions de fonctionnement d’une entreprise. La méthode APP est exploitée dans ce cadre. C’est une méthode active de formation qui s’appuie sur la RDP proches des intérêts des élèves. Pour Yves Mauffette (Vice-Recteur de l’UQAM) « on n’apprend réellement qu’en pratiquant. La connaissance pure n’est pas visée, c’est la compétence qui est recherchée et avec elle les capacités d’agir ». Cette méthode s’insère dans la pédagogie du projet professionnel. Celui-ci constitue l’épine dorsale de la formation de chaque élève.

A travers des groupes de travail et des mises en situation, les élèves acquièrent non seulement des compétences techniques en informatique, mais aussi les méthodes et les comportements nécessaires à la vie professionnelle.

Lorsque l’élève est en stage en entreprise il fonctionne selon les principes de l’APP. Pour Yves Mauffette (2011), un des initiateurs de l’APP à l’eXia, « L’enseignement ne consiste pas juste à communiquer des contenus et ce, pour toutes les disciplines. On se doit de former des étudiants à devenir curieux, autonomes, responsables et même passionné pour un sujet, des étudiants qui auront le goût d’apprendre à apprendre. L’exercice est, avant tout, de reconnaître ses forces et ses faiblesses face à sa discipline et surtout d’apprendre à accepter à accéder à l’information manquante » .

L’APP au centre de Bagneux

A Bagneux, l’APP est exploité à une échelle plus modeste. Il s’agit en fait d’un module complémentaire au cours de thermodynamique. Au moment où nous avons abordé cette étude, l’introduction de l’APP dans l’apprentissage scientifique (d’une discipline) était à l’état expérimental.

Une expérience similaire à celle de l’eXia : la réforme Candis 2000 à l’UCL

L’Université catholique de Louvain (UCL) a procédé en 2000 à une réforme pédagogique dans la formation universitaire d’ingénieurs fondée sur l’APP, baptisée Candis 2000, calquée sur le modèle de l’APP utilisé dans les facultés de médecine au Canada. Cette expérience de l’UCL est très proche de celle de l’eXia.CESI. L’APP est appliqué à l’ensemble de la formation dans cette école.

Quelques études sur les effets de l’APP

Les études sur les effets de l’APP portent principalement sur son application aux domaines des sciences médicales en Amérique du Nord. Les études qui font autorité sont celles menées par Norman et Schmidts (1992). En dehors de ces domaines, il y a très peu d’études sur ce sujet, et quand elles existent, elles manquent de rigueur. C’est ce que notent l’équipe de chercheurs de l’UCL (Galand et Freney, 2005). Par contre il existe beaucoup d’écrits qui vantent les mérites de l’APP et de ses effets bénéfiques sur les apprentissages. Le plus souvent, les études sur les effets de l’APP se font par enquête auprès d’enseignants et d’élèves, et sont réalisées par des intervenants impliqués dans la mise en place de l’APP. Ce qui est le cas par exemple d’ Yves Mauffette qui a participé à la mise en place de l’APP dans l’enseignement et la formation professionnelle. Dans ce contexte, on ne peut qu’être favorable à l’APP. Par ailleurs, la méthodologie utilisée pour évaluer l’apprentissage selon le mode traditionnel n’est pas adaptée à l’évaluation de l’APP. C’est l’une des grandes préoccupations de l’équipe de l’UCL. De plus l’introduction de l’APP dans d’autres domaines que les sciences médicales est récente. On n’a pas suffisamment de recul pour l’évaluer valablement.

Quelques résultats en bref sur les effets de l’APP 

Les effets de l’APP dans les domaines des sciences médicales : Les études menées par Norman et Schmidt (1992) indiquent un grand degré de satisfaction chez les étudiants qui ont choisi la voie de l’APP. Ces deux auteurs, distinguent l’effet de l’APP sur l’acquisition des connaissances, de son effet sur l’intérêt pour l’apprentissage et sur les performances liées à un domaine. Ils ont observé chez les médecins, issus des mêmes Facultés, engagés depuis longtemps dans la vie professionnelle un déclin qui n’était pas lié à une mémoire déficiente mais plutôt à une incapacité à acquérir de nouvelles connaissances. Autrement dit, l’APP lors des études, n’est pas transposé après dans la vie professionnelle. Ce qui est en contradiction avec la pratique dans bon nombre d’Hôpitaux en France par exemple, où les médecins débattent souvent en groupe d’un cas inédit qui pose un problème de diagnostic ou de traitement.

Les effets de l’APP dans la formation des ingénieurs de l’UCL : L’expérience de Louvain a été évaluée par une équipe de chercheurs dont les résultats ont été publiés dans un ouvrage sous la direction de Benoît Galand et Marianne Frenay (2005). Dans cet ouvrage collectif publié sous la direction de ces auteurs, les participants à cet ouvrage tentent de rendre compte sous différents angles, de l’impact de l’expérience de mise en œuvre de l’APP dans la formation universitaire d’ingénieurs à l’Université catholique de Louvain (UCL).

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Le contexte de recherche
1. La formation par l’alternance
2. La formation par le projet
3. La formation par les compétences
4. Les dispositifs de formation
5. L’approche par problèmes (l’APP)
6. Les sources d’inspiration de l’APP
7. Introduction de l’APP au Cesi
7.1. L’APP à l’eXia.Cesi
7.2. L’APP au centre de Bagneux
7.3. Une expérience similaire à celle de l’eXia : la réforme Candis 2000 à l’UCL
7.4. Quelques études sur les effets de l’APP
Quelques résultats en bref sur les effets de l’APP
Chapitre 2 : L’analyse de la tâche
1. Les ressources documentaires pour réaliser la tâche
La documentation fournie aux élèves
1.1. Le guide de l’étudiant d’APP
1.2. Le texte de l’article de la revue sur la canette auto rafraîchissante
1.3. Les dictionnaires usuels
1.4. La documentation technique et scientifique
2. Une tâche principale composée de deux sous taches
3. La structure conceptuelle du modèle de fonctionnement du système de la canette
3.1. Forme et géométrie de la canette
3.2. Le mode d’utilisation de la canette
3.3. Le fonctionnement du système de la canette
3.3.1. L’état initial
3.3.2. Le processus de réfrigération
3.3.3. L’état final
3.3.4. La canette est un système technique
3.4. Dimensionnement de la canette
3.5. Liste des notions et concepts à mobiliser dans l’explication du phénomène de la canette
4. Annexe : Guide de l’apprenti en APP
Chapitre 3 : Problématique et cadre théorique
1. L’APP observé relève du constructivisme
2. L’APP observé est un apprentissage en situation didactique
3. L’APP observé est un apprentissage d’un contenu spécifique
4. L’APP observé relève d’une genèse
4.1. Théorie des genèses conceptuelles
4.2 Les moments de genèse
4.3. Quelques études empiriques sur les microgenèses
4.3.1. Microgenèse du réglage d’un instrument
4.3.2. Microgenèse de l’utilisation d’un instrument
4.3.3. Microgenèse du dépannage d’une motrice de rames de Métropolitain
4.3.4. Microgenèse du dépannage de cartes électroniques
4.3.5. Microgenèse de la conception d’un objet technique
Discussion
5. L’APP implique l’obstacle épistémologique
5.1. L’obstacle épistémologique chez Bachelard
5.2. L’obstacle épistémologique en didactique
5.2.1. L’obstacle épistémologique chez Brousseau
5.3. Obstacle épistémologique, formes de conceptualisation et types de concepts
5.3.1. Élaboration d’un concept et acquisition d’un concept
5.3.2. L’exemple de la difficulté dans la construction du concept de symétrie
5.3.3. Connaissances communes et connaissances scientifiques
5.3.4. Concepts catégoriels et concepts formels
5.3.5. Raisonnement spontané (ou naturel) et raisonnement canonique
5.4. Quelques exemples de misconceptions en didactiques des sciences
5.4.1. Exemple de misconceptions portant sur le concept de chaleur
5.4.2. Exemples de misconceptions portant sur les raisonnements
5.4.3.1. Raisonnement séquentiel
5.4.3.2. Raisonnement linéaire causal
5.4.3.3. Raisonnement à variables réduites
6. L’APP observé est une genèse de l’objet technique
7. Conclusion
8. Hypothèse générale
Chapitre 4. : Analyse et résultats
1. Introduction
1.1. Quelques caractéristiques des élèves observés
1.2. Constitution des données
1.3. Rappel de la tâche à réaliser
2. Description du fonctionnement global des deux groupes
2.1. Fonctionnement du groupe 1
2.2. Fonctionnement du groupe 2
3. Les hypothèses
Hypothèse générale
Hypothèse 1
Hypothèse 2
Hypothèse 3
Hypothèse 4
4. Méthodologie
5. Analyse du groupe 1 : L’apprentissage d’une situation nouvelle par analogie à une situation connue
5.1. L’évocation du modèle analogique d’une situation connue chez BN
5.2. Conception de l’objet technique chez BN
5.2.1. Conception initiale de l’évaporation dans la canette
5.2.1.1. Mobilisation du modèle initial du réfrigérateur
5.2.1.1.1. L’assimilation de l’évaporation dans la situation nouvelle à celle dans la situation connue
5.2.1.1.2. L’accommodation du modèle mobilisé à la nouvelle situation : la mise sous vide de l’eau change les caractéristiques de l’eau pour lui permettre de s’évaporer à basse température
5.2.2. Conception d’une évaporation par une variation de la température et de la pression et par un apport de chaleur
Commentaire
5.2.3. Conception initiale de l’adsorption
5.2.3.1. Explication de l’adsorption par la transformation dans le dessicant de la vapeur en liquide
5.2.3.2. Explication de l’adsorption et du transfert thermique par le vide dans la cavité du dessicant
5.2.4. Conception d’un transfert thermique par dépression
5.2.5. Conception d’un état diphasique de l’eau avant l’ouverture de la valve
5.2.6. Conception d’une évaporation par dépression au démarrage du système
5.2.7. Développement de la conception initiale de l’adsorption
5.2.8. Conception du fonctionnement du système par une reconfiguration de l’ensemble dans un modèle cohérent
5.3. La construction des concepts chez BN
5.3.1. Cas particulier du concept d’évaporation
5.3.1.1 Etape 1
5.3.1.2 Étape 2
5.3.1.3 Étape 3
5.3.2. Le concept d’adsorption
5.3.3. Quelques commentaires
5.3.3.1. Le processus cognitif
5.3.3.2. Le mode d’apprentissage
5.4. Conception de l’objet technique DL
5.4.1. L’évocation de la situation connue par DL
5.4.2. L’application du modèle de la situation connue à la situation nouvelle
5.4.3. La valve est un détendeur
5.4.4. De la valve conçue comme un détendeur au concept de détente
5.4.6. Du concept de détente à celui de dépression
6. Analyse du groupe 2: un apprentissage par le texte
6.1. Construction des concepts chez PA
6.1.1. Le concept d’adsorption :
6.1.1.1. Étape 1
6.1.1.2. Étape 2
6.1.2. Les concepts d’évaporation et de changement de phase chez PA
6.1.2.1. Étape 1
6.1.2.2. Étape 2
6.1.2.3. Étape 3
6.2. Conception de l’objet technique chez PA
6.2.1. Premières hypothèses partielles et générales qui abordent la réfrigération par l’adsorption
6.2.2. Des hypothèses partielles et générales sur l’évaporation
6.2.3. Des hypothèses partielles à une hypothèse globale et générale sur la réfrigération
6.2.4. Le transfert thermique par aspiration de la vapeur : le dessicant joue le rôle d’une pompe à vapeur qui aspire la vapeur
6.2.4. Le transfert thermique par refoulement de la vapeur : l’échangeur thermique est une machine à vapeur qui refoule ou pousse la vapeur
6.2.5. Transfert thermique par la dépression
6.2.6. L’évaporation par dépression
6.2.7. Problèmes posés par la dépression dans la conception du fonctionnement de la canette
6.2.8. Quelques commentaires
6.2.9. Les raisons de l’échec dans la construction du modèle de l’objet
6.3. Construction des concepts chez DM
6.3.1. L’absorption
6.3.2. Le concept d’évaporation
6.3.3. Les concepts de chaleur, calorie et température
6.3.3.1. Chaleur
6.3.3.2. Chaleur et calorie
6.3.4. La relation entre la chaleur et la température
6.3.5. Le concept de vide
6.4. Conception de l’objet technique chez DM
6.4.1. L’hypothèse d’un transfert thermique par le vide existant dans la cavité du dessicant
6.4.2. L’hypothèse d’un transfert thermique par le pompage de la vapeur
6.4.3. L’hypothèse d’une évaporation totale de l’eau avant l’ouverture de la valve indépendamment de la réfrigération
6.4.4. L’hypothèse d’une évaporation totale avant l’ouverture de la valve en relation avec le rafraichissement de la boisson
6.4.5. L’hypothèse d’un pompage par l’action de la vapeur sur le vide existant dans la cavité du dessicant
6.4.6. L’hypothèse d’une évaporation avant et après l’ouverture de la valve par la mise en jeu de l’état diphasique
6.4.7. L’hypothèse d’un pompage par diffusioLes misconceptions dans la microgenèse de
l’objet technique
chez des élèves ingénieurs du CESIn de la vapeur et par adsorption
6.4.8. L’hypothèse d’une évaporation par dépression après l’ouverture de la valve
Chapitre 5 : Discussion générale
Conclusion

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