La raréfaction des ressources en eaux, ainsi que la dégradation croissante des écosystèmes aquatiques constituent une problématique environnementale majeure du XXIème siècle. Cette dégradation est fortement liée au rejet de produits chimiques fabriqués par l’Homme. En effet, pour répondre à des besoins constamment croissants en termes de confort, alimentaire ou sanitaire, l’Homme a synthétisé diverses molécules de plus en plus complexes, sans réelle maîtrise de leur devenir. Les activités anthropiques telles que l’industrie, les transports, l’agriculture et les usages domestiques rejettent ainsi de nombreux polluants dans l’environnement. Parmi ces substances, les micropolluants sont les composés susceptibles d’engendrer des effets négatifs sur les organismes vivants, à des concentrations infimes, dans un milieu donné (dizaine de nanogrammes par litre). Le développement de techniques analytiques au cours des années 2000 a permis de constater leur diversité et d’évaluer leur quantité, et leur présence dans l’eau s’avère alarmante. Même à l’état de traces, leur influence est reconnue sur les organismes aquatiques (algues, lentilles d’eau, mollusques, poissons…). D’autres aspects de ces substances sont encore inconnus et discutés par la communauté scientifique (niveaux d’exposition, impacts à long terme sur les écosystèmes et la santé humaine, processus de dégradation, synergies entre ces composés).
Les micropolluants dans les eaux usées : traitements actuels et devenir dans la station d’épuration
Les eaux usées urbaines sont des eaux qui proviennent des activités domestiques telles que les eaux fécales, d’hygiène, de nettoyage ou de cuisine. Leur composition est assez homogène pour une population donnée, mais peut varier selon les conditions météorologiques (plus ou moins diluées). Deux types d’eaux peuvent être distingués : les eaux grises lorsque la charge polluante est faible, telles que les eaux de vaisselle ou de douche, et les eaux vannes lorsque la charge polluante est plus élevée telles que les matières fécales, produits cosmétiques,… Elles peuvent également contenir les eaux d’écoulement de surfaces imperméables (les eaux de ruissellement contiennent ainsi de nombreux hydrocarbures). Les principaux éléments polluants traités dans une station d’épuration (STEP) sont les composés organiques, les particules en suspension et les nutriments (phosphore et azote). Avec l’amélioration constante des techniques analytiques depuis les années 2000, des polluants à l’échelle de traces, non considérés jusque-là, sont désormais détectés dans les ERUs, et font l’objet d’une attention toute particulière, notamment législative.
Législation sur les micropolluants présents dans les eaux
La réglementation sur l’eau a beaucoup évolué avec la prise de conscience environnementale progressive depuis les années 1970, au travers de nombreux sommets et lois à portée internationale, européenne et française. Parmi les lois avec un large champ d’application, la loi du National Pollutant Discharge Elimination System (NPDES) et le Clean Water Act (CWA) régulent la pollution des eaux aux Etats-Unis, et la Directive Cadre Européenne (DCE) en Europe. Diverses listes de substances « dangereuses », « toxiques », ou « prioritaires » ont été établies et le terme « polluant » possède donc plusieurs définitions dans le cadre de la dégradation de l’eau. Ces textes sont en constante évolution depuis 1964. Le sujet se centrant sur les eaux résiduaires urbaines (ERUs), la législation relative aux rejets industriels et agricoles est écartée de cette étude .
A l’échelle internationale, la convention de Stockholm (2001) vise à interdire l’usage de nombreux polluants (aldrine, chlordane, dieldrine, endrine, heptachlore, hexachlorobenzène, mirex, toxaphène, polychloro-biphényles) et restreint certaines utilisations (DDT, …). Signée le 22 mai 2001, elle est entrée en vigueur le 17 mai 2004. A l’échelle européenne, la directive 91/271/CEE du 21 mai 1991 légifère sur le traitement global des ERUs. Elle concerne la collecte, le traitement et le rejet des ERUs et de certaines eaux résiduaires industrielles (ERIs), afin de protéger l’environnement. Elle définit des obligations de collecte et d’assainissement des ERUs pour les collectivités locales et agglomérations de plus de 2000 équivalents-habitants. Elle est transcrite en droit français par le décret du 3 janvier 1994.
Depuis 2000, la Directive Cadre Eau (DCE, 2000/60/CE) et ses directives filles imposent la réduction des émissions dans l’environnement de certaines substances (33 substances dites « prioritaires », SP) voire leur suppression (8 substances dites « prioritaires dangereuses», SPD), et ce d’ici à 2015. Des reports de réalisation de l’objectif peuvent être considérés pour 2021 voire 2027 comme dernière échéance. La liste de ces composés a été mise à jour plusieurs fois depuis et des Normes de Qualité Environnementale (NQE) ont été établies en 2008 (DCE, 2008/105/CE). Ce sont les « concentrations maximales en polluant ou groupe de polluants dans l’eau qui ne doivent pas être dépassées, afin de protéger la santé humaine et l’environnement ». Les NQE sont à atteindre dans les milieux naturels en 2015. Une nouvelle révision a eu lieu en janvier 2013, qui a établi une liste de 45 substances prioritaires dont 21 prioritaires dangereuses. La liste doit être révisée tous les 4 ans afin d’inclure des substances dites émergentes, i.e. jusque-là non incluses dans les réglementations, mais dont la présence dans l’environnement est confirmée comme préoccupante.
Trois lois sur l’eau sont en vigueur à l’échelle nationale :
– La loi sur l’eau du 16 décembre 1964 a organisé la gestion décentralisée de l’eau par bassin versant. De cette loi découle la création des agences de l’eau et des comités de bassin. Elle instaure aussi le principe du pollueur-payeur.
– La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 consacre l’eau en tant que « patrimoine commun de la nation ». Elle a permis de renforcer l’impératif de protection de la qualité et de la quantité des ressources en eau et a en particulier rendu obligatoire en 2005 la collecte et le traitement des eaux usées domestiques, transcrivant en droit français la directive européenne de mai 1991 sur les eaux résiduaires urbaines. Elle a aussi permis de mettre en place les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) pour une planification globale de la ressource en eaux.
– La LEMA, Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques, a été adoptée le 30 décembre 2006. Elle découle des directives européennes, notamment de la directive cadre sur l’eau qui a été transposée en droit français par la loi du 21 avril 2004. Elle permet notamment d’organiser la gestion de l’eau en France.
Les SDAGE incluent la surveillance des rejets de micropolluants dans le Plan Micropolluants 2010-2013 reconduit pour 2014-2018, et le Plan Résidus de Médicaments dans les Eaux 2011. Une circulaire ministérielle (29/09/2010) impose ainsi un suivi des émissions d’une centaine de micropolluants pour les STEPs de plus de 10000 équivalents habitants. Une autre circulaire (5/01/2009) s’applique aux installations classées (ICPEs). Les quotas prévisionnels consistent en une réduction des rejets en eaux de surface, de 50% pour les substances prioritaires dangereuses en 2015, de 30% pour les substances prioritaires, de 10% pour les substances pertinentes à l’échelle nationale (86 plus les pesticides). Par ailleurs, d’autres substances préoccupantes dites « émergentes » sont à l’étude. Elles ne sont généralement pas encore réglementées par manque d’informations, tels les médicamenteux, les hormones, les nouveaux pesticides, les cosmétiques.
Différents projets nationaux et européens ont été développés ces dernières années, afin de quantifier ces micropolluants lors du traitement de l’eau, en particulier le projet Européen POSEIDON (EU-Project POSEIDON, 2001-2004), « Stratégie Micropoll » (OFEV, 2006), AMPERES (2006-2009), ARMISTIQ (2010-2013). L’OPUR (Observatoire des Polluants Urbains) analyse les rejets urbains depuis 1994 au sein du bassin parisien afin de comprendre la production et le transfert de la pollution ainsi que l’efficacité des systèmes de gestion. Diverses études scientifiques ont aussi démontré la contamination des eaux naturelles et la présence de micropolluants en sortie de STEPs, et leurs impacts néfastes sur les écosystèmes aquatiques (Dulio et Morin, 2008; Halling-Sørensen et al., 1998; Jjemba, 2002; Muñoz et al., 2010; Sarmah et al., 2006; Ternes, 1998; Webb et al., 2003; Wick, 2011).
Trois stratégies peuvent alors découler de ces constats pour les micropolluants persistants qui représentent environ 15% des substances prioritaires :
– réduire les usages par des actions de réduction à la source
– améliorer les traitements existants
– compléter le traitement des eaux usées par une étape de traitement dédiée .
Pour mieux adapter les stratégies de diminution des rejets de micropolluants organiques persistants, il est nécessaire de bien comprendre la variété de micropolluants présents dans les ERUs.
Les micropolluants organiques persistants
Les micropolluants sont les substances susceptibles d’engendrer des effets néfastes sur les organismes vivants, à des concentrations infimes, dans un milieu donné (dizaine de nanogrammes par litre). Le développement de techniques analytiques depuis les années 2000 a permis de constater leur présence et leur diversité dans les eaux naturelles. Leur impact sur les organismes aquatiques (algues, lentilles d’eau, mollusques, poissons, ..) est avéré même à l’état de traces. Cependant, de nombreux aspects sont encore inconnus et discutés par la communauté scientifique (niveaux d’exposition, impacts à long terme sur les écosystèmes et la santé humaine, processus de dégradation, synergie entre ces composés) (Luo et al., 2014). Les principaux micropolluants organiques persistants sont classés dans la bibliographie selon différentes familles: composés organiques volatils (COV), alkylphénols, diphényléthers bromés, organochlorés, chloro et bromophénols, Hydrocarbures Polycycliques Aromatiques (HAP), pesticides, phtalates, produits phytosanitaires, biocides, produits chimiques industriels, produits de combustion, et quelques composés isolés (tributylphosphate, benzothiazole). Un point particulier est fait sur les produits pharmaceutiques (bétabloquants, …) qui ont été classés séparément dans la suite de cette étude.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Etude bibliographique
I.1. Les micropolluants dans les eaux usées : traitements actuels et devenir dans la station d’épuration
I.1.1. Législation sur les micropolluants présents dans les eaux
I.1.2. Les micropolluants organiques persistants
I.1.3. Occurrence des substances pharmaceutiques
I.1.4. Devenir des micropolluants organiques persistants dans les STEPs
I.1.4.1. Fonctionnement d’une station d’épuration
I.1.4.2. Les micropolluants organiques persistants dans les STEPs
I.1.4.2.1. Les eaux brutes (ERUs)
I.1.4.2.2. Les eaux traitées secondaires
I.2. Procédés d’oxydation avancée et ozonation catalytique : une solution pour le traitement de cette matière organique persistante ?
I.2.1. Les procédés d’oxydation avancée (POA)
I.2.2. Adsorption
I.2.2.1. Adsorption physique
I.2.2.2. Adsorption chimique
I.2.2.3. Caractéristiques des adsorbants
I.2.2.4. Cinétique d’adsorption et diffusion
I.2.2.4.1. Modèles cinétiques d’adsorption
I.2.2.4.2. Diffusion
I.2.2.5. Equilibres et modèles d’adsorption
I.2.3. Ozonation
I.2.3.1. Caractéristiques de l’ozone
I.2.3.2. Solubilité de l’ozone dans l’eau
I.2.3.3. Réactivité de l’ozone en solution aqueuse vis vis de composés organiques
I.2.3.3.1. Action directe
I.2.3.3.2. Action indirecte
I.2.3.4. L’ozonation simple comme traitement tertiaire
I.2.4. Ozonation catalytique
I.2.4.1. Activation d’ozone par un métal
I.2.4.2. Ozonation catalytique en phase homogène
I.2.4.3. Ozonation catalytique en phase hétérogène
I.2.4.4. Mise en œuvre de l’ozonation catalytique
I.2.4.5. Le procédé TOCCATA
I.3. Conclusion
Chapitre II : Matériels et méthodes
II.1. Installation d’ozonation
II.2. Méthodes d’analyse des solutions aqueuses
II.3. Matériaux catalytiques utilisés et techniques de caractérisation
II.3.1. Matériaux utilisés
II.3.2. Techniques de caractérisation des catalyseurs
II.4. Méthodes de mesure hydrodynamique
II.5. Bilans sur l’ozone
II.6. Bilans sur le carbone
II.7. Calcul du temps de contact
Chapitre III : Etude du réacteur et du catalyseur : conditionnement, hydrodynamique et transfert
III.1. Introduction
III.2. Caractéristiques des catalyseurs étudiés
III.3. Conditionnement des catalyseurs
III.3.1. Conditionnement du catalyseur non calciné
III.3.1.1. Conditions et observations
III.3.1.2. Evolution des paramètres étudiés
III.3.1.3. Bilan du conditionnement du catalyseur non calciné
III.3.1.4. Activité du catalyseur vis vis de l’ozone
III.3.2. Conditionnement du catalyseur calciné
III.3.2.1. Conditions et observations
III.3.2.2. Evolution des paramètres étudiés
III.3.2.3. Bilan du conditionnement du catalyseur calciné
III.3.2.4. Activité du catalyseur vis vis de l’ozone
III.3.3. Effet du conditionnement sur les propriétés des catalyseurs
III.3.3.1. Récapitulatif des résultats du conditionnement
III.3.3.2. Structure des catalyseurs
III.3.3.2.1. Analyse par microscopie électronique
III.3.3.3. Porosité et surface spécifique
III.4. Etude hydrodynamique du réacteur triphasique à lit fixe
III.4.1. Régime d’écoulement
III.4.2. Variation de pression
III.4.2.1. Perte de charge monophasique
III.4.2.1.1. Loi d’Ergun
III.4.2.2. Variation de pression diphasique
III.4.3. Rétentions liquide et gazeuse
III.5. Transfert et consommation d’ozone
III.5.1. Influence du mode d’utilisation du catalyseur
III.5.2. Influence des débits de liquide et de gaz sur le transfert d’ozone
III.5.3. Coefficient volumique de transfert de matière k a et facteur d’accéleration
III.5.4. Consommation d’ozone
III.6. Etude de l’ozonation catalytique sur l’acide hexanoïque
III.6.1. Conditions opératoires
III.6.2. Résultats
III.6.3. Aspects mécanistiques
III.7. Conclusion générale
Chapitre IV : Application aux eaux résiduaires urbaines
IV.1. Caractéristiques des ERUs et récapitulatif des expériences
IV.2. Ozonation simple
IV.2.1. Cinétique de l’ozonation seule
IV.3. Adsorption
IV.3.1. Vitesse d’adsorption
IV.3.1.1. Présentation des différents modèles et des conditions d’étude
IV.3.1.2. Adsorption seule sur le catalyseur non calciné
IV.3.1.3. Adsorption sur le catalyseur calciné
IV.3.1.3.1. Matière organique adsorbée
IV.3.2. Equilibre et isothermes d’adsorption des ERUs
IV.3.2.1. Principe
IV.3.2.2 Résultats en COD
IV.3.2.2.1. Application du modèle de Langmuir
IV.3.2.2.2. Modèle de Freundlich
IV.3.2.3. Résultats en CID
IV.3.2.4. Autres paramètres caractéristiques des ERUs
IV.3.2.4.1. Variation des sels
IV.3.2.4.2. Absorbance UV
IV.3.2.5. Conclusion
IV.4. Ozonation catalytique
IV.4.1. Expériences types et résultats globaux
IV.4.1.1. Vitesse d’ozonation catalytique
IV.4.1.2. Bilans carbone
IV.4.1.3. Transfert d’ozone
IV.4.1.4. Autres caractéristiques des eaux usées
IV.4.1.5. Conclusions intermédiaires
IV.4.2. Comparaison des catalyseurs
IV.4.3. Variation du débit gazeux
IV.4.4. Variation de concentration d’ozone du gaz
IV.4.5. Flux fixé d’ozone
IV.4.6. Variation de débit liquide
IV.4.7. Variation de la qualité de l’eau
IV.4.8. Effets des réactions sur le transfert d’ozone
IV.4.9. Réutilisation du catalyseur
IV.4.10. Constituants de la matière organique
IV.5. Conclusion générale
Chapitre V : Vers l’application en traitement d’eaux résiduaires pour l’élimination des micropolluants persistants
V.1. Choix des molécules étudiées
V.1.1. Hypothèses de choix des micropolluants organiques persistants
V.1.2. Carbamazépine
V.1.3. Diuron
V.1.4. Naphtalène
V.1.5. Kétoprofène
V.1.6. Diclofénac
V.2. Equilibre et isothermes d’adsorption de micropolluants modèles
V.2.1. Influence de la matrice des ERUs
V.2.2. Adsorption de polluants modèles
V.2.2.1. Etude spécifique de la carbamazépine
V.2.2.2. Vitesses d’adsorption des micropolluants
V.3. Ozonation catalytique de micropolluants dans des effluents réels
V.3.1. Performances globales
V.3.2. Performance d’élimination des micropolluants
V.3.3. Analyses micropolluants par HPLC MS MS
V.4. Application aux micropolluants en effluents dopés
V.5. Etude de la stabilité des catalyseurs
V.5.1. Catalyseur non calciné
V.5.1.1. Evolution des MES, du Co, et du pH
V.5.1.2. Evolution de l’activité
V.5.2. Catalyseur calciné
V.5.2.1. Evolution des MES, du Co, du pH
V.5.2.2. Evolution de l’activité
V.5.3. Résistances intrinsèque des matériaux
V.5.4. Evolution des caractéristiques physiques du catalyseur
V.6. Conclusion
Conclusion
Annexes
Références
Résumé