Les microbiomes intestinaux d’insectes
L’intestin des insectes est divisé en trois parties (Engel et Moran, 2013). L’intestin antérieur (stomodéum) est d’origine ectodermique et peut servir de réservoir de nourriture. L’intestin moyen, ou mésentéron, est l’endroit où se produit en grande partie la digestion, c’est pourquoi l’expérience présente s’attarde particulièrement à cette portion de l’intestin. Il est d’origine endodermique. L’intestin postérieur (proctodéum) joue un rôle dans l’absorption de l’eau et des sels ainsi que dans l’expulsion des excréments et est d’origine ectodermique. Comme la plupart des organismes multicellulaires, les moustiques sont des hôtes d’une communauté de microbes commensaux, symbiotiques ou pathogènes. Ces microbes, incluant des bactéries, des virus, des champignons, des protozoaires, des nématodes et des acariens, sont présents de façon plus ou moins stable au sein de l’exosquelette, de l’intestin, de l’hémocoele et/ou dans les cellules du moustique. Parmi les tissus abritant un microbiote, l’intestin est un site primordial pour la propagation de pathogènes (Heu et Gendrin, 2018). C’est un milieu très instable pour le maintien d’un microbiome. Ceci est principalement dû au fait que l’intestin subit d’importantes perturbations causées par les changements développementaux qu’il traverse (Engel et Moran, 2013).
Microbiome spécifique à chaque groupe
Les insectes forment une des classes du vivant démontrant la plus grande diversité en termes d’espèces. Il n’est donc pas surprenant que les microbiomes d’insectes varient immensément d’un groupe d’insectes à un autre. Le fait que les habitudes alimentaires varient énormément à l’intérieur de la classe des insectes explique en bonne partie ce phénomène (Engel et Moran, 2013). Par exemple, les détritivores comme les termites, criquets et cafards possèdent les microbiomes avec la plus grande charge bactérienne (Cazemier et al., 1997). Les différents microbiomes peuvent aussi être reliés aux divers types de système digestif spécifique à chaque groupe d’insectes. Certains insectes possèdent un système digestif doté d’adaptations, permettant le maintien de populations microbiennes contribuant à leur survie. Parmi ces adaptations on compte les replis et les poches dans l’épithélium intestinal, permettant aux microbes de mieux résister aux perturbations subies par le système digestif, ce qui améliore la stabilité du microbiome intestinal (Breznak et Brune, 1994).
Composition du microbiome des insectes selon le sexe du moustique
Le sexe du moustique est un facteur déterminant de la composition du microbiote, mâle et femelle ayant des comportements écologiques différents. En effet, tous les moustiques se nourrissent de nectar et sont capables d’hydrolyser le sucrose mais seules les femelles sont hématophages (Heu et Gendrin., 2018). Zouache et al. (2011) ont montré qu’environ la moitié de la diversité bactérienne d’une population d’Aedes albopictus de terrain était expliquée par le sexe du moustique avec une plus grande diversité chez les femelles. L’effet du sexe a également été rapporté chez Anopheles stephensi où les bactéries du genre Bacillus et Staphylococcus ont été détectées chez les mâles alors que celles des genres Chryseobacterium, Pseudomonas et Serratia étaient, dans la même étude, présentes spécifiquement chez les femelles (Minard et al., 2013).
Modes d’acquisition du microbiome
Le microbiote évolue tout au long du cycle de vie du moustique. L’œuf peut contenir des bactéries intracellulaires et des virus dans son cytoplasme ainsi que des bactéries extracellulaires à la surface de son enveloppe, qui pourront être ingérées par la larve après éclosion. La larve acquiert également des microbes provenant de son environnement aquatique, dont certains ont été ensemencés par la femelle lors de la ponte. La larve élimine une grande partie de son microbiote intestinal juste avant de se transformer en pupe et amorcer la métamorphose, les adultes émergent donc avec très peu de microbes dans l’intestin. Ils acquièrent également un microbiote en absorbant l’eau de leur gîte larvaire lors de l’émergence et probablement en s’alimentant de nectar floral. Au cours de la vie de l’adulte, le microbiote change, on observe notamment une forte augmentation de la charge bactérienne et une diminution de la diversité du microbiote bactérien après le repas de sang. Certains microbes peuvent être transmis horizontalement entre moustiques, par contamination de l’eau pendant le développement ou par voie sexuelle chez l’adulte (Heu et Gendrin, 2018).
Fonction du microbiome chez les insectes
Reproduction
Certaines bactéries colonisent les organes de reproduction des insectes, ce qui leur permet de manipuler la reproduction de l’hôte et de se propager considérablement au sein des populations hôtes. Le genre Wolbachia est capable de contrôler l’accouplement des moustiques par un phénomène appelé incompatibilité cytoplasmique. Ce processus empêche les mâles infectés de produire une descendance viable lors de l’accouplement avec une femelle non infectée ou une femelle infectée avec une souche incompatible de Wolbachia. Ainsi, certaines espèces de moustiques d’Aedes et de Culex dépendent de Wolbachia pour produire une progéniture viable (Minard et al., 2013).
Digestion
Les bactéries contribuent à la nutrition des insectes de différentes manières. Les bactéries de l’intestin moyen peuvent produire des composés directement assimilables par l’hôte ou peuvent améliorer la digestion en produisant des enzymes de dégradation facilitant l’assimilation de molécules complexes (Minard et al., 2013).
Nutrition
Chez les insectes phytophages, le microbiote fournit généralement des vitamines, des acides aminés et du stérol qui complètent les régimes alimentaires à base de plantes. L’exemple le plus connu est l’implication de la bactérie Buchnera dans la fourniture d’acides aminés essentiels aux pucerons (Minard et al., 2013).
Aedes aegypti Linnaeus, 1762
Classification
Règne : Animalia
Embranchement : Arthropoda
Classe : Insecta
Ordre : Diptera
Famille : Culicidae
Genre : Aedes
Sous-genre : Stegomyia
Espèce : aegypti
➠ Ae. aegypti présente deux sous-espèces ou sous-populations :
La première sous-espèce, Ae. aegypti formosus, est l’ancêtre de la forme domestique d’ Ae. aegypti et vit encore dans les forêts et les écotones végétalisés d’Afrique subsaharienne (Lounibos, 1981). Morphologiquement, cette forme est beaucoup plus foncée que la forme adaptée aux habitats humains (McClelland, 1974).
➠ La deuxième sous-espèce, Ae. aegypti (souvent désigné par le nom plus court Ae. aegypti), se trouve globalement dans les régions tropicales et subtropicales, généralement en association avec l’homme, mais est absent de l’intérieur de l’Afrique au sud du Sahara (Moore et al., 2013 ; Powell et Tabachnick, 2013).
Répartition géographique
Il a été émis l’hypothèse qu’Aedes aegypti a été importé dans le Nouveau Monde depuis l’Afrique via la traite des esclaves aux 16ème -19ème siècles (Brown et al., 2014). En raison, d’une part, de l’urbanisation croissante, du commerce globalisé, de la migration des populations, de l’utilisation croissante des moyens de transport aérien et du tourisme international et, d’autre part, de la capacité des oeufs à survivre en absence d’eau, sa dissémination s’est accélérée à l’échelle mondiale (Gratz et al., 2000 ; Lounibos, 2002). De nos jours, cette espèce est présente dans toutes les régions tropicales et subtropicales (Figure 2). Et sa distribution s’étend à nouveau dans des régions plus tempérées : Californie etc. (Kraemer et al., 2015).
Biologie d’Aedes aegypti
Les moustiques de l’espèce Aedes aegypti sont des insectes à métamorphose complète (holométaboles), parce que leur cycle de vie est complexe avec des changements de forme et d’habitat. Le développement complet de l’œuf à l’adulte dure de 8 à 10 jours à température tropicale et dépend de conditions environnementales favorables comme la disponibilité nutritionnelle, un volume d’eau suffisant, la température de l’eau, la compétition larvaire (intra ou interspécifique), les conditions physico-chimiques du gite. Le cycle biologique est composé d’une phase pré-imaginale aquatique et d’une phase aérienne .
Phase aquatique
La phase de développement aquatique d’Aedes aegypti a lieu dans les gites créés par l’homme comme des coupelles de pot de fleurs, des gouttières mal entretenues, des congélateurs abandonnés, des seaux et autres déchets pouvant contenir de l’eau, peu de gites naturels ont été rapportés (Bernáth et al., 2008 ; Mocellin et al., 2009). Lorsque les œufs résistants à la dessiccation sont à nouveau au contact de l’eau après être parfois restés plusieurs mois desséchés durant la saison défavorable, les larves éclosent. Celles-ci se nourrissent de matières organiques particulaires présentes dans le gite. Le développement larvaire est constitué de quatre stades, chacun séparé d’une mue comme pour tous les insectes holométaboles. Une métamorphose transforme la larve de quatrième stade en nymphe. Ces nymphes ne se nourrissent plus. C’est le stade pendant lequel le corps de l’adulte aérien se forme. Environ deux jours après, l’adulte nouvellement formé émerge de l’eau après avoir rompu l’enveloppe nymphale.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. Le microbiome
I.1.1. Définition
I.1.2. Les microbiomes intestinaux d’insectes
I.1.2.1. Microbiome spécifique à chaque groupe
I.1.2.2. Composition du microbiome des insectes selon le sexe du moustique
I.1.2.3. Modes d’acquisition du microbiome
I.1.3. Fonction du microbiome chez les insectes
I.1.3.1. Reproduction
I.1.3.2. Digestion
I.1.3.3. Nutrition
I.2. Aedes aegypti Linnaeus, 1762
I.2.1. Classification
I.2.2. Répartition géographique
I.2.3. Biologie d’Aedes aegypti
I.2.2.1. Phase aquatique
I.2.2.2. Phase aérienne
I.2.4. Les principales arboviroses liées au moustique Aedes aegypti
I.2.5. Lutte anti-vectorielle et développement de la résistance aux insecticides
I.2.5.1. Lutte mécanique
I.2.5.2. Lutte biologique
I.2.5.3. Lutte chimique
I.2.5.4. Contrôle par paratransgénèse
I.2.6. Résistances aux insecticides chez les moustiques
I.2.6.1. Résistance comportementale
I.2.6.2. Résistance cuticulaire
I.2.6.3. Résistance métabolique
I.2.6.4. Résistance par modification de la cible des insecticides
CHAPITRE II : MATERIEL & METHODES
II.1. Cadre et site d’étude
II.2. Matériel
II.2.1. Matériel biologique
II.2.2. Matériel d’identification bactérienne
II.3. Méthodes
II.3.1. Préparation des dilutions décimales
II.3.2. Isolement des bactéries
II.3.3. Purification des colonies bactériennes
II.3.4. Conservation des isolats bactériens
II.4. Identification des isolats bactériens aérobies
II.4.1. Examens microscopiques
II.4.1.1. Préparation d’une suspension bactérienne
II.4.1.2. Coloration de gram des isolats bactériens
II.5. Identification biochimique des isolats bactériens provenant d’intestins d’Ae.ae.formosus
II.5.1. Tests d’orientation pour la galerie biochimique
II.5.1.1. Test Catalase
II.5.1.2. Test oxydase
II.5.2. Tests biochimiques
II.5.2.1. Gélose Chapman
II.5.2.2. Recherche de la désoxyribonucléase
II.5.2.3. Milieu Baird Paker (BP)
II.5.2.4. Recherche de la coagulase
II.5.2.5. Fermentation des sucres, production du sulfure d’hydrogène et de gaz
II.5.2.6. Utilisation du Citrate de Simmons
II.5.2.7. Milieu Clark et Lubs
II.5.2.8. Production d’uréase, de tryptophane désaminase et d’indole
II.5.2.9. Mannitol-Mobilité
II.5.2.10. Recherche de la pyocyanine et de la pyoverdine
Chapitre III : RÉSULTATS ET DISCUSSION
III.1. Résultats
III.1.1. Dénombrement des colonies bactériennes sur les boites de dilutions
III.1.2. Identification morphologique des isolats bactériens
III.1.2.1. Isolement et purification
III.1.2.2. Coloration de gram
III.1.3. Tests biochimiques
III.1.3.1 Résultats test d’orientation
III.1.4.1. Identification biochimique des isolats bactériens intestinaux d’Aedes aegypti formosus
III.1.4.2. Le microbiote intestinal d’Aedes aegypti formosus
III.2. Discussion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES