A l’heure actuelle, la radiothérapie externe reste l’une des techniques les plus employées pour le traitement du cancer. Les chances de guérison sont d’autant plus grandes que la dose de rayonnement ionisant délivrée est élevée et conforme à la tumeur. Par contre une dose trop importante, reçue par les organes à risque (OAR) et plus généralement les tissus sains, peut produire des complications et des séquelles irréversibles. Un compromis est alors établi, limitant la chance de guérison.
Les évolutions des techniques du traitement en radiothérapie, observées ces dernières années, comme la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI), permettent d’adapter la forme du volume traité à celle de la tumeur en déposant la dose prescrite tout en protégeant convenablement les OAR environnants. Ces nouvelles techniques nécessitent une précision élevée dans les différentes étapes du plan de traitement des patients. Tout traitement par radiothérapie externe nécessite en effet une préparation (ou planification) qui se déroule en trois étapes principales. La première utilise l’imagerie numérique pour la modélisation géométrique tridimensionnelle du patient et le contourage du volume cible (la tumeur) et des OAR à protéger en priorité lors de l’irradiation. La deuxième étape établit la balistique d’irradiation en définissant un ou plusieurs faisceaux, avec ou sans accessoires (filtres en coin, collimateurs multilames, etc.). La troisième étape concerne le calcul prévisionnel de la distribution de dose dans le patient et la détermination du temps d’irradiation nécessaire pour délivrer la dose prescrite par le médecin. La décision pour la réalisation du traitement planifié est prise suite à cette dernière étape.
LES METHODES MONTE CARLO POUR LE CALCUL DE DOSE EN RADIOTHERAPIE
Contexte
Aujourd’hui, la radiothérapie est l’un des traitements les plus fréquents en cancérologie. Plus de la moitié des cancers est traitée par cette technique (en combinaison avec la chirurgie et/ou la chimiothérapie) et presque 50 % des guérisons le doivent en partie ou en totalité à la radiothérapie. Le principe de cette technique est d’utiliser les rayonnements pour détruire les cellules cancéreuses tout en épargnant le mieux possible les tissus sains avoisinants la tumeur. Pour ce faire, l’irradiation peut être appliquée de plusieurs manières telles que :
− La curiethérapie : implantation des sources radioactives scellées dans la tumeur ou à son contact.
− La radiothérapie métabolique : injection d’une molécule radio-marquée, non-scellée qui va se fixer sur les cibles tumorales.
− La radiothérapie externe : la source radioactive est à l’extérieur du patient ; les faisceaux de rayonnements atteignant la tumeur en traversant les tissus sains.
C’est cette dernière méthode qui est utilisée dans le cadre de cette étude. Ses origines remontent au XIXème siècle, après la découverte des rayons X par Röntgen en 1895. La sophistication des appareils de radiothérapie (accélérateurs linéaires à collimateur multilames) et le développement des moyens informatiques ont entraîné, pendant les dernières décennies, une évolution des techniques de traitement (comme la RCMI) et des TPS en radiothérapie externe. De nos jours, la planification du traitement en radiothérapie externe se déroule en plusieurs étapes (AAPM 1998). Elle commence par l’acquisition des données anatomiques en trois dimensions du patient (à l’aide de la TDM, l’imagerie par résonance magnétique IRM et/ou la tomographie par émission de positons TEP) qui seront utilisées pour délimiter le volume cible, à traiter, et les OAR, à protéger, lors de l’irradiation. Une fois ces volumes définis, les faisceaux de rayonnements adaptés (type, énergie, nombre, incidences, dimensions et accessoires) sont choisis de façon à maximiser la dose reçue dans le volume cible et à minimiser celle reçue dans les OAR. Ensuite, le calcul prévisionnel de la distribution des doses en trois dimensions autour du volume tumoral est réalisé. Le temps d’irradiation (par faisceau et par séance) nécessaire pour délivrer la dose prescrite par le médecin est également déterminé. Cette dernière étape est très importante sachant qu’une sur-irradiation peut être la cause de cancers secondaires dans les tissus sains, et qu’une sous irradiation ne détruira pas en totalité les cellules cancéreuses. Les algorithmes de calcul de dose doivent ainsi permettre un calcul précis de la dose absorbée dans les tissus en un temps raisonnable compatible avec la routine clinique.
L’erreur globale sur la dose délivrée est l’accumulation des erreurs inhérentes à chacune des étapes du traitement (contourage du volume cible et des zones saines avoisinantes, calcul de la dose délivrée, réglage des faisceaux et mouvements du patient). Papanikolaou et al. 2004 ont bien confirmé que des effets cliniques sont observables à partir d’une sur-irradiation de 7 % par rapport à la dose prescrite. Il est donc couramment admis que pour garantir l’efficacité d’un traitement, l’erreur globale maximale sur la dose délivrée, en tout point du volume cible, doit rester inférieure à 5 % (ICRU 1978, Mijnheer et al. 1989). En conséquence, l’erreur sur le calcul prévisionnel de la dose dans le TPS ne doit pas dépasser 3 % (ICRU 1978, Mijnheer et al. 1989, Ahnesjö et Aspradakis 1999, Fraas et al. 2003).
Evolution des méthodes de calcul de dose en radiothérapie
Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’évaluation de la dose délivrée durant l’irradiation est une étape cruciale lors de la planification du traitement en radiothérapie. Au départ, les premiers plans de traitement se sont fondés sur des méthodes empiriques ou analytiques en utilisant une description simplifiée de l’anatomie du patient. Ces dernières décennies, la sophistication des algorithmes de calcul de dose implémentés dans les TPS s’est accrue grâce à l’amélioration de la puissance de calcul des ordinateurs et l’apparition de nouveaux outils pour l’imagerie médicale, tels que la TDM au début des années 1970, et plus récemment, l’IRM et la TEP. Cette évolution des algorithmes de calcul de dose, allant de la simple correction des hétérogénéités aux algorithmes de convolution/superposition, a permis d’améliorer la précision sur la dose délivrée au patient.
Pour la RCMI, les méthodes les plus précises mises en œuvre actuellement dans les TPS sont les méthodes de convolution/superposition (Mackie et al. 1985, Ahnesjö et Mackie 1987, Ahnesjö 1989, Keall et Hoban 1996, Ahnesjö et Aspradakis 1999). Ces méthodes sont fondées sur une convolution de l’énergie totale libérée par unité de masse (Total Energy Released per unit MAss ou TERMA), qui est analytiquement déterminée, avec des « kernels » de dépôt d’énergie pré-calculés par des méthodes MC pour différents milieux homogènes.
A la fin des années 90, des TPS offrant des options de calcul de dose par MC (TPS-MC) sont apparus. La simulation MC est une méthode statistique capable de prendre en compte toute la physique connue des interactions des rayonnements avec la matière. Selon le principe de la méthode MC, le phénomène de transport de la particule est fondé sur la simulation d’une succession d’interactions microscopiques (appelées aussi « évènements ») reproduisant le parcours de la particule réelle. La succession des interactions subies par une particule depuis sa création jusqu’à son absorption totale dans le milieu est appelée « histoire ». La trajectoire de chaque particule est simulée, individuellement, en tirant au hasard à l’aide d’un générateur de nombres pseudo-aléatoires les paramètres physiques des interactions (le libre parcours moyen entre deux événements, le type d’interaction, l’énergie perdue et la déflexion angulaire, la direction et l’énergie de la particule secondaire créée, etc.), selon des distributions de probabilité qui décrivent les processus physiques mis en jeu. Ces distributions de probabilité sont déterminées à partir des différentes sections efficaces des interactions qui sont propres au type et à l’énergie de la particule incidente ainsi qu’à la nature du matériau avec lequel elle interagit. Après la simulation d’un grand nombre d’histoires, la valeur d’une grandeur d’intérêt macroscopique (fluence, dose absorbée, etc.) est obtenue à partir de la moyenne statistique des grandeurs calculées, affectée d’une incertitude statistique. A l’aide du théorème de la limite centrale, on montre que, pour un nombre d’histoire très grand, l’incertitude statistique associée à la grandeur calculée est proportionnelle à l’inverse de la racine carré du nombre d’histoires. Le nombre d’histoires est ainsi choisi en fonction de la précision recherchée. A ce jour, dans le cadre de la physique médicale, la méthode MC est décrite comme étant la plus précise pour calculer la dose absorbée parce qu’elle prend en compte la physique des particules (Andreo 1991, Rogers et Bielajew 1990, Mackie 1990, Ma et Jiang 1999, Verhaegen et Seuntjens 2003, Reynaert et al. 2007). Cependant, son temps d’exécution reste beaucoup trop long pour une utilisation en pratique clinique. Des simplifications et des méthodes pour accélérer les calculs sont donc nécessaires.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I Les méthodes Monte Carlo pour le calcul de dose en radiotherapie
1. Contexte
2. Evolution des méthodes de calcul de dose en radiothérapie
3. Pourquoi un système de planification de traitement par Monte Carlo ?
3.1. Précision
3.2. Flexibilité
3.3. Temps de calcul
4. Revue des méthodes de calcul de dose par Monte Carlo
4.1. Codes Monte Carlo généralistes
4.2. Solutions commerciales
5. Présentation du module de calcul de dose par MC utilisé dans cette étude
5.1. Méthode dite de l’espace des phases pour le calcul de dose par Monte Carlo
5.2. Description générale des deux codes MC PENELOPE et PENFAST
5.2.1. PENELOPE
5.2.2. PENFAST
5.2.3. Conclusion
5.3. Incertitudes associées aux calculs par Monte Carlo
6. Comment valider le calcul de dose dans un TPS-MC ?
6.1. Procédure de validation du calcul de dose par MC
6.1.1. Validation de la simulation du faisceau
6.1.2. Validation des techniques de réduction de variance
6.1.3. Validation des données matériaux
6.1.4. Validation dosimétrique des modèles physiques
6.2. Index gamma
6.3. Critères d’acceptabilité pour la validation du calcul de dose
7. Conclusions
Chapitre II Accélération des codes Monte Carlo PENELOPE et PENFAST
1. Introduction
2. Parallélisation des deux codes MC PENELOPE et PENFAST
2.1. Principe de la parallélisation
2.2. Validation de la parallélisation des deux codes MC PENELOPE et PENFAST
2.2.1. PENELOPE
2.2.2. PENFAST
3. Techniques de réduction de variance dans PENELOPE
3.1. Principe des techniques de réduction de variance
3.1.1. « Splitting » du rayonnement de freinage
3.1.2. « Splitting » et roulette russe angulaires
3.1.3. « Splitting » circulaire
3.1.4. Autres symétries de la tête de l’accélérateur
3.2. Efficacité d’une simulation
3.3. Evaluation du gain en efficacité de simulation
3.4. Validation des techniques de réduction de variance
4. Utilisation de la technique du « splitting » en aval du PSF pour le calcul des distributions de dose avec PENFAST
5. Conclusions
Chapitre III Mise au point d’une nouvelle méthode de représentation du spectre en énergie des électrons primaires d’un accélérateur linéaire
1. Introduction
2. Etat de l’art
2.1. Sensibilité des distributions de dose aux paramètres de la source
2.1.1. Energie moyenne
2.1.2. Distribution en énergie
2.1.3. Distribution spatiale
2.1.4. Distribution angulaire
2.2. Sensibilité des distributions de dose aux détails géométriques de la tête de l’accélérateur
2.3. Conclusion
3. Simulation MC des faisceaux issus des accélérateurs linéaires
3.1. Méthode d’ajustement du spectre initial en énergie d’un accélérateur linéaire
3.2. Détermination de la taille de la source d’électrons primaires
4. Application aux faisceaux issus de l’accélérateur linéaire Saturne 43
4.1. Paramètres de simulation
4.2. Mesures expérimentales
4.3. Mode électron 18 MeV
4.3.1. Spectre en énergie des électrons primaires
4.3.2. Spectre en énergie à l’entrée du fantôme
4.3.3. Distributions de dose
4.3.4. Comparaison aux résultats d’une distribution en énergie gaussienne
4.4. Mode photon 12 MV
4.4.1. Spectre en énergie des électrons primaires
4.4.2. Spectre en énergie à l’entrée du fantôme
4.4.3. Distributions de dose
4.5. Conclusion
5. Application aux faisceaux issus de l’accélérateur linéaire Primus de Siemens
5.1. Paramètres de simulation
5.2. Mesures expérimentales
5.3. Mode électron 9 MeV
5.3.1. Spectre en énergie des électrons primaires
5.3.2. Spectre en énergie à l’entrée du fantôme
5.3.3. Distributions de dose
5.4. Mode photon 25 MV
5.4.1. Spectre en énergie des électrons primaires
5.4.2. Spectre en énergie à l’entrée du fantôme
5.4.3. Distributions de dose
5.5. Conclusion
6. Conclusions
Conclusion générale