Les méthodes de prévision des difficultés

Les méthodes de prévision des difficultés

Concepts de l’entreprise en difficultés

En 1969, Daunigeau s’est basé sur l’aspect financier pour définir l’entreprise en difficulté comme étant : «celle qui est proche de la cessation des paiements compte tenu de l’importance de la perte d’exploitation, de l’encours à payer et de l’existence ou non de crédit bancaire » .
Cette définition est désormais insuffisante car elle ne touche qu’un coté des difficultés rencontrées par l’entreprise en négligeant les autres aspects influençant cette dernière.
Effectivement, en 1985, Jean Brilman a retenu un concept assez étendu de l’entreprise en difficulté comme suit:« ce n’est pas seulement une entreprise qui a des problèmes financiers (conséquence immédiate d’autres problèmes beaucoup plus profonds), c’est aussi une entreprise qui, rencontrant ou prévoyant des difficultés, prend des mesures immédiates afin de ne pas connaître d’ennuis financiers : peu ou pas de rentabilité, conjoncture difficile, volume d’activité en baisse, dégradation du climat social, grève, etc» A travers cette définition, nous constatons que Brilman a élargi ce concept en y ajoutant des problèmes comme : la baisse ou l’absence de la rentabilité, la dégradation du climat social, la baisse du volume d’activité, etc. qui sont l’origine des problèmes financiers et auxquels le dirigeant doit trouver des solutions immédiates afin de les éviter.
En 1994, Gresse a repris la définition de Brilman et l’a reformulé ainsi : « l’entreprise en difficulté n’est pas seulement une entreprise qui a des problèmes financiers mais c’est aussi une entreprise qui rencontrant ou prévoyant des difficultés prend des mesures immédiates afin de ne pas connaitre d’ennuis financiers. Ces entreprises se caractérisent par une faible rentabilité, un volume d’activité en baisse, une dégradation du climat social voire des grèves ; elles traversent aussi, pour nombre d’entre elles, une conjoncture difficile».

Les causes des difficultés de l’entreprise

Les facteurs qui sont à l’ origine des difficultés de l’entreprise ne peuvent être énumérés d’une façon limitative. Les causes sont nombreuses et leurs origines peuvent se présenter selon deux approches à savoir l’approche microéconomique et l’approche macroéconomique.

les causes microéconomiques

Dans cette approche, nous distinguons trois types de causes qui sont les suivants:
Les causes stratégiques : Elles se rapportent à la politique générale de l’entreprise qui rencontre plusieurs problèmes. En premier lieu, ceux qui sont liés à la production et à la technique, tels que :
– Le sommeil technologique, caractérisé par la non-modernisation et le non-renouvellement des machines ;
– L’obsolescence technologique qui engendre des coûts de revient non-compétitifs sur le marché ainsi qu’une production insuffisante.
En second lieu, les problèmes commerciaux où les entreprises sont confrontées à des problèmes d’écoulement de leurs marchandises causés par l’organisation industrielle et commerciale inadéquate, et les exigences de plus en plus contraignantes du marché.
Enfin, les problèmes financiers qui sont généralement engendrés par : Le manque de financement, l’absence du contrôle de gestion, l’augmentation des charges commerciales et salariales, et l’insuffisance du fond de roulement.
Les causes relatives à la gestion : La gestion consiste à prévoir l’avenir proche et lointain de l’entreprise, et prendre la décision opportune qui correspond le mieux aux objectifs fixés par cette dernière et contrôler les résultats obtenus avec ceux prévus. Les principales causes des difficultés
liées à la gestion sont comme suit :
– Des problèmes de stratégies (diversification trop grande, mauvaise gestion de la croissance…) ;
– Une politique d’investissement inefficiente (surinvestissement, manque d’investissement, investissement inapproprié…) ;
– L’absence ou l’inadaptation d’une réorientation des compétences clés de l’entreprise (absence de formation…) ;
– Des problèmes de gouvernement d’entreprise (désaccords entre les actionnaires/dirigeants…)
Les causes accidentelles : En plus des causes précédentes, il en existe d’autres qui sont exceptionnelles et imprévisibles comme : Le décès d’un dirigeant, le départ d’un ou plusieurs associés (dirigeants), et les catastrophes naturelles.

Les causes macroéconomiques

Les causes macro-économiques sont les facteurs liés aux conditions économiques générales de l’entreprise. Elles se présentent comme suit:
Les conditions du crédit et le marché monétaire : Elles sont considérées comme l’une des principales causes de défaillance des entreprises, et sont généralement le résultat du durcissement des conditions bancaires, d’une restriction du crédit ou d’une hausse des taux d’intérêts. Ces dernières favorisent l’accroissement du taux de défaillance des entreprises. Ainsi lorsque la solvabilité de l’entreprise se dégrade, les banques voient leurs rôles s’accroitre et elles se préparent pour faire face aux risques.
L’inflation : Le rythme de dépréciation monétaire peut avoir une influence qui peut être favorable ou non sur la situation de l’entreprise. A court terme, ce phénomène joue en faveur des entreprises qui souffrent d’un endettement important car il leur permet de rembourser avec un argent déprécié. A moyen terme celles-ci voient une part croissante de leurs revenus absorbée par les frais financiers.
Le flux de création d’entreprise : La distribution des faillites dépend de l’âge de l’entreprise. Les jeunes entreprises enregistrent un taux élevé de mortalité. La création de nouvelles entreprises entraîne, avec un décalage de quelques années, une impulsion des défaillances.
Ces entreprises présentent des fragilités dues en premier lieu à leurs conditions de créations. En effet la majorité de ces entreprises ne disposent que du capital minimum requis par la loi. Le renforcement de leur fonds reste nécessaire pour le développement de ces entreprises.
Le renforcement de la concurrence : Pour qu’une entreprise soit compétitive, elle doit confronter la concurrence en s’adaptant aux changements des besoins de la clientèle, par le lancement de nouvelles gammes de produits à temps. Ou encore, en utilisant des techniques de production nouvelles et plus performantes et en commercialisant des produits à bas prix. Autrement, l’entreprise se retrouvera à la traîne par rapport à ses concurrents et s’engouffrera dans la difficulté.

Les différentes approches de la défaillance 

La défaillance économique

D’après Zopounidis , la défaillance économique se réfère à l’absence de rentabilité et l’efficacité de l’appareil productif et à la détérioration de la liaison produit-marchés et par la non contribution de l’entreprise à la réduction des problèmes sociaux tels que le chômage ou une incapacité à améliorer le niveau de vie de chacun ou son pouvoir d’achat.
D’après cette définition, nous pouvons dire qu’une entreprise est défaillante sur le plan économique quand elle ne peut plus avoir des revenus des sommes qu’elle a mobilisé, ses produits perdent leur place sur le marché et enfin elle n’arrive pas à réduire les problèmes sociaux.
Selon Crucifix et Derni «l’entreprise accomplit son objectif économique lorsqu’elle réalise une rentabilité et une liquidité suffisantes».
De cette définition nous pouvons qualifier la défaillance économique de pertes structurelles et cela signifie que l’entreprise n’est plus rentable et génère plus de charges que de produits.

La défaillance financière

D’un point de vue financier, une entreprise est considérée comme défaillante si elle rencontre des problèmes de trésorerie et si elle est incapable de respecter ses engagements.
La défaillance financière intervient lorsque l’exploitation ne peut plus faire face au passif exigible au moyen de son actif disponible. Si la rentabilité est insuffisante, l’exploitation de l’entreprise est menacée, puisqu’elle ne peut plus rémunérer les fonds propres au taux en vigueur sur le marché. Dans ces conditions, il sera moins aisé pour la firme de se procurer de nouveaux fonds propres puisqu’elle n’est pas en mesure de les rémunérer. Elle devra solliciter alors une nouvelle ligne de crédit afin d’assurer la poursuite de son activité.
Ce recours aux fonds extérieurs, entrainera des charges financières supplémentaires qui contribueront à détériorer ses résultats financiers. De même, l’entreprise peut connaitre des problèmes de liquidité dans le cas où ses disponibilités de l’exploitation ne suffisent pas à couvrir l’ensemble de ses dépenses.
L’interaction entre l’insuffisance de liquidité associée à une rentabilité négative, a poussé Ooghe et Van Wymeersh à distinguer quatre catégories d’entreprises sur la base de leur état de santé.

La défaillance comptable

Cette défaillance est caractérisée par l’accumulation des pertes sur trois exercices successifs, des pertes réelles constatées supérieures au tiers du montant des capitaux propres en fin d’exercice.

La défaillance juridique

Elle concerne en principe l’action du dépôt de bilan suite à une situation d’insolvabilité et constitue la sanction légale de la défaillance financière. Les droits de faillites sont des procédures collectives, générales et publiques ayant pour objet d’éliminer l’entreprise ou de permettre son redressement, ce qui constitue leur premier aspect, le second étant qu’à l’origine de ces procédures, il y a l’insolvabilité d’un débiteur qui se manifeste par la cessation des paiements, puisqu’il se retrouve dans l’incapacité de faire face au passif immédiatement exigible avec son actif disponible. Sur le plan juridique, la cessation des paiements signifie qu’un débiteur ne s’acquitte pas à l’échéance, de la dette devenue exigible.

Le processus de défaillance

La dégradation de la situation de l’entreprise passe par de longues étapes avant d’atteindre une situation critique et faire appel aux procédures judiciaires. Elle commence sur le plan économique, commercial puis financier avant d’aller à sa traduction sur le plan juridique qui n’est qu’une résultante logique en cas d’échec ou d’absence de mesures entamées par l’entreprise pour redresser sa situation.

La régression économique

Une régression économique survient lorsque l’entreprise enregistre des pertes substantielles et structurées (augmentation des prix des matières premières, hausse des salaires, accentuation de la concurrence, innovation technologique). Cette situation peut être mesurée par deux indicateurs:
– La valeur ajoutée : elle rend compte du poids économique réel de l’entreprise, elle dépend de nombreux facteurs tels que le degré d’intégration de l’entreprise, le degré d’élaboration et d’innovation des produits, la qualité de son organisation industrielle et commerciale, la formation et la productivité du personnel, le rendement des équipements. Une influence négative de ces facteurs entrainera une dégradation de la valeur ajoutée. Lorsque cet indicateur porte un signe négatif, l’entreprise dans ce cas consomme de la richesse au lieu d’en créer.
– L’excédent brut d’exploitation : il représente l’indicateur de la rentabilité économique de l’activité, et la situation limite est atteinte lorsque l’EBE est négatif.

La régression commerciale

Cette régression peut être brutale, progressive ou dissimulée. Elle se caractérise par la chute du chiffre d’affaire ou la baisse du taux de la marge brute, voire les deux successivement ou en même temps qui sont expliquées par: L’inadaptation technique ou produits non compétitifs ; les déficiences de la fonction commerciale et le vieillissement et non renouvellement de la clientèle.

La régression financière

La régression financière est généralement le résultat de la non maitrise d’une régression commerciale. L’insuffisance de marge ne permet plus de couvrir les charges de structures, le résultat positif peut devenir négatif et l’affaiblissement de l’autofinancement risque de rendre difficile les remboursements d’emprunts. Cependant cette régression peut être indépendante de la régression commerciale et cela dans les cas suivants: Gros impayés, la perte d’un client important, retrait de concours bancaires et les montages financiers inadaptés avec des crédits à court terme finançant les investissements à long terme.

 

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I: ASPECTS THEORIQUES SUR LES ENTREPRISES EN DIFFICULTE
Introduction
I- NOTIONS D’ENTREPRISE EN DIFFICULTE
1-Concepts de l’entreprise en difficultés
2-Indicateurs et causes des difficultés
2.1- Indicateurs des difficultés de l’entreprise
2.1.1- Signaux d’alerte économiques et généraux
2.1.2-Indicateurs ressources humaines
2.1.3-Indicateurs associés/actionnaires
2.1.4- Indicateurs venant des tiers
2.2- Les causes des difficultés de l’entreprise
2.2.1- les causes micro-économiques
2.2.2- Les causes macro-économiques
3- Les méthodes de prévision des difficultés
3.1- Les prévisions par l’analyse financière
3.1.1-L’analyse de la solvabilité
3.1.2-L’analyse de l’équilibre financier
3.1.3-L’analyse de la liquidité
3.1.4-L’analyse de la rentabilité
3.1.5-L’analyse de l’activité
3.1.6-L’analyse de la performance financière
3.1.7-L’analyse par les soldes intermédiaires de gestion
3.2- Les prévisions par L’analyse discriminante
3.2.1-Le Z score d’Edward Altman
3.2.2- La méthode de Conan & Holder
3.2.3- Les limites de l’analyse discriminante
II- LES APPROCHES ET LE PROCESSUS DE LA DEFAILLANCE
1-Les différentes approches de la défaillance
1.1-La défaillance économique
1.2-La défaillance financière
1.3-La défaillance comptable
1.4-La défaillance juridique
2-Le processus de défaillance
2.1- La régression économique
2.2- La régression commerciale
2.3- La régression financière
3- La réglementation Algérienne relative aux entreprises en difficultés
3.1-les aspects juridiques de l’entreprise Algérienne en difficultés
3.1.1-La cessation de paiement
3.1.2-Le règlement judiciaire
3.1.3-Le concordat
3.1.4-La faillite
3.1.5-La réhabilitation commerciale de l’entreprise
3.2- les mesures prises par la loi de finance 2017 en faveur des entreprises en difficultés
3.2.1- Les contribuables ouvrant droit à ce dispositif
3.2.2- Les dettes fiscales concernées
3.2.3- Le régime d’imposition
Conclusion
CHAPITRE II : POLITIQUES DE REDRESSEMENT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES
Introduction
I- LES STRATEGIES DE REDRESSEMENT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES
1-Définitions du concept stratégie
2- Les stratégies fondamentales
2.1-Les stratégies de groupe
2.1.1-La spécialisation
2.1.2-La diversification
2.2-Stratégies concurrentielles
2.2.1- domination par les coûts
2.2.2- Différenciation
3-Stratégies globales
3.1- Stratégie de repli
3.2- Stratégie de renforcement
3.3- Stratégie de redéploiement ou de recentrage
3.4- Stratégie de resegmentation
3.5- Stratégie de reconstruction
3.6- Stratégie de partenariat
3.7- Stratégie de cession
II- LE CONTENU ET LE SUIVI D’UN PLAN DE REDRESSEMENT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES
1-Les étapes d’un plan de redressement
1.1- La redéfinition des choix stratégiques
1.2- La remise en ordre de la trésorerie
1.2.1-L’augmentation du fond de roulement
1.2.2-La diminution du besoin en fond de roulement
1.3-L’amélioration de la rentabilité
1.3.1-Par la réduction des charges de l’entreprise
1.3.2- Par une meilleure gestion de l’information
1.3.3- Par le contrôle de vos produits
1.3.4- La remise des hommes au travail
2-Le suivi du plan de redressement
2.1-Les précautions contre l’échec
2.1.1- Le temps est un allié
2.1.2- Le contrôle des écarts
2.2- La prévention dynamique des difficultés
2.2.1- Les mesures financières
2.2.2- Les mesures liées au capital humain
2.2.3- Les mesures stratégiques
3- les conditions de réussite d’un plan de redressement
3.1- La cohérence
3.2- La faisabilité
3.3-La planification
3.4- La durabilité
Conclusion
CHAPITRE III : LE RÔLE DE LA BNA (Agence356) DANS LE REDRESSEMENT DE L’ENTREPRISE TRANSBOIS
Introduction
I- CLASSIFICATION DES ENTREPRISES ALGERIENNES : LECTURE ET ANALYSE
1- Classification des entreprises algériennes en termes de créations d’entreprises et de cessations d’activités
1.1- La création des entreprises par régions
1.2-Entreprises en cessation d’activité
1.2.1- Classification des entreprises radiées par forme juridique
1.2.2- Classification des entreprises radiées par secteur d’activité
2- Le rôle du ministère des finances dans le soutien des entreprises en difficultés en Algérie
2.1- Note sur le traitement financier des entreprises en difficultés
2.2- Note sur l’encouragement de l’investissement productif par la facilitation de l’accès au financement
II – L’ANALYSE DES DIFFICULTES DE L’ENTREPRISE TRANSBOIS
1- Présentation de l’entreprise EPE/SPA TRANSBOIS
1.1- Historique
1.2- Missions et objectifs principaux de l’entreprise
2- L’analyse de la situation financière
2.1- L’analyse de l’équilibre financier de TRANSBOIS
2.2-L’analyse de l’activité de TRANSBOIS
2.3- L’analyse de la solvabilité de TRANSBOIS
2.4- L’analyse de la liquidité de TRANSBOIS
2.5- L’analyse de la rentabilité de TRANSBOIS
2.6- L’analyse de la performance financière de TRANSBOIS
3- Les causes des difficultés de l’entreprise TRANSBOIS
3-1- L’obsolescence des machines
3-2- Les importations
3-3- Retard de déblocage des crédits
III-LE ROLE DE LA BANQUE NATIONALE D’ALGERIE DANS LE REDRESSEMENT DE TRANSBOIS
1-Présentation de l’agence d’accueil (Agence principale BNA 356 Bejaia)
2-La méthode de Scoring comme outil de classification
2.1-Elaboration de la fonction score
2.2-Le calcul du score de TRANSBOIS
3-Les solutions proposées par la BNA (Agence 356) en faveur de l’entreprise TRANSBOIS
3.1- Les lignes de crédits d’investissement
3.1.1- Le financement de la mise à niveau des installations et de la gestion
3.1.2- Financement du programme de modernisation des équipements de production
3.2- lignes de crédits d’exploitation
4-L’impact des crédits accordés par la BNA (Agence 356) sur l’activité de TRANSBOIS
Conclusion
CONCLUSION GENERALE

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