Les méthodes d’analyse en toxicologie à l’époque de l’affaire

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L’affaire Marie Besnard (née Davaillaud)

A la fin de la seconde guerre mondiale, Loudun, petite ville construite sur une colline du département de la Vienne, devient le lieu d’une des plus grandes affaires criminelles du XXème siècle.
L’affaire Marie Besnard a duré douze ans, de 1949 à 1961, avec trois procès et treize exhumations pour aboutir à un acquittement. Quel est donc l’objet de l’accusation de Marie Besnard ? Et pourquoi cette affaire n’a-t-elle pas été résolue plus rapidement ?

Marie Besnard, deux fois veuve

Le premier mariage, avec Auguste Antigny

La constitution fragile d’Auguste Antigny, le cousin de Marie Davaillaud, lui a permis d’être réformé pendant la première guerre mondiale [3] [4]. Il a travaillé pendant cette période dans la ferme des Liboureaux, propriété des parents de Marie Davaillaud à Saint-Pierre-de-Maillé, où il a rencontré cette dernière. Marie est devenue Madame Antigny le 6 avril 1920.
Le jeune couple a habité la ferme des Liboureaux avec les parents de Marie. Mais après quatre ans de travail, Auguste a présenté une pleurésie, puis quelques mois plus tard a été sujet à plusieurs hémoptysies. Il est mort le 1er juillet 1927.
La mort de son mari et son affaiblissement dû à une légère contamination par la maladie de celui-ci ont plongé Marie dans un état dépressif.

Le second mariage, avec Léon Besnard

Marie a rencontré Léon Besnard lors de sa visite chez une cousine, Pascaline Vérité. Ils n’ont échangé que des formules de politesse, c’est pourquoi Marie a été surprise de recevoir sa demande en mariage quelques mois plus tard. Marie n’a accepté qu’après une seconde demande ; ils se sont mariés le 12 août 1929.
Parents de Marie Besnard
Les mœurs de la ville étaient nouvelles pour Marie, notamment la quantité de ragots circulant. Ces ragots ont tenu une place considérable dans les procès de Marie Besnard.
Marie a continué à aider ses parents dans leur ferme, alors que Léon tenait un commerce de cordes. Leur patrimoine immobilier et agricole s’est agrandi au fil des ans, et le couple avait la réputation d’être riche.
Le 16 octobre 1947, Marie et Léon Besnard, ainsi que Alphonse Baraudon, un ami d’enfance de Marie, ont partagé un déjeuner, dont la composition du menu a porté à discussion par la suite. Dans ses Mémoires, Marie Besnard dit qu’elle n’a pas voulu cuisiner pour ne pas perdre de temps. Chacun a apporté des restes à finir. Elle affirme qu’ « il n’y a jamais eu de soupe. Qu’ils n’avaient pas pour habitude d’en manger à midi ». En revanche, douze ans plus tard, Alphonse Baraudon en mentionne : l’acte d’accusation dit « soupe ou potage, œufs au plat, haricots, viande, vin et café ». Quoiqu’il en ait été, après le repas, Léon Besnard a commencé à être sujet à des vomissements. A ce symptôme, ce sont ajoutés des douleurs sur tout le côté gauche et une urémie avec un taux d’urée à 1,41 g/L (le taux normal se situe entre 0,20 g/L et 0,40 g/L). Léon Besnard est mort le 25 octobre 1947.

La rumeur et les dénonciateurs

Louise Pintou, veuve, postière à Loudun, a longtemps été une très bonne amie de Marie Besnard. Elle s’entendait d’ailleurs si bien avec son mari que la rumeur leur a vite prêté une liaison. Marie a avoué plus tard avoir été au courant de cette liaison, en pensant que le temps aurait raison de cette aventure. En revanche, Louise Pintou a nié jusqu’au dernier procès avoir été la maitresse de Léon Besnard.
Le 1er novembre 1947, Louise Pintou a rendu visite aux frères Auguste et Joseph Massip dans leur demeure,
au château de Montpensier. Les deux frères étaient aussi amis des Besnard depuis l’année 1941 ou 1942. Au cours du repas, Louise Pintou leur a fait les confidences suivantes : « Ce pauvre Léon a été empoisonné par sa femme Marie. Je vous explique. Léon m’a fait une confidence alors que nous étions tous les deux dans la chambre. Léon venait de vomir à nouveau et il m’a dit « oh, mais qu’est-ce qu’on m’a fait absorber ? ». Je lui demande si c’est le prisonnier –Alfred Dietz, ex-prisonnier allemand et domestique agricole des Besnard- . Il me répond : « Non… Marie. C’était aux Liboureaux, nous allions manger de la soupe, j’ai vu un liquide dans mon assiette et Marie a versé la soupe dessus. Je l’ai mangé et presque aussitôt je l’ai vomi. »
Après vérification dans un dictionnaire médical des symptômes de l’ingestion d’arsenic, Auguste Massip a décidé de signaler ces révélations à la police. Le 4 novembre 1947, il a fourni une preuve écrite de son accusation, tout en demandant que son nom et celui de Louise Pintou n’apparaissent pas. Mais cette dernière, questionnée par la police, s’est rétractée en insinuant que l’accusation était issue de l’imagination de son auteur. L’affaire a donc été classée sans suite.
En septembre 1948, pour couvrir certains frais, Marie Besnard a décidé de louer la maison prêtée jusqu’alors à Louise Pintou. Cette décision a été très mal accueillie par cette dernière.
Le 17 octobre 1948, le château d’Auguste Massip a été incendié. Son propriétaire a aussitôt accusé Marie Besnard d’être l’auteur de l’incendie afin de se venger de la lettre écrite au juge d’instruction. Pour arriver à confondre Marie, il a fait circuler des lettres plus calomnieuses encore dans Loudun. Mais quelques jours plus tard, les auteurs de l’incendie, enfants des domestiques du château, ont été retrouvés. Auguste Massip est resté persuadé que Marie avait échafaudé la mise en scène de l’incendie du château et s’est transformé en enquêteur privé.
A la mort de la mère de Marie, le 14 janvier 1949, il a constitué une liste des décès survenus dans la famille ou chez les proches de Marie Besnard, et a mis en évidence les héritages tombés dans son patrimoine.

Les procès

Le premier procès : du 20 au 25 février 1952, à Poitiers

Les représentants de la partie civile étaient Charles et Marie-Charlotte Besnard, des cousins germains de Léon Besnard, et héritiers de ce dernier au cas où Marie Besnard serait condamnée. Ils ont sollicité les services de l’avocat maître Roger-Adolphe Lacan.
La cour était présidée par le juge Edgar Favard. La défense avait quatre-vingts témoins à charge à présenter, mais le juge voulait d’abord s’appuyer sur la démonstration des experts, à savoir que les corps des victimes contenaient des taux anormaux d’arsenic.

La négligence des experts

L’interrogation des fossoyeurs et des médecins légistes laissant croire qu’ils avaient exécuté leur mission avec négligence, le docteur Béroud a été appelé pour obtenir des réponses plus rigoureuses. Mais les critiques des avocats ont continué de fuser : « Des bocaux scellés contenant les restes de Blanche Rivet sont envoyés à Marseille dans une boite non scellée. Au moment de l’expertise, comment expliquez-vous, docteur Béroud, qu’il manque des prélèvements concernant des vêtements et des matières musculaires que vous aviez pourtant ordonnés ?
– J’avoue que j’ai moi-même du mal à comprendre.
– Mais alors que dire pour les restes de Léon Besnard ? Ce sont dix bocaux qui partent dans une caisse non scellées. Neuf sont réceptionnés. Celui contenant le larynx et les cheveux est perdu.
– Pas exactement, Maître, puisque ce bocal a été mélangé avec les restes d’un autre.
– Alors, vous l’avez enfin retrouvé. Ce sont des bocaux qui apprécient les voyages. Si on s’arrête sur le cas de Virginie Lalleron morte en 1945, sur huit bocaux inscrits dans le rapport au départ de Poitiers, il en arrive dix au laboratoire de Marseille dont un contenant un œil.
Vous savez mieux que nous, docteur, que la conservation normale de cet organe est de cinq semaines après le décès. Qui plus est, le docteur Séta avait spécifié que ce cadavre était réduit à l’état de squelette. Enfin, en ce qui concerne les restes de Marie-Louise Davaillaud, il y a un bocal qui manque et deux autres sont de trop. »
Le docteur Béroud n’a pas pu contredire ces constatations. Ainsi, la défense a mis en évidence de nombreuses erreurs.

Témoignage des contre-experts cités par la défense

Le lendemain, le docteur Béroud était absent pour cause de maladie. La défense a mis en évidence, dans le rapport des analyses des prélèvements, des organes qui ne pouvaient pas se trouver sur les victimes, des inexactitudes quant au poids des viscères examinés, le mélange d’organes… Les contre-experts ont ensuite démontré que les analyses n’avaient pas été menées avec assez de rigueur ; le docteur Perperot a déclaré : « J’ai trouvé de l’arsenic dans la terre extraite du cimetière de Loudun. Mais je n’ai eu connaissance de la provenance de cet échantillon qu’après avoir communiqué les résultats à Maître Hayot. Enfin, si le rapport mentionne qu’un des empoisonnements a été réalisé par l’ingestion d’arséniate de plomb, malheureusement, je n’ai pas trouvé de chiffres prouvant que la recherche de plomb dans les viscères a été effectuée. »
Dernière audience du procès : debout, l’avocat général ; derrière lui Marie Besnard ; au fond, la Cour et les 7 jurés ; dans l’assistance, 87 journalistes de la presse française et étrangère Devant toutes ces erreurs, la défense a demandé une contre-expertise et, le 25 février, le juge a accordé la nomination de deux experts toxicologues et d’un médecin légiste.
« Je déclare qu’ils auront pour mission dans les deux mois qui suivent :
– De procéder aux exhumations sur les cadavres pour lesquels les experts ont omis des doutes quant aux résultats
– De prendre possession des bocaux concernant cette affaire qui sont restés au laboratoire du docteur Béroud
– De notifier pour chacun des cadavres qu’il s’agit d’une mort naturelle, par accident, ou s’il y a eu une volonté de les supprimer intentionnellement
– Il faudra aussi préciser la quantité, la période et la nature de la substance absorbée, si tel est le cas, par les victimes. »
Finalement, quatre experts ont été nommés : le professeur Emile Kohn-Abrest, ancien directeur du laboratoire de toxicologie de Paris, le professeur René Fabre, professeur de toxicologie et doyen de la faculté de pharmacie de Paris, membre de l’Académie de médecine, le professeur Henri Griffon, agrégé du Val-de-Grâce, directeur du laboratoire de toxicologie de la préfecture de police, et le professeur René Piedelièvre, médecin légiste et président du conseil national de l’ordre des médecins.
Le professeur Henri Griffon ayant introduit une nouvelle technique américaine en France, la méthode Griffon et Barbaud, l’a utilisée pour le dosage de l’arsenic dans les cheveux.

Rebondissements avant le deuxième procès

♣ Les premières analyses ont montré que la terre contenait de l’arsenic. Mais les experts n’ont pas voulu en tenir compte et de nouveaux examens ont été demandés.
♣ Le nombre de victimes retenues est passé de onze à six ; il s’agissait du père, de la mère, du beau-père, d’une des cousines, de l’amie et du mari de Marie Besnard.
♣ Les avocats de la défense ont déposé en cassation une requête en suspicion légitime, portant sur des caisses de récupération des restes non autopsiés qui étaient mentionnés dans le procès-verbal, mais en réalité n’existaient pas, sur le mélange de restes de cadavres et des viscères, sur la perte de scellés, sur l’absence d’identification de médicaments absorbés avant la mort…
♣ Treize bocaux, que le docteur Béroud affirmait avoir détruit, ont été retrouvés à Marseille. La défense a refusé qu’on les prenne en compte et le jury a accepté ce refus.
♣ La sécurité publique étant menacée à cause de réactions trop vives en Poitou, la cour d’assises de la Gironde, à Bordeaux, a été requise pour juger l’affaire. Marie Besnard a donc été transférée à la prison du fort du Hâ.
♣ Des expertises complémentaires ont été menées, notamment sur la provenance potentielle de l’arsenic des eaux de ruissellement véhiculées par la terre du cimetière.

Le deuxième procès : du 15 mars au 1er avril 1954, à Bordeaux

Les témoins, ceux qui ont entendu la rumeur, ceux qui ont assisté aux derniers jours de Léon, ceux qui ont assisté aux exhumations ont été entendus les uns après les autres jusqu’au 23 mars, avant de laisser la place aux experts.

Les résultats des experts attaqués par la défense

En s’adressant au professeur Kohn-Abrest : « Professeur, il y a des erreurs. Selon les chiffres de l’analyse du cadavre de la mère de Marie Besnard, on aurait dû avaler 18 grammes de poison. Or le professeur affirme qu’un demi-gramme suffit pour mourir sur le champ. Si on compare le dosage de l’arsenic au poids moyen des victimes à leur mort, c’est impossible de trouver 18 grammes.
– Je me refuse à faire mes calculs, ici, en public. Ce que j’ai avancé est exact. »
L’expert réputé, se doutant bien que d’autres chercheurs avaient travaillé dans l’ombre des cabinets des avocats, n’a pas admis cette façon de procéder et a, avec son collègue Fabre, demandé la permission de quitter leur fonction dans le procès.
Plus tard, la défense a remis en cause la méthode utilisée par le professeur Griffon et a insinué qu’il y avait des incertitudes dans les chiffres et les modes de calculs employés. Le professeur Griffon s’est lui aussi considéré insulté.
« Comment osez-vous remettre en doute mes compétences, vous qui n’êtes pas des scientifiques?
– Professeur, reprenons alors les méthodes sur ce tableau noir.
– Je refuse de refaire les calculs puisque les autres experts, avec lesquels j’ai rédigé le rapport, sont partis. »

L’opposition des savants aux experts

Trois savants ont été choisis par maître Hayot : Marcel Le Peintre, ingénieur-chef du laboratoire de chimie au service de contrôle des eaux de la Ville de Paris, le docteur Ollivier, biologiste et médecin conseiller technique aux Etablissements thermaux de la Bourboule, et le professeur Keilling, professeur à l’Institut national agronomique.
Les conclusions de leurs expériences étaient les suivantes :
M. Le Peintre : « Le corps de Léon Besnard était submergé d’eau. L’eau contenait un dixième de milligramme d’arsenic. Le poison est passé dans le cadavre du défunt. »
Le professeur Le Peintre
Le docteur Ollivier : « Dans le sol, avec les phénomènes de naissance et de transformation des vers, des microbes… l’arsenic passe d’un état soluble à un état insoluble. Comme l’arsenic se trouve dans l’eau, le poison imprègne par ce phénomène de solubilité le corps des victimes. »
Le professeur Keilling : « Dans les cimetières, la présence du zinc est importante. Ce métal contient de l’arsenic. Si dans un premier temps, l’arsenic est insoluble, il peut redevenir soluble par les effets de transformation de la vie microbienne et se placer sur le cadavre. Pour les cheveux, l’arsenic décelé peut provenir de l’extérieur. Le cheveu est un canal dans lequel peuvent se loger différentes matières. Porteuses de microbes, elles contribuent à dissoudre l’arsenic. » Quant aux conditions dans lesquelles les analyses de la terre du cimetière de Loudun avaient été réalisées, le professeur explique : « Les experts ont utilisé de la terre desséchée. Aussi l’arsenic provenant de la transformation des microbes d’une terre fraiche ne pouvait plus exister. Pourtant, j’affirme que les cadavres ont été imprégnés d’arsenic par la terre. »
Le jour suivant, on a appris que le gardien cultivait des pommes de terre et des céréales et qu’il utilisait de l’arséniate pour combattre les doryphores.

L’arrivée imprévue d’un autre expert

Pour éclaircir les déclarations du docteur Keilling, l’avocat général a fait venir un expert parisien, Louis Truffert. Ce dernier était chargé de l’enseignement de la chimie toxicologique à la faculté de médecine de Paris.
L’expert Truffert a démontré l’exactitude des analyses du professeur Keilling relatives au transport dans les cheveux de l’arsenic venant de l’extérieur par le phénomène de vie, c’est-à-dire transformation et mort des microbes.
Le docteur Ollivier (à gauche) et l’expert Truffert (à droite)
De ses propres expériences, il a tiré la conclusion que : « L’arsenic résiste aux lavages les plus détergents du cheveu. » Les avocats de la défense ont précisé : « Deux savants, MM. Bertrand et Demolon, ont étudié la dynamique des sols. Selon eux, les cheveux contiennent des microbes qui donnent naissance à un champignon dans la moelle du cheveu. Cette moisissure est postérieure à la mort. Elle facilite la fixation d’arsenic. Même des lavages à l’eau distillée n’évacuent pas la présence d’arsenic. Nous déplorons que ces expériences n’aient été prises en compte par les experts officiels, d’autant que les travaux ont été repris par deux savants anglais pour aboutir à des conclusions identiques. »

Le renvoi du procès

La cour a ordonné des procéder à de nouvelles expertises. Les experts choisis sont les suivants : Maurice Lemoigne, membre de l’Académie des sciences et directeur du service des fermentations à l’Institut Pasteur, René Truhaut, professeur de toxicologie à la faculté de pharmacie de Paris, et Pierre Savel, ainsi que deux médecins légistes, MM. L’Epée et Vitte.
Les biens de Marie Besnard étant placés sous séquestre depuis son arrestation, elle ne pouvait pas payer la caution demandée pour sa mise en liberté provisoire. Finalement, la caution a été divisée par six et payée par les petits-cousins de Marie.

Le troisième procès : du 20 novembre au 12 décembre 1961, à Bordeaux

Six ans de travail d’expertise avant le troisième procès

Pour connaitre la relation entre la terre, les eaux de ruissellement et l’imprégnation dans les tombes, des exhumations de cadavres témoins ont eu lieu au cimetière de Saint-Pierre-de-Maillé et à celui de Loudun. Les taux d’arsenic étaient bien inférieurs à ceux détectés dans l’affaire Marie Besnard.
Cimetière de Loudun
Les conclusions des toxicologues ont été les suivantes :
– La valeur des prélèvements effectués en 1952 étaient entièrement valables.
– Les méthodes de Marsh et Cribier donnaient satisfaction aux toxicologues, contrairement à celles de Griffon et Barbaud.
– Seulement certains des restes cadavériques étaient en contact avec les produits arsenicaux.
– L’imprégnation d’arsenic dans les cadavres par le biais d’arsenic logé sur les cheveux était jugée quasiment nulle quel que soit le système d’imprégnation.
Finalement les conclusions allaient dans le sens de toutes les autres expertises ayant conclu à un empoisonnement avant la mort.

Interrogation des experts

Interrogation du professeur Griffon à propos de sa méthode « Professeur, une fois le cheveu soumis aux rayons radioactifs, combien de temps avez-vous attendu ensuite pour doser l’arsenic ?
– J’ai attendu quinze heures. Après quoi, le compteur mesure la teneur en arsenic.
– Eh bien, l’attente normale est de vingt-six heures, aussi le compteur a enregistré d’autres éléments que l’arsenic comme, par exemple, le sodium. Où placer dans ce cas la rigueur scientifique ? »
Interrogation de M. Lemoigne
« Est-ce que l’arsenic provenant de l’extérieur a pu entrer en contact avec les corps des victimes ?
– Mes expériences sur les objets en zinc révèlent une teneur très faible en arsenic. Les eaux de ruissellement n’ont donc pas pu véhiculer le poison si loin. Il aurait fallu de fortes quantités de produits arsenicaux au mètre carré de terrain pour, si l’imprégnation est possible, qu’on trouve dans les cadavres des doses de produit toxique.
– Combien de facteurs peuvent intervenir pour imprégner un cadavre plus qu’un autre ? Je vais vous le dire : la science n’en sait rien. Vous ne connaissez pas tous les facteurs, vous ne pouvez rien en déterminer, rien comparer. »
Interrogation du professeur Kohn-Abrest
« Selon ce qui est inscrit dans le rapport, à partir de vingt-cinq grammes d’un débris de cadavre, vous obtenez quatre-cents microgrammes d’arsenic.
– C’est impossible, maître. Il y avait quatre grammes et quelque chose. – J’en conclus que le chiffre a été modifié par quelqu’un d’autre. »
Là-dessus, maître Hayot a insisté pour obtenir les fiches de laboratoire et a découvert que les résultats étaient à l’opposé de ceux reproduits sur les autres fiches, rédigées par le professeur Griffon. Lorsqu’il déclarait l’arsenic soluble sur la fiche A, il inscrivait insoluble sur la fiche B. Le résultat de un milligramme par kilo inscrit sur la fiche est devenu sur le rapport final 12 milligrammes par kilo.
Interrogation du professeur Griffon par M. Le Peintre, chef du laboratoire de Montsouris Le professeur soutenait qu’il ne trouvait pas de trace d’arsenic dans l’eau en provenance du pluviomètre de Montsouris.
« Tous les mois, les analyses prouvent le contraire. Je suis surpris aussi de voir que, pour l’analyse de l’eau distillée mêlée à de la terre arséniée, sur une fiche, votre assistante avait trouvé un résultat positif. ». Maître Hayot a demandé à voir la fiche.
« Je l’ai jetée. Et puis même j’avais refait les calculs. Comme je les trouvais négatifs, j’ai naturellement modifié le résultat. » Maître Hayot a enchainé.
« J’ai fait procéder à l’expérience du lavage d’une mèche imprégnée d’arsenic. Les traces du poison disparaissent. Une fiche du laboratoire témoigne du contraire. Comment expliquez-vous ce phénomène ? »

Témoignages de chercheurs

Louis Truffert a expliqué la présence d’arsenic dans les corps des victimes par l’intermédiaire de l’eau.
« Elle contient de l’arsenic en petite quantité, mais elle fixe le poison grâce à la putréfaction d’une matière.
Maître Gautrat : – Comment expliquez-vous que les cheveux du défunt contiennent de l’arsenic et pas le reste de son corps ? Est-ce la preuve d’une intoxication ?
– Son corps était noyé dans l’eau du caveau et il s’est formé une barrière cutanée empêchant l’arsenic ambiant contenu dans l’eau de se fixer dans le corps, pour se fixer seulement sur les cheveux. Car il y a des cas où il se fixe et d’autres non. »
Le docteur Ollivier a ensuite exposé ses expériences sur la dynamique des sols.
« J’ai trouvé au maximum 378 milligrammes d’arsenic par kilo de terre. »
Le professeur Keilling a précisé à la cour les origines de l’arsenic dans les tombes.
« J’en ai trouvé partout, dans le sable, la maçonnerie, le béton, le ciment et d’autant que les
cultures avoisinantes sont sulfatées avec un produit arsénié. »
Puis l’ingénieur-géomètre Langumier a témoigné.
« J’ai pu vérifier la déclivité, sud-nord, du cimetière de Loudun. Constatez par vous-même sur la présente maquette. Les tombes de la famille Besnard reçoivent toutes les eaux de ruissellement chargées en arsenic. Par contre, en raison d’une meilleure disposition, les caveaux des cadavres témoins ne sont pas situés en contrebas. Donc il était impossible qu’ils puissent contenir de l’arsenic. »
Enfin, l’agronome M. Bastisse a renforcé le témoignage du professeur Keilling.
« J’ai analysé du sable et du ciment pour relever des quantités énormes d’arsenic. Par exemple, le corps de Léon Besnard est enfermé dans du sable et du ciment contenant à eux seuls 50 grammes d’arsenic. »

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Table des matières

1. Introduction
2. L’affaire Marie Besnard (née Davaillaud)
2.1.Marie Besnard, deux fois veuve
2.1.1. Le premier mariage, avec Auguste Antigny
2.1.2. Le second mariage, avec Léon Besnard
2.2.La rumeur et les dénonciateurs
2.3.La défense
2.4.Les procès
2.4.1. Le premier procès : du 20 au 25 février 1952, à Poitiers
2.4.1.1. La négligence des experts
2.4.1.2. Les techniques employées
2.4.1.3. Témoignage des contre-experts cités par la défense
2.4.1.4. Rebondissements avant le deuxième procès
2.4.2. Le deuxième procès : du 15 mars au 1er avril 1954, à Bordeaux
2.4.2.1. Les résultats des experts attaqués par la défense
2.4.2.2. L’opposition des savants aux experts
2.4.2.3. L’arrivée imprévue d’un autre expert
2.4.2.4. Le renvoi du procès
2.4.3. Le troisième procès : du 20 novembre au 12 décembre 1961, à Bordeaux
2.4.3.1. Six ans de travail d’expertise avant le troisième procès
2.4.3.2. Interrogation des experts
2.4.3.3. Témoignages de chercheurs
2.4.3.4. Témoignages des dénonciateurs et autres témoins
2.4.3.5. Les plaidoiries de décembre 1961
2.4.3.6. Le verdict
3. Les méthodes d’analyse en toxicologie à l’époque de l’affaire
3.1. La méthode de Marsh
3.1.1. Historique
3.1.2. Description du procédé
3.1.3. Controverses sur le procédé
3.2. La méthode de Cribier
4. Les méthodes d’analyses actuelles en toxicologie
4.1. Les méthodes de séparation
4.1.1.1. La chromatographie liquide haute performance
4.1.1.1.1. La phase mobile
4.1.1.2. La chromatographie en phase gazeuse
4.1.1.2.1. Gaz vecteur
4.1.1.2.2. Système d’injection
4.1.1.2.3. La colonne
4.1.1.2.4. Les phases stationnaires
4.1.1.2.5. Four
4.1.1.2.6. Détecteurs
4.2. Méthodes d’analyse des éléments
4.2.1. Spectrométries d’absorption et d’émission atomiques
4.2.1.1. Spectrométrie d’absorption atomique en mode flamme (SAAF)
4.2.1.1.1. Source
4.2.1.1.2. Nébuliseur
4.2.1.1.3. Brûleur
4.2.1.1.4. Monochromateur
4.2.1.2. Spectrométrie d’émission atomique en mode flamme (SEAF)
4.2.1.3. Spectrométrie d’absorption atomique électrothermique (SAAET)
4.2.1.4. Spectrométrie d’émission atomique en plasma induit couplé à un détection optique: ICP-optique (ICP-AES)
4.2.1.5. Spectrométrie de masse en plasma induit couplé à un détecteur de masse (ICPMS)
5. Evolution de l’expertise toxicologique
5.1.Erreurs des experts dans l’affaire Marie Besnard
5.2.L’expertise toxicologique aujourd’hui
5.2.1. Recommandations sur les prélèvements
5.2.1.1. Prélèvements autopsiques
5.2.1.2. Prélèvements chez le vivant
5.2.2. L’expertise toxicologique de référence
5.2.3. Reconnaissance de compétence en toxicologie médico-judiciaire
5.2.3.1. Critères d’éligibilité
5.2.3.2. Dossier de candidature
5.2.3.3. Validité de la reconnaissance de compétence
5.2.4. Accréditation des laboratoires de toxicologie
6. Conclusion

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