Les Métamorphoses de Merlin

La première identification de Merlin a lieu dans l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth en 1138. L’origine étymologique, galloise et médiévale, de Merlin est Myrddin, qui signifie « barde », « chef de clan ». Le personnage de Merlin a retenu toute mon attention dans le Merlin de Robert de Boron , où il est au service des rois Uter et Pandragon, rois légitimes de Grande-Bretagne, ceux-ci ayant renversé, grâce à l’aide de Merlin, le perfide Vertigier. De plus, il est à noter que le texte de Robert de Boron est écrit d’abord en vers à la fin du XIIème siècle puis transposé en prose au début XIIIème siècle. L’écriture en vers réfère à un univers clos, homogène, limité, alors que l’écriture en prose, support d’un discours de vérité, s’ouvre sur une perspective historiographique. Ainsi l’auteur veut être cru car il inscrit son histoire dans l’Histoire, le récit élargissant la narration vers la cyclisation. C’est la seule œuvre médiévale qui ait gardé ces deux formes d’écriture. L’œuvre de Robert de Boron relève par ailleurs de la Littérature du Graal qui met un terme à la Littérature de Bretagne, tout en conservant les motifs du merveilleux et du religieux.

Merlin est un personnage insaisissable, suspect, inquiétant comme son rire, inspirant le mystère à travers sa magie mais aussi par ses nombreux séjours en forêt. C’est un prophète, manipulateur, enchanteur, mystificateur maîtrisant l’art de la parole, qui est omniscient et omnipotent et qui donne toute sa cohérence et ses articulations au récit. Il utilise ainsi deux moyens : une dimension temporelle par le biais de la prophétie et de sa connaissance du passé, une dimension spatiale par un incessant jeu de déplacements et son don d’ubiquité. Il peut être dans deux endroits en même temps ; il quitte la Cour pour la forêt mais nous le suivons ainsi nous pouvons observer qu’il y a dédoublement chez cet homme.

Merlin, une identité controversée de par ses métamorphoses

La nature hybride de Merlin entre Dieu et Diable

La Littérature du Graal est un discours de légitimation, c’est douze siècles plus tard un double fictionnel du Nouveau Testament. Le Merlin relate l’établissement du christianisme sur des terres païennes. Son père est un incube et sa mère une femme vierge et pieuse : « je sui filz d’un ennemi qui engingna ma mere, et cele meniere d’enemi qui me conçut a non enquibedes et sont et repairent en l’air » (§15). Dans ce contexte, Merlin peut à la fois être identifié au Christ et s’en différencier ; le Christ, ne se métamorphose jamais contrairement au diable. Cependant, la résurrection du Christ ne peut être vue comme une métamorphose puisque nous n’observons pas de changement radical à la fois dans son état et ses caractères mais reste parfaitement identifiable lorsqu’il ressuscite, puisque son apôtre Pierre le reconnaît avant les autres (Évangile selon Saint Luc) malgré les nombreux doutes qui l’assaillent. Le Christ s’inscrit dans la permanence, à l’inverse du diable. Le Merlin est l’histoire d’un projet diabolique de rédemption, qui s’oppose au Christ mais qui est sauvé par Dieu dès lors que sa mère se sachant enceinte demande à son confesseur : « vos ne me comenderoiz ja si fort chose que je ne face » (§7), ce à quoi Blaise lui répond : « diz tu que tu viens au conseil de Sainte Eglise et a la merci Jhesu Crist qui nos rachata de si chier achat comme de sa mort » (§7) et enfin la mère de Merlin de dire : « Sire, einsi com vos le m’avez dit le tenrai je molt volentiers, se Dieu plaist » (§7). Merlin est sauvé par Dieu pour l’accomplissement d’un projet providentiel qui est celui de l’établissement de la Table Ronde, faisant elle-même référence à la table de Joseph d’Arithmancie mais aussi à la table de la Cène où le Christ prit son dernier repas en compagnie de ses douze apôtres. La question que l’on peut donc se poser est la suivante : par ses métamorphoses Merlin fait-il figure d’antéchrist ? Merlin, fils d’un incube et d’une femme vierge, a un aspect physique monstrueux, couvert de poils dès sa naissance : « le virent plus velu et plus poil avoit qu’eles n’avoient onques veu a autre enfant avoir » (§10), il en effraie les femmes qui prennent soin, dans la tour, de sa mère. Il prend la parole très tôt, ce qui en fait un enfant prodige et inquiétant : « et quant la mere l’oï, si li failli li cuers et ot paor et laissa ses braz aler » (§11). On constate que l’ensemble des métamorphoses est systématiquement en lien avec l’annonce d’une prophétie. Mais il ne prend nullement la place du Christ, tout en faisant de nombreuses références à la religion chrétienne : « et Diex m’a esleu a un suen servise faire que nus ne porroit faire se je non » (§23). Également, on notera que le diable est à chaque instant présent dans l’esprit des hommes du Moyen Âge. Il est la force redoutable et sournoise contre laquelle il est nécessaire d’être en perpétuel état d’alerte. Au sein de nombreuses œuvres, le diable joue son rôle de destructeur, de grand tacticien du mal, il faut y ajouter le Merlin de Robert de Boron. Dès le début, deux forces sont en présence : l’Ennemi et le Rédempteur : « Mout fu iriez li annemis quant Nostre Sire ot testé en enfer et li en ot gité Adan et Eve et des autres tant com li plot. » (§1). Le monde, celui des corps et celui des âmes, est l’enjeu de ce combat, le diable y étant perpétuellement vaincu. Ce dernier est toujours nommé « ennemi » par Robert de Boron et non l’« aversier », terme qui rend la même idée ni le « maufé », terme qui renvoie plutôt à la malédiction. Il est représenté tantôt sous la forme d’une multitude d’êtres qui ne sont pas hiérarchisés et qui peuplent tout l’enfer ; en effet, l’un d’eux est celui qui vient jeter le malheur sur la famille du prudhomme. Il est à noter que les démons sont des anges déchus qui sont tombés « en trois parts », sur terre, dans les airs, en enfer. Dans le Merlin, nous y retrouvons ces trois mêmes espèces dont l’incube, à qui Merlin doit le jour et qui habite l’atmosphère : « et cele manière d’enemi qui me conçut a non equibedes et sont et repairent en l’air » (§15). Robert de Boron ne décrit pas le démon, il lui donne une apparence humaine. Le père de Merlin est donc représenté comme l’un de ces démons qui venaient se mêler au monde et donc exercer leurs ravages parmi les mortels. Le diable, oublie en élaborant son projet, l’omniscience de Dieu « Et einsi dient et ont empris que  ils engendront un home qui lor engingnera les autres » (§15) et demeure fermé au mystère de l’incarnation, ne concevant pas qu’un être de chair puisse naître en dehors du plaisir, du « délit » .

Merlin et son héritage tenu de Dieu

Dès sa création, et ce grâce à sa mère, Merlin possède des origines divines mais il demeure aussi une figure humaine par nature et donc par la filiation avec cette dernière ; c’est ainsi que Robert de Boron crée le personnage de Merlin, comme une figure type du prophète, qui, lui, a la connaissance du passé, alors que son père l’incube délégué de l’enfer, connaît, lui, l’avenir. La mère de Merlin reconnaît immédiatement lors de sa création : « je ai pechié » (§9). En effet, cette dernière a été surprise lors de son sommeil ; est-elle donc réellement fautive puisqu’elle n’a jamais consenti à cette union avec le diable : « et quant je m’esveillai, si me trovai honnie et despucelee» (§9). Malgré tout, la mère de Merlin a pêché par manque de vigilance, qui est considéré comme une qualité essentielle par le christianisme pour se prémunir des sensations du mal. Ainsi par sa mère, Merlin tient sa science de Dieu, il n’ignore jamais qu’il est à la fois tributaire de Dieu et du Diable, ayant constamment conscience de ses origines, il le rappelle de manière quasi systématique : « car se il volt, il puet randre as deables lor droit et a Nostre Seingnor le suen » (§10). Ainsi, Merlin est toujours face à ce dilemme pour lequel il peut ou non s’engager ; la décision lui appartient : « Et il a a cestui plus doné que a autre por ce que graindre mestiers li estoit, si savra bien au quies il se devra tenir. » (§10). Immédiatement, Merlin choisit la voie de Dieu et s’il se soumet à ce dernier c’est en toute liberté de conscience et en toute lucidité ; Merlin détient son propre libre arbitre, il en a tout à fait conscience ; c’est pourquoi la notion de prédestination s’affirme bien ici.

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Table des matières

Introduction
I. Merlin une identité controversée par ses métamorphoses
1. La nature hybride de Merlin entre Dieu et Diable
2. Merlin et son héritage tenu de Dieu
3. Aux origines des métamorphoses
3.1 Les Métamorphoses chez Ovide
3.1.1 La Métamorphose comme fonctionnement
3.1.2 La Métamorphose comme spectacle
3.1.3 La signification des métamorphoses
3.2 Les métamorphoses chez Merlin
4. La Vie de Merlin et l’inexistence des métamorphoses : le pouvoir du rire de Merlin
4.1 Métamorphoses et prophéties dans la forêt, refuge de Merlin
4.2 Étude de la seconde prophétie dans La Vie de Merlin, en lien avec le Merlin de Robert de Boron
5. Vers l’humanisation de Merlin sous l’influence de Viviane et la Table Ronde
5.1 « Viviane », comme suite au Merlin de Robert de Boron
5.2 L’humanisation de Merlin par la Table Ronde
II. Réflexion didactique, classe de cinquième, séquence : Agir sur le monde : « Héros/héroïnes et héroïsmes »
1. Introduction
2. Circonstances et effets produits des métamorphoses de Merlin, Uterpendragon, et Ulfin
3. Merlin et sa fonction d’adjuvant
4. Les enjeux du merveilleux
5. Conclusion
III. Expérimentation pédagogique
1. L’immortalité au sein des textes de la séquence étudiée en classe de cinquième : Agir sur le monde : « Héros/héroïnes et héroïsmes »
1.1 « Merlin, complice des amours du roi », Le Roman de Merlin, Robert de Boron, Classiques abrégés, 2015
1.2 Le lai « Le Chèvrefeuille », Lais, Marie de France, GFFlammarion, 1994
1.3 « Tristan et le Morholt », Tristan et Iseult, Thomas d’Angleterre, Nathan, 1994
1.4 « Lancelot et le Pont-de-l’Épée », Lancelot et le Chevalier à la charrette, Chrétien de Troyes, GF-Flammarion, 1991
2. Les valeurs du héros pouvant lui permettre d’incarner l’immortalité
2.1 Aventure et errance
2.2 La reconnaissance de la valeur chevaleresque
2.3 La quête chevaleresque, une double exigence
2.4 Conclusion
3. Signification du concept de l’immortalité
3.1 L’immortalité dans l’Antiquité
3.2 L’immortalité au Moyen Âge
3.3 L’immortalité au XXIème siècle
Conclusion

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