Les Metal-Organic Frameworks, des matériaux nanoporeux

Les Metal-Organic Frameworks, des matériaux nanoporeux 

Généralité sur les matériaux poreux 

Les matériaux poreux sont des composés présentant une porosité structurale, c’est-à-dire que l’on peut observer de nombreuses cavités ou canaux dans leur structure tridimensionnelle. Les pores peuvent être plus ou moins homogènes et réguliers en fonction du matériau. L’existence de ces réseaux poreux confère à ces matériaux de nombreuses propriétés intéressantes telles qu’une grande surface spécifique ou des capacités de stockage et de séparation de gaz. L’International Union of Pure and Applied Chemistry (IUPAC) a établi une classification permettant de distinguer les matériaux poreux en trois catégories en fonction du diamètre des pores (Øp) internes:
❖ Les solides macroporeux (Øp > 50 nm),
❖ Les solides mésoporeux (2 nm < Øp < 50 nm),
❖ Les solides microporeux (Øp < 2 nm).

Ces trois classes de matériaux peuvent être regroupées sous le nom de matériaux nanoporeux.

De plus, ces matériaux poreux peuvent être classés par rapport à leur régularité structurale . On peut distinguer :
(i) les matériaux cristallins qui présentent un arrangement tridimensionnel périodique à l’échelle atomique comme les zéolites et les Metal-Organic Frameworks (MOF).
(ii) les matériaux ordonnés qui ne présentent en générale pas de caractère cristallin mais qui ont des pores géométriquement bien définis tels que les silices mésoporeuses.
(iii) les matériaux poreux amorphes qui présentent une structure atomique désordonnée à longue échelle, des formes irrégulières et également une large distribution de la taille de leurs pores,allant des micropores jusqu’aux macropores. Ces matériaux poreux amorphes comprennent notamment les silices poreuses  , le verre Vycor ou les charbons actifs .

Il est possible de différencier deux catégories de matériaux poreux en fonction de leur composition chimique : d’une part, les matériaux poreux organiques comme les Covalent Organic Frameworks (COF), d’autre part, les matériaux poreux inorganiques, incluant les aluminophosphates (AlPO4), les oxydes (titane, zircone ou à base de silice) ou encore les sulfures, et enfin les composés hybrides organo minéraux tels que les organo-siliciques ou les Metal-Organic Frameworks (MOF) possédant des fonctionnalités et des structures très variées. Mes travaux de thèse ont porté sur la synthèse et la caractérisation de ces matériaux de type MOF.

Les MOF : composés hybrides organiques-inorganiques 

Les composés hybrides organiques-inorganiques poreux, sont des matériaux nanoporeux cristallins relativement récents. Les premiers travaux sur ces composés ont été publiés en 1989 par Robson et al. Le terme de « Metal-Organic Frameworks», caractérisant ces composés, date de 1995 et ces matériaux sont étudiés comme une classe à part entière depuis le début des années 2000. La curiosité de la communauté scientifique à propos des MOF a été suscitée par la publication du groupe d’Omar Yaghi portant sur la synthèse d’un MOF, appelée MOF-5, présentant des tailles de pore très élevées correspondants à deux porosités différentes (11,0 Å pour la plus petite et 15,1 Å pour la plus grande). S’en est suivi une augmentation importante des publications portant sur l’étude des matériaux hybrides poreux ce qui témoigne de l’intérêt de la communauté scientifique pour cette nouvelle famille de matériau .

Structure et stabilité des MOF 

Structure et classification :
Un Metal-Organic Frameworks est constitué de groupements inorganiques que l’on nomme SBU (Secondary Building Unit) qui vont être reliés les uns aux autres par des ligands organiques. Pour que ce polymère de coordination cristallin se forme, il est indispensable que le ligand possède au minimum deux fonctions coordinantes lui permettant de faire le lien entre deux SBU. Le ligand va donc servir d’espaceur dans la structure provoquant la porosité au matériau.

En 2004, Kitagawa et al. ont proposé une classification pour les matériaux hybrides organiquesinorganiques en 3 catégories  . Ce classement permet de différencier ces composés selon leur comportement lors de l’adsorption et la désorption de molécules. Dans les matériaux de première génération, on retrouve des espèces possédant une porosité dite non permanente, c’est-à-dire que lors de la désorption de molécules présentes dans les pores (majoritairement du solvant), le matériau s’effondre. Dans la seconde génération, Kitagawa a regroupé des espèces présentant une structure cristalline assez stable et une porosité permanente, qui peut être utilisée après la désorption des molécules hôtes. Cette catégorie de matériau peut être assimilée aux zéolites car ils présentent également une bonne stabilité thermique et mécanique. Cependant, dans les zéolites, cette stabilité est due à la présence de liaisons covalentes fortes Si-O au sein de leur réseau cristallin ce qui entraine une flexibilité très limitée. Pour terminer, la dernière génération possède une structure poreuse flexible ou « dynamique » qui répond de manière réversible à des stimuli externes (température , adsorption de liquides ou de gaz pression mécanique ou lumière). La taille des pores est fonction du stimulus. Cette catégorie comprend certains MOF ayant des charpentes flexibles. Effectivement, la structure cristalline des MOF comprend des liaisons covalentes fortes au sein des ligands organiques mais également des liaisons de nature plus faibles comme les liaisons hydrogènes, les liaisons de coordination ou le πstacking. Ce phénomène de flexibilité a d’ailleurs été très largement étudié par l’équipe de G. Férey dans les systèmes MIL-53 et MIL-88. L’évacuation des molécules adsorbées (eau, ligands de synthèse résiduels, …) modifie les positions atomiques et conduit à un changement de volume de la maille de l’ordre de 40% pour le MIL-53 et d’environ 300% pour le MIL-88d. Ce phénomène est nommé respiration (ou breathing effect).

Plusieurs approches pour l’élaboration de nouveaux composés de type MOF (Figure 5) ont été proposées. G. Férey utilise la stratégie de chimie d’échelle (Scale Chemistry), c’est-à-dire qu’il décrit les MOF comme étant l’assemblage de briques de topologies identiques mais de tailles différentes qui vont être assemblées en solution afin de former les différentes architectures des MOF (comme par exemple le MIL-100 et le MIL-101). Les équipes de Yaghi et O’Keeffe utilisent, eux, la stratégie de chimie isoréticulaire. Cette technique repose surla substitution des ligands organiques d’un composé existant par d’autres ligands, qui peuvent être de tailles différentes ou bien même fonctionnalisés. Cette approche permet ainsi de moduler la porosité et la réactivité des matériaux. Enfin, il existe une autre approche développée par l’équipe de Cohen , appelée modification post-synthétique (PSM = Post-Synthesis Modification), qui consiste, une fois le MOF synthétiser, à modifier ses ligands par des réactions de chimie covalente.

Stabilité thermique et stabilité à l’eau :
En 2019, il y avait 75 600 structures MOF enregistrées dans la base de données Cambridge Data Centre (CSD).  Cependant, nombre d’entre elles ont un intérêt limité en raison du fait de leur faible stabilité thermique, mécanique ou chimique. Par exemple, le MOF-5 est très instable dans l’air à cause de l’humidité présente , tandis que le HKUST-1 se dégrade en présence de vapeur d’eau . L’eau hydrolyse les liaisons M-O, conduisant à la formation d’oxydes et/ou hydroxydes et l’effondrement de la structure poreuse.

Plusieurs facteurs influencent la stabilité des MOF. En particulier, plus la liaison métal-ligand est forte, plus le MOF est stable. Low et al. ont notamment étudié expérimentalement et théoriquement la stabilité hydrothermale d’une série de MOF (Figure 6) . Ils ont notamment montré que la stabilité du MOF augmente avec la valence du cation en multipliant les liaisons de coordinations. Par exemple, le MIL 101(Cr) ou le MIL-53(Al) sont des MOF à base de métaux hexacoordinés trivalents dont la stabilité hydrothermale est bonne. Un autre facteur influençant la stabilité chimique des MOF est la fonctionnalisation de MOF avec des fonctions hydrophobes comme les groupements alcoxyles (●O-R) par exemple . Une autre stratégie pour augmenter la stabilité des MOF en présence d’eau consiste à introduire des liaisons hémilabiles « sacrificielles » dans les MOF. Cette stratégie a notamment été démontrée dans le cas du HKUST-1. L’introduction de liaisons faibles sacrificielles permet au MOF de conserversa structure pendant plus d’un an au contact de l’eau, contrairement au MOF non modifié . Outre la stabilité vis-à-vis de l’eau, la stabilité thermique des MOF est d’une grande importance pour certaines applications. À haute température, la structure du MOF peut être altérée et des oxydes métalliques peuvent se former. De manière générale, la stabilité thermique des MOF ne dépasse pas 250-350 °C pour la plupart des composés mais il existe certains composés qui peuvent se décomposer à plus haute température (environ 450 °C pour l’UiO-66(Zr) et 500 °C pour le MIL-53(Al) par exemple). Au cours de ce travail de thèse, nous avons notamment étudié la stabilité thermique de la famille des UiO(Zr), qui sont parmi les plus performants en matière de stabilité thermique et chimique.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I – Étude bibliographique
1 Les Metal-Organic Frameworks, des matériaux nanoporeux
1.1 Généralité sur les matériaux poreux
1.2 Les MOF : composés hybrides organiques-inorganiques
1.2.1 Structure et stabilité des MOF
1.2.2 Des propriétés aux applications
1.3 Les couches minces de MOF
2 Apport de la RMN des solides dans la caractérisation des MOF
2.1 Généralités
2.2 Les noyaux observés
2.2.1 Les noyaux de spin-1/2 : 1H et 13C
2.2.2 Les noyaux quadripolaires
2.3 Cas particulier des films minces
3 Les techniques RMN utilisées
3.1 Les techniques RMN usuelles à une dimension (1D)
3.2 Les techniques avancées à deux dimensions
4 Bibliographie
Chapitre II – Étude de la stabilité de composés MOF de la famille de l’UiO-66(Zr) : effet de la vapeur d’eau et de la température
1 Introduction : Les MOF et la vapeur d’eau
2 La famille des UiO(Zr)
2.1 Description des différentes structures
2.2 Stabilité de ces composés dans la littérature
2.3 Synthèses des trois composés
3 Étude de la stabilité d’un MOF à la vapeur d’eau
4 Caractérisation des composés de références
4.1 Par la diffraction des rayons X
4.2 Par la méthode BET
4.3 Par spectroscopie infrarouge
4.4 Par spectroscopie RMN 1H et 13C
4.5 Par microscopie
5 Influence de la vapeur d’eau sur l’UiO-66(Zr)
5.1 La diffraction des rayons X
5.2 Spectres infrarouges
5.3 Mesures BET
5.4 Spectres RMN 1H et 13C
5.5 Discussion
6 Influence de la vapeur sur l’UiO-67-NH2(Zr)
6.1 La diffraction des rayons X
6.2 Spectroscopie infrarouge
6.3 Mesures BET
6.4 Microscopie
6.5 Spectroscopie RMN 1H et 13C
6.6 Discussion
7 Influence de la vapeur sur l’UiO-67-(NH2)2(Zr)
7.1 La diffraction des rayons X
7.2 Spectroscopie infrarouge
7.3 Mesures BET
7.4 Spectroscopie RMN 1H et 13C
7.5 Discussion
8 Conclusion
9 Bibliographie
Chapitre III – Apport de la RMN 17O à l’étude de la stabilité et de la réactivité des MOF
1 Introduction : L’enrichissement isotopique en oxygène-17
1.1 Les différents moyens d’enrichir en 17O des matériaux microporeux
1.2 Les travaux portant sur la RMN 17O de l’UiO-66(Zr)
2 Préparation des composés UiO-66(Zr)
2.1 Synthèse et enrichissement des composés
2.2 RMN 13C
3 RMN 17O
3.1 Comparaison des spectres RMN 1D 17O
3.1.1 Après la synthèse de l’UiO-66(Zr) (1ère étape)
3.1.2 Après la diffusion d’eau (2ème étape)
3.1.3 Après la déshydratation (3ème étape)
3.1.4 Bilan
3.2 Spectres 17O en deux dimensions
3.2.1 Échantillon A
3.2.2 Échantillon B
3.2.3 Échantillon C
3.2.4 Échantillon C’
3.2.5 Échantillon C’’
4 Discussion
5 Bibliographie
Chapitre IV – Étude par RMN 91Zr des MOF de type UiO à base de Zr
1 La RMN du zirconium-91
1.1 Généralités
1.2. Les séquences RMN adaptées au 91Zr
1.2.1. Acquisition du signal par QCPMG
1.2.2. La séquence VOCS
1.2.3. La séquence WURST-QCPMG
1.2.4. Applications aux Metal-Organic Frameworks
1.3. La mise en place expérimentale
2. Étude par RMN 91Zr du cluster métallique dans les UiO(Zr)
2.1. Calculs DFT des paramètres RMN
2.2. Étude de l’UiO-66(Zr)
2.3. Étude de l’UiO-67-NH2(Zr)
3. Conclusion
4. Bibliographie
Conclusion générale

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