LES MÉTABOLITES SECONDAIRES DE TYPE POLYCÉTIDES ET PEPTIDES NON-RIBOSOMAUX

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Diversité phylogénétique et plasticité génomique

L’une des premières classifications de E. coli a été basée sur la distribution non aléatoire des antigènes ou sérotypages, et a été réalisée pour la première fois en 1976 par Orskov et al. [61]. Ainsi, E. coli peut être classifiée en sérovars en fonction de l’association de plusieurs antigènes spécifiques : l’antigène O, l’antigène flagellaire H ou les antigènes de capsule K.
Dès le début des années 1980 avec les travaux de Thomas Whittam, Howard Ochman et Robert Selander [62], l’existence d’une structure génétique au sein de E. coli a été révélée. Ainsi, une collection de référence représentative de la diversité des souches de E. coli, appelée ECOR (pour Escherichia coli COllection Reference) est établie. Cette collection a été analysée par la méthode MLEE (pour MuLtilocus Enzyme Electrophoresis), permettant de distinguer la variabilité électrophorétique pour onze enzymes métaboliques et pour leur présence chez des hôtes et à des sites géographiques les plus divers possibles. L’objectif étant d’établir une collection de souches représentatives de la diversité génétique de l’espèce, et ainsi de mettre à disposition de nombreuses données génétiques et phénotypiques.
Les premiers phénogrammes obtenus grâce aux données du MLEE identifiaient quatre groupes phylogénétiques principaux (A, B1, B2 et D) au sein de la collection ECOR [63,64]. Une méthode basée sur le séquençage de huit gènes de ménage du core genome (i.e. l’ensemble des gènes présents chez toutes les souches d’une même espèce bactérienne) de E. coli, appelée la méthode MLST pour (Multilocus sequence typing) a ensuite été utilisée. Cette méthode a permis d’affiner la classification de E. coli en six groupes phylogénétiques distincts : A, B1, B2, D, E et F, les deux derniers appartenant auparavant au groupe D [65,66]. Plus récemment, le phylogroupe C a été proposé pour un sous-groupe de souches proches, mais distinctes du phylogroupe B1 [67]. On considère ainsi à l’heure actuelle que cette espèce bactérienne comprend sept groupes phylogénétiques principaux : A, B1, B2, C, D, E et F (Figure 5).
Analyse phylogénétique utilisant la méthode MLST révélant les sept groupes phylogénétiques majeurs de E. coli et faisant apparaître les sous-groupes du groupe phylogénétique B2. D’après [68].
La phylogénie de l’espèce a été confirmée grâce à la comparaison de 20 génomes entiers [69]. Par ailleurs, cette étude a mis en lumière la plasticité génomique de E. coli. En effet, le génome de E. coli contiendrai environ 5 000 gènes, mais seulement environ 2 000 gènes sont conservés entre toutes les souches [69–71]. Ces gènes conservés forment le « core genome ». Par opposition, les gènes n’appartenant pas au core genome forment le « dispensable genome », qui regroupe des gènes non-essentiels seulement présents chez certaines souches. Ils sont responsables de la diversité phénotypique des souches et de leur capacité d’adaptation aux conditions environnementales. La somme des gènes du core genome et du dispensable genome définit le « pan-genome », qui regroupe donc la totalité des gènes retrouvés chez les souches de E. coli, et qui est aujourd’hui estimé à 18 000 gènes [72,73] (Figure 6). Possédant en moyenne 4 700 gènes, une souche de E. coli ne peut donc pas représenter à elle seule l’ensemble des caractéristiques de l’espèce [74] .

Commensalisme de E. coli

Toutes les souches de E. coli n’ont pas les mêmes capacités pour résider au sein du tractus GI chez l’Homme. Ainsi, l’étude de la capacité des souches à persister dans le microbiote intestinal humain a permis de différencier des souches dites résidentes, présentes dans le microbiote intestinal plusieurs semaines ou mois, des souches transitoires, présentes seulement quelques jours ou semaines. La capacité des souches de E. coli à coloniser le microbiote intestinal est liée à l’accumulation de facteurs pouvant contribuer à la persistance des souches dans la lumière intestinale.
Les premières bactéries à coloniser le nouveau-né sont les bactéries aérobie-anaérobie facultatives telles que les Entérobactéries ou les Lactobacilles. En effet, la présence d’oxygène dans le tube digestif au cours des jours qui suivent la naissance permet aux Entérobactéries, et notamment à E. coli d’être parmi les premières bactéries à coloniser l’intestin [76]. Elle est alors la bactérie majoritaire du microbiote intestinal avant l’expansion des bactéries anaérobies strictes. Chez l’adulte, le nombre de E. coli se stabilise autour de 108 CFU (Colony Forming Unit) par gramme de fèces et décroît graduellement avec l’âge, intégrant alors la flore sous-dominante de l’hôte. Elle reste cependant la bactérie aérobie-anaérobie facultative la plus représentée.
Il a été montré que les souches de E. coli colonisant le tractus du nouveau-né s’implantent mieux et persistent plus longtemps après la naissance que les souches de E. coli apparues plus tard dans la vie de l’enfant [77], mettant en lumière le rôle crucial de la colonisation précoce dans le maintien de E. coli dans le tractus intestinal.

Facteurs impliqués dans la colonisation de E. coli

La capacité de E. coli à persister et se maintenir dans l’intestin découle de plusieurs facteurs, certains sont décrits ci-après :

Capacité à croître dans le mucus

La capacité de colonisation est définie par une persistance dans une population bactérienne particulière. Et si des facteurs comme la motilité ou l’adhérence peuvent contribuer à la colonisation intestinale [78], il semble que la compétition pour les nutriments soit primordiale. Ainsi, selon Freter, afin de coloniser, chaque espèce doit utiliser un nutriment limitant de manière plus efficace que les autres espèces bactériennes [79,80]. C’est l’hypothèse de la « niche de nutriments ».
Le site préférentiel de colonisation de E. coli est le gros intestin, plus particulièrement dans le colôn et le caecum, au niveau de la couche de mucus qui tapisse l’épithélium intestinal. De nombreuses études montrent que le gel de mucus serait une source de nutriments pour les E. coli [81–84]. Des expériences d’immunofluorescence en FISH (fluorescence in situ hybridization) de l’intestin murin ont montré que la souche E. coli BJ4, une souche commensale isolée chez le rat, était dispersée dans le gel de mucus mais non associée avec l’épithélium [81]. In vitro, une croissance rapide des souches de E. coli est observée dans du mucus intestinal. En revanche, E. coli entre en phase stationnaire en présence du contenu luminal [84,85]. Parmi les mutants de E. coli incapables de coloniser le tractus GI, nombreux sont ceux incapables de pénétrer, de survivre ou de croître dans le gel de mucus [86].
Il semble que la capacité́des E. coli à se multiplier et à survivre dans le mucus soit une condition critique et nécessaire pour assurer la colonisation du tractus digestif.

Le métabolisme central

Le métabolisme central de E. coli consiste en la voie glycolytique Embden-Meyerhof-Parnas (EMP), la voie des pentoses phosphates (PP), la voie Entner-Doudoroff (ED), le cycle de Krebs (ou cycle TCA pour tricarboxylic acid cycle) et diverses autres voies de fermentation (Figure 7A).

La disponibilité des nutriments et compétition

Leatham et al., ont montré que la souche de E. coli commensale MG1655 était résistante à une colonisation supplémentaire par la même souche. En revanche la colonisation du tractus digestif par une souche de E. coli différente de la première est possible [91]. Il semble donc que différentes souches de E. coli ont des programmes nutritionnels différents permettant leur croissance dans l’intestin. Les différences d’efficacité de la colonisation par chaque souche de E. coli peut s’expliquer par l’occupation spécifique de niches écologiques différentes possédant des propriétés nutritionnelles qui leur sont propres.
De plus, afin de renforcer l’hypothèse que chaque souche de E. coli possède des propriétés différentes tant au niveau génétique que métabolique pour coloniser préférentiellement le tractus GI, le choix des nutriments par chaque souche est porté par les gènes du dispensable-genome [92,93].
Ainsi, les différentes souches de E. coli utilisent des nutriments différents et qui peuvent ne pas être utilisés par les bactéries de la même espèce ou d’une espèce différente. Une étude montre par exemple que la souche de E. coli Nissle 1917, MG1655 et la souche pathogène EDL933 occupent des niches nutritionnelles uniques [94,95], et utilisent des sources carbonées différentes.
Certaines bactéries peuvent favoriser la croissance d’autres bactéries en leur fournissant des nutriments essentiels. Par exemple, contrairement aux bactéries anaérobies, E. coli ne peut pas dégrader les oligosaccharides et les polysaccharides, exceptée la dextrine [94,96]. L’obtention des mono- ou disaccharides nécessaire à la croissance de E. coli se fait grâce à l’hydrolyse des complexes polysaccharidiques par d’autres membres de la communauté intestinale, comme Bacteroides thetaiotaomicron, une bactérie à Gram négatif, anaérobie obligatoire [97–101].

Focus sur le groupe phylogénétique B2

Généralités

Les souches du groupe phylogénétique B2 et dans une moindre mesure les souches du groupe D constituent au sein de l’espèce E. coli deux groupes séparés des autres, à la fois en termes de phylogénie, mais également en termes de pathogénicité extra-intestinale. L’analyse génétique de 60 souches du groupe phylogénétique B2 sélectionnées pour leur diversité écologique et génétique a été réalisée par MLST [102]. Ainsi, neuf sous-groupes ont été identifiés, notés I à IX (Figure 5), dénotant une structure clonale. Plus récemment, un dixième sous-groupe a été décrit [103].
Les trois-quarts des souches du groupe B2 sont virulents lorsqu’elles sont testées dans un modèle murin de septicémie [104]. Cependant les facteurs de virulence peuvent conférer un avantage adaptatif dans des situations différentes de celles qui ont mis en évidence leur potentiel virulent. Ainsi, les facteurs de virulence seraient en réalité des facteurs de commensalisme originellement [102].

Prévalence du groupe phylogénétique B2

De grandes variations dans la prévalence des groupes phylogénétiques de E. coli sont retrouvées au sein des populations humaines. L’environnement joue un rôle crucial dans la diversité phylogénétique des souches commensales.
Une étude a comparé la prévalence des différents phylogroupes de E. coli de sujets français de la métropole expatriés en Guyane française, de français résidant en métropole et de natifs de la Guyane française [105]. Alors que le microbiote des français résidant en métropole et celui de natifs de la Guyane française étaient radicalement différents, le microbiote des expatriés était intermédiaire entre ces deux populations.
Le niveau d’hygiène et les habitudes alimentaires sont les principaux facteurs de distribution phylogénétique des groupes, plus que les conditions climatiques ou les caractéristiques génétiques de l’hôte ainsi que le suggère le changement radical de la proportion des groupes B2 et A en France durant les 20 dernières années [106]. En région parisienne la prévalence du groupe B2 est passé de 9,4% en 1981, 22,7% en 2001 et 34% en 2010 [107,108]( Figure 8).

Organisation des machineries enzymatiques

Les mégasynthases PKS, NRPS ou PK-NRP assurent l’essentiel de la synthèse du squelette carboné, et leur activité repose sur trois domaines principaux dont l’association définit un module enzymatique (Figure 9), et auxquels peuvent s’ajouter des domaines optionnels [118] :
1. Le domaine de Thiolation (T) ou domaine porteur qui porte l’oligomère en cours d’élongation en fixant de manière covalente l’acide aminé monomérique sur la mégasynthase par une liaison thioester. La transformation du domaine de thiolation de sa forme active (apo-) à sa forme active (holo-) est catalysée par une phosphopantéthéinyl transférase (PPTase). Le détail de cette activation est décrit plus tard dans l’exposé (paragraphe 3 de ce chapitre).
2. Le domaine d’activation qui permet la reconnaissance et l’activation spécifique du monomère à condenser.
3. Le domaine de condensation, qui assure le transfert du monomère activé sur l’oligomère.

Chaine d’assemblage des composés NRP

Chez les NRPS, trois types de modules sont généralement observés [119]. La synthase NRPS débute par un module d’initiation qui se compose au minimum d’un domaine d’adénylation (A) et d’un domaine de thiolation (PCP pour peptidyl carrier protein). Ensuite cette synthase comporte « n » modules d’élongation qui se composent au minimum d’un domaine de condensation (C), d’un domaine A et d’un domaine T (Figure 9). Elle se termine enfin par un module de terminaison comprenant au minimum un domaine C, un domaine A, un domaine T et un domaine de thioestérase (TE) ou domaine de terminaison qui assure la libération de l’oligomère synthétisé (Figure 9).

Chaine d’assemblage des composés PK

Les PKS sont composées au minimum, dans cet ordre, d’un domaine de condensation (KS), d’un domaine d’activation (AT) et d’un domaine de thiolation (ACP). À nouveau, le dernier module comporte un domaine de thioestérase (TE), qui assure la libération de l’oligomère néosynthétisé de la machinerie enzymatique. La structure modulaire générique des PKS est représentée dans la Figure 9. Les PKS sont divisées en trois familles (Type I, II et III) en fonction de leur mécanisme de fonctionnement et de leur organisation structurale [118].

Chaine d’assemblage des hybrides PKS-NRPS

Les chaines d’assemblage PKS-NRPS contiennent des modules enzymatiques PKS et NRPS, qui peuvent aussi coexister sur une même protéine, alors appelée hybride PKS-NRPS. Les produits de ces synthases hybrides sont alors composés à la fois de monomères issus du mécanisme des NRPS et de chaines d’acides carboxyliques, issues du mécanisme PKS [115,118].

La logique chimique

Les NRPS et PKS fonctionnent comme des chaînes d’assemblage qui catalysent plusieurs réactions se découpant en trois phases (Figure 10) :
Le domaine actif de chaque étape est indiqué par une bordure crantée. La biosynthèse commence par l’activation des monomères grâce à une réaction d’adénylation avec de l’ATP, catalysée par le domaine A pour les NRP et grâce à une liaison thioester avec le coenzyme A (CoA), chargés par le domaine AT pour les PK. Ensuite vient l’étape d’élongation des oligomères, répétée n fois. La terminaison de la biosynthèse s’effectue grâce au domaine TE à activité thioestérase présent sur le module de terminaison. Des modifications peuvent se produire au cours de l’élongation par les domaines enzymatiques optionnels.

Activation des monomères ou initiation

L’utilisation des monomères qui composent les PK et NRP, issus du métabolisme primaire, s’effectue après leur activation sous forme de thioesters [118]. Les composés PK sont constitués de monomères d’acides carboxyliques, alors que les NRP sont synthétisés à partir des 20 acides aminés protéinogènes, d’acides aminés non protéinogènes et d’acides aryles. Plus de 500 monomères différents sont dénombrés et à l’origine de la diversité des composés NRP. Les monomères activés des PK et des NRP sont ensuite chargés sur les domaines de thiolation ou domaines porteurs, pour former respectivement des acyl- et des aminoacyl-thioesters conservant leur énergie d’activation.

Élongation des oligomères

L’élongation de l’oligomère repose sur la formation d’une liaison covalente avec un monomère activé à chaque transfert de l’oligomère le long de la chaine enzymatique d’assemblage. Ainsi, l’oligomère est transféré de la synthase n-1 sur l’acyl- ou l’aminoacyl-thioester. Ce processus est répété tout au long de la chaine d’assemblage selon l’ordre guidé par l’agencement des mégasynthases.

Modification des oligomères

L’oligomère peut être modifié sur la chaine d’assemblage multienzymatique au cours des différentes phases d’élongation ou après celles-ci. Ces modifications sont assurées au cours d’élongation par les domaines optionnels des mégasynthases. Des enzymes discrètes, fréquemment codées dans le cluster comprenant les gènes des mégasynthases peuvent également modifier l’oligomère au cours de sa synthèse ou de son assemblage.

Activation des PKS et NRPS par les Phosphopantéthéinyl transférases

Comme précédemment décrit, les PKS, NRPS et PKS/NRPS sont toutes caractérisées par la présence d’un domaine porteur (ACP ou PCP selon le type de mégasynthase) qui doit être activé pour que ces enzymes soient fonctionnelles. Cette activation est une modification post-traductionnelle réalisée par une enzyme appelée phosphopantéthéinyl transférase ou PPTase. Une partie de mon introduction se concentre sur l’activation des domaines porteurs par ces enzymes. Les PPTases constituent une superfamille d’enzymes essentielles pour la viabilité cellulaire dans les trois domaines de la vie : les bactéries, les archées et les eucaryotes. Elles sont requises pour la synthèse de nombreux composés variés tels que les acides gras, les polycétides et les peptides non-ribosomaux [120]. L’activité des PPTases consiste en l’activation des domaines porteurs de systèmes enzymatiques impliqués dans la voie de biosynthèse de ces composés.

Les domaines porteurs

Les domaines porteurs (ou CP pour carrier protein) représentent une grande famille de petites protéines globulaires (environ 70-100 acides aminés) interagissant avec plus de 30 partenaires, incluant les enzymes du métabolisme primaire et secondaire [121]. Ces protéines peuvent faire partie intégrante des mégasynthases multimodulaires ou bien exister en monomères. Leur rôle est de transférer le composé en cours d’élongation d’une mégaenzyme à l’autre [121], et doivent ainsi interagir avec tous les domaines catalytiques présents dans le même module aussi bien qu’avec le domaine suivant. Tous les domaines porteurs ont un résidu serine conservé qui requiert une 4’-phosphopantéthéinylation par une PPTase pour ancrer l’oligomère en cours de formation via un lien thioester flexible et labile. Chez les PKS et NRPS, ce domaine appelé domaine de thiolation, correspond au PCP (peptidyl carrier protein) pour les NRPS, et ACP (acyl carrier protein) pour les PKS. Pour les FAS (Fatty Acid Synthases), qui permettent la synthèse des acides gras, le domaine porteur est également appelé ACP. Les domaines porteurs délivrent les substrats à une multitude de partenaires protéiques, probablement par des interactions protéine-protéine spécifiques [122].

La superfamille des phosphopantéthéinyl transférases

La plupart des organismes vivants possèdent plusieurs PPTases : une PPTase dédiée à la biosynthèse des acides gras via l’activation des synthases FAS (Fatty Acid Synthase), et une ou plusieurs PPTases impliquées dans la biosynthèse des métabolites secondaires via l’activation des PKS et NRPS. Par exemple, chez E. coli la PPTase AcpS active le système FAS II alors que EntD active les domaines PCP et ACP des NRPS EntB et EntF de la voie de biosynthèse de l’entérobactine [120,123]. Cependant, certains organismes n’ont qu’une seule PPTase pour réaliser ces fonctions. Ainsi, chez l’homme, une seule PPTase monomérique de 329 acides aminés à large spectre de substrats a été mise en évidence [124].
L’AcpS (pour holo-ACP synthase) de E. coli est la première PPTase décrite par Lambalot et al. [123]. La comparaison de la séquence primaire de l’AcpS et de l’extrémité C-terminale du FAS2 de levure a permis de mettre en évidence la présence d’une séquence conservée de quelques acides aminés entre les deux protéines. Récemment, l’analyse plus fine de cette séquence a permis d’aboutir à une nouvelle séquence consensus. Des alignements supplémentaires décrivent quatre signatures supplémentaires pour différentes sous-classes de PPTases de type I et II, cependant, la diversité de séquences primaires des PPTases font que les alignements de séquence et les analyses de BLAST restent difficiles à interpréter [120].
L’identification de cette séquence consensus a cependant permis la découverte de plusieurs autres membres de la famille tels que EntD de E. coli, Sfp de B. subtilis et Gsp de B. brevis. Depuis ces travaux, d’autres PPTases ont été mises en évidence et toutes possèdent cette courte séquence, constituant la signature de la famille. Au sein de cette signature consensus, six acides aminés sont particulièrement conservés (Figure 11).

Les polycétides et peptides non-ribosomaux de E. coli

Chez E. coli, seuls quatre composés de type PK, NRP ou PK/NRP ont été décrits à ce jour : des sidérophores : l’entérobactine (NRP), les salmochélines (dérivés glycosylés de type NRP) et la yersiniabactine (PK-NRP), ainsi que la génotoxine colibactine (PK-NRP) [138,139].

Les sidérophores, des molécules impliquées dans l’acquisition du fer

Le fer est un élément fondamental pour la majorité des organismes vivants, procaryotes et eucaryotes [140]. Il est retrouvé sous deux états redox interchangeables, la forme réduite Fe2+, appelée fer ferreux, et la forme oxydée Fe3+, appelée fer ferrique. L’état du fer dépend de la teneur en oxygène et du pH de l’environnement où il se trouve. En absence d’oxygène (anaérobie) et à pH acide, le fer se retrouve principalement sous la forme réduite Fe2+ alors qu’en présence d’oxygène (aérobie) et à pH neutre, le fer se retrouve sous la forme oxydée Fe3+ [141]. La capacité du fer à facilement échanger des électrons fait du fer un cofacteur de choix dans diverses réactions biochimiques vitales telles que la photosynthèse, la fixation d’azote, la méthanogenèse, la respiration, le cycle de Krebs, le transport d’oxygène, la régulation génique et la synthèse d’ADN [142].

Acquisition du fer par les bactéries

Seules les bactéries lactiques Lactobacillus, le pathogène intracellulaire obligatoire responsable de la maladie de Lyme, Borrelia burgdorferi, et l’agent de la syphilis : Treponema pallidum sont connus pour leur indépendance vis-à-vis du fer [142,143]. En effet, ces bactéries utilisent par exemple le manganèse et le cobalt à la place de celui-ci.
En présence d’oxygène, le fer est sous forme ferreuse (Fe2+), et relativement soluble (0,1 M à pH 7). Par contre, lorsque le fer est oxydé (Fe3+) en absence d’oxygène, il est beaucoup moins soluble (10-9 M à pH 7) et sa biodisponibilité diminue. De même, sa liaison aux molécules de l’hôte le rend moins disponible (10-24 M) [144]. Puisqu’une cellule bactérienne a besoin d’une concentration de fer d’environ 10-6 M cela nécessite le déploiement de mécanismes d’acquisition spécialisés. Les deux mécanismes principaux sont l’extraction du fer associé à des molécules de l’hôte : la transferrine ou la lactoferrine, au travers de récepteurs extracellulaires [145–147] et la synthèse, la sécrétion et l’utilisation de sidérophores, capables de former des complexes avec le fer ferreux, grâce à leur très forte affinité pour celui-ci [148,149]. Il existe aussi d’autres stratégies moins communes comme la réduction de composés ferriques de faible solubilité en fer ferreux, plus soluble [150] et l’acquisition de fer hémique ou de protéines contenant des hèmes [151,152] (Figure 14).

Rôle des sidérophores dans la virulence

Les sidérophores, parce que ce sont de bons agents chélateurs de fer, participent à la virulence des bactéries pathogènes [153,158,164]. De plus en plus d’études démontrent leur rôle crucial dans la multiplication du pathogène (S. aureus, L. monocytogenes, Y. pestis, E. coli, K. pneumoniae, S. enterica, P. aeruginosa, B. subtilis) et le développement de la virulence [165– 173].
Dans les cellules hôtes, le fer extracellulaire est lié aux protéines de la famille des transferrines, vitales pour fournir le fer aux cellules du corps. Cette stratégie réduit la disponibilité du fer pour les bactéries pathogènes, participant ainsi au mécanisme de l’immunité innée, développée par l’hôte. Les sidérophores, grâce à leur grande affinité pour le fer, peuvent rentrer en compétition avec les protéines de l’hôte pour le Fe3+, élément critique pour la survie de la bactérie pathogène.
L’implication de l’entérobactine dans la virulence semble négligeable, notamment parce que l’entérobactine peut être séquestrée par la lipocaline-2 (ou NGAL pour neutrophil gelatinase-associated lipocalin), une protéine de défense immunitaire de l’hôte [174]. Cependant, il semblerait que cette stratégie confère un avantage notamment lors d’une inflammation. En effet, une étude montre que l’entérobactine et sa forme monomérique, l’acide 2,3-dihydroxybenzoïque, inhibent l’activité de la myéloperoxidase, une oxydoréductase active contre E. coli, en agissant comme « substrat suicide » [175]. Par ailleurs, certaines E. coli sont capables de synthétiser des dérivés glycosylés, appelés salmochélines, et qui ne sont pas reconnues par la lipocaline-2 [174]. Ainsi, IroB, la glycosyltransférase permettant la glycosylation de l’entérobactine participe à la virulence [176–179].
Le rôle de la yersiniabactine, synthétisée à partir de l’îlot génomique HPI (pour High pathogenicity island), dans la virulence a été démontré dans des modèles d’infections urinaires par E. coli [180–182]. Par ailleurs, une étude montre que YbtP et YbtQ, deux transporteurs ATP-dépendant synthétisée par l’îlot HPI, participent également à la virulence, puisque la mutation de ces deux transporteurs entraîne un défaut de survie dans un modèle d’infection urinaire murin [183]. L’implication de la yersiniabactine dans la virulence a également été montrée chez d’autres bactéries, comme par exemple chez K. pneumoniae, lors d’infections pulmonaires [167] ou encore chez Y. pestis dans des modèles murins de peste bubonique et pneumonique [170].
Quant à l’aérobactine, plus souvent synthétisée par les souches de E. coli pathogènes que par les souches commensales, son rôle a été démontré dans un modèle d’infection systémique chez le poulet [184], dans un modèle murin d’infection urinaire par E. coli et dans un modèle d’infection systémique par K. pneumoniae [185].
Selon l’environnement (pH, stress oxydatif, température …), la production des sidérophores de E. coli est différente [186], de façon à ce que la bactérie s’adapte le mieux possible à son environnement, lors d’infection ou lors de la colonisation intestinale par exemple.

Acquisition du fer siderophores-indépendante

Acquisition du fer ferreux

Bien que très rare, le fer ferreux (en état d’oxydation, Fe2+), en milieu anaérobie ou à pH acide, est directement utilisable par le micro-organisme, et ne requiert pas l’action d’un ligand ou d’un chélateur pour sa solubilisation et son transport dans la cellule (Figure 14). La majorité des espèces bactériennes possède à leur surface une réductase qui permet de réduire le Fe3+ [142,187], appelée Feo (Ferrous iron transport). Le transporteur du fer ferreux est codé par les gènes feoA, feoB et feoC, organisés en opéron appelé feoABC. Ces gènes sont induits par des conditions anaérobiques, et réprimés par le fer.

Acquisition via la transferrine et la lactoferrine

Chez certaines espèces pathogènes ont été identifiés des récepteurs à la transferrine et à la lactoferrine, deux glycoprotéines retrouvées dans le sérum et dans divers fluides extracellulaires, respectivement, permettent le transport du fer chez les mammifères. Les récepteurs de ces glycoprotéines sont localisés sur la membrane externe et leur expression est induite par une carence en fer [145,188]. Ces récepteurs, capables de discriminer le transporteur sous sa forme apo- (sans fer) ou holo- (avec fer) permettent la fixation de la forme holo- sur la membrane externe de la bactérie, puis la dissociation du fer et son import vers le périplasme (Figure 14). La prise en charge des transferrines ou lactoferrines liées au fer est Ton-ExbB-ExbD-dépendante. Le transport du fer, extrait des complexes fer-transporteur, à travers le périplasme est dépendant d’une protéine périplasmique (Fbp, ferric binding protein). Ensuite, le fer est pris en charge par une ABC perméase à travers la membrane cytosolique afin d’être conduit dans le cytosol [147].

Acquisition via l’hème

Chez l’homme, plus de 80% du fer est lié à l’hème ou aux hémoprotéines (protéines contenant  comme groupement prosthétique une molécule d’hème, par exemple l’hémoglobine, la myoglobine, le cytochrome, …) [151,152]. Dans l’intestin, l’hème alimentaire est disponible sous forme libre ou complexée à l’hémopexine.
Chez les bactéries à Gram négatif, deux systèmes majeurs de l’acquisition de l’hème ont été décrits. La premier consiste en l’expression de récepteurs spécifiques de l’hème et/ou des hémoprotéines à la surface de la membrane externe (Figure 14) [189]. Le second consiste en la synthèse d’hémophores, molécules analogues fonctionnelles des sidérophores qui ciblent spécifiquement l’hème [151]. L’énergie pour le transport de l’hème est également fournie par le système TonB-ExbB-ExbD [190]. Une fois que la molécule de l’hème a été transportée au travers du récepteur extra-membranaire, celui-ci est pris en charge par une protéine de transport de l’hème et délivrée au transporteur ABC qui permet le transfert de l’hème jusque dans le cytoplasme, de manière ATP-dépendante. Une fois entré dans la cellule bactérienne, celui-ci est séquestré par des protéines impliquées dans le stockage de l’hème, sa dégradation ou son transfert. Cette séquestration évite la formation d’espèces réactives de l’oxygène (ou ROS pour reactive oxygen species), toxiques pour la bactérie. Chez E. coli, le système d’acquisition de l’hème, ChuA-Hma-DppABCDF, est spécifiquement associé aux E. coli du groupe phylogénétique B2 et il a été montré que ce système participe à la virulence de souches de E. coli uropathogènes [191,192].

La colibactine, une génotoxine bactérienne

La colibactine, identifiée en 2006 par mon laboratoire d’accueil, est un composé hybride de type polycétide-peptide non-ribosomal (PK-NRP), synthétisé par plusieurs espèces bactériennes de la famille des Enterobacteriaceae, dont E. coli.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

CHAPITRE I : LE MICROBIOTE INTESTINAL, NICHE PRIMAIRE DE ESCHERICHIA COLI
1. Le microbiote intestinal
1.1. Généralités
1.2. Mise en place microbiote
1.3. Les facteurs influençant la mise en place du microbiote pendant la période néonatale
1.3.1. Le mode d’accouchement
1.3.2. L’alimentation du nouveau-né
1.3.3. Le fer dans l’alimentation
2. E. coli, une bactérie du microbiote intestinal
2.1. Généralités
2.2. Diversité phylogénétique et plasticité génomique
2.3. Commensalisme de E. coli
2.4. Facteurs impliqués dans la colonisation de E. coli
2.4.1. Capacité à croître dans le mucus
2.4.2. Le métabolisme central
2.4.3. La disponibilité des nutriments et compétition
2.5. Focus sur le groupe phylogénétique B2
2.5.1. Généralités
2.5.2. Prévalence du groupe phylogénétique B2
CHAPITRE II : LES MÉTABOLITES SECONDAIRES DE TYPE POLYCÉTIDES ET PEPTIDES NON-RIBOSOMAUX
1. Introduction aux métabolites secondaires
2. Synthèse des PK, NRP et hybrides PK-NRP
2.1. Généralités
2.2. Organisation des machineries enzymatiques
2.2.1. Chaine d’assemblage des composés NRP
2.2.2. Chaine d’assemblage des composés PK
2.2.3. Chaine d’assemblage des hybrides PKS-NRPS
2.3. La logique chimique
2.3.1. Activation des monomères ou initiation
2.3.2. Élongation des oligomères
2.3.3. Modification des oligomères
3. Activation des PKS et NRPS par les Phosphopantéthéinyl transférases
3.1. Les domaines porteurs
3.2. La superfamille des phosphopantéthéinyl transférases
3.3. Activité catalytique des PPTases
3.4. Structure des PPTases
4. Les polycétides et peptides non-ribosomaux de E. coli
4.1. Les sidérophores, des molécules impliquées dans l’acquisition du fer
4.1.1. Acquisition du fer par les bactéries
4.1.2. Acquisition du fer via les sidérophores
4.1.3. Acquisition du fer siderophores-indépendante
4.2. La colibactine, une génotoxine bactérienne
4.2.1. L’îlot génomique pks
4.2.2. Distribution de l’îlot pks
4.2.3. Biosynthèse de la colibactine
4.2.4. Régulation de la colibactine
4.2.5. Activité de la colibactine
4.2.6. Effets de la colibactine
5. Les PPTases de E. coli
5.1. La PPTase EntD de E. coli
5.2. La PPTase ClbA de E. coli
CHAPITRE III : RÉGULATION DE L’HOMÉOSTASIE DU FER
1. Détoxification et stockage du fer
1.1. Stress oxydatif
1.2. Stockage
2. Régulation de l’homéostasie du fer
2.1. La protéine Fur
2.1.1. Propriétés
2.1.2. Mécanisme d’action
2.1.3. Régulon et rôles de Fur
2.2. Le petit ARN RyhB
2.2.1. Propriétés
2.2.2. Mécanismes d’action
2.2.3. Régulon et rôles de RyhB
3. L’homéostasie du fer dans les relations hôte-pathogènes
3.1. Homéostasie du fer chez l’hôte
3.2. La bataille pour le fer dans l’intestin
3.2.1. Compétition hôte-bactéries
3.2.2. Compétition bactéries-bactéries
RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
OBJECTIFS
CHAPITRE I : L’HOMÉOSTASIE DU FER RÉGULE LA GÉNOTOXICITÉ DES ESCHERICHIA COLI QUI PRODUISENT LA COLIBACTINE
CHAPITRE II : LA SUPPLÉMENTATION EN FER INHIBE LA SYNTHÈSE DE LA COLIBACTINE PAR LES ESCHERICHIA COLI PATHOGÈNES VIA UNE VOIE FUR/RYHB NON CANONIQUE
CHAPITRE III : LA CARENCE EN FER INDUIT LA REDIRECTION DE CLBA VERS LA BIOSYNTHÈSE DES SIDÉROPHORES
CHAPITRE IV : LA GÉNOTOXINE COLIBACTINE JOUE UN RÔLE DANS LA COLONISATION DE L’INTESTIN
DISCUSSION ET PERSPECTIVES
RÉGULATION DE LA COLIBACTINE
RÔLE DE LA COLIBACTINE ET DE LA CONNEXION COLIBACTINE/SIDÉROPHORES DANS LA COLONISATION INTESTINALE
HÔTE, FER ET ÉMERGENCE DU GROUPE PHYLOGÉNÉTIQUE B2
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *