Théories scientifiques sur le climat scolaire
Le climat scolaire fait l’objet de plus de trente années de recherche et représente un enjeu majeur en France depuis plusieurs années. C’est en 2010 que cette notion est abordée pour la première fois par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Un programme expérimental CLAIR (Collège Lycée Ambition Innovation Réussite) est alors mis en place dans différents collèges et lycées rencontrant le plus de difficultés en matière de violence et de climat scolaire. Ce dispositif est établi dans dix académies et 105 établissements. Ce programme développe trois grands axes :
1 – « Dans le champ de la pédagogie avec un large recours aux expérimentations prévues par l’article L. 401-1 du code de l’Éducation issu de l’article 34 de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École ;
2 – Dans le champ de la vie scolaire grâce à un projet pédagogique et éducatif porté par tous les personnels, avec notamment la désignation dans les collèges pour chaque niveau et les classes de seconde des lycées généraux, technologiques et professionnels, d’un préfet des études ;
3 – Dans le champ des ressources humaines, afin de stabiliser les équipes, en développant les postes à profil et en favorisant l’évolution des carrières.»
Cette expérimentation n’a cessé de se développer en incluant le premier degré dès 2011, renommant ainsi le nom du dispositif pour ECLAIRE (École Collège Lycée Ambition Innovation et Réussite). Ces trois axes, suivis par l’ensemble de la communauté éducative, avaient pour but la réussite de tous les élèves. C’est le 8 juillet 2013 à travers la loi d’orientation pour la refondation de l’école qu’elle est abordée par l’intermédiaire du climat scolaire, elle stipule : “améliorer le climat scolaire pour refonder une école sereine et citoyenne en redynamisant la vie scolaire et en prévenant et en traitant les problèmes de violence et d’insécurité.” Au travers des différentes recherches menées sur le sujet, je me suis aperçue qu’il était complexe de trouver une définition univoque du climat scolaire. Le réseau Canopé appartenant au ministre de l’Éducation nationale l’a défini en 2013 ainsi : « le climat scolaire concerne toute la communauté éducative. Il renvoie à l’analyse du contexte d’apprentissages et de vie, et à la construction du bien vivre, du bien-être pour les élèves et pour le personnel dans l’école ». Il est également défini selon la NSCC, National School Climate Center, comme un « jugement des parents, des éducateurs et des élèves sur leur expérience de la vie et du travail au sein d’un établissement. » Il est nécessaire de ne pas centrer les élèves au cœur de l’étude, mais d’y inclure tous les membres de la communauté éducative. En outre, la notion « climat » prend en compte l’école dans sa globalité et non un ressenti individuel et ce, afin d’agir au mieux en faveur de ce dernier. Le travail sur le climat scolaire est nécessaire, il est d’ailleurs l’une des priorités de la loi de 2013 sur la refondation de l’école. Les recherches effectuées par le Ministère de l’éducation nationale affirment que 10 % des élèves sont actuellement victimes de harcèlement et que 10% des enseignants estiment le climat scolaire médiocre. Travailler sur ce climat permet, entre autres, d’améliorer les résultats scolaires, de réduire les inégalités, de faire baisser la victimisation, l’absentéisme, le harcèlement ou encore d’améliorer le moral des élèves et personnels. Afin de le favoriser, il est essentiel d’agir sur la cohésion de classe. Celle-ci va permettre aux élèves d’être en confiance, de s’écouter et de communiquer dans un climat plus serein. Le ministère a publié le 10 septembre 2013 un guide qui constitue un aide-mémoire pour l’ensemble des personnes qui souhaiteraient améliorer ce climat au sein d’une école. Écrit par Jean-Paul Delahaye, Directeur général de l’enseignement et publié par la DEGESCO, le guide « Agir sur le climat scolaire à l’école primaire » met en exergue 7 axes sur lesquels agir et qu’il définit comme tel : S’appuyant sur une mobilisation de l’ensemble de l’équipe, en essayant de rendre cohérent le parcours des élèves, en encourageant la mutualisation et la stabilisation des pratiques à travers des conseils des maîtres ou des conseils de cycle
Lié au référentiel de compétences des enseignants n°10 : coopérer au sein d’une équipe. En proposant un cadre de travail et des règles explicitées et comprises de tous, en prenant en compte l’autorité éducative (différence entre sanction et punition B.Robbes), en mettant en place la médiation par les pairs, en mettant en place une justice restaurative.
Lié au référentiel de compétences des enseignants n°6 : Agir en éducateur responsable selon les principes éthiques. Levier 3 : Les stratégies pédagogiques En s’appuyant sur la coopération entre élève, en mettant en place la différenciation pédagogique, en étant explicite dans les apprentissages, en étant bienveillant mais exigeant, en ayant une pédagogie de projet.
Lié au référentiel de compétences des enseignants n°4: organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation. Levier 4 : Prévenir les violences et le harcèlement En luttant contre les discriminations et contre le harcèlement physique ou moral, en mettant en place une gestion des crises dans la classe et dans l’école
Lié au référentiel de compétences des enseignants n°1: Faire partager les valeurs de le République. Levier 5 : Une coéducation En communiquant au maximum avec la famille, en invitant au café des parents, ou à une visite de classe en fonctionnement, ou encore grâce à la mallette des parents.
Lié au référentiel de compétences des enseignants n°12: Coopérer avec les parents d’élèves. Levier 6 : Les pratiques partenariales En développant une logique de réseau : mairie, association, personnels sociaux de santé, intervenants extérieurs. Afin de créer du lien fonctionnel afin de mener des actions concrètes.
Lié au référentiel de compétences des enseignants n°13: coopérer avec les partenaires de l’école. Levier 7 : qualité de vie à l’école L’attention portée sur le bien-être, la qualité du temps scolaire, la qualité des espaces et aménagements, la valorisation des productions des élèves, à la convivialité
Lié au référentiel de compétences des enseignants n°11: Contribuer à l’action éducative Ces différents leviers sont directement reliés au référentiel de compétences du professeur des écoles. Ce recueil est un référentiel qui répertorie les « règles de travail à suivre » pour l’enseignant. Il est composé de 14 compétences éligibles à l’ensemble du corps professoral. Ce référentiel a 3 objectifs : « identifier les compétences professionnelles attendues, reconnaître la spécificité des métiers du professorat et de l’éducation et affirmer que tous les personnels concourent à des objectifs communs »
Théories scientifiques sur les messages clairs
Avant d’expliquer les raisons qui m’ont poussée à opter pour les messages clairs, d’expliquer sa mise en place et les apports bénéfiques constatés, je vais commencer par introduire la notion des messages clairs selon les revues scientifiques existantes. Les messages clairs sont un dispositif mis au point par Daniel Jasmin, enseignant promouvant la pédagogie Freinet au Québec. Il décrit dans son ouvrage24 cette méthode basée sur la résolution pacifique de conflits qui permettent d’exprimer son ressenti et de faire prendre conscience à son interlocuteur qu’il a été blessant par ses actes ou ses paroles. Elle peut être utilisée pour régler certains conflits, sans faire intervenir une tierce personne, mais n’a pas pour objectif de déterminer la raison de celui-ci. Les messages clairs permettent de chercher une solution réparatrice afin de désamorcer l’hostilité présente entre deux individus. Cette résolution non-violente des conflits consiste à ne pas se laisser déborder par les émotions. La prise de distance se fait grâce aux mots posés sur une situation précise et permet ainsi une prise de distance vis-à-vis des émotions. Cependant, ils peuvent aussi être adressés comme discours positif afin d’encourager, de remercier, de féliciter une personne. Les messages clairs peuvent être faits devant la classe, durant le conseil des élèves, dans la cour de récréation ou dans le couloir. Cette technique de résolution pacifique inspirée par la communication non-violente appelée aussi la C.N.V, s’est répandue massivement au Canada pour arriver jusqu’en France. Sylvain Connac, enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation à Montpellier, a participé à la diffusion de ce dispositif à travers des conférences et des formations qu’il propose aux jeunes enseignants. Il caractérise les messages clairs comme « un outil de traitement non-violent et autonome des petits confits quotidien que les élèves rencontrent ». En menant ces différentes recherches sur 15 classes d’élèves de 11 ans, il répertorie des progrès chez tous les profils d’élèves. Plusieurs bénéfices sont alors mis en avant comme l’autonomie, la collaboration mutuelle ou encore une solidarité au sein du groupe classe. Ces effets ont été positifs à bien des égards, se diffusant par la suite sur l’ensemble des individus présents dans l’école (enseignant, élèves, AESH, ATSEM,…). Cette qualité de collaboration est très importante au sein d’une équipe et aurait des effets sensibles sur les progrès des élèves. Il présente les effets constatés de ces dispositifs sur les progrès scolaires des élèves. Pour cela, il a suivi 15 classes de 6e, soit 312 élèves, répartis au sein de deux collèges publics : un en éducation prioritaire et un autre en milieu rural. Les données ont été collectées pendant deux années scolaires, par l’intermédiaire de tests d’apprentissages, d’entretiens semidirectifs et de questionnaires de recherche. Il en ressort des progrès repérés chez tous les profils d’élèves, ainsi que des bénéfices en matière de solidarité mutuelle, d’autonomie et de responsabilité Ces deux chercheurs pratiquant la pédagogie de coopération et faisant partie de la pédagogie Freinet ont réussi à favoriser l’expression des émotions, le dialogue, et l’autonomie des élèves dans différents milieux scolaires. Leurs actions ont été mentionnées dans un guide intitulé « Agir sur le climat scolaire à l’école primaire » (publié par le Ministère de l’Education nationale en 2013) comme « pratiques favorables » pour améliorer le climat scolaire, essentiel à la sérénité, au bien-être et à la sécurité de tous.
Le ressenti des élèves
A la fin de notre première séance, j’ai demandé aux élèves de répondre à un questionnaire (annexe 15) de manière totalement anonyme. Il était important que ce questionnaire soit anonyme afin que chacun puisse se sentir libre de répondre sans être jugé. Il avait pour objectif de faire émaner le ressenti personnel de chacun. J’y ai posé des questions relatives à la violence (sur les illustrations vues pendant la séance), des questions sur le climat de classe, sur l’autonomie dans la gestion de conflits ainsi que sur la gestion des émotions lors d’un conflit. En récupérant les différentes données, j’ai fait les constats suivants :
– Concernant les violences : A la question fondée sur les illustrations de Bruno Mallet « Comment aurais-tu réagi à la place du personnage ? » 14 élèves avaient répondu par la violence contre 14 qui en parleraient à un adulte. Soit un ratio de 50 % « favorable » à la réponse par la violence.
– Concernant le climat scolaire : A la question « Que penses-tu du climat de la classe ? » 10 élèves considéraient le climat scolaire plutôt bon, contre 12 élèves qui décrétaient le climat scolaire moyen. 6 élèves ont répondu « Je ne sais pas » à la question.
– Concernant la gestion des émotions :A la question suivante : « Comment trouves-tu que tu gères tes émotions lors d’un conflit ? » 7 élèves ont répondu « je n’ai pas de problème particulier avec mes émotions », 11 ont répondu « elles sont parfois trop présentes et j’ai tendance à ressentir des émotions très fortes pendant et après un conflit » et 10 ont répondu « je ne sais pas ».
– Concernant l’autonomie dans la gestion des conflits : A la question suivante : « Penses-tu être capable de gérer seul un conflit avec un camarade », 9 ont répondu « je m’en sens capable », 11 ont répondu « non », et 8 élèves ont répondu « je ne sais pas ».
Avant l’évaluation finale, j’ai proposé à mes élèves de repasser ce questionnaire anonyme en prenant en compte tout ce que nous avions fait durant les derniers mois sur la gestion des conflits. Les élèves ont été assez surpris de repasser le même questionnaire, mais ont été très satisfaits de voir l’évolution générale de la classe depuis septembre. J’ai tenu à leur montrer leurs progrès et à exprimer ma fierté concernant leurs avancées à tous. Après la mise en place du dispositif des messages clairs, les réponses obtenues dans le questionnaire étaient différentes. Seuls 2 élèves ont répondu qu’ils réagiraient par la violence contre 14 en début d’année, 25 élèves ont répondu qu’ils ne réagiraient pas ainsi et en parleraient directement à un adulte, et 1 élève n’a pas su répondre à la question. Pour le climat de classe, 19 élèves considèrent que celui-ci est meilleur (contre 10 en septembre), 6 élèves n’ont pas remarqué de différence et 3 n’ont pas su se prononcer sur la question. Ces relevés m’ont permis de constater une réelle amélioration concernant le climat de classe pour les élèves. Consciente que le climat scolaire fait référence aux différents partenaires de l’école (élèves, parents, enseignants, AVS), il m’a paru intéressant de prendre plusieurs avis concernant l’évolution du climat de classe. La première personne que j’ai sollicitée a été mon binôme, qui en plus d’être la titulaire de la classe est la Directrice de l’école. Madame Leduc a constaté un meilleur rapport entre élèves, une baisse du nombre de conflits, ainsi qu’une « qualité de vie » au sein de la classe plus grande. Notre AVS, Madame Lefebvre a également constaté un meilleur climat et une plus grande facilité d’expression chez les élèves lors d’un conflit. J’ai également eu l’appui et l’encouragement de certains parents d’élèves qui se sont montrés très intéressés par le dispositif et ont exprimé leur gratitude en expliquant qu’ils avaient remarqué un « état d’esprit » plus serein ou encore un état de stress moins élevé qu’à l’accoutumé chez leurs enfants. Partant de ces différentes constatations, je pense pouvoir affirmer que mon hypothèse n°2 sur le climat de classe s’est révélée pertinente. La question relative aux émotions (la partie la plus difficile pour les élèves) a également évolué. 16 élèves considèrent la gestion de leurs émotions plus facile (contre 7 en septembre), 6 rencontres encore aujourd’hui des difficultés et 5 n’ont pas réussi à répondre à la question. Ce qui signifie que 9 élèves au total ont réussi à prendre plus de distance face à leurs émotions parfois trop envahissantes depuis la mise en place de ce dispositif. Ces différentes données nous permettent de valider qu’en partie ma 3 ème hypothèse : Permettre aux élèves une meilleure gestion des émotions. En effet, cette hypothèse ne s’est pas relevée exacte pour l’ensemble de la population de la classe Enfin, l’autonomie a été le résultat le plus marquant selon les différents relevés. Avant le dispositif, 9 élèves se sentaient capables de gérer de manière autonome un conflit. Après la mise en place du dispositif 27 élèves sur 28 se sont dit capable de gérer (grâce aux messages clairs) leurs conflits sans l’aide d’un adulte, soit 99% des élèves de la classe. Notons tout de même que 7 élèves s’en sentent capable avec une possibilité d’accompagnement par un médiateur. Cette progression impressionnante chez les élèves me permet de clôturer l’ensemble de mes différentes hypothèses.
Conclusion
Ce mémoire de recherche s’est intéressé à la mise en place des messages clairs dans une classe de CM2 dans le but de favoriser l’autonomie dans la gestion des conflits pour améliorer le climat de classe. Rappelons que le climat de classe est un enjeu principal faisant partie de la loi de le Refondation de l’école de 2013. Notre réflexion portait donc sur la problématique suivante : Comment les messages clairs peuvent-ils développer l’autonomie dans la gestion des conflits et favoriser ainsi un meilleur climat de classe ? Afin de répondre à cette problématique, nous avons mis en place le dispositif des messages clairs établis par S. CONNAC et D. JASMIN afin de permettre aux élèves d’échanger verbalement lors d’un conflit plutôt que passer par des actes de violence. Ce dispositif établi a été dans l’ensemble, une réelle réussite tant dans l’élaboration des séquences que dans les résultats observés. Nous avons réussi, grâce au dispositif, à réduire considérablement le nombre de conflits, d’acte de violence et avons développé par la même occasion l’autonomie des élèves dans la gestion des conflits. Nous avons néanmoins pris conscience que la technique des messages clairs nécessitait deux pré-requis : un apprentissage préalable des différentes étapes du message clair ainsi qu’un apprentissage lexical relatif aux émotions et aux sentiments. Le dispositif a été établi durant les séances d’enseignement moral et civique, les messages clairs ont d’ailleurs été reconnus par le Ministère de l’Éducation nationale comme une « contribution à l’éducation au jugement et du discernement du futur citoyen, porteur de valeur, respectueux des autres et des normes dans une société démocratique. » 40 Je pense que le dispositif des messages clairs aurait été encore plus efficace, si l’expérience avait été menée sur la totalité de l’école, en impliquant dès le début d’année les parents lors de la première réunion ainsi que toute la communauté éducative. Ainsi, le dispositif aurait été une référence pour tous dans la gestion des conflits. Madame HEUSCH, intervenante en allemand dans ma classe, a été impressionnée par la capacité des élèves à résoudre les conflits en utilisant cette technique qu’elle découvrait. Cette enseignante expérimentée m’a alors proposée de réfléchir à un moyen de transférer ce dispositif pour le collège. Étant enseignante en CM2, il m’est recommandé de participer à des dispositifs assurant la continuité pédagogique entre l’école primaire et le collège pour préparer au mieux l’entrée en 6ème des élèves. Voilà pourquoi il me parait tout à fait pertinent de s’interroger sur la mise en place d’un dispositif de gestion des conflits à travers la communication non-violente dans les classes du 2nd degré.
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Table des matières
Introduction
Contexte
I. Revue de la littérature
I.1. Revue des concepts relatifs au sujet
I.1.1. Théories scientifiques sur le climat scolaire
I.1.2. Théories scientifiques sur la violence scolaire
I.1.3. Théories scientifiques sur les messages clairs
II. La mise en place des messages clairs
II.1. La mise en œuvre du dispositif
II.2. Analyse
II.2.1. Evaluation diagnostique
II.2.1.1. Nombre de cas
II.2.1.2. Catégorisation des actes
II.2.2. Analyse de ma pratique professionnelle
III. Résultats d’expérimentation
III.1. Vérification des hypothèses
III.1.1. Observations menées durant 3 mois
III.1.2. Le ressenti des élèves
III.2. Les apports du dispositif
III.3. Les limites du dispositif
IV. Conclusion
Bibliographie
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