Les mélanges des polymères
La recherche et le développement de nouveaux matériaux polymères présentant des propriétés innovantes s’effectue prioritairement suivant deux voies : une approche « chimique » basée sur la synthèse de nouvelles macromolécules ayant des fonctions souhaitées pour l’application visée, et une approche « physique » consistant pour simplifier à mélanger deux ou plusieurs polymères afin d’associer leurs propriétés. Au cours de la première moitié du XXème siècle, l’approche « chimique » a largement été étudiée rendant possible la synthèse de nouvelles molécules. Elle a ainsi conduit à la fabrication et l’industrialisation de la plupart de polymères synthétiques couramment utilisés de nos jours, tels que le polyéthylène (PE), le polypropylène (PP), le polychlorure de vinyle (PVC), le polyéthylène téréphtalate (PET) ou le polystyrène (PS). Cependant, cette méthode comporte diverses étapes longues, difficiles et parfois très couteuses à mettre en place notamment lorsque des propriétés « haut de gamme » sont visées.
L’approche « physique » est apparue pendant la deuxième moitié du XXème siècle, notamment à partir des années 1980, et offre une autre stratégie de développement de matériaux plastiques présentant des propriétés améliorées. Une partie de la recherche s’est donc focalisée sur la combinaison de polymères déjà existants. Cette méthode a ensuite eu un essor commercial important grâce, principalement, à ses bons résultats mais aussi à ses nombreux avantages tels que l’absence de coût de synthèse de nouvelles macromolécules, une moindre complexité d’obtention des matériaux, une mise en œuvre plus aisée ainsi que la modification simple et rapide des formulations.[1] L’un des aspects les plus importants à prendre en compte lors du mélange de deux ou plusieurs polymères est leur miscibilité ou immiscibilité, qui est régie par la thermodynamique.
Thermodynamique des mélanges de polymères
Dans le cas du mélange de deux substances, la thermodynamique permet de caractériser leur miscibilité.
Le modèle sur réseau assume que le mouvement des molécules n’est pas entièrement libre et aléatoire, mais limité à une zone déterminée contenue dans une matrice.[2] Suivant ce principe, la théorie de Flory-Huggins[3], [4] décrit l’entropie d’un mélange binaire au sein d’un arrangement matriciel de deux espèces sans changement de volume, en utilisant une expression combinatoire de mélange s’appliquant aux molécules à chaînes flexibles dont les tailles sont différentes.
La taille caractéristique des « domaines » dans le mélange est de l’ordre de la taille des monomères. Un exemple de mélange miscible est utilisé pour la gamme de matériau appelée Noryl®, développée par General Electric en 1966.[8] Il s’agit d’un mélange homogène de polystyrène (PS) et de poly(phénylène éther) (PPE) permettant d’associer certaines de leurs propriétés (facilité de mise en œuvre du PS et résistance thermique et isolation électrique du PPE, le matériau résultant offrant une excellente stabilité et précision dimensionnelle, une très faible absorption d’eau et une bonne tenue au feu). Il faut noter que ce matériau est miscible pour n’importe quelle proportion de mélange à des températures inférieures à une température critique à laquelle une séparation de phases aura lieu. En effet, il existe deux systèmes possibles lors d’un mélange de polymères : UCST, « upper critical solution temperature » pour une miscibilité totale au-dessus d’une température critique, et LCST, « lower critical solution temperature » pour une miscibilité totale au-dessous d’une température critique (certains systèmes plus complexes, présentant à la fois une LCST et une UCST peuvent exister).[9] La gamme Noryl® correspond à un système LCST.
La très grande majorité des mélanges de polymères est en fait constituée de polymères immiscibles (générant deux phases). Pour ce cas, la structure chimique des polymères mélangés, de nature différente, auront préférablement tendance à se repousser plutôt qu’à s’attirer. Le paramètre d’interaction de Flory est alors positif et les attractions entre chaînes de même nature sont supérieures aux répulsions d’ordre stérique ; le terme énergétique est alors défavorable au mélange. Le terme entropique, bien que favorable, est faible et ne suffit pas à le compenser. La plupart des polymères étant immiscibles entre eux, on aura donc lors du mélange une séparation de phases. Il est alors important de porter une attention particulière au développement des différentes morphologies au cours du procédé de mélangeage car cette morphologie de mélange jouera un rôle dans les propriétés finales du matériau obtenu.
Morphologies dans les mélanges de polymères
Le mélange de deux homopolymères non miscibles donne lieu à la formation d’un système multiphasé dont les propriétés physiques sont régies par la distribution de chacune des phases. De cette façon, les proportions de chacun des polymères déterminent principalement deux types de morphologies : dispersées et co-continues. Pour les premières, si l’un des deux polymères est fortement majoritaire, on obtient alors une phase continue faite du polymère majoritaire dans lequel le polymère minoritaire se répartit dans des phases dispersées, ce qui est le cas pour les morphologies nodulaires. Pour les deuxièmes, la quantité du polymère minoritaire augmente et conduit à la percolation des deux phases, c’est à dire à une morphologie co-continue dans laquelle chaque phase est continue dans l’autre. La co-continuité est dite partielle dans le cas où certains des nodules subsistent, ou totale quand tous les nodules se fusionnent et forment une phase continue. Cependant, deux autres morphologies dispersées et dérivées de la morphologie nodulaire, hors équilibre et induites par des forces extérieures au mélange, sont possibles : l’une fibrillaire, avec la phase dispersée dans la matrice sous la forme de fibres et l’autre lamellaire avec la phase dispersée dans la matrice, étirée en lamelles souvent orientées et superposées.
Un mécanisme de développement de la morphologie pendant le mélange des polymères non miscibles lors de la phase initiale du mélangeage à l’état fondu a été proposé par Scott et Macosko. il y a dans un premier temps une formation de plaques (ou rubans) de la phase dispersée dans la matrice ; elle est suivie par la génération des trous due à l’instabilité des plaques liée aux effets d’écoulement et de tension interfaciale. Lorsque ces trous atteignent une taille et une concentration suffisantes, une structure fragile de type dentelle se forme et commence à se briser en morceaux de formes irrégulières ; enfin, ces structures continuent à se briser jusqu’à la forme finale de particules sphériques.
Afin de comprendre l’évolution de la microstructure des mélanges de polymères lors de l’étape de mélangeage, des études en extrudeuse bi-vis ont été menées par Lee et Han.[12], [13] Ils ont montré que les températures de fusion et les viscosités de chacun des composants jouent un rôle important dans la morphologie finale.
On constate donc que les paramètres principaux qui interviennent dans la formation des morphologies dans un mélange de polymères sont : la coalescence ou l’assemblage entre gouttes (cas contraire de la dilution), la tension interfaciale intervenant dans le nombre capillaire qui s’oppose à la déformation de la goutte (et ainsi à la dispersion de la phase minoritaire), la viscosité, le temps et la température du procédé ainsi que la vitesse de déformation (γ, pour des sollicitations en cisaillement et en élongation). La morphologie finale résulte donc d’un équilibre dynamique entre rupture de goutte et coalescence avec des effets interfaciaux et viscoélastiques. La taille caractéristique des domaines résultants de ces mélanges à deux constituants immiscibles est de l’ordre de 1 à 10 µ݉m. Le contrôle du développement de la morphologie et de la taille de ses domaines ainsi que de leur dispersion dans la matrice a un rôle fondamental puisque c’est de ces paramètres que vont dépendre les propriétés du matériau résultant. Rendre les domaines les plus petits que possible est en général recherché pour améliorer les interactions entre phases en augmentant le rapport surface sur volume à concentration constante.[21]–[23] Afin de diminuer la taille des domaines formés lors du mélange, des agents de compatibilisation peuvent ainsi être ajoutés en tant que troisième constituant du mélange. Ces compatibilisants permettent de diminuer la tension interfaciale entre les deux polymères et ainsi d’atteindre une stabilisation de la surface en réduisant la taille de goutte et empêchant la coalescence. Le mélange résultant permet ainsi d’obtenir des gouttes de tailles caractéristiques de l’ordre du micron ou moins. Dans la majorité des cas, les compatibilisants sont des copolymères diblocs ou des copolymères greffés. Un des deux constituants du copolymère est de nature chimique compatible à celle de la matrice et l’autre l’est avec le polymère dispersé, sur le même principe de fonctionnement qu’un tensioactif.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Étude bibliographique
1 Les mélanges des polymères
2 Les copolymères à blocs
3 Effets de paramètres externes sur l’auto-assemblage
4 Conclusion
Références
Chapitre 2 Matériaux et méthodes
1 Présentation des matériaux utilisés
2 Caractérisation des polymères
3 Réalisation des films minces
4 Caractérisations structurales et mécaniques des films
Références
Chapitre 3 Etude de l’auto-assemblage du MAM
Article 1: From equilibrium lamellae to out-of-equilibrium cylinders in triblock copolymer nanolayers obtained via multilayer coextrusion
Abstract
1 Introduction
2 Materials and methods
3 Results
4 Conclusion
Acknowledgements
Supporting information
References
Chapitre 4 Effet de la nano-structuration sur les propriétés mécaniques des mélanges PMMA/MAM
Article 2: Nano-structuration effect on the mechanical properties of PMMA toughened by MAM
1 Introduction
2 Materials and methods
3 Results
4 Conclusion
References
Chapitre 5 Influence de la stabilité thermique sur l’auto-assemblage du SBM
Article 3: Effect of thermal oxidation on the self-assembly of triblock terpolymers
Abstract
1 Introduction
2 Experimental
3 Results
4 Discussion
5 Conclusions
Acknowledgments
Supporting information
References
Chapitre 6 Extension à d’autres couples de matériaux : études en cours et résultats
préliminaires
1 Films coextrudés à différentes interfaces
2 Effet de l’élasticité dans un système multicouche
3 Les cas du tribloc MAM M52
4 Conclusion
Références
Conclusion générale