Les médecines non conventionnelles

LES MÉDECINES NON CONVENTIONNELLES 

Définition des médecines non conventionnelles 

La médecine conventionnelle

Pour définir les médecines non conventionnelles (MNC), nous devons expliquer le système de soin conventionnel national, basé en France sur la médecine allopathique. L’allopathie est un mode de traitement entraînant un effet inverse de celui provoqué par la maladie grâce à l’administration de substances chimiques actives [1]. L’élément principal de la médecine conventionnelle moderne est l’evidence based medicine (EBM) ou médecine fondée sur les preuves [2]. Apparue au Canada dans les années 1980, la recherche de preuves servait à la formation des étudiants. Une dizaine d’années plus tard, cette théorie s’exporta pour aider les praticiens dans leur activité. Les preuves de l’efficacité d’une prise en charge sont obtenues soit par validation scientifique à l’issue d’essais cliniques, soit par consensus professionnel (accord et expérience de la majorité des professionnels de santé concernés après plusieurs années de recul) [3]. La décision du traitement se prend en fonction des données de la recherche, de l’expérience clinique, des préférences du patient et de son entourage.

Nous avons retenu pour notre travail que la médecine conventionnelle est une médecine clinico-biologique. Elle se fonde sur une démarche scientifique déductive s’appuyant sur des niveaux de preuves. Son objectif est de diminuer voire de faire disparaitre les symptômes d’une maladie.

La médecine non conventionnelle 

Les MNC ont plusieurs synonymes : médecines alternatives, complémentaires, douces, naturelles, traditionnelles, parallèles, globales, holistiques, para médecines, pseudosciences… Le terme de médecines non conventionnelles fut retenu par la Commission européenne de Bruxelles le 29 mai 1997. Il est aujourd’hui juridiquement admis par les institutions sanitaires. De par leur extrême diversité (il existe plus de 4 000 pratiques ou disciplines), les MNC échappent à une définition précise. Certaines pratiques sont codifiées et réglementées. D’autres sont au contraire secrètes, mystiques, localisées géographiquement et transmises oralement. Les techniques employées sont variables avec des thérapies médicamenteuses, manuelles, spirituelles… Cette hétérogénéité fut traduite par la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « diverses pratiques, approches, connaissances et croyances sanitaires intégrant des médicaments à base de plantes, d’animaux et/ou de minéraux, des traitements spirituels, des techniques manuelles et exercices, appliqués seuls ou en association afin de maintenir le bien-être et traiter, diagnostiquer ou prévenir la maladie » [4]. Le professeur Axel Kahn, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), rappela que cette dénomination regroupait « toutes les pratiques thérapeutiques non fondées sur les données actuelles de la connaissance scientifique et/ou des travaux de méthodologie rigoureuse et contrôlée, effectués par des expérimentateurs indépendants ». À ces définitions doit être apportée une nuance géographique et historique. Les MNC font référence à des pratiques de santé ne faisant pas partie de la tradition du pays ou n’étant pas intégrées à son système de santé prédominant. L’acupuncture est une thérapie intégrée de la médecine traditionnelle chinoise mais de nombreux pays européens la définissent comme une MNC. De même, l’homéopathie développée en Europe au XVIIIe siècle après l’introduction de l’allopathie, n’est pas considérée comme une médecine conventionnelle.

La définition retenue pour notre travail est celle du National center for complementary and alternative medicine (NCCAM) : « un groupe de systèmes médicaux de santé, de pratiques et de produits divers qui ne sont actuellement pas considérés comme faisant partie de la médecine conventionnelle» .

La place des médecines non conventionnelles en France

Le poids économique 

L’estimation des frais de soins liés aux MNC dessine un vaste marché. Selon un rapport de 2002 de l’OMS, les dépenses mondiales liées aux MNC étaient considérables et en hausse rapide. Il mentionnait une somme de 60 milliards de dollars pour les médicaments traditionnels à base de plantes. Les dépenses liées aux MNC étaient de 2,3 milliards au Royaume-Uni et de 2,7 milliards aux États Unis [4]. En France, l’estimation des dépenses liées aux MNC est complexe car elles sont moins visibles que celles de la médecine conventionnelle. Quelques chiffres sont disponibles via l’Assurance maladie concernant l’homéopathie et l’acupuncture. Prescrits par un médecin, ces traitements sont remboursés au nom de l’orientation médicale. Selon les chiffres de cet organisme, 716 000 actes d’acupuncture furent réalisés en 2009 soit 10 % des actes en cabinet de ville [6]. L’Assurance maladie dépenserait chaque année 70 millions d’euros pour l’homéopathie [7]. En 2004 l’État se désengagea partiellement avec un taux de remboursement des traitements homéopathiques passant de 65 à 35 %. Les assurances privées et mutuelles prennent progressivement en charge les MNC. Les premiers remboursements eurent lieu il y a une dizaine d’années par la Société mutualiste interprofessionnel Rhône-Alpes (SMIRP) [8]. À l’époque, cela inquiéta le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), affecté par « cette ouverture au charlatanisme ». Ce phénomène s’amplifia et aujourd’hui la majorité des mutuelles remboursent en partie le recours aux MNC.

L’avis des instances scientifiques 

La communauté scientifique est partagée au sujet des MNC. Bernard Glorion, président du CNOM de 1993 à 2001, dénonça dans un rapport de 2001 le «statisme de cette institution jusque dans les années 75-80 » [8]. Selon lui, le CNOM devait être « représentatif des nombreux modes d’exercice ». Mais interrogé sur les MNC, il précisa à propos de la reconnaissance de l’ostéopathie et de la chiropraxie, « nous n’avons jamais dit que nous étions favorables à ces reconnaissances. Une forte pression européenne est à l’origine de cette ouverture». En mars 2013, l’Académie nationale de médecine (ANM) remarqua que les MNC étaient « un élément probablement irréversible de nos méthodes de soins […]. L’intérêt qui leur est porté […] oblige à les considérer avec sérieux » [9]. Devant la place grandissante des MNC, elle recommanda aux facultés de médecine d’introduire une information sur ces pratiques au cours des études médicales, ce qui n’est actuellement pas réalisé. L’ANM était favorable à l’introduction des MNC à l’hôpital « en supplément des moyens thérapeutiques validés ». Elle y voyait un réel intérêt afin de « préciser leur effet, de clarifier leur indication et d’établir les bonnes règles de leur utilisation » [9].

Les facultés de médecine s’ouvrent progressivement aux MNC en proposant des diplômes universitaires ou inter-universitaires. Le cycle de formation le plus complet fut le diplôme universitaire des médecines naturelles (DUMENAT) créé en 1982 par le professeur Cornillot doyen de la faculté de Bobigny. Sept diplômes universitaires y étaient dispensés : acupuncture, auriculothérapie, ostéopathie, naturopathie, homéopathie, phytothérapie et mésothérapie. En 2012, le nouveau doyen de la faculté de Bobigny programma la fin progressive de ce diplôme [10]. D’autres initiatives inter-universitaires ont été mises en place, comme à Caen (médecine manuelle) et à Montpellier-Nîmes (médecine chinoise traditionnelle). Bien que n’étant pas à proprement parler une institution scientifique, il convient de mentionner la position du Centre d’analyse stratégique (CAS). Il est chargé de faire des propositions économiques, sociales, environnementales ou technologiques au gouvernement. Dans son rapport de 2012, le CAS souhaitait un encadrement de la pratique des thérapeutes des MNC à l’image des heilpratiker allemands (praticiens de santé). Il suggéra l’instauration d’un label : « les personnes qui ne sont ni des médecins, ni des professionnels paramédicaux devront se soumettre à des tests cliniques et juridiques pour obtenir cette appellation » [11] [12]. Il préconisa le développement d’études bénéfices-risques et coûts-efficacité, ainsi que la création d’une plate-forme d’informations. Celle-ci recenserait les connaissances actuelles concernant les MNC, leurs praticiens et les plantes médicinales, permettant un « choix éclairé » des patients. Comme l’ANM, le CAS suggéra de proposer aux étudiants des filières médicales et paramédicales une initiation facultative aux MNC.

Les établissements de santé et les praticiens 

Les établissements de santé intègrent progressivement les MNC [13]. L’hôpital Robert Debré propose des cours d’autohypnose lors des cours de préparation à l’accouchement à but hypno-analgésique. Le docteur S. Brulé de l’hôpital Villejuif fait appel à l’auriculothérapie pour améliorer les douleurs chroniques liées aux traitements chirurgicaux et chimiothérapies. En juillet 2011, l’Assistance publique des hôpitaux de Paris créa un comité pour organiser des recherches sur les MNC. En décembre 2011, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière reçut des médecins pour la deuxième journée d’études sur la médecine chinoise [14]. En septembre 2012, il signa un accord avec le ministre chinois de la santé pour former les médecins français à la médecine chinoise [15].

Les hôpitaux provinciaux font également appel aux MNC. Le service d’hépatologie de l’hôpital de la Croix-Rousse de Lyon propose depuis une quinzaine d’années, des consultations d’homéopathie pour diminuer les effets secondaires des traitements des hépatites et du sida. Au centre hospitalier universitaire de Nîmes, le docteur G. Tran propose des cours d’hypno-sédation ou anesthésies sous hypnose. Cette praticienne nota que « l’hypnose est reconnue par nos sociétés savantes [Société française d’anesthésie et de réanimation] depuis 2004 comme pratique alternative à l’anesthésie générale » [13], et que cette méthode permet de réduire le temps passé en salle de réveil. L’équipe obstétricale du centre hospitalier universitaire de Strasbourg utilise l’acupuncture dans plusieurs indications : en salle de travail pour rendre les contractions plus efficaces, pour accélérer la dilatation du col, pour améliorer l’allaitement ou en cas de baby-blues.

Le statut ambigu des praticiens de MNC rend difficile l’obtention de données fiables. Selon un rapport de la Direction de la recherche, des études et de l’évaluation statistique (DRESS) [16] datant de 2001, il était dénombré 95 000 médecins généralistes en France dont 10 036 ayant un exercice médical particulier. 4 526 pratiquaient l’homéopathie, 3 762 l’acupuncture, et 1 748 praticiens les deux.

Les patients et leur recours aux MNC

Il est difficile d’obtenir des informations précises et concordantes sur ce sujet. Les études montraient que 30 à 50 % de la population française ont eu recours au moins une fois à une MNC.

La nature de cette population divergeait selon les études mais nous pouvons retrouver des critères communs. Il s’agissait d’une population majoritairement féminine. L’âge moyen s’étalait de 18 à 64 ans avec une prédominance pour la tranche d’âge des 30 – 50 ans. Les patients ayant recours aux MNC étaient principalement issus d’un milieu social élevé (cadres, professions intermédiaires et intellectuelles supérieures). L’étude du Credes [17] présenta une exception puisqu’elle indiquait que principalement les agriculteurs et les artisans commerçants y avaient recours. Le lieu de vie (rural ou urbain) ne semblait pas être un critère pertinent. Nous notons néanmoins que les pratiques «traditionnelles» (rebouteux, etc.) étaient plus fréquentes en milieu rural, et les médecines plus récentes (ostéopathie, chiropraxie, naturopathie, etc.) en milieu urbain. Les patients avaient recours aux MNC majoritairement en complément de la médecine conventionnelle. Les raisons principales pour cet engouement étaient l’épargne médicamenteuse, une écoute plus longue et attentive, l’impression d’un traitement naturel moins agressif [19] [25]. La majorité des patients avançaient une efficacité des MNC puisque les taux avoisinaient les 80 % de satisfaction dans les différentes études .

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Table des matières

INTRODUCTION
PRÉAMBULE
LA PLACE DE L’OSTÉOPATHIE EN FRANCE
I. LES MÉDECINES NON CONVENTIONNELLES
A. Définition des médecines non conventionnelles
B. La place des médecines non conventionnelles en France
II. L’OSTÉOPATHIE
A. Historique
B. Définition
C. Les différents courants
D. Indications
E. Contre-indications
F. Effets indésirables
G. Comparaison avec les autres techniques manuelles reconnues
III. LA PLACE DE L’OSTÉOPATHIE EN FRANCE
A. La position du gouvernement français
B. Environnement médical
ENQUÊTE DESCRIPTIVE
I. OBJECTIFS ET MÉTHODE
A. Objectifs
B. Population étudiée
C. Élaboration du questionnaire
D. Diffusion du questionnaire
E. Analyse des données
II. RÉSULTATS
A. Participation
B. Caractéristiques de l’échantillon
C. Les médecins ayant recours à l’ostéopathie : groupe O+
D. Les médecins n’ayant pas recours à l’ostéopathie : groupe O-
E. Comparaison des groupes
III. DISCUSSION
A. Taux de participation et biais de l’étude
B. Représentativité de l’échantillon
C. Le recours à l’ostéopathie
D. Les causes de non recours à l’ostéopathie
E. Les éléments incitatifs
CONCLUSION
PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE

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