Les mécanismes et les acteurs de la diffusion de l’innovation

Diffusion de l’innovation : fondements théoriques et tensions

L’innovation tient ses sources du mot latin innovare qui signifie « faire quelque chose de nouveau ». Pour autant, Alter soulève dès la préface de son ouvrage L’innovation ordinaire en 2015 le lien étroit entre innovation et organisation. L’auteur précise : «dans les entreprises, les institutions, les collèges, les hôpitaux ou les administrations, la problématique de l’innovation a en effet remplacé celle de l’organisation : ce qui caractérise l’activité professionnelle est dorénavant bien plus la capacité à trouver des solutions novatrices à une multitudes de problèmes (…). Et si l’on parvient aujourd’hui à innover autant, c’est mille fois plus grâce à l’association et à la diffusion de cette constellation de petites initiatives que grâce à des décisions rares, fortes et prises par des élites » (Alter, 2015, p.IX). D’une part, ces définitions soulèvent une volonté d’agir d’un ou plusieurs acteur(s) en rupture pour trouver ou créer la nouveauté ou des solutions nouvelles et, d’autre part les difficultés à cerner le concept d’innovation en le désignant comme une « solution », un terme d’une relative plasticité.

Dans l’étude des organisations, nous nous intéressons au développement de la littérature sur l’innovation, largement étoffée en termes de formes et de degrés d’innovations. En particulier, nous portons une attention particulière aux travaux abordant les innovations organisationnelles et managériales. Nous mobilisons également les travaux d’Alter (2015) sur l’innovation entendue comme un processus non linéaire pour spécifier notre approche de l’innovation portant sur les pratiques innovantes, qu’elles soient nouvelles pour les acteurs ou locales (contextualisées). Ainsi, nous nous attèlerons à dresser un panorama non exhaustif de l’innovation dans l’objectif de poser les premières briques de notre cadre théorique.

Toujours dans l’étude des organisations, nous étudions la notion de diffusion des innovations, en particulier des pratiques innovantes, comme la dernière étape nécessaire à la percée d’une invention par une mise en circulation réussie, à savoir une adoption élargie. La diffusion de pratiques est présentée sous la forme d’une circulation « dynamique » entre différents lieux d’activités et relevant de différents mécanismes, que nous nommons « efforts » de traduction, d’édition (Sahlin et Wedlin, 2008) concourant à l’adaptation des pratiques (Ansari, 2014) .

Fondements théoriques : de l’innovation aux pratiques innovantes

Les différentes formes de l’innovation 

Un premier pan de la littérature s’est penché sur les différentes formes « matérielles» des innovations. En ce sens, les innovations sont qualifiées de « choses » (au sens de « things ») par Freeman et Soete (1997) afin de souligner les dimensions «palpables » et « domptables » des innovations de produits et de services, dans un contexte fortement concurrentiel entre les entreprises (1.1.). Dans un second temps, nous retraçons, de manière non exhaustive : les innovations organisationnelles et managériales spécifiquement dédiées à soutenir les innovations. À cette fin, nous mobilisons différents travaux dans l’objectif de cerner les innovations moins «tangibles » et questionnant davantage les relations entre les acteurs au sein ou hors des organisations, voire la construction de nouveaux arrangements organisationnels dans un champ organisationnel pour soutenir l’innovation (1.2.). Dans un troisième temps, nous explorons comment les innovations émergent à l’encontre ou en dehors des normes et des institutions .

Les innovations de produits et de services 

Nous proposons de revenir sur l’évolution de la définition de l’innovation depuis les travaux menés en économie sur le sujet et des enjeux plus actuels issus de la littérature sur les organisations. Nous abordons tout d’abord ce qu’est l’innovation dans la littérature, en exposant ses différentes formes « visibles », son processus sous-jacent et ce qui retient notre attention en lien avec notre problématique . Ensuite, nous présenterons les trois étapes du processus d’innovation, en soulignant le chemin parcouru et réussi de l’innovation : de son invention à sa diffusion .

L’innovation : définitions liminaires

Les dimensions de création et de nouveauté caractérisent notre approche de l’innovation (Chanal et al., 2010), à laquelle nous adjoignons les rôles potentiels d’acteurs et d’arrangements organisationnels à soutenir la diffusion d’une innovation. Nous abordons dans cette première partie les éléments théoriques de définition à savoir : qu’entend la littérature par innovation ? et que retenons-nous comme définition de l’innovation ? Ensuite, nous étudierons le processus d’innovation, à savoir le cheminement parcouru d’une invention vers sa réussite : son institutionnalisation (Alter, 2010).

Depuis le milieu du vingtième siècle, économistes, gestionnaires et sociologues portent un intérêt grandissant sur l’innovation (Schumpeter, 1943 ; Drucker, 1986). En économie, Schumpeter introduit dès les années 1940 l’innovation en étudiant son rôle dans la croissance économique. D’une part, il identifie cinq formes d’innovation : les innovations de produits, de procédés, de modes de production, de débouchés, et de matières premières. D’autre part, il identifie et met en lumière le rôle actif d’un entrepreneur associé et nécessaire à l’innovation. Peter Drucker (1986) s’inspire des travaux d’économistes tels que Jean-Baptiste Say (dans les années 1800) puis Joseph Schumpeter (1911) sur l’entrepreneur « innovant ». En ce sens, Drucker définit l’innovation comme un « outil spécifique des entrepreneurs pour exploiter le changement comme une opportunité pour une entreprise ou un service différent ». Afin d’aller plus loin, Drucker présente l’innovation comme une discipline, et cette qualification lui permet d’être à la fois apprise mais aussi pratiquée. Nous retenons de ces travaux deux éléments fondamentaux. D’une part, en ce qui concerne la forme d’une innovation, nous notons le lien indissociable de l’innovation avec le rôle d’un entrepreneur individuel ou collectif en action. D’autre part, nous relevons la réflexion menée en marge ou en rupture avec l’existant induite par l’innovation. L’innovation peut tirer ses sources de trois éléments externes, selon Drucker (1986, p.88) : la démographie, les changements (de perception, de sens et d’humeur) et enfin des nouvelles connaissances. Ces éléments sont liés aux changements sociaux, philosophiques ou encore politiques de l’environnement. Drucker (1986) ajoute également que l’innovation peut se révéler en interne, au sein même d’une entreprise, d’une industrie voire d’un marché et remettre en question la (sur)vie d’une entreprise. Nous retenons dans les deux cas qu’une source d’innovation requiert d’être exploitée comme une opportunité stratégique et menée par une dynamique entrepreneuriale pour être développée. Porter (1990) étudie l’innovation sous l’angle stratégique de l’entreprise et propose une définition polymorphe de l’innovation basée sur ses travaux sur l’avantage concurrentiel (1990) : « cela (l’innovation) comprend non seulement les nouvelles technologies mais également les méthodes ou manières de faire les choses, qui peuvent parfois sembler assez banales. L’innovation peut se manifester dans un nouveau design de produit, un nouveau processus de production, une nouvelle approche marketing, ou une nouvelle manière de se former ou de s’organiser » (1990).

L’innovation comme objet de recherche

L’innovation est plus récemment décrite comme la conjonction des dimensions technologiques et créatives d’une invention, qui deviendra une innovation une fois commercialisée et proposée sur le marché : « l’innovation englobe à la fois une dimension technologique et créative, que nous appelons normalement invention, ainsi qu’une dimension commerciale qui implique l’exploitation de l’invention pour la transformer d’un modèle ou d’un prototype en quelque chose qui est disponible sur le marché pour les consommateurs » (Smith, 2005, p.6).

Après avoir évoqué différentes définitions théoriques de l’innovation, nous proposons de revenir sur la catégorisation des innovations et les degrés d’innovation. Premièrement, la catégorisation permet de mettre en évidence les différentes formes d’innovation, dont l’étude majeure de ses formes les plus « tangibles » : les innovations de produit (exemple : le premier smartphone), les innovations de service (exemple : le premier réseau social basé sur un site web) ou encore les innovations de processus (exemple : le fordisme comme nouveau processus de production industriel). Ensuite, nous nous intéressons aux degrés forts ou plus faibles d’innovations. Dans le vocable utilisé dans la littérature, les innovations peuvent être considérées comme radicales, au sens du degré le plus fort d’innovation. L’apport technologique est dans le cas d’une innovation radicale fortement lié à la notion de «rupture » proposée par Christensen (1997). L’innovation dite « incrémentale » correspond à un degré plus faible d’innovation. En ce sens, l’amélioration de l’existant est l’objectif de l’innovation incrémentale. De plus, son moindre degré d’innovation confère à l’innovation incrémentale un statut d’innovation « moins risquée » par les entreprises car ne remettant pas en cause l’existant.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
Section 1. Contexte de la recherche
Section 2. Problématique et questions de recherche
Section 3. Présentation du design de la recherche
PARTIE 1 – FONDEMENTS THÉORIQUES DE LA RECHERCHE
Chapitre 1. Diffusion de l’innovation : fondements théoriques et tensions
Section 1. Fondements théoriques : de l’innovation aux pratiques innovantes
Section 2 – Les mécanismes et les acteurs de la diffusion de l’innovation
Section 3 – Les tensions au soutien et à la diffusion des pratiques innovantes dans le champ de la santé
Chapitre 2. Le Réseau Créatif de Pratique (RCP) : construction théorique et apports dans le management de la diffusion de pratiques
Section 1. Les origines de la construction théorique du RCP : des réponses partielles aux freins à la diffusion de pratiques
Section 2. Le RCP : une structure sociale dotée d’un arrangement organisationnel intermédiaire favorable à la diffusion des pratiques innovantes
Section 3. Le RCP : une solution organisationnelle et managériale favorable à la diffusion de pratiques innovantes ?
PARTIE 2 – MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Chapitre 3. Le cadre épistémologique du chercheur
Section 1. Paradigmes épistémologiques en sciences de gestion
Section 2 : Positionnement épistémologique du chercheur
Chapitre 4. Cadre méthodologique de la recherche
Section 1. Design de la recherche
Section 2 : Collecte et triangulation des données
Section 3 : Analyse multithématique des données
Partie 3 – Présentation et analyse des résultats
Chapitre 5. Cas pilote : Le Réseau Créatif de Pratiques (RCP) d’une Agence Régionale de Santé engagée dans une rénovation profonde et contestée des pratiques de ses agents
Section 1. Analyse longitudinale de la démarche de diffusion de pratiques
Section 2. Le Réseau Créatif de Pratiques de l’Agence Régionale de Santé
Section 3. Ce que nous retenons de cette étude de cas
Chapitre 6. Cas complémentaire : Le RCP d’un Collectif National des Pilotes MAIA émergent et auto-organisé pour diffuser des pratiques
Section 1. Analyse longitudinale de la démarche de diffusion de pratiques
Section 2. Le Réseau Créatif de Pratiques du Collectif National des Pilotes MAIA
Section 3. Ce que nous retenons de cette étude de cas
PARTIE 4 – DISCUSSION
Section 1. Ce que nous retirons des résultats de nos deux études de cas
Section 2. Les modèles managériaux des RCP à l’aune de l’attraction de l’Upperground et de l’Underground
Section 3. Les mécanismes correctifs des modèles managériaux des RCP étudiés
Section 4 – Proposition d’un cycle de vie du RCP
CONCLUSION GÉNÉRALE
1. Les objectifs et le design de la recherche
2. Les principaux résultats de la recherche
3. Contributions théoriques et managériales, préconisations managériales
4. Limites et perspectives de la recherche
Bibliographie

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *