Endommagement ductile des métaux
Introduction au forgeage à froid des métaux
Le forgeage est une famille de procédés de mise en forme permettant la fabrication de pièces mécaniques par déformation plastique du matériau. Cette technique consiste à comprimer le métal entre un poinçon et une matrice ou entre deux matrices, afin de reproduire des pièces de forme géométriquement bien définies : vis, pignons, têtes d’essieu, rotules, écrous … L’opération de forgeage à froid est réalisée à température ambiante et permet la production de pièces mécaniques ébauchées ou finies dont les hautes caractéristiques mécaniques sont très recherchées. Pour obtenir la forme finale, il est souvent nécessaire d’effectuer plusieurs passes de manière à ne pas endommager la matière.
Le développement du forgeage à froid peut s’expliquer par un certains nombre d’avantages économiques [Bostbarge01]. Tout d’abord ce procédé autorise la conception de formes sans dépouille et de géométries complexes souvent irréalisables par d’autres procédés. Les cadences de production obtenues sont également élevées : plusieurs milliers de pièces par heures. Ce procédé permet aussi une économie de matière mise en forme par rapport à d’autres techniques (forgeage à chaud, usinage) et l’obtention de tolérances précises. Enfin, le forgeage à froid confère à la pièce une microstructure particulièrement bien adaptée pour résister aux sollicitations en service. Le fibrage ainsi que le corroyage obtenus augmentent sensiblement les propriétés en fatigue des pièces forgées ([Milesi09]). Mais ce procédé possède également un certain nombre d’inconvénients. Il est en effet nécessaire de fabriquer des outillages particulièrement résistants (donc onéreux) pour pouvoir déformer la matière à froid. De plus, les aciers utilisés doivent être particulièrement ductiles pour pouvoir être déformés à froid dans générer de fissure.
Durant les différentes phases du forgeage à froid, la matière va subir de forts niveaux de déformation plastique qui peuvent alors l’amener à s’endommager (rupture de la pièce, fissures en surface ou à cœur, …). Il est donc tout à fait primordial de connaître et mieux comprendre les mécanismes qui peuvent produire ces défauts.
Les mécanismes d’endommagement ductile
Généralités
Il existe différents types d’endommagement (fragile, ductile). Dans le cas du forgeage à froid, nous nous intéresserons uniquement à l’endommagement ductile qui accompagne les grandes déformations plastiques des métaux aux températures ambiantes ou peu élevées. Lors de la mise en forme, la déformation plastique du matériau s’accompagne d’une évolution progressive de sa microstructure. L’endommagement ductile correspond alors à la formation de microcavités qui vont croître puis coalescer, conduisant ainsi à la rupture ductile du matériau.
Les faciès de rupture sont caractérisés par la présence de cupules (Figure 1.1). L’observation d’inclusions ou de fragments d’inclusions au fond des cupules indique que l’amorçage de l’endommagement est fortement lié à la présence d’hétérogénéités dans le matériau ([Montheillet86]).
Les mécanismes physiques
Le processus qui mène les matériaux ductiles à la rupture peut être décrit par trois principaux mécanismes successifs qui sont :
– la germination des cavités,
– la croissance de ces cavités,
– la coalescence des cavités.
Germination
La germination correspond à la création de cavités au cours du processus de déformation plastique. Les métaux sont constitués d’une matrice élasto-plastique et de particules de seconde phase (inclusions, précipités) considérées comme quasi-rigides. Ce sont ces inclusions (sulfures, oxydes pour les aciers) qui sont à l’origine de la germination. Lorsqu’il n’y a pas de sollicitation, ces particules sont solidaires de la matrice mais il existe tout de même une concentration de contraintes à l’interface matrice/inclusion. Une sollicitation mécanique, même faible, peut alors entraîner une décohésion (Figure 1.2b) des inclusions dans la matrice ou même une rupture (Figure 1.2a) de celles-ci.
Le vide ainsi créé est appelé cavité. Cependant durant ce stade de germination, les cavités créées sont tellement petites qu’elles n’affectent pas encore le comportement macroscopique du matériau. D’un point de vue mécanique, les propriétés élastiques et plastiques seront considérées comme inchangées.
Croissance
Le mécanisme de croissance est certainement celui qui a le plus été étudié expérimentalement dans le passé et pour lequel de nombreux modèles ont été développés pour le décrire. Durant ce mécanisme, les microcavités voient leur taille croître, notamment sous l’effet de la tension hydrostatique qui est un facteur prédominant. Celles-ci peuvent se développer sous forme de cavités sphériques, ellipsoïdales ou de fissures. Si la décohésion entre la matrice et une inclusion est totale (Figure 1.3b), alors celle-ci ne joue plus un rôle prépondérant. Dans le cas contraire (Figure 1.3a), il faut en tenir compte. Durant cette phase de croissance, on observe un adoucissement du comportement mécanique du matériau.
Coalescence
Lorsque le taux de porosités atteint une valeur critique de l’ordre de 10% à 15%, il se produit alors un phénomène d’interaction entre les différentes cavités. Effectivement, dès lors que la distance séparant deux cavités est suffisamment faible, celles-ci tendent à se réunir de façon assez brutale (Figure 1.4). Un deuxième phénomène, mettant en jeu la striction des ligaments entre cavités existantes, peut également se produire.
La prédominance de l’un de ces deux phénomènes est fortement liée à l’existence et la répartition de particules de seconde phase. La fin du stade de coalescence correspond à l’amorçage d’une fissure macroscopique qui conduira de manière irréversible à la rupture du matériau.
Couplage endommagement/comportement
Les mécanismes physiques qui gouvernent l’endommagement interagissent fortement sur le comportement du matériau. Au fur et à mesure que le matériau subit une déformation plastique, ces propriétés mécaniques sont alors altérées par la création d’endommagement. On parle ainsi de couplage entre l’endommagement et la plasticité. Ceci peut s’illustrer simplement en prenant par exemple le cas d’une éprouvette axisymétrique subissant un essai de traction uniaxiale.
Dans un premier temps, la déformation appliquée à l’éprouvette est élastique et linéaire (trajet OA). L’endommagement est alors nul. Viennent ensuite les trois mécanismes physiques définis précédemment et amenant à la rupture ductile :
• la phase de germination des cavités qui sont encore trop petites pour modifier le comportement macroscopique du matériau (trajet AB).
• la croissance des cavités qui va entraîner un adoucissement progressif du matériau. Le couplage entre le comportement et l’endommagement ne peut plus être négligé car il devient prépondérant (trajet BC).
• la phase de coalescence entre cavités (trajet CD).
Pour finir, l’apparition de fissures macroscopiques qui vont se propager et provoquer la rupture de l’éprouvette (point E).
Sans couplage entre l’endommagement et la plasticité du matériau, la réponse schématique serait le trajet OABF, ce qui n’est pas en accord avec la réalité expérimentale. C’est pourquoi l’endommagement joue un rôle majeur sur le comportement du matériau et doit nécessairement être pris en compte au travers d’un couplage avec la loi de comportement lorsque le matériau subit de grandes déformations.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Endommagement ductile des métaux
1.1 Introduction au forgeage à froid des métaux
1.2 Les mécanismes d’endommagement ductile
1.2.1 Généralités
1.2.2 Les mécanismes physiques
1.2.2.1 Germination
1.2.2.2 Croissance
1.2.2.3 Coalescence
1.2.2.4 Couplage endommagement/comportement
1.3 Modélisation de l’endommagement ductile
1.3.1 Introduction
1.3.2 Modèles découplés
1.3.3 Modèles couplés de type micromécanique
1.3.3.1 Le modèle de Gurson
1.3.3.2 Le modèle de Gurson, Tvergaard et Needleman (GTN)
1.3.3.3 Le modèle de Gologanu, Leblond et Devaux (GLD)
1.3.4 Modèles couplés de type macromécanique
1.3.4.1 Variables d’endommagement
1.3.4.2 Concept de variables effectives
1.3.4.3 Cadre thermodynamique
1.3.4.4 Potentiel d’état pour endommagement isotrope
1.3.4.5 Formulation du modèle de Lemaitre
1.4 Conclusion
Chapitre 2 : Formulation du couplage comportement / endommagement
2.1 Introduction
2.2 Problème mécanique
2.2.1 Formulation générale du problème continu
2.2.1.1 Equations de conservation
2.2.1.2 Conditions limites
2.2.1.3 Lois mécaniques
2.2.1.4 Formulation faible à deux champs (vitesse/pression)
2.2.2 Formulation du problème discrétisé
2.2.2.1 Discrétisation spatiale
2.2.2.2 Discrétisation temporelle
2.2.2.3 Gestion du contact
2.2.2.4 Résolution du système
2.3 Intégration d’une loi de comportement élasto-plastique endommageable
2.3.1 Equations de base sans endommagement
2.3.2 Couplage fort avec endommagement isotrope
2.3.2.1 Equations de base avec endommagement
2.3.2.2 Résolution incrémentale
2.3.2.3 Module tangent discret
2.3.3 Couplage faible avec endommagement isotrope
2.4 Comparaison entre couplage fort et couplage faible
2.5 Conclusion
Chapitre 3 : Analyse et caractérisation des matériaux
3.1 Introduction
3.2 Analyse microstructurale
3.2.1 Présentation des matériaux
3.2.2 Etude statistique des inclusions
3.2.2.1 Conditions opératoires
3.2.2.2 Résultats
3.3 Essais de traction
3.3.1 Géométries
3.3.2 Résultats – Nuance 1 (bainitique)
3.3.3 Résultats – Nuance 2 (ferrito-perlitique)
3.3.4 Faciès de rupture
3.3.5 Conclusion
3.4 Essais de compression/traction
3.4.1 Géométries et montage expérimental
3.4.2 Résultats – Nuance 1 (bainitique)
3.4.3 Résultats – Nuance 2 (ferrito-perlitique)
3.4.4 Conclusion
3.5 Essais in situ
3.5.1 Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
3.5.1.1 Influence du sens de prélèvement
3.5.1.2 Influence de la compression
3.5.2 Tomographie X
3.5.2.1 Principe de fonctionnement
3.5.2.2 Géométrie et montage expérimental
3.5.2.3 Visualisation des porosités dans le volume
3.5.2.4 Visualisation des porosités en coupe
3.5.2.5 Mise en évidence des mécanismes d’endommagement
3.5.3 Conclusion
Conclusion
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