Les mathématiques enseignées
Les difficultés associées à la comparaison et au positïonnement de nombres rationnels sur une droite
Le premier sens de la fraction, privilégié dans l’enseignement primaire, est le sens partie-tout. Le tout considéré est souvent une figure géométrique connue des élèves, du moins perceptivement, depuis les premières années du primaire. Le rectangle et le cercle sont ainsi des objets «emblématiques». Les dimensions des figures sont généralement choisies par l’enseignant pour pouvoir rapidement – par un partage simple – représenter les parties correspondant aux fractions. Lorsqu’on utilise des objets «moins standards », telle une feuille de papier, on suggère le pliage pour déterminer les parties associées aux fractions. Le rôle joué par les dimensions des figures est rarement examiné, sauf en de rares occasions et dans certains manuels. Plus encore, les relations d’ordre entre les fractions sont examinées dans des cas fort simples, à l’aide de représentations de parties de figures géométriques simples ou à l’aide de calculs permettant de comparer les fractions dont les dénominateurs sont différents; à l’occasion seulement, on introduit des procédés permettant de générer des fractions comportant un même dénominateur. Ainsi, si on demande à des élèves de 61° année ou du premier cycle du secondaire de placer en ordre croissant les fiactions, 6/7, 7/8, 8/9 (par exemple), la grande majorité des élèves aura recours à au procédé dit “du dénominateur commun” (Lemoyne, 1993).
Pourtant, ces élèves pourraient comparer les fractions en utilisant le sens partie — tout, en donnant un sens aux actions de partage, en comparant les parties à ajouter pour constituer l’entier ou le tout (ex : 1/9 est plus petit que 1/8 car … ). Enfin, une grande majorité des élèves ne peut également illustrer à l’aide d’un seul rectangle, diverses fractions dont les dénominateurs ne possèdent pas tous des communs multiples ou des communs diviseurs (par exemple, illustrer les fractions 62/122, 3/5, 10/20, 3/7).
On pourrait multiplier les exemples faisant état des difficultés des élèves sur les fractions et montrer comment les rapports aux fractions contaminent les rapports aux décimaux, aux nombres à virgule, aux réels (voir, entre autres Charnay et Mante, 1992; Sandoval Bergeron, 1995). Nous reproduisons deux des exercices proposés à des élèves de 6e année provenant de deux collèges français (le degré scolaire de ces élèves correspond à celui des élèves de secondaire I du programme d’enseignement québécois); dans ces deux collèges, on compte 12 classes, pour un total de 320 élèves. Ces exercices proviennent du Centre régional de documentation pédagogique de Nice (C’RDP, FvaiWatÏz, 1994, p. 20-2 1).
Les difficultés d’enseignement et d’apprentissage des fractions
De nombreuses études ont été réalisées sur l’enseignement et l’apprentissage des fractions. Diverses activités ou situations ont été proposées afin d’amener les élèves à construire, coordonner et intégrer les divers sens de la fraction: rapport, partie-tout, résultat d’une division, opérateur, mesure. Ces études ont surtout été envisagées et éprouvées dans les classes “régulières” d’élèves au primaire.
L’étude de Blouin (2002) auprès d’élèves du secondaire présentant des difficultés d’apprentissage est, du moins au Québec, une première tentative visant a infléchir les rapports aux fractions des élèves de ce degré scolaire. Blouin a ainsi adapté des situations conçues par Nadine et Guy Brousseau (1987) et en particulier, des situations mettant en cause le sens opérateur de la fraction. À notre connaissance, peu d’études ont eu recours à des situations exploitant initialement le sens partie – tout de la fraction, sens abondamment utilisé dans les manuels scolaires du primaire, pour amener les élèves du début secondaire à reconstruire les fractions et les opérations sur les fractions. Tout en reconnaissant l’importance de présenter des situations exploitant divers sens et utilisations de la fraction, il nous semble important de ne pas oblitérer les expériences des élèves du secondaire avec le sens partie – tout, quelles que soient ces expériences, si on souhaite agir sur les connaissances des élèves. En effet, au cours de l’enseignement primaire, ces élèves ont surtout rencontré des situations dans lesquelles il s’agissait d’exprimer par une fraction les relations entre une partie considérée d’un tout et ce tout. Par ailleurs, il faut trouver des situations qui, tout en présentant certaines caractéristiques des situations déjà vues, offrent des défis aux élèves, de tels défis permettant de ne pas arrêter le “temps d’apprentissage” (Mercier, 1992, 1996, 1998).
Intérêt didactique des nombres rationnels, notamment de ta fraction
La réalité mathématique représentée par la fi-action que nous connaissons aujourd’hui est le fruit dune longue construction, selon les ouvrages sur l’histoire des mathématiques (Brousseau, 1981). Chez les élèves, la construction de cet objet mathématique s’échelonne aussi sur plusieurs années (Kieren, 198$, 1992, 1994, 1995) et est accompagnée d’un cortège d’erreurs, témoins de la complexité de ce processus. L’intérêt de cet objet est toutefois indiscutable. Comme le souligne Kieren, les nombres rationnels (représentés par les fractions) constituent une partie très riche des mathématiques. Les connaître modifie en profondeur notre conception du nombre et s’avère un tremplin essentiel pour envisager l’ensemble des nombres réels. Leur utilisation permet aussi de mettre en relation le concept de nombre avec plusieurs concepts des mathématiques et leurs applications. Enfin, l’acquisition du concept de nombre rationnel est nécessaire pour l’interprétation juste d’un nombre appréciable de situations impliquant une quantification des relations entre parties et tout ou des comparaisons de rapports.
Dans son ouvrage sur les fractions, Rouche (1998) effectue des analyses fort intéressantes des contextes arithmétiques dans lesquels les fractions interviennent. Nous y reviendrons ultérieurement. Mais, il nous semble également pertinent de résumer ce qu’écrit aussi ce chercheur à propos de l’importance des fractions dans le curriculum de l’enseignement des mathématiques du secondaire. Rouche identifie ainsi trois niches importantes pour les fractions, soit le calcul algébrique, le calcul des probabilités et enfin, le calcul des exposants.
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Introduction
Chapitre 1 — Problématique
1.1. Les difficultés associées à la comparaison et au positionnement
de nombres rationnels sur une droit
1.2. Les difficultés sur les fractions mises en évidence chez des élèves
de la première année du secondaire, lors d’une épreuve régionale récente
1.3. Les difficultés d’enseignement et d’apprentissage des fractions
1.4. Les questions à l’origine de notre recherche
Chapitre 2- Cadre théorique
2.1. Nombres rationnels : définition, évolution historique
et intérêt didactique
2.1.1. Définition des nombres rationnels
2.1.2. Quelques jalons sur l’épistémologie des nombres rationnels
et de leur construction au fil de l’histoire
2.1.3. Intérêt didactique des nombres rationnels, notamment
de la fraction
2.2. Le champ conceptuel de la notion de fraction
2.2.1. Les divers sens de la fraction
2.2.2. La portée d’un enseignement attentif aux divers sens de
la fraction et réalisé auprès d’élèves du secondaire
2.3. Activités sur les fractions dans les manuels en usage dans les
écoles de notre commission scolaire
2.3.1. Activités pour 1’ enseignement primaire
2.3.2. Activités pour l’enseignement secondaire
2.3.3. Conclusion
2.4. Orientations privilégiées dans notre recherche
2.5. Objectifs de la recherche
Chapitre 3- Méthodologie
3. 1. Présentation des élèves
3.1.1. Les mathématiques enseignées
3.1.2. Les élèves du groupe
3.2. Description des instruments de recherche
3.2.1. Examen des connaissances des élèves à l’entrée dans les
situations d’enseignement des fractions
3.2.2. Description des situations d’enseignement
3.2.3. Examen des connaissances des élèves à la sortie des situations
d’enseignement des fractions
3.3. Déroulement de l’étude et analyse des données
Chapitre 4- Analyse des résultats
4.1. Connaissances et habiletés des élèves à l’entrée et à la sortie
de la séquence didactique
4.1.1. Les connaissances et habiletés à l’entrée de la
séquence didactique
4.1.2.Les connaissances et habiletés à la sortie de la
séquence didactique
4.2. Analyse des conduites et des interactions didactiques, au cours
situations d’enseignement
4.2.1. Conduites et interactions au cours de la situation
d’introduction
4.2.2. Conduites et interactions au cours des situations
d’investigation plus systématiques du sens partie-tout
4.2.3. Conclusion
Chapitre 5—Conclusions
5.1. Synthèse des principaux résultats
5.2. Limites de la recherche
5.3. Perspectives de recherche
Références bibliographiques
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