Les matériaux composites à matrice céramique (CMC)

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Couple de diffusion TiSi2/Ni

Si un mécanisme a déjà été présenté dans le premier chapitre, un certain nombre d’expériences a été mené afin de corroborer l’hypothèse faite sur l’action du nickel dans le processus de nitruration. Une interface Ni/TiSi2 a été élaborée afin de comprendre les étapes qui se succèdent au cours de la nitruration de TiSi2 en présence de l’additif Ni. Cette interface a été réalisée par frittage SPS à l’Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux (ICMCB), par les frittages successifs d’une couche de poudre commerciale de TiSi2 (Neyco) puis d’une couche de poudre de Ni. La couche de TiSi2 est frittée à 1250°C durant 10 minutes, sous une pression de 80 MPa, et représente 2 mm d’épaisseur environ. La couche de Ni est quant à elle frittée à 850°C durant 3 minutes, sous 80 MPa, et mesure 1 mm d’épaisseur. Deux séries d’expériences ont ensuite été menées : Une série de traitements thermiques de 1, 2, 3 et 4 h à 1080°C sous argon, et une série de traitements thermiques de 1, 2, 3 et 4 h à 1080°C sous azote. L’effet de la nitruration est ainsi évalué ainsi que celui de la température avec les traitements sous azote. A noter que bien que le traitement ait été fait sous atmosphère nitrurante, la configuration n’est pas tout à fait semblable à ce qui se produit lors de la nitruration de la poudre : Ici, le nickel est largement excédentaire, et le matériau est dense : Deux facteurs qui influencent largement le phénomène de nitruration. Ces couples de diffusion permettent toutefois d’avoir une vision élargie des phases qui peuvent être formées selon la composition choisie.
Après traitement, les échantillons ont été observés au microscope à balayage électronique en mode rétrodiffusé. Des quantifications EDS et WDS ont également été effectuées afin de déterminer les proportions des différentes espèces. Connaissant les pourcentages de chaque élément, il est possible de déterminer les phases en présence en utilisant le diagramme ternaire du système Ti-Ni-Si : Les points de chaque composition élémentaire y sont reportés, ce qui permet ainsi de connaitre les phases en équilibre correspondant à cette composition en éléments. L’objectif est notamment de vérifier dans quelle mesure le liquide eutectique se forme pour améliorer la nitruration.
Avant tout traitement thermique, et après frittage, l’interface est illustrée par le cliché ci-contre (Figure 38).
Il est possible d’observer entre les couches de TiSi2 et de Ni l’apparition d’une couche : la composition élémentaire indique que celle-ci est composée de trois phases en équilibre qui sont G’’, E et V. Ces composés sont apparus du fait de la température de frittage élevée, atteignant 1250°C pour fritter d’une part TiSi2, et 850°C pour le frittage du Ni. Etant donné que les phases contiennent les trois éléments, elles sont apparues lors du dernier frittage, c’est-à-dire lors du frittage du Ni.
Après traitement thermique à 1080°C, de nouvelles strates sont visibles au niveau de l’interface Ni/TiSi2. Quelle que soit la durée du traitement thermique, pour la même atmosphère, les strates qui se forment à l’interface sont identiques, c’est-à-dire qu’elles ont les mêmes compositions, ce qui était prévisible, toutefois, leurs épaisseurs augmentent légérement lorque le traitement thermique est plus long. Les observations faites sur les échantillons traités thermiquement durant 3 h à 1080°C sous argon et sous azote sont présentées sur les Figure 39 (a) et (b) :
Figure 39: Interface Ni/TiSi2 après traitement thermique 3h à 1080°C (a) sous argon et (b) sous azote
Chaque numéro figurant sur les clichés correspond à une strate avec une composition particulière. La strate 1 correspond au Ni, tandis que la strate 7 dans la Figure 39 (a) et la strate 6 dans la Figure 39 (b) correspondent au TiSi2. Certaines d’entre elles, comme les strates 4, 5 et 6, sont de faibles épaisseurs. Ces trois strates ne représentent qu’une quinzaine de microns. Un grossissement plus important permet toutefois de les distinguer, comme le montre les clichés de la Figure 40.
Figure 40: Interfaces Ni/TiSi2 après traitement thermique à 1080°C sous argon durant (a) 1h et (b) Ces compositions sont représentées sur le diagramme ternaire à 1100°C ci-après, ce qui permet de tracer un chemin de diffusion entre les compositions de ces strates. Les chemins ne sont pas exactement les mêmes selon que le traitement a été fait sous argon ou sous azote, bien qu’il existe tout de même des similitudes. Parmi les espèces formées, des phases attendues sont retrouvées telles que le composé ternaire Ni4Ti4Si7, le liquide NiSi ou encore du Si libre témoignant de la réaction du Ti avec l’azote à la faveur de fissures ou de porosités Kirkendall, avant celle du Si. A noter que la présence du composé Ni2Si peut être, comme il l’était supposé, induite par un excès de Ni, puisqu’il est identifié au niveau de la 2ème strate, c’est-à-dire la couche en contact direct avec la couche initiale de Ni.
Il est aussi important de noter que lorsque le traitement est fait sous azote, le TiN est detecté au niveau de la fissure visible entre la strate 1 et la strate 2. Le composé Si3N4 n’est pas détecté, sa formation n’étant pas favorable du fait de la présence du Ni métallique. L’échantillon est dense, ce qui limite beaucoup l’accès des gaz jusqu’à l’interface, expliquant que les nitrures soient peu visibles, d’autant plus que TiN étant passivant, il empêche lui aussi la formation du second nitrure Si3N4.
Figure 41: Chemin de diffusion dans l’interface TiSi2/Ni traitée (a) sous argon et (b) sous azote à 1100°C
Lorsque la composition avoisine 10%mol en Ni dans la poudre utilisée, les phases formées dans un premier temps sont celles décrites dans les strates 5, 6 et 7 : Ce résultat est la simple lecture de la composition correspondante sur ce diagramme ternaire. Cela signifie que lors du traitement thermique sous azote, les composés TiN, Ni4Ti4Si7 et du Si libre sont formés à l’interface Ni/TiSi2 du système, dans les conditions où le Ni n’étant pas en excès, il est entièrement consommé. Puis, du fait de la consommation du Ti, c’est la composition donnée par la strate 4 qui apparait, avec le liquide NiSi, conduisant à la formation de Si3N4 par le biais de la dissolution du Si dans le liquide. Si les couples de diffusion permettent d’observer les chemins de diffusion entre TiSi2 et Ni, il est important d’observer également la nitruration au niveau de la charge réactive contenant 10%mol en Ni. C’est pourquoi un cliché d’un grain complètement nitruré est présenté dans la Figure 42. La formation du Si3N4 a bien lieu depuis le liquide qui quant à lui se transforme en Ni4Ti4Si7 solide à la fin de la réaction: la phase Si3N4 est visible à la périphérie du Ni4Ti4Si7 (Figure 42). Les grains de TiN, de petites tailles, se trouvent un peu plus éloignés du coeur du grain, répartis un peu partout au sein de la matrice formée.
Figure 42: Cliché MEB d’un grain de charge complètement nitruré
A coeur du grain, c’est le composé ternaire, entouré des grains de nitrures, qui subsiste. Ce composé, initialement à la surface du grain, se retrouve au coeur à mesure que les grains de nitrures se forment par diffusion du Ti et du Si à la surface.
Cette étude permet ainsi de confirmer le mécanisme proposé dans le chapitre 1 de ce manuscrit.

Cinétique de conversion

La cinétique de nitruration de TiSi2 pur a été présentée dans la première partie de cette thèse. Il s’agit maintenant d’étudier l’effet du Ni sur la cinétique de nitruration de la charge TiSi2.

Influence de la granulométrie et de la composition de la poudre à 1100°C

Dans un premier temps, la cinétique a été étudiée à une température de réaction fixée à 1100°C. Deux paramètres ont ensuite été modifiés pour déterminer leurs influences : d’une part la granulométrie de la poudre, et d’autre part la composition en nickel. Deux granulométries ont été étudiées : 0,7 μm et 3 μm. La granulométrie à 0,7 μm correspond aux conditions dans lesquelles les travaux sont menés dans cette thèse, tandis que la granulométrie à 3 μm correspond à la granulométrie employée dans les travaux précédents, notamment par Brice Ripoche ou encore dans les publications produites par le LCTS sur le sujet. Ensuite, trois compositions en Ni ont été évaluées : 10%mol, 12,5%mol et 15%mol. Pour rappel, la présence du liquide eutectique au cours de la réaction, du fait de l’ajout de Ni, favorise la diffusion des espèces et donc augmente la cinétique de la réaction. La figure suivante (Figure 43) représente l’évolution des taux de conversion en fonction du temps de poudres de TiSi2 pures ainsi que de mélanges (1-x)TiSi2 + xNi où x= 0,100 ; 0,125 et 0,150. Il est possible de distinguer trois allures de courbes.
Pour la granulométrie fine de 0,7 μm, les poudres contenant 10%mol et 12,5%mol en nickel présentent une conversion très rapide et pratiquement complète (~95%). Le taux de conversion, malgré une conversion complète, n’atteint pas les 100% : cet écart correspond aux impuretés dans la poudre qui ne réagissent pas, et qui diminue donc légèrement le gain massique par rapport à la valeur associée à une réaction totale. La pente de la courbe au début de la réaction est très importante, et un palier est atteint après à peine 4 h de traitement. Lorsque la poudre est plus grossière, à 3 μm, la réaction se fait plus lentement, et la pente est donc moindre, et ce quel que soit le pourcentage en nickel. Par ailleurs, pour cette granulométrie à 3 μm, plus la charge contient du nickel, et plus elle réagit vite, bien que la différence soit assez faible entre la composition à 12,5%mol et celle à 15%mol. Enfin, lorsque la charge ne contient pas de nickel, le taux de conversion atteint rapidement un palier correspondant à un taux de conversion de 35% à 40%. Cette allure est aussi celle de la courbe de la poudre de 0,7 μm contenant 15%mol en nickel : un excès en nickel détériore la cinétique de la réaction, au point que la réaction se produit même moins bien que sans ajout. La réaction, rapide au début de l’expérience du fait de la présence du NiSi, ralentit rapidement car le TiN, en se formant très vite, vient passiver l’échantillon et ainsi bloquer la poursuite de la nitruration. C’est ce qui explique le ralentissement de la réaction et le faible taux de conversion obtenu sur le palier.

Lissage des courbes par utilisation d’un logiciel de programmation (Python)

Lorsque les courbes expérimentales ne sont plus aisément corrélées à des modèles cinétiques théoriques, comme dans le cas de synthèse rapide type SHS, une autre méthode consiste à utiliser une expression mathématique comportant un certain nombre d’inconnues et à lisser les tracés à l’aide d’un programme (Rode & Hlavacek, 1995). Une fois le lissage effectué, le programme fournit également les paramètres jusqu’alors inconnus de l’équation mathématique. Cette forme générique, présentée par Rozenband et Vaganova et reprise dans la publication de Rode et Hlavacek

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Table des matières

Chapitre 1 : Etat de l’art et presentation du sujet
I. Les matériaux composites à matrice céramique (CMC)
1. Définition
2. Description des constituants d’un CMC
2.1. La matrice
2.2. Les fibres
2.3. L’interphase
3. Procédés usuels d’élaboration
II. Propriétés des matrices type nitrures (TiN, Si3N4) et carbure de silicium
1. Résistance à l’oxydation
2. Propriétés thermomécaniques
III. Procédés d’élaboration de matrices nitrures TiN et Si3N4
1. Voie gazeuse
2. Voie liquide
3. Voie solide
Conclusion partielle
IV. Procédé d’élaboration hybride : Principe de Peter Greil
V. Présentation du sujet
1. Nitruration de TiSi2 pur
2. Cinétique de la réaction
3. Activation de la nitruration par ajout d’un additif métallique
4. Résine précéramique
4.1. Choix de la résine
4.2. Résine polyvinylsilazane : Durazane 1800
5. Objectifs et démarche
Chapitre 2 : Moyens, techniques et méthodes
I. Préparation de la poudre
1. Broyage et granulométrie
2. Mise en suspension
2.1. Stabilité d’une suspension
2.2. Tests de sédimentation
II. Compaction
III. Four de nitruration
IV. Mesures de porosité
1. Pycnométrie à hélium
2. Porosimètre à mercure
3. Ascension capillaire : Washburn
V. Analyses chimiques et structurales
1. Diffraction des rayons X
2. Microscope électronique à balayage (MEB)
VI. Analyse thermique
1. Analyse thermogravimétrique
2. Dilatomètre
3. Four de traitement gazeux : vieillissement sous argon et oxydation sous air
Chapitre 3 : Nitruration de la charge réactive
I. Etude du mécanisme
1. Couple de diffusion TiSi2/Ni
2. Cinétique de conversion
2.1. Influence de la granulométrie et de la composition de la poudre à 1100°C
2.2. Lissage des courbes par utilisation d’un logiciel de programmation (Python)
II. Etude paramétrique et optimisation du procédé
1. Composition de la poudre
2. Influence des impuretés
3. Répartition du nickel dans la charge
4. Exothermicité de la réaction
5. Conditions opératoires du traitement thermique
III. Evolution de la porosité et densification
Conclusion partielle
Chapitre 4 : système charge-résine
I. Mise en oeuvre d’une résine précéramique précurseur de Si3N4 (Durazane 1800)
1. Caractéristiques de la résine Durazane 1800
2. Pyrolyse modèle de la résine : pyrolyse au sein d’un cru de charge non réactive à l’azote (TiN)
3. Combinaison de la résine avec la charge réactive TiSi2+Ni
3.1. Pyrolyse de la résine et nitruration de la charge
3.2. Accès du gaz jusqu’au coeur de l’échantillon durant la nitruration
3.3. Interactions du nickel avec la résine
II. Formation du TiN
1. Atmosphère de pyrolyse
III. Perspectives
1. Utilisation d’une autre résine précéramique
2. Nitruration sous ammoniac
3. Poudre core-shell TiSi2/Ni
Conclusion partielle
Chapitre 5 : Elaboration d’un composite et Propriétés physico-chimiques
I. Elaboration d’un composite
II. Comportement thermochimique de la matrice
1. Dilatation thermique
2. Vieillissement de la matrice
2.1. Vieillissement sous argon à 1200°C
2.2. Conclusion partielle sur les essais sous argon à 1200°C
2.3. Vieillissement sous argon à 1450°C
2.4. Discussion des résultats
2.5. Conclusion partielle sur les essais de vieillissement de la matrice
3. Oxydation de la matrice
3.1. Oxydation sous air reconstitué à 1200°C
3.2. Oxydation sous air reconstitué à 1450°C
3.3. Bilan sur l’oxydation de la matrice
Conclusion partielle
Conclusion
Annexes
Annexe 1 : Etude de la résine SMP10 précurseur de SiC
1.1. Caractéristiques de la résine
1.2. Association de la charge avec la résine SMP10
Annexe 2 : Melt Infiltration de TiSi2 dans la matrice nitrurée
Annexe 3 : Deuxième nitruration à 1400°C d’un échantillon pyrolysé puis nitruré à 1060°C

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