Les matériaux cimentaires : une problématique pour l’industrie nucléaire
Le parc nucléaire mondial et français
Le parc nucléaire mondial est constitué de 437 réacteurs en fonctionnement répartis dans 30 pays . Aujourd’hui, les perspectives d’évolution de l’industrie nucléaire restent croissantes, notamment portées par les pays en voie de développement.
Fort de ses 58 réacteurs de différents niveaux de puissance (de 900 à 1450 MW), le parc nucléaire français est le plus important à l’échelle mondiale derrière celui des États-Unis (99 réacteurs). Ce parc, d’une capacité totale de 63 GW, couvre environ 80% de la production totale d’électricité en France [https://www.chatpfe.com/].
Le cycle de vie d’une installation nucléaire
Le cycle de vie d’une installation nucléaire comporte deux grandes périodes : la phase d’exploitation et la phase de démantèlement . En France, les centrales nucléaires sont conçues pour être exploitées pendant au moins 40 ans. Durant toute cette période, différentes opérations de maintenance sont réalisées afin de s’assurer du bon fonctionnement des réacteurs. Une fois la période d’exploitation terminée, il s’ensuit un processus de démantèlement. Le terme démantèlement couvre l’ensemble des activités réalisées après la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire. Celles-ci comprennent le démontage des équipements, l’assainissement des locaux, la destruction éventuelle des bâtiments, l’assainissement des sols, le conditionnement, l’élimination des déchets… De nombreuses centrales nucléaires françaises devant atteindre la fin de leur période d’exploitation au cours de la vingtaine d’années à venir, le sujet de leur démantèlement retient de plus en plus l’attention des pouvoirs publics, des autorités réglementaires et des exploitants privés. Les travaux de démantèlement des centrales nucléaires ont ainsi provoqué une intensification générale des activités industrielles, réglementaires et stratégiques dans ce domaine au cours des dernières années.
Les déchets radioactifs issus de l’industrie nucléaire
Les chantiers de démantèlement d’installations nucléaires, mais également les opérations de maintenance au sein d’installation en activité, engendrent un volume important de déchets radioactifs. Selon l’Union européenne [3], on considère comme déchet radioactif « toute matière contenant des radionucléides ou contaminée par des radionucléides et pour laquelle aucune utilisation n’est prévue ». La radioactivité d’un déchet radioactif est caractérisée par deux paramètres :
➤ L’intensité de l’activité nucléaire, mesurée en Becquerel (unité correspondant à une désintégration du noyau atomique par seconde).
➤ La période radioactive qui représente le temps nécessaire pour que la radioactivité de l’élément ait été réduite de moitié.
La caractérisation des déchets radioactifs permet de distinguer les catégories suivantes : les déchets de haute activité (HA), les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL), les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL), les déchets de faible activité et moyenne activité à vie courte (FMA-VC), les déchets de très faible activité (TFA) et les déchets à vie très courte.
Le cas spécifique et complexe des matériaux cimentaires
Parmi les différents déchets radioactifs engendrés au cours d’opérations de démantèlement des installations nucléaires, le traitement des matériaux cimentaires présente un défi majeur. En effet, les déchets cimentaires sont produits en volume important et leur décontamination est très complexe du fait de l’incorporation des radionucléides dans leurs structures poreuses et de l’importante réactivité chimique du ciment avec les contaminants pouvant engendrer leur rétention sur des sites spécifiques. Une étude publiée par le « National Research Council » aux Etats-Unis [4] présente les principaux radionucléides qui contaminent les matériaux cimentaires. Les radionucléides les plus fréquents dans les matériaux cimentaires sont ainsi le césium, l’uranium, le cobalt et le strontium.
Deux principaux mécanismes sont responsables de la contamination des matériaux cimentaires : l’activation neutronique et le transfert des contaminants.
➤ L’activation neutronique
L’activation neutronique est le processus par lequel un flux neutronique induit de la radioactivité dans les matériaux qu’il traverse. Les matériaux constitutifs des installations nucléaires, tels que les bétons, subissant des irradiations neutroniques prolongées, vont par conséquent générer des produits d’activation par capture neutronique, c’est-à-dire par capture d’un neutron par un noyau sans qu’il y ait désintégration de ce dernier. Le nucléide alors formé, plus lourd, est radioactif et sa période radioactive peut prendre des valeurs très variées, depuis quelques fractions de secondes jusqu’à de nombreuses années.
➤ Transferts des radionucléides
Contrairement à l’activation neutronique, le transfert des radionucléides peut se faire à partir de la surface libre du matériau suite à la mise en contact avec un effluent liquide contaminé. En effet, les contaminants présents dans l’effluent en contact direct avec le matériau cimentaire vont être transportés depuis l’interface (surface libre) vers l’intérieur du matériau. Ce transport est généralement assuré par la diffusion des radionucléides (dû aux gradients de concentration en radionucléides entre l’intérieur et l’extérieur du matériau) ainsi que par advection (les radionucléides sont transportés à l’intérieur du matériau par des écoulements capillaires).
Ainsi, l’incorporation de radionucléides en profondeur, sur quelques millimètres voire centimètres , dans les structures poreuses complique considérablement les opérations d’assainissement.
Les procédés de décontamination des matériaux cimentaires
Différents procédés de décontamination de matériaux cimentaires ont été proposés pour faire face à cette problématique complexe.
Les procédés mécaniques
Les procédés mécaniques sont basés sur des techniques de découpe, grenaillage ou arasage. Ils consistent à découper ou éroder plusieurs couches du matériau cimentaire (à partir de sa surface libre) jusqu’à atteindre une profondeur à partir de laquelle la structure poreuse du matériau n’est plus contaminée. Un traitement thermique est parfois utilisé pour améliorer l’efficacité des procédés mécaniques. En effet, l’utilisation de chalumeaux ou lasers permet de fragiliser le béton en surface facilitant ainsi sa découpe. Bien que ces procédés soient peu coûteux et relativement simples à mettre en œuvre, ils s’avèrent très fastidieux et pénibles pour les travailleurs, dégradent la structure du matériau et engendre un volume de déchets important.
Les procédés chimiques
Les procédés chimiques utilisent des solutions acides, basiques et/ou oxydantes qui sont pulvérisées sur les matériaux contaminées afin de corroder la surface sur quelques microns et d’en extraire la contamination. Ce type de procédé génère par conséquent un volume d’effluents contaminés très important et qu’il va falloir traiter dans un second temps. Afin d’améliorer leur efficacité et de diminuer le volume de déchets secondaires, ces solutions peuvent être intégrées au sein de gels [6][7] ou de mousses de décontamination [8]. Il existe notamment des gels spécifiques, dits «aspirables », pour la décontamination surfacique des bétons. Ces gels, sont pulvérisés sur la surface contaminée et adhérent aux parois sans couler. On permet ainsi un contact prolongé entre le contaminant et l’actif de décontamination. Finalement, le gel sèche, se fracture, et produit des résidus secs nonpulvérulents contenant la contamination et facilement récupérables. Cependant, ce traitement ne permet qu’une décontamination surfacique. En effet, des telles techniques reposent sur la corrosion du matériau sur quelques microns. Ainsi, les contaminants incrustés en profondeur dans les pores du matériau cimentaire ne peuvent pas être récupérés par ce type de procédé.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ÉTAT DE L’ART
I.1 Les matériaux cimentaires : une problématique pour l’industrie nucléaire
I.1.a Le parc nucléaire mondial et français
I.1.b Le cycle de vie d’une installation nucléaire
I.1.c Les déchets radioactifs issus de l’industrie nucléaire
I.1.d Le cas spécifique et complexe des matériaux cimentaires
I.1.e Les procédés de décontamination des matériaux cimentaires
I.2 Dessalement des monuments historiques à l’aide de « compresses »
I.2.a Principe du dessalement d’un matériau poreux à l’aide d’une compresse
I.2.b Différentes formulations de compresses
I.2.c Efficacité de dessalement à l’aide de compresses : retours d’expérience
I.2.d Pour résumer
I.3 Transferts hydriques dans les milieux poreux
I.3.a Milieux poreux : Notions de base
I.3.b Phénomènes interfaciaux en milieux poreux
I.3.c Transfert de liquide en milieu poreux : Loi de Darcy
I.4 Imbibition spontanée des milieux poreux
I.4.a Dynamique de l’ascension capillaire dans un tube cylindrique
I.4.b Dynamique de l’imbibition spontanée d’un milieu poreux
I.4.c Mise en contexte
I.5 Séchage des milieux poreux
I.5.a Notions de base
I.5.b Dynamique de séchage d’un milieu poreux indéformable
I.5.c Dynamique de séchage d’un milieu poreux déformable
I.5.d Phénomènes de transport induits par le séchage
I.5.e Mise en contexte
I.6 Objectifs de la thèse
I.7 Références bibliographiques
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
II.1 Matériaux et préparation
II.1.a Compresses modèles
II.1.b Substrat modèle
II.1.c Composition de la solution contaminante
II.2 Méthodes expérimentales
II.2.a Granulométrie à diffraction laser
II.2.b Porosimétrie par intrusion de mercure
II.2.c Microscopie électronique à balayage
II.2.d Rhéométrie
II.2.e Spectrométrie d’absorption atomique (SAA)
II.2.f Spectrométrie à plasma à couplage inductif (ICP)
II.3 La Résonance Magnétique Nucléaire (RMN)
II.3.a Principe de la Résonance Magnétique Nucléaire
II.3.b Description des séquences RMN de base
II.3.c Principe de l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM)
II.3.d Description des séquences d’IRM
II.3.e Caractéristiques du spectromètre utilisé
II.4 Références bibliographiques
CHAPITRE III : IMBIBITION D’UN SUBSTRAT MODELE A PARTIR D’UNE COMPRESSE
III.1 Protocole expérimental
III.2 Résultats et discussions
III.2.a Etat d’équilibre
III.2.b Dynamique de l’imbibition
III.3 Synthèse du chapitre
III.4 Références bibliographiques
CHAPITRE IV : SECHAGE DES SYSTEMES COMPRESSE/SUBSTRAT
IV.1 Protocole expérimental
IV.2 Séchage des compresses
IV.2.a Compresse à base de kaolin
IV.2.b Compresse à base de cellulose
IV.2.c Discussion
IV.3 Séchage des systèmes compresse/substrat
IV.3.a Compresse KE 1-1 / EBV 65 µm
IV.3.b Compresse CE 1-12 / EBV 65 µm
IV.3.c Discussion
IV.4 Synthèse du chapitre
IV.5 Références bibliographiques
CONCLUSION GENERALE
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