Les matériaux à effet magnétocalorique

Les matériaux à effet magnétocalorique 

Introduction : bref historique

L’effet magnétocalorique correspond à un changement de la température du matériau magnétique lorsqu’il est soumis à un champ magnétique. Il a été révélé il y a un siècle, en 1917, par P. Weiss et A. Piccard [16] dans le nickel lors de son aimantation autour de sa température de transition de phase (627 K). Quelques années plus tard, l’utilisation de ces matériaux dans des systèmes de réfrigération a été suggérée par P. Debye et W. F. Giauque [17, 18], avant d’être réalisée en 1933 par W. F. Giauque [19]. Ce système novateur, à l’époque, a été récompensé par le prix Nobel en 1949 car il a permis d’atteindre, pour la première fois des températures sub-kelvin. Il faudra ensuite attendre 43 années avant la réalisation d’une pompe à chaleur utilisant l’effet magnétocalorique et fonctionnant à température ambiante [20]. Cette pompe à chaleur est composée de 157 g d’un matériau magnétocalorique, le gadolinium, qui permet d’obtenir un changement de température de 47 K. L’intérêt porté à ces matériaux a augmenté fortement depuis la découverte en 1997 par Pecharsky et Gschneidner [21] de l’effet magnétocalorique géant du Gd5Si2Ge2, à température ambiante. En effet, ce type de matériau a une capacité à réfrigérer potentiellement plus importante que les matériaux à effet magnétocalorique et donc présente un intérêt particulier du point de vue du développement d’applications pour la vie courante.

L’effet magnétocalorique

L’effet magnétocalorique, présent dans tous les matériaux ayant des propriétés magnétiques, se décrit simplement à l’aide d’une transformation adiabatique. Lors de cette transformation, le matériau n’échange pas de chaleur avec l’extérieur et l’entropie du système S reste constante. Cette entropie peut s’exprimer comme la somme de deux termes, l’un relié à l’ordre des moments magnétiques locaux (Sm) et l’autre à l’ordre du réseau cristallin (Sr).

S = Sm(H, T, P) + Sr(T, P) (1.1)

À l’état initial, le composé non aimanté est à une température T0, comme représenté schématiquement sur la figure 1.1. Lorsqu’un champ magnétique lui est appliqué, les moments magnétiques locaux s’alignent, engendrant une diminution de l’entropie magnétique du système, Sm. Cette diminution est contrebalancée par l’augmentation de l’entropie du réseau, Sr, puisque S est constante lors de la transformation adiabatique. L’augmentation de Sr correspond à une élévation de la température du matériau. En conséquence, l’aimantation adiabatique d’un matériau magnétocalorique engendre une variation de température, appelée ∆Tad, indiquée sur la courbe de la figure 1.1. Cette transformation est réversible, donc, lors de la désaimantation, la température du matériau retourne à T0. Si une transformation isotherme est considérée, l’aimantation du matériau se fait à une température constante et S peut varier (flèche noire sur la figure 1.1). Lorsque le champ magnétique est appliqué, l’alignement des moments magnétiques cause une diminution de l’entropie. Cette variation d’entropie isotherme est alors nommée ∆S ou ∆Sm car, dans ce cas particulier, ∆S = ∆Sm. Nous verrons la raison en détail dans la sous-section 1.1.4.

L’effet magnétocalorique direct qui vient d’être décrit est illustré dans la figure 1.1. Cependant, dans certains matériaux cet effet est inversé. L’aimantation du matériau engendre alors une diminution de la température lors d’une transformation adiabatique ou une augmentation de l’entropie lors d’une transformation isotherme. Les deux grandeurs ∆Tad et ∆S permettent de caractériser et de comparer les matériaux à effet magnétocalorique. Ces deux grandeurs sont maximales à proximité de la température de transition de phase (Tc) car c’est à cette température que les deux courbes isochamp, représentées sur la figure 1.1, sont les plus éloignées l’une de l’autre.

Réfrigération magnétique 

L’une des applications, couramment mise en avant dans la littérature des matériaux à effet magnétocalorique, est la réfrigération magnétique [4, 6, 7, 8, 22, 23]. Si l’on s’intéresse au développement de nouveaux systèmes de réfrigération, les matériaux qui présentent une transition de phase proche de la température ambiante sont les plus prometteurs. Les dispositifs de réfrigération magnétique sont basés sur un cycle comparable à ceux des systèmes actuels utilisant la compression et l’expansion de gaz (voir figure 1.2). Le cycle de Brayton, illustré sur la figure 1.2, a été choisi comme exemple car il est le plus intuitif. La première étape du cycle consiste à aimanter adiabatiquement le matériau dont la température augmente de T0 à T1. Tout en gardant le champ magnétique constant (transformation isochamp), le matériau est mis en contact avec un réservoir thermique qui abaisse sa température à la valeur T2. Ensuite, une désaimantation adiabatique diminue la température du matériau à T3. Enfin, il revient à sa température initiale T0 lorsqu’il est mis en contact avec un réservoir froid. Dans cet exemple, nous remarquons que la maximisation de la valeur de ∆Tad permettrait d’atteindre une température minimale plus basse. D’autres cycles existent. Par exemple, le cycle d’Ericsson est différent de celui de Brayton, car, au lieu de posséder deux transformations adiabatiques il possède deux transformations isothermes (voir figure 1.2). Ce type de cycle fait intervenir principalement ∆S alors que c’est ∆Tad qui est favorisé dans le cycle Brayton. Depuis la découverte des matériaux à effet magnétocalorique, la communauté scientifique cherche à augmenter l’aire des cycles de réfrigération en maximisant les valeurs de ∆Tad et ∆S afin d’optimiser leur capacité à réfrigérer.

Aspects thermodynamiques et estimation de variation d’entropie isotherme

∆S et ∆Tad, les deux grandeurs caractéristiques des matériaux magnétocaloriques sont mesurables de façon directe et indirecte. La méthode directe consiste à faire des mesures de calorimétrie ou plus particulièrement, dans le cas de couches minces, de nano-calorimètrie. Étant donné que le laboratoire n’est pas équipé de ce type de système, nous avons privilégié la mesure indirecte de ∆S. Cette méthode implique des mesures magnétiques et des considérations thermodynamiques. Commençons par l’énergie de Gibbs du système qui peut être exprimée comme suit:

G(P, H, T) = U + PV − TS − µ0HM (1.3)

avec U l’énergie interne du système, P la pression, V le volume, T la température, S l’entropie totale, µ0 le perméabilité magnétique du vide, H le champ magnétique et M le moment magnétique. L’énergie de Gibbs, telle qu’elle est écrite ci-dessus, dépend de trois variables intensives, la pression, la température et le champ magnétique. Les cycles de réfrigération, détaillés dans la section précédente (1.1.3), sont basés sur la variation de ces trois variables. La différentielle de l’énergie de Gibbs s’exprime alors :

dG = dU − T dS − S dT − µ0HdM − µ0MdH

Les transitions de phase

La découverte de l’effet magnétocalorique géant [21] dans un matériau présentant une transition de phase de premier ordre a permis d’établir le lien entre l’ordre de la transition de phase et des valeurs élevées de ∆Tad et ∆S. Dans cette sous-section, la thermodynamique associée aux transitions de phase des matériaux magnétocaloriques va brièvement être expliquée. La théorie de Landau est l’une des approches théoriques qui permet de modéliser les transitions de phase [25]. Elle est basée sur le développement de l’énergie libre de Gibbs, G, (1.3) en série de Taylor du paramètre d’ordre au voisinage de Tc. Dans le cas particulier des matériaux magnétocaloriques, le paramètre d’ordre est le moment magnétique, M. G s’exprime alors de la façon suivante [25, 26] :

G(P, H, T) = G0 + a(T − T0)M2 + bM4 + cM6 − µ0HM + … (1.11)

avec a, b et c les coefficients du développement, appelés les coefficients de Landau. Ici, nous considèrerons uniquement le développement jusqu’à l’ordre 6. Les coefficients de Landau a et c sont positifs et dépendent de la pression et de la température. Le coefficient b possède la même dépendance mais son signe change avec l’ordre de la transition de phase. Il est positif pour une transition de deuxième ordre et négatif pour une transition de premier ordre.

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Table des matières

Introduction
1 Contexte
1.1 Les matériaux à effet magnétocalorique
1.1.1 Introduction : bref historique
1.1.2 L’effet magnétocalorique
1.1.3 Réfrigération magnétique
1.1.4 Aspects thermodynamiques et estimation de variation d’entropie isotherme
1.1.5 Les transitions de phase
1.1.5.1 Transition de phase de deuxième ordre
1.1.5.2 Transition de phase de premier ordre
1.1.5.3 Définir expérimentalement l’ordre d’une transition de phase (Courbes d’Arrott)
1.1.6 Influence de l’ordre de la transition de phase sur la variation d’entropie isotherme
1.1.7 Méthodes appliquées pour palier les limites des matériaux à effet magnétocalorique géant
1.2 Modifications des propriétés des matériaux avec des ions lourds de basse vitesse
1.2.1 Effet du dépôt de l’énergie potentielle
1.2.2 Modifications du matériau induites par le dépôt d’énergie cinétique
1.2.3 Transformation de phase
1.2.4 Estimation de l’élévation de la température
2 Méthodes expérimentales
2.1 Installation SIMPA
2.1.1 Production d’ions lourds multichargés de basse vitesse
2.1.2 Irradiation des échantillons
2.1.2.1 Présentation
2.1.2.2 Calcul de la fluence
2.1.2.3 Estimation des grandeurs caractéristiques de l’irradiation : profondeur de pénétration des ions, pouvoir d’arrêt, densité des ions implantés et des collisions élastiques
2.2 Caractérisation des propriétés des matériaux
2.2.1 Propriétés structurales
2.2.1.1 Paramètre de maille et paramètre d’ordre
2.2.1.2 Estimation de l’épaisseur
2.2.2 Propriétés magnétiques
2.2.2.1 Propriétés magnétiques locales
2.2.2.2 Mesures du moment magnétique, de l’aimantation
3 Modification des propriétés de l’arséniure de manganèse
3.1 Quelques données sur le composé massif
3.2 Les couches minces
3.2.1 Élaboration
3.2.2 Différences avec le composé massif
3.2.2.1 Propriétés structurales
3.2.2.2 Topographie de la surface
3.2.2.3 Propriétés magnétiques locales
3.2.2.4 Propriétés magnétiques moyennes
3.3 Études antérieures sur les couches minces irradiées
3.4 Conditions d’irradiation
3.5 Présentation des résultats
3.5.1 Étude en fonction de la masse des ions incidents
3.5.1.1 Aimantation en fonction de la température
3.5.1.2 Variation d’entropie magnétique
3.5.1.3 Aimantation en fonction du champ magnétique appliqué
3.5.1.4 Ordre de la transition de phase
3.5.1.5 Propriétés structurales
3.5.2 Étude en fonction de la fluence reçue par les couches minces
3.5.2.1 Aimantation en fonction de la température
3.5.2.2 Variation d’entropie magnétique
3.5.2.3 Aimantation en fonction du champ magnétique appliqué
3.5.2.4 Ordre de la transition de phase
3.5.2.5 Propriétés structurales
3.5.3 Corrélation entre la masse des ions et la fluence dans la suppression de l’hystérésis
3.5.3.1 Densité d’ions implantés
3.5.3.2 Densité de collisions
3.5.4 Impact de la densité de collisions sur la structure
3.5.5 Propriétés structurales en fonction de la température
3.5.6 Propriétés magnétiques locales
3.5.7 Irradiation de surface par rapport à une irradiation de volume
3.5.8 Recuit d’un échantillon après irradiation
3.6 Récapitulatif des résultats
4 Modification des propriétés du fer-rhodium
4.1 Quelques données sur le composé massif
4.2 Les couches minces
4.2.1 Élaboration
4.2.2 Les propriétés magnétiques
4.3 Conditions d’irradiation
4.4 Présentation des résultats
4.4.1 Quand l’ion s’arrête dans la couche mince
4.4.1.1 Aimantation en fonction de la température
4.4.1.2 Variation d’entropie magnétique
4.4.1.3 Aimantation en fonction du champ magnétique appliqué
4.4.1.4 Évolution de la structure en fonction de la fluence
4.4.1.5 Évolution des propriétés magnétiques locales
4.4.2 Quand l’ion s’arrête dans le substrat
4.4.2.1 Aimantation en fonction de la température
4.4.2.2 Aimantation en fonction du champ magnétique appliqué
4.4.2.3 Modification de la structure cristalline
4.5 Récapitulatif des résultats
Conclusion

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