Les marqueurs naturels – Le transfert en solution en tant que mécanisme de déformation
Les étapes du transfert en solution décrites dans l’introduction de cette partie sont mises en évidence sur les observations de deux grains en contact imbriqués l’un dans l’autre. Ces observations sont possibles grâce à l’utilisation de microscope à balayage. Les contacts observés peuvent être concavo-convexes ou suturés (Houseknecht, 1988 [32], Liu, 2003 [44]). . Les grains suturés témoignent d’un stade avancé du transfert en solution. Labaume et Moretti, 2001 [35] ont observé sur des échantillons de grès prélévés dans la zone sub-andine du Sud de la Bolivie, les mêmes contacts concavo-convexes résultants des trois processus suivants (Fig. I.2): la dissolution aux points de contact intergranulaire qui résulte en un raccourcissement des grains ; le transport des minéraux dissous et la précipitation de ceux-ci qui entraîne un accroissement secondaire des faces libres du grain.
Les contacts observés sont horizontaux. Cela suggère une déformation uniaxiale résultant de la pression lithostatique. D’autres, verticaux , résultent probablement d’une contrainte tectonique. Une discussion sur l’origine du transfert en solution, entre une origine lithostatique et une origine tectonique peut être retrouvée dans Houseknecht, 1988 [32].
Un autre marqueur du transfert en solution est le stylolite. Cette marque (fig. I.4) résulte de la dissolution d’une partie de la roche sous la pression des sédiments sous-jacents, et se traduit par l’interpénétration de deux domaines de la roche, initialement limités par une surface plane (Gratier, 1993b [19]). Ces stylolites peuvent ainsi servir de marqueurs de direction de contrainte principale.
A une plus grande échelle . Ce sont d’ailleurs les premiers marqueurs du transfert en solution qui ont été découverts. La profondeur d’enfouissement estimée de ces galets ainsi que celle des microstructures présentées plus haut est comprise entre 3 et 8km. Ces observations sont les preuves que le transfert en solution est un processus diagénétique. On constate que le transfert en solution s’active à des profondeurs d’enfouissement importantes. Par exemple, dans la zone sub-andine de la Bolivie, le transfert en solution est plus important dans les formations datant du Mésozoïque, entre 3 et 8km de profondeur d’enfouissement (Labaume et Moretti, 2001 [35]).
L’importance du transfert en solution en tant que mécanisme de déformation a été reconnue et étudiée ces dernières décennies par des observations naturelles (Gratier, 1993a [18], Houseknecht, 1987 [31], Wintsch, 2002 [72]). La contribution du transfert en solution dans la compaction (diagénétique) de la roche a été établie, entre autres, par le lien entre la réduction de porosité et le transfert en solution intergranulaire. Les différents processus de réduction de porosité de la roche (Houseknecht, 1988[32]) sont la compaction mécanique et la compaction chimique (dissolution intergranulaire et cimentation).
Cette réduction de porosité est liée à la diagenèse de la roche sédimentaire. La comparaison de l’importance des deux mécanismes de compaction (mécanique et chimique) a été faite dans le grès de la zone sub-andine du sud de la Bolivie (Labaume et Moretti, 2001 [35]) : la porosité est élevée dans un échantillon dont la profondeur d’enfouissement est faible (1000m) et la déformation y est principalement due à une compaction mécanique (fig. I.7A) ; à mesure que la profondeur d’enfouissement augmente, la réduction de porosité s’accentue, et les grains imbriqués les uns dans les autres (fig.I.7B) suggèrent que cette réduction est due au transfert en solution (compaction chimique). De même, selon Houseknecht, 1988 [32], sur trois des quatre grès qu’il a étudié, la compaction chimique est plus importante que la compaction mécanique dans le rôle de la réduction de porosité (profondeur d’enfouissement comprise entre 3 et 5,5km). Dans les deux cas, la quantité de dissolution intergranulaire augmente avec la profondeur d’enfouissement. Pour Marfil et al., 1996 [45], dans le Buntsandstein de Siguenza (Espagne), sur la perte de porosité totale, la compaction mécanique est responsable des 15% et le transfert en solution de 6% (profondeur d’enfouissement estimée à 2600m).
Des intéractions entre les différents mécanismes de déformation des roches existent. Ces mécanismes peuvent être regroupées en trois catégories : les déformations plastiques, les déformations cataclastiques, et les déformations par dissolution cristallisation (transfert en solution) (Gratier, 1993b [19]). Lorsque les déformations cataclastiques sont présentes (par exemple dans les zones de failles), une interaction entre ces déformations et les déformations par transfert en solution sont observées (Gratier et al., 1999 [20], Labaume et Morreti [35]).
On constate par ailleurs, que le transfert en solution est plus abondant dans les bandes de glissement, c’est-à-dire dans les zones ayant subi les déformations cataclastiques, qu’ailleurs. Les deux mécanismes (transfert en solution et fracturations) fonctionnent en parallèle, et l’existence de microfractures favorise le transfert en solution, en réduisant les chemins de diffusions (ce qui rejoint les observations de Gratier et al. [20]), ainsi que la taille des grains.
Applications géologiques de l’étude du transfert en solution
Un certain nombre d’auteurs se sont concentrés sur les capacités des roches sédimentaires à transporter ou à stocker des fluides, (Labaume et al., 2000 [36]), et sur les propriétés des failles en tant que drains ou barrières pour les écoulements d’hydrocarbures (Labaume et Moretti, 2001[35]). Ces propriétés découlent d’une redistribution des matériaux de la roche due au transfert en solution. Dans les failles, l’accroissement secondaire des quartz, résultant d’un transport par diffusion des minéraux dissous et d’une précipitation de ces minéraux, permet de réduire la porosité de la roche et impérméabilise la faille. Dans ce cas, la faille sert de barrière à l’écoulement des hydrocarbures. A une profondeur moins élevée, les failles restent ouvertes (pas d’imperméabilisation) et peuvent servir de drain préférentiel pour les écoulements latéraux de fluide.
Le rôle du transfert en solution dans le processus de génération et de migration du pétrole durant la diagénèse a été discuté par Leythaeuser et al.,1995 [43]. Leurs travaux ont montré que les stylolites sont très favorables à la génération de pétrole de par leur structure interne et leur composition (kérogène entouré de bords cimentés par du carbone). Une étude de porosité a été menée dans le but de déterminer la capacité de la roche dans la migration de pétrole.
Enfin, parmi les applications géologiques de l’étude du transfert en solution, des travaux ont été menés sur le lien entre le transfert en solution et les séismes. Par exemple, une réduction de porosité par transfert en solution a été observée après un séisme. (Renard et al, 2000 [53]).
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Table des matières
Introduction Générale
I Étude bibliographique – Etat des connaissances
1. Introduction
2. Les observations naturelles
2.1 Les marqueurs naturels – Le transfert en solution en tant que mécanisme de déformation
2.2 Applications géologiques de l’étude du transfert en solution
2.3 Les facteurs influençant le transfert en solution
2.4 Conclusion
3. Les travaux expérimentaux
3.1 Reproduction en laboratoire du transfert en solution
3.2 Essais de poinçonnement de monocristaux
3.3 Essais de compaction d’agrégat
3.4 L’influence des différents paramètres
3.5 L’association des déformations par transfert en solution et des déformations cataclastiques
3.6 La mise en évidence des structures des joints de grains
3.7 Conclusion
4. Les différents modèles du transfert en solution
4.1 Modèle microphysique
4.2 Thermodynamique d’une interface solide/fluide
4.3 La force thermodynamique
4.4 Le potentiel chimique du soluté
4.5 Loi de fluage phénoménologique
4.6 Conclusion
II Étude de la compaction d’un agrégat de grains
1. Introduction
2. Le modèle d’étude
2.1 Le problème aux limites
2.1.1 La géométrie et les conditions aux limites
2.1.2 Analyse de perturbation géométrique – double linéarisation
2.1.2.1 Hypothèses
2.1.2.2 Conséquences
2.1.3 Formulation faible du problème
2.1.3.1 Le principe des travaux virtuels sur la configuration courante Ωt
2.1.3.2 La double linéarisation de l’équation du principe des travaux virtuels
2.2 Un calcul purement élastique
2.2.1 La géométrie et les conditions aux limites
2.2.2 Approche analytique
2.2.3 Résolution par éléments finis
2.2.3.1 Sphère tronquée soumise à un chargement uniforme
2.2.3.2 Le talus uniformément chargé
2.2.3.3 La sphère tronquée avec un chargement linéairement réparti
2.2.3.4 Etude poussée de la sphère tronquée chargée uniformément
2.2.4 Conclusion
3. Le transfert en solution dans le contact intergranulaire
3.1 Équations préliminaires
3.1.1 Les flux de masse
3.1.2 Les potentiels chimiques et les forces responsables du transfert en solution
3.1.3 Loi cinétique
3.1.4 La contrainte normale intergranulaire, condition aux limites
3.2 Un modèle de transfert en solution intergranulaire
3.2.1 Loi de fluage – Un modèle «exact»
3.2.2 Le modèle «approché»
3.2.3 Validation numérique du modèle approché
3.2.3.1 Les quantités et leurs valeurs
3.2.3.2 Analyse dimensionnelle
3.2.3.3 Résultats
3.2.3.4 Influence des paramètres sur la validité de l’approximation
3.3 Étude de la compaction d’un agrégat de grain par transfert en solution
3.3.1 Le taux de convergence des grains
3.3.2 Actualisation du facteur de racourcissement du grain
3.3.3 Algorithme
3.3.4 Résultats
3.4 Conclusions
III Analyse de stabilité linéaire en 3D d’une interface solide-fluide soumise au transfert en solution
1. Stabilité linéaire
1.1 Perturbation de la géométrie
1.2 Représentation d’une surface en 3D
1.3 Perturbation des autres champs
1.4 Linéarisation des conditions aux limites et des états initiaux de contraintes
1.5 Solution du problème élastique 3D de premier ordre
2. Analyse de stabilité linéaire pour la prediction de l’évolution de la morphologie par transfert en solution
2.1 Les équations du transfert en solution
2.2 L’exposant de stabilité
2.3 Résultats de l’analyse de stabilité
3. Application aux expérimentations de den Brok et Morel
3.1 Les essais de den Brok et Morel
3.2 Les prédictions d’instabilité
4. Conclusion
Conclusion générale
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