LES MANIFESTATIONS SYSTÉMIQUES DU LUPUS ÉRYTHÉMATEUX DISSÉMINÉ
Indications
Le choix du traitement dépendait du type et de la sévérité de l’atteinte:
⊱Une corticothérapie orale a été instaurée chez tous nos malades (100%). La dose prescrite était comprise entre 0.25 et 1mg/kg/j. La dégression était progressive, s’étalant sur plusieurs semaines. Les effets secondaires observés chez ces patients sont représentés sur le tableau XIV.
⊱La corticothérapie a été initiée par des bolus de méthylprednisolone chez 12 malades (42.8%) : en raison d’une atteinte rénale proliférative (5 cas), d’une atteinte neurologique centrale (2 cas: EME et chorée), d’un oedème papillaire bilatéral (2 cas), d’une atteinte cardiaque (2 cas) et d’une HIA (1 cas).
⊱Un APS était toujours (100%) associé à la corticothérapie orale; la chloroquine chez 26 patients (92.8%) et l’hydroxychloroquine chez 2 patients (7%). La chloroquine a été arrêtée dans 1 cas suite à l’apparition d’une tritanopsie.
⊱Le traitement immunosuppresseur a fait appel à des bolus de CYC dans 10 cas (35.7%): devant une atteinte rénale évolutive chez 8 patients, une atteinte neurologique centrale chez 1 patiente (chorée) et une HIA dans 1 cas. L’AZA a été prescrit chez 1 patiente en relais au traitement par CYC. ⊱Un traitement anti-coagulant, à base d’HBPM à dose curative relayée par des AVK, a été indiqué chez 6 patients présentant des thromboses vasculaires. ⊱Des antalgiques et des AINS ont été prescrits chez 5 patients (17.8%) afin de soulager l’inflammation et la douleur articulaires. ⊱L’aspirine à dose anti-agrégante a été prescrite chez 2 patients ayant un SAPL. ⊱Les autres traitements utilisés étaient: des diurétiques devant le syndrome oedémateux chez 5 patients, des IEC devant l’HTA et dans un but de néphro-protection, des antibiotiques devant une pyélonéphrite, une pneumonie infectieuse, une infection cutanée et une méningoencéphalite tuberculeuse, un uroprotecteur (mesna) en association avec les bolus de CYC dans un but de prévention de la cystite hémorragique et des statines devant une dyslipidémie et en prévention du risque cardiovasculaire.
Historique
Des premières descriptions dermatologiques de la maladie jusqu’au concept actuel de maladie auto-immune, le lupus a connu plusieurs variations au cours des années. Tout d’abord furent décrites les lésions du visage, rattachées au terme «lupus» (loup en latin) à cause de leur aspect et de leur localisation; en effet, l’aspect ulcérant de ces lésions ressemble aux morsures de loup, et leur localisation rappelle le loup qui est un masque de carnaval recouvrant le nez et les pommettes. C’est Biett qui fut le premier à décrire ces lésions en les qualifiant d’«érythème centrifuge», mais n’a rien publié à ce sujet (5). Ce sont ses élèves, Cazenave et Schédel, qui vont publier ses leçons dans un abrégé pratique des maladies de la peau, régulièrement mis à jour (6). Hebra, en 1845, utilise l’expression «ailes de papillon», et Cazenave introduit le terme de «lupus érythémateux» en 1951. Ce n’est qu’en 1904 qu’est introduit l’adjectif «systémique» par Jadassohn, en référence à l’atteinte multiviscérale accompagnant l’atteinte cutanée, initialement remarquée par Kaposi en 1872 (7), puis décrite par William Osler.
La cellule LE est découverte en 1948 par Hargraves (8), puis en 1957, Cepellini (9) et Seligmann (10) découvrent l’existence des anticorps anti-DNA natifs, signature biologique caractéristique de l’affection. Au cours des années suivantes, des avancées cliniques ont été réalisées avec une meilleure connaissance des complications de la maladie, notamment grâce au développement de la biopsie rénale dans les années 60. Polak et Pirani établissent les corrélations anatomo-cliniques au cours des néphropathies lupiques, au cours des années 1959-1564 (11). Les années 80 ont vu la description de nouvelles facettes de la maladie comme le SAPL, qui peu à peu s’est autonomisé de la maladie lupique, ou le lupus séronégatif. L’amélioration des critères de qualité de vie des patients a été permise durant les années 90 grâce à un meilleur contrôle par des traitements antibiotiques, diurétiques et immunosuppresseurs.
Terrain génétique
L’implication génétique dans le LES a pu être établie par l’observation des formes familiales du lupus ; la concordance chez les jumeaux monozygotes atteint 24 à 58% contre 3 à 10% chez les jumeaux dizygotes, et la prévalence est plus élevée chez un apparenté du 1er degré d’un patient lupique avec un risque environ 20 fois supérieur à celui de la population générale.(13) Cette implication génétique est complexe et multigénique; certains gènes vont jouer un rôle dans l’apparition de la maladie (gènes de susceptibilité), d’autres dans son expression clinique ou biologique (phénotypes). L’étude de la répartition, au sein d’une famille lupique, de marqueurs génétiques chez des sujets sains et des sujets malades permet de définir des liaisons entre la maladie et des régions particulières (régions d’intérêt) (tableau II).
Les molécules HLA jouent un rôle central dans la réponse immunitaire en présentant aux lymphocytes T des peptides antigéniques conduisant ou non, selon la nature du complexe molécules HLA/peptide à une activation de la réponse immunitaire. Chez les sujets caucasiens, de nombreux travaux ont mis en évidence une association de la maladie lupique avec le DR3 et le DR2, avec une augmentation du risque relatif d’environ deux ou trois (13). Les spécificités HLA de classe II semblent surtout associées à des profils particuliers d’autoanticorps (anti-DNA, anti-SSA, anti-SSB et dans une moindre mesure les aCL) (15). Certains gènes de susceptibilité peuvent avoir un rôle majeur dans l’apparition du LES, comme le très rare déficit en C1q du complément qui conduit à une maladie lupique dans 98% des cas (16). Ces déficits suggèrent que les composants précoces du complément ont un rôle protecteur dans la maladie lupique, lequel pourrait être lié à différentes fonctions du complément. Le composant C1q par exemple semble jouer un rôle majeur dans l’élimination des cellules apoptotiques de la circulation en favorisant leur phagocytose par les macrophages. En son absence, le nombre élevé de cellules apoptotiques va conduire à la présentation de certains antigènes, et en particulier des nucléosomes, stimulant la production d’anticorps antinucléaires.
Manifestations articulaires
◐ Les arthralgies (58, 59) résument les manifestations articulaires une fois sur quatre. Elles sont vives, le plus souvent fugaces, parfois migratrices, accompagnées de myalgies. Elles sont inaugurales, précédant l’apparition d’une manifestation systémique dans 53 à 95% des cas et sont présentes dans 88% des cas au moment du diagnostic. Il s’agit le plus souvent d’arthralgies asymétriques avec prédilection au niveau des genoux, des tarses, des IPP et moins fréquemment Les manifestations systémiques du lupus érythémateux disséminé des coudes, des épaules ou des chevilles. L’examen clinique est souvent pauvre par rapport à la douleur alléguée. Elles sont de type inflammatoire avec dérouillage matinal mais résistent volontiers aux AINS. Dans la série d’Alballa (54), 91% des cas ont présenté des arthralgies, alors que seuls 57% de nos patients en souffraient, de même que dans la série tunisienne (53).
◑ Les arthrites représentent les manifestations les plus fréquentes. Elles sont présentes chez 80% des malades au moment du diagnostic. Habituellement, elles réalisent une polyarthrite bilatérale et symétrique. Leur évolution est soit aiguë (volontiers fluxionnaire), soit subaiguë (avec raideur matinale et parfois nodules sous-cutanés transitoires), soit chronique réalisant trois aspects principaux : 1/ une synovite non destructrice et non déformante, 2/ une atteinte déformante type main ou pied de Jaccoud sans destruction radiologique, 3/ plus rarement une forme déformante et destructrice (érosions osseuses, pincement articulaire,..) qui doit faire discuter l’association possible avec une PR (appelée parfois «rhupus»).
Dans la forme la plus fréquente de polyarthrite non érosive, le liquide synovial est souvent peu cellulaire avec prédominance des lymphocytes. Le complément synovial total est abaissé. Les AAN peuvent être présents mais leur recherche n’a pas d’intérêt pratique. La biopsie synoviale retrouve l’aspect d’une synovite aspécifique volontiers villeuse et fibreuse caractérisée par un infiltrat inflammatoire non spécifique. La polyarthrite non érosive et déformante se caractérise essentiellement par des déformations en flexion, l’apparition d’une déviation cubitale et des doigts en «col de cygne». Initialement, ces lésions réductibles sont décrites sous le terme de main de Jaccoud traduisant une laxité capsulaire, ligamentaire et également ténosynoviale. L’inflammation chronique se complique d’une destruction tendineuse, associée à un spasme des muscles interosseux qui vont aboutir au Les manifestations systémiques du lupus érythémateux disséminé rhumatisme de Jaccoud observé chez 10% des lupiques après trois à quatre ans d’évolution. Ces déformations sont le plus souvent indolores. Par définition, la radiographie ne met en évidence aucune érosion ni pincement articulaire. On peut cependant trouver des bandes de déminéralisation et des luxations articulaires.
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET MÉTHODES
Patients
Méthodes
RÉSULTATS
Données épidémiologiques
1- Sexe
2- Âge
3- Race
4- Antécédents
Critères diagnostiques
III. Manifestations systémiques
1- Signes généraux
2- Manifestations rhumatologiques
3- Manifestations cutanéo-muqueuses
4- Manifestations rénales
5- Manifestations neuropsychiatriques
6- Manifestations vasculaires
6-1 Manifestations artérielles
6-2 Manifestations veineuses
6-3 Corrélation entre les aPL et les manifestations vasculaires
6-4 Corrélation entre les aPL et les thromboses
7- Manifestations pleuro-pulmonaires
7-1 Atteinte pleurale
7-2 Atteinte parenchymateuse
7-3 Atteinte vasculaire
8- Manifestations cardiaques
8-1 Atteinte du péricarde
8-2 Atteinte du myocarde
8-3 Atteinte de l’endocarde
8-4 Atteinte des coronaires
9- Manifestations digestives
10- Manifestations ophtalmiques
11- Syndrome inflammatoire
12- Manifestations hématologiques
13- Anomalies immunologiques
Lupus et événements obstétricaux
1- Grossesse
2- Autres événements obstétricaux
Le syndrome des antiphospholipides
Pathologies associées
VII. Traitement
1- Buts
2- Moyens
3- Indications
VIII. Activité de la maladie
Évolution
1- Évolution générale
2- Évolution en fonction du type d’atteinte
2-1 Formes bénignes
2-2 Formes graves
DISCUSSION
I.Historique
II.Étiopathogénie
1- Terrain génétique
2- Terrain hormonal
3- Facteurs environnementaux
4- Immunité
4-1 De l’immunité innée au SLE
4-2 Lymphocytes B
4-3 Lymphocytes T
4-4 Cytokines
4-5 Apoptose
III. Épidémiologie
1- Prévalence et incidence
2- Répartition des patients selon le sexe et l’âge
IV.Manifestations systémiques
1- Signes généraux
2- Atteinte rhumatologique
2-1 Manifestations articulaires
2-2 Manifestations musculaires
3- Atteinte dermatologique
3-1 Les lésions lupiques
3-2 Les lésions vasculaires
3-3 Les lésions non lupiques non vasculaires
4- Néphropathie lupique
4-1 Physiopathologie
4-2 Épidémiologie
4-3 Aspects cliniques
4-4 Biopsie rénale
4-5 Évolution et pronostic de la NL
5- Atteinte neuropsychiatrique
6- Atteinte cardio-vasculaire
6-1 Manifestations cardiaques
6-2 Manifestations vasculaires
7- Atteinte respiratoire
7-1 Atteinte pleurale
7-2 Atteinte parenchymateuse
7-3 Atteinte vasculaire
8- Atteinte digestive
8-1 Symptômes bénins
8-2 Douleurs abdominales
8-3 Atteinte oesophagienne
8-4 Atteinte gastroduodénale et intestinale
8-5 Ascite
8-6 Pancréatite
8-7 Atteinte hépatique
9- Atteinte ophtalmique
10- Syndrome inflammatoire
10-1 Vitesse de sédimentation
10-2 Protéine C réactive
11- Anomalies du complément
12- Manifestations hématologiques
12-1 Anémie
12-2 Leuco/lymphopénie
12-3 Thrombopénie
13- Anomalies immunologiques
13-1 Anticorps antinucléaires
13-2 Anticorps antiphospholipides
13-3 Anti-SSA, anti-SSB et association au syndrome de GS
V.Lupus et grossesse
1- Influence de la grossesse sur le lupus
1-1 Effet de la grossesse sur les poussées lupiques
1-2 Effet de la grossesse sur l’atteinte rénale
2- Influence du lupus sur la grossesse
VI.Lupus et infection
VII. Formes particulières
1- Lupus à début pédiatrique
2- Lupus chez le sujet âgé
3- Lupus masculin
4- Lupus induit
VIII. Activité de la maladie
Traitement
1- Buts
2- Moyens
2-1 Mesures générales
2-2 Traitements locaux
2-3 Traitements généraux
2-4 Traitements associés
3-Indications
3-1 Formes bénignes
3-2 Formes graves
3-3 Cas particuliers
CONCLUSION
ANNEXES
RÉSUMÉS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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