EPIDEMIOLOGIE
Les manifestations musculosquelettiques sont fréquentes dans notre série : la douleur était rapportée par 52,7% des élèves, dont 56% de filles. Une anomalie à l’examen clinique était notée chez 31,1% des sujets. Selon Whittfield J. [22], et Dianat I. [25], 77,1% et 85,7 % (83,7% de garçons et 87,7% de filles) des élèves, respectivement, ont déclaré ressentir des symptômes musculo-squelettiques attribués au port de cartable, dans au moins une partie de leur corps. Skaggs et al. [26] ont constaté que 37% des enfants âgés de 11à 14 ans rapportaient des douleurs dorsales et que la majorité d’entre eux attribuait la douleur au port de cartable lourd. Les enquêtes épidémiologiques réalisées en population générale chez l’enfant et l’adolescent, estiment la prévalence cumulée des lombalgies entre 30 et 50 % des sujets interrogés [23,27]. La morbidité objectivable constatée lors des examens cliniques est estimée entre 15 et 40% [31]. La prévalence des douleurs permanentes ou récurrentes s’établit en moyenne à 8% à l’âge de 15 ans [28]. L’incidence annuelle moyenne des lombalgies est estimée à 15% [29]. Les adolescents présentant des signes de dégénérescence discale juste après la phase rapide de croissance ont un risque accru de lombalgie récurrente non seulement à cet âge mais aussi à l’âge adulte [30]. Pour Negrini, la prévalence des douleurs squelettiques chez les enfants était de 65% [31]. D’autres études ont rapporté des prévalences plus modestes de l’ordre de 30% et 50% [12, 32]. Hakala et al. [32], Ehrmann-Feldman et al. [33], Auvinen et al. [34] ont rapporté que les douleurs de la nuque et des épaules étaient fréquentes chez les enfants d’âge scolaire. D’après Kujala UM et al. [35], la prévalence de la douleur de la nuque et des épaules interférant avec le travail à l’école ou les loisirs était de 14% chez les garçons et 23% chez les filles âgés de 10 à 17 ans.
Plusieurs auteurs ont montré qu’il y a une augmentation des douleurs musculo-squelettiques après l’âge de 12 ans [12, 14, 29, 36-38] en rapport peut-être avec la croissance pubertaire et l’augmentation du stress et des contraintes dorsales [36]. D’autres auteurs ont constaté que la douleur commence dans l’enfance avec une prévalence qui augmente avec l’âge [11, 14, 39-42], passant de 16% entre 12 et 22 ans à 36% huit ans plus tard [43]. Bo Andersen et al. [44] ont objectivé une prévalence du mal de dos de 43% chez la fille pour 37% chez le garçon. Il n’y avait pas de différence concernant le sexe au moment du premier épisode douloureux, qu’Andersen a situé vers l’âge de 13,3 ans, et que Newcomer et Sinaki [40] ont plutôt situé à 12,3 ans. Une étude a suggéré que l’augmentation du stress sur le dos associée à une durée prolongée de la position assise à l’école semble être à l’origine de lombalgies et que la dégénérescence discale en elle-même ne semble pas en être la cause, selon une étude d’autopsie [45]. D’après Troussier B. [27], les anomalies du squelette (faites de scolioses, cyphoses et lordoses) atteignaient 12 % des jeunes de 12 ans et 21,5 % des jeunes de 15 ans. Devant cette augmentation de la fréquence des manifestations musculo-squelettiques, on peut se demander s’il n’y aurait pas aujourd’hui, soit une propension plus forte à déclarer ses douleurs, soit encore un effet délétère des conditions de la vie moderne [44].
FACTEURS ASSOCIES A LA DOULEUR
Le sexe : Dans notre série, la douleur a été plus fréquente chez les filles (56%) que chez les garçons (44%) (p=0,000009). Cela rejoint les données de la littérature (Tableau XV): Hamimi et al. [47] ont constaté une relative prédominance de la douleur chez les filles (55,9% avec une prévalence de 95%) par rapport aux garçons (44,1% avec une prévalence de 66,7%). Selon Whittfield J. [22], la douleur de la nuque et de la partie supérieure du dos était plus fréquente chez les filles par rapport aux garçons. Kujala et al. [35] ont également rapporté une prévalence plus élevée des douleurs de la nuque, des épaules et du dos chez les filles par rapport aux garçons (p<0,001). Dans une autre étude portant sur des élèves koweïtiens [56], le mal de dos était plus fréquent chez les filles que les garçons (p=0,003), comme l’ont conclu d’autres études [12, 14, 35, 36, 39, 57-62]. Salmien et al. [38] ont décrit une importante prévalence statistiquement significative des douleurs rachidiennes chez les filles par rapport aux garçons, entre l’âge de 11ans et 17 ans. Cette association était également significative pour d’autres auteurs: [24, 32, 34, 48, 61-63]. Dianat I. et al. [25] ont constaté que les lombalgies étaient significativement plus fréquentes chez les filles (13,6%) par rapport aux garçons (3,8%) (p < 0,01). De même, les manifestations musculo-squelettiques dans la partie supérieure du dos étaient plus rapportées par les filles (18,9%) que par les garçons (8,4%) (p< 0,01). Cela pourrait être lié à la croissance pubertaire, comme l’a suggéré Leboeuf Yde et Kyvik [64] ou à des différences entre les sexes dans l’expression des symptômes [14, 41]. Whittfield J. [22] a suggéré que les filles ont une force musculaire plus faible par rapport aux garçons. Balagué et al. [14] ont soumis une autre théorie : l’image traditionnelle du mâle conduit les garçons à moins déclarer leurs maux de dos, tandis que Salmien [41] a suggéré que les garçons ont tendance à nier l’existence de leurs symptômes ou s’en soucient moins [61]. J.-C. Bernard et al. [65] déclarent ne pas avoir trouvé de facteurs étiopathogéniques pouvant expliquer la prévalence de la lombalgie chez la fille.
Poids du cartable : Dans notre série, le poids moyen du cartable était de 3,6 kg. Cela concorde avec les résultats de Al-Hazzaa [51] où il était de 3,2 kg. Pour les autres auteurs, le poids moyen du cartable était plus élevé avec des valeurs qui varient entre 4,9 kg pour Hsin-Yu Chiang [66] et 9,6 kg pour Viry P. [5] (Tableau XVI). Cette différence peut s’expliquer par les différences dans les programmes scolaires, le type de livres nécessaires, la fourniture de stockage de l’école, ou par les différences comportementales et culturelles entre les pays [48]. Nous avons trouvé que le poids du cartable était significativement associé à la douleur (p=0,000001). Timothy B. [67] a également constaté que le poids du cartable était positivement corrélé à la douleur (p<0,001) : en utilisant l’EVA, le port de cartable de 4, 8 et 12 kg augmentait significativement la douleur dorsale (p<0,001). La même constatation a été reprise par Skaggs [26] qui a objectivé une corrélation entre la douleur et le poids lourd du cartable. Negrini et Carabalona [68] n’ont pas trouvé de corrélation entre le poids du cartable et la présence de douleurs dorsales ; cette corrélation était plutôt positive avec la durée de port du cartable. Dans son étude, Whittfield J. [22] n’a pas trouvé de corrélation entre l’incidence de la douleur et le poids du cartable, excepté pour les douleurs dorsales hautes chez les élèves de la 3ème année qui étaient plus fréquentes chez ceux qui portaient des cartables lourds. Dans l’étude de Hamimi et al. [47], le poids moyen du cartable était corrélé à la présence de la douleur ; or il représentait 7,23 kg (extrêmes de 2,1 kg à 10,2 kg) chez les enfants algiques et 6,62 kg (extrêmes de 4,5 kg à 8,5 kg) chez les sujets non algiques. Selon la même étude, le poids du sac était majoritairement perçu comme lourd : 83,3% des élèves algiques trouvaient leur sac trop lourd. Il est à noter que même si certains jeunes ne considéraient pas leur sac lourd, 61,5% d’entre-eux avaient mal au dos.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
RESULTATS
I. RESULTATS DESCRIPTIFS
1. Profil socio-démographique
2. Mesures anthropométriques
3. Caractéristiques du cartable
4. Caractéristiques de la douleur
5. Examen clinique
II. RESULTATS ANALYTIQUES
1. Mesures anthropométriques
2. Poids du cartable et rapport poids du cartable/poids de l’enfant
3. Caractéristiques du cartable
DISCUSSION
I. EPIDEMIOLOGIE
II. CARACTERISTIQUES DE LA DOULEUR
1. Siège de la douleur
2. Intensité de la douleur
3. Moment de survenue de la douleur
4. Conséquences de la douleur
III. FACTEURS ASSOCIES A LA DOULEUR
1. Le sexe
2. Poids du cartable
3. Rapport poids du cartable/poids de l’élève
4. Rapport poids du cartable/poids de l’élève selon le niveau scolaire
5. Rapport poids du cartable/poids de l’élève selon le sexe
IV. FACTEURS NON ASSOCIES A LA DOULEUR
1. Les mesures anthropométriques
2. Type de cartable
3. Modalité de port du cartable
4. Mode de transport
5. Activités parascolaires
V. EXAMEN PHYSIQUE
1. Déviations rachidiennes
VI. PERSPECTIVES ET EMBAUCHE DE SOLUTION
CONCLUSION
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE
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