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LES ETIOLOGIES
CRITERES D’IMPUTABILITE
Plusieurs méthodes ont été proposées pour déterminer la responsabilité des médicaments incriminés.
Une méthode officielle, publiée initialement en 1978 et actualisée en 1985 [5,24] est la plus utilisées.
L’originalité majeure de cette méthode consiste à apprécier le lien de causalité possible pour chaque médicament indépendamment et en séparant clairement l’imputabilité << extrinsèque >> et l’imputabilité << intrinsèque >>. L’imputabilité << extrinsèque >> est celle qui repose sur
la connaissance d’accidents identiques attribués à un médicament donné. Fondée sur les publications préalables ou sur l’accumulation des données dans les dossiers de pharmacovigilance, cette imputabilité extrinsèque par définition est variable dans le temps et elle sera obligatoirement nulle ou faible pour un médicament d’introduction récente.
L’imputabilité << intrinsèque >> concerne, elle, le lien de causalité entre l’accident et les différents médicaments pris par le patient tel qu’il peut ressortir des seules données de l’observation.
Elle repose sur quelques critères bien définis, repartis en deux groupes : critères sémiologiques et critères chronologiques.
En ce qui concerne les délais d’apparition des troubles après introduction du médicament, il paraît évident que le délai considéré comme très suggestif est variable en fonction de la nature de la toxidermie et peut être même en fonction de chaque médicament [16].
Les tableaux I,II, III et IV regroupent les différentes méthodes d’imputabilité.
MEDICAMENTS RESPONSABLES
Toutes les molécules sont susceptibles d’occasionner un DRESS syndrome. Les anticonvulsivants ( phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine, éthosuximide, lamotrigine, acide valproïde) sont les plus souvent responsables [10,23].
Des observations avec l’oméprazole et le landropazole ont été également rapportées [10].
L’amoxicilline, l’isoniazide, la fluindione, les sulfamides ont été également incriminés ainsi que la minocycline (moins fréquemment avec d’autres cyclines).
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont été également imputés dans la survenue du DRESS. Quelques cas ont été aussi rapportés avec l’allopurinol, l’aténolol, la dapsone, le diltiazem, les sels d’or, la fluoxétine, les diurétiques thiazidiques, l’azathioprine [10] et certains inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine [60].
Les antirétroviraux sont incriminés dans le DRESS [66,71,72,74]. Il s’agit actuellement d’un problème majeur dans la prise en charge du sida.
Les nouvelles molécules révélées inductrices d’hypersensibilité médicamenteuse en 2002 sont :
• Les sartans, inhibiteurs de l’angiotensine II, ils sont de plus en plus rapportés comme pouvant induire des réactions croisées chez des patients ayant présenté des intolérances aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion notamment des angio-oedemes [72].
• Le kétoprofène topique
Il est un responsable bien démontré de photo allergie de contact [1]. Les lésions très œdémateuses sont volontiers disséminées à distance du contact. Elles comportent le risque de réactions croisées avec d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens du groupe des aryl-propioniques (acide tiaprofénique, surproféne), mais aussi avec le fénofibrate et les dérivées de l’oxybenzone et des benzophénones qui sont fréquemment présents dans les fibres solaires.
• Les nouveaux anti-inflammatoires anti COX 2
De très nombreux cas d’hypersensibilité ont été rapportés avec ces médicaments récemment introduits. Il n’est pas encore aisé de faire la part entre un risque qui pourrait être plus élevé que celui des anti-inflammatoires classiques [60].
DIAGNOSTIC
SIGNES CLINIQUES
Le début des symptômes s’observe en moyenne quatre semaines après l’introduction de la molécule en cause, mais des délais plus tardifs de plusieurs mois peuvent s’observer [10].
L’installation des signes cliniques est aiguë, parfois brutale.
LES SIGNES GENERAUX
Ils sont variables, à type d’asthénie, anorexie,ictère, et vomissement révélant l’atteinte hépatique [29]. La fièvre est quasi constante, élevée (39 à 40 °C) et peut parfois faire suspecter une maladie infectieuse et entraîner à tord la prescription d’une antibiothérapie générale, laquelle peut être à l’origine du syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse.
LES SIGNES PHYSIQUES
LES ATTEINTES CUTANEO-MUQUEUSES
Elles sont quasi constantes et commencent par des lésions érythémateuses ou maculo-papuleuses localisées non spécifiques, évoluant vers une érythrodermie desquamative. Elles débutent en règle générale au visage [10,15], associées à une infiltration œdémateuse plus marquée dans la région périorbitaire. Les extrémités sont touchées précocement, puis l’éruption atteint les membres, puis le tronc, et se généralise.
Des lésions vésiculeuses, bulleuses, voire pustuleuses sont possibles [43].
Des formes atypiques ont pu être décrites : eczématiformes, scarlatiniformes [10]. L’atteinte des muqueuses est possible à type d’ulcérations aphtoïdes, de chéilite, de conjonctivite, d’érythème pharyngé avec hyperplasie amygdalienne.
L’ATTEINTE VISCERALE
La symptomatologie systémique est multiviscérale [21, 68] et son intensité est variable.
– l’atteinte hépatique est prédominante [ 6,10,11], la constatation d’un ictère est inconstante. Celui-ci est parfois associe à des douleurs abdominales. L’examen clinique en dehors de l’ictère, est généralement normal. Il n’y a souvent pas d’hépatomégalie, et se sont les examens paracliniques qui permettent de confirmer l’atteinte.
– Une polyadénopathie superficielle, bilatérale et symétrique, faite d’adénopathies douloureuses de un à deux centimètres est retrouvée dans 30 à 80 pour 100 des cas [7].
– Des polyarthralgies sont rapportées fréquemment de même que les myalgies.
– L’atteinte pulmonaire est plus rare mais grave. Elle est à type de pneumonie interstitielle associée à des adénopathies médiastinales et s’exprime principalement par [36]:
• une dyspnée plus ou moins sévère,
• une toux sèche,
• une détresse respiratoire,
• un bronchospasme.
– l’atteinte cardiaque est rare. Les péricardites sont les plus fréquentes, des myocardites ont été rapportées parfois compliquées de nécroses myocardiques fatales [49].
– L’atteinte rénale caractéristique est une néphrite tubulo-interstitielle qui peut conduire à une insuffisance rénale aiguë dans 30 pour 100 des cas [39].
– Des signes variés d’atteinte neurologique ont été rapportés [46].
– D’autres organes peuvent être la cible du DRESS :
• une hypothyroïdie transitoire [37],
• une rhabdomyolyse [33],
• une coagulation intra-vasculaire disséminée [19],
• une insuffisance pancréatique endocrine avec diabète type 1 [63],
• Une hypotension voire un choc [22].
• des colites, parotidites, orchites, méningite [41]
SIGNES PARACLINIQUE
LES TESTS EPICUTANES
Ils sont effectués à distance de l’éruption (quatre à six semaines ) et peuvent permettre de confirmer la cause médicamenteuse. Les médicaments suspects sont dilués dans 20 pour 100 de vaséline et la lecture s’effectue à 48 heures, 72 heures et 98 heures. Si l’un de ces tests est positif, on a un argument de plus pour incriminer ce médicament. Si ce test est négatif, bien sur, ceci n’élimine pas la responsabilité du médicament [47].
LA BIOLOGIE
LES MANIFESTATIONS HEMATOLOGIQUES
L’éosinophilie est une caractéristique hématologique majeure du DRESS. Elle est constatée dans 80 à 90 pour 100 des cas [6,15,20].
Elle oscille habituellement entre 2000 et 5000 éléments par millimètres cube. Elle peut dans certains cas se révéler modérée (500 à 1500/mm cube), voire absente [7]. Un syndrome mononucléosique avec hyperlymphocytose atypique constituée de lymphocytes activés basophiles est constaté dans 50 à 60 pour 100 des cas [6,11]. Une monocytose lui est parfois associée. La réalisation d’un frottis sanguin est nécessaire pour la mettre en évidence.
ANOMALIES BIOLOGIQUES HEPATIQUES
Elles sont plus fréquentes, une cytolyse est retrouvée dans plus de 80 pour 100 des cas. Elle peut être intense avec des chiffres de transaminase atteignant dix à vingt fois la normale et prédomine sur les alanine aminotransférases.
Une cholestase avec élévation des phosphatases alcalines et des gamma glutamine transférases lui est souvent associée [52].
ANOMALIES BIOLOGIQUES RENALES
Elle se caractérise par [39] :
– une élévation de la créatinemie,
– une protéinurie modérée,
– une hématurie microscopique,
– une leucocyturie aseptique.
ANOMALIES BIOLOGIQUES CARDIAQUES
Un taux élevé des lacticodéshydrogénases (LDH) sériques est fréquemment observé ainsi que l’augmentation des taux de créatine phosphokinase [7,15]
NB : D’autres anomalies biologiques et/ou biochimiques peuvent être retrouvées en fonctions des appareils atteints.
HISTOLOGIE
LA BIOPSIE CUTANEE
L’examen histologique des lésions cutanées n’est pas spécifique. On note le plus souvent un infiltrat inflammatoire essentiellement lymphocytaire plus ou moins dense avec accessoirement des éosinophiles du derme papillaire et un œdème dermique. Il peut exister parfois une dégénérescence des cellules basales [15]. Dans l’épiderme sont observées des nécroses kératinocytaires éparses. La densité de l’infiltrat dermique et l’épidermotropisme évoquant un mycosis fongoïde, peuvent parfois prêter à confusions avec un lymphome cutané ou un pseudolymphome.
LA BIOPSIE HEPATIQUE
Histologiquement, l’atteinte hépatique correspond à des nécroses hépatocytaires disséminées, associées à un infiltrat éosinophile ou granulomateux [46,52].
BIOPSIE GANGLIONNAIRE
L’analyse anatomopathologique ganglionnaire montre une destruction de l’architecture du ganglion par un infiltrat immunologique. On observe un aspect de lymphadénopathie dermatopathique, une hyperplasie lymphoïde [10,58,59,65].
LE LAVEMENT BRONCHO-ALVEOLAIRE
En cas d’atteinte broncho-pulmonaire, il retrouverait une lymphocytose avec des T cytotoxiques et /ou une augmentation des éosinophiles [36].
LA RADIOGRAPHIE DU THORAX
Elle permet de mettre en évidence les adénopathies et en cas d’atteinte pulmonaire, un infiltrat radiologique bilatérale et symétrique [7].
AUTRES EXAMENS PARACLINIQUES
L’échocardiographie est réalisée en cas de symptômes cardiaques, d’anomalies électrocardiogramme et systématiquement en cas d’hyperéosinophilie majeure [7]. Ainsi d’autres examens peuvent être demander en rapport avec les viscères touchés.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
TOXIDERMIE MACULO-PAPULEUSE
Le DRESS peut prendre le masque initial d’une toxidermie maculo-papuleuse d’apparence bénigne. Quatre éléments doivent alerter le clinicien : la fièvre, l’œdème facial, la survenue plus tardive que sept à dix jour et la polyadénopathie. L’un ou l’autre de ces éléments justifie la réalisation d’une numération formule sanguine et d’un bilan hépatique [28].
ERYTHRODERMIE
En cas d’érythrodermie, les autres causes doivent être évoquées. La biopsie cutanée avec étude en biologie moléculaire aide à leur différenciation sachant qu’un clone sanguin circulant transitoire a été parfois observé au cours du DRESS [7].
LYMPHOME ANGIOIMMUNOBLASTIQUE
Le lymphome angioimmunoblastique s’accompagne d’un exanthème dans 50 pour 100 des cas et parfois de fièvre et d’hyperéosinophilie. L’absence de monoclonalité de l’infiltrat lymphocytaire l’histologie ganglionnaire permettent de l’écarter [7].
PSEUDOLYMPHOME MEDICAMENTEUX
Le pseudolymphome médicamenteux a longtemps été confondu avec le DRESS. Ses caractéristiques cliniques sont différentes : très long délai de survenue (semaines ou mois), évolution indolente, atteinte cutanée faite de quelques nodules ou plaques isolées avec autonomisation possible.
PUSTULOSE
La présence de pustules peut prêter à confusion avec une pustulose exanthématique aiguë généralisée, dont les pustules prédominent au tronc et aux grands plis et sont nombreuses, superficielles, aseptiques et non folliculaires. Tandis que les pustules du DRESS sont habituellement en moins grand nombre et n’ont pas de topographie préférentielle pour les grands plis. La pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) survient plus précocement, guérit plus vite et s’accompagne rarement d’hyperéosinophilie supérieure à 1500 éléments par millimètre cube.
SYNDROME DE STEVENS JOHNSON
La présence de lésions vésiculobulleuses peut faire évoquer un syndrome de Stevens Johnson. Mais les bulles du DRESS, le plus souvent par œdème dermique, diffèrent cliniquement et histologiquement de celles qui résultent de nécrolyse dermique. De plus les lésions muqueuses sont absentes ou discrètes.
SYNDROME HYPEREOSINOPHILIQUE
Enfin le syndrome hyperéosinophilique, dont l’atteinte cutanée est plutôt caractéristique par des placards urticariens, est écarté par la notion de prise médicamenteuse et la régression spontanée habituelle du DRESS [7].
EVOLUTION ET TRAITEMENT
Le traitement princeps est l’arrêt immédiat du médicament inducteur [6,7,9,68,72]. L’hospitalisation est conseillée car les manifestations viscérales peuvent se déclarer tardivement. Habituellement on obtient la guérison avec desquamation généralisée. Cependant, les symptômes peuvent persister pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avec développement autonome des lésions cutanées et poussées évolutives malgré l’arrêt du médicament en cause.
Aucun traitement n’a fait l’objet d’étude contrôlée [7]. La corticothérapie générale est employée de façon empirique en cas d’atteinte viscérale menaçante [72].Un consensus professionnel largement retrouvé dans la littérature s’accorde à lui reconnaître une efficacité. La posologie initiale varie de 0,5 à 1 mg/kg/j. La diminution de la posologie s’effectue sur environ quatre semaines. Si l’atteinte viscérale n’est pas menaçante, il est préférable de n’utiliser qu’une corticothérapie locale de classe I ou II pour diminuer l’intensité de l’exanthème et du prurit. Si les effets de la corticothérapie sont spectaculaires, il existe un risque de corticodépendance dont la responsabilité dans les formes prolongées est débattue.
Certains auteurs suggèrent l’administration intraveineuse d’immunoglobulines humaines normales à des posologies élevées. Elles entraîneraient une régression rapide non seulement des signes généraux et de l’éruption cutanéo-muqueuse mais aussi des anomalies biologiques [51,77].
D’autres traitements ont été utilisés de façon anecdotique : interféron dans les formes chroniques en analogie au syndrome hyperéosinophilique primitif, immunoglobulines intraveineuses [45]
Après hospitalisation, un suivi prolongé est recommande du fait du risque de rechute et de retard de guérison.
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Table des matières
INTRODUCTION
RAPPELS
I Définition
II Historique
III Epidémiologie
IV Physiopathologie
IV-1 Immunologie des réactions cutanées aux médicaments
IV-2 Hypothèse des métabolites réactifs
V Facteurs de risque
V-1 Les infections
V-2 Les facteurs génétiques
V-3 Les néoplasies
V-4 Autres facteurs
VI Les étiologies
VI-1 Critères d’imputabilité
VI-2 Médicaments responsables
VII Diagnostic
VII-1 Signes cliniques
VII-1-1 Les signes généraux
VII-1-2 Les signes physiques
VII-1-2-1 Les atteintes cutanéo-muqueuses
VII-1-2-2 L’atteinte viscérale
VII-2 Signes paracliniques
VII-2-1 Les tests épicutanés
VII-2-2 La biologie
VII-2-2-1 Les manifestations hématologiques
VII-2-2-2 Anomalies biologiques hépatiques
VII-2-2-3 Anomalies biologiques rénales
VII-2-2- 4 Anomalies biologiques cardiaques
VII-2-3 Histologie
VII-2-3-1 La biopsie cutanée
VII-2-3-2 La biopsie hépatique
VII-2-3-3 Biopsie ganglionnaire
VII-2-3-4 Le lavement broncho-alvéolaire
VII-4 La radiographie du thorax
VII-2-5 Autres examens paracliniques
VII-3 Diagnostic différentiel
VII-3-1 Toxidermie maculo-papuleuse
VII-3-2 Erythrodermie
VII-3-3 Lymphome angioimmunoblastique
VII-3-4 Pseudolymphome médicamenteux
VII-3-5 Pustulose
VII-3-6 Syndrome de Stevens Johnson
VII-3-7 Syndrome hyperéosinophilique
VIII Evolution et traitement
IX Prévention
METHODOLOGIE
I Patients et méthodes
I-1 Le cadre de l’étude et le recrutement
I-1-1 Le cadre de l’étude
I-1-2 Le recrutement
I-2 L’évaluation
I-3 La surveillance
II Les paramètres étudiés
II-1 Les données de l’interrogatoire
II-1-1 L’état civil
II-2-2 Les antécédents
II-1-3 Les symptômes
II-2 Les données de l’examen physique
II-2-2 L’état général
II-2-2 Les constantes
II-2-3 L’examen des appareils ou systèmes
II-3 Les données des examens paracliniques
II-3-1 La biologie
II-3-2 La radiographie thoracique
III Traitement, évolution et facteurs pronostiques
III-1 Le traitement
III-2 L’évolution
III-3 Les facteurs pronostiques
RESULTATS
COMMENTAIRE
I Les données épidémiologiques
II Les antécédents
III Les données cliniques
IV Les données paracliniques
VI Le traitement
VI L’évolution
CONCLUSION
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