La ruée européenne en Afrique dans la seconde moitié du XIXe siècle a eu des conséquences profondes sur les sociétés africaines. En effet, sous l’égide de la civilisation et de l’évangélisation, la colonisation est selon ses initiateurs comme la lumière venue sortir les Africains de la barbarie dans laquelle ils s’étaient engouffrés depuis des millénaires. C’est ainsi que la position géostratégique de la Sénégambie via son ouverture sur le monde arabomusulman, par le biais du commerce transsaharien et la traite négrière, sont à l’origine de ces profondes mutations notées dans son évolution.
Le contact noué avec d’autres peuples venus de l’extérieur, est à la base de nombreux bouleversements qui se manifestent dans le domaine économique, social, politique et culturel. C’est ainsi qu’après la période coloniale, l’Afrique constitue un véritable domaine d’investigation et de nombreux chercheurs sont à pied d’œuvre pour tenter de trouver les causes du retard de l’Afrique et d’apporter des réponses sur certains comportements de la société africaine.
Une fois la conquête du Sénégal achevée, la pacification et la mise en valeur de la colonie allaient être un défi majeur pour l’administration française. C’est ainsi que la santé a été l’une des priorités pour les colons afin de mettre les populations autochtones dans de meilleures conditions sanitaires pour servir la Métropole. C’est dans ce contexte qu’un certains nombres d’infrastructures sanitaires et des centres de recherches scientifiques ont été mis en place pour éradiquer certaines maladies qui gangrènent la société locale mais également pour former un personnel soignant de qualité. C’est pourquoi, nous avons la création à Dakar de l’hôpital général indigène en 1912 et aussi l’Institut Pasteur de Dakar. Malgré ces efforts nous constatons que certaines localités du Sénégal colonial sont laissées en rade pour ne pas dire ignorées par les autorités coloniales. Voilà pourquoi, nous avons choisi d’articuler nôtre réflexion sur la localité de Matam à l’époque coloniale, pour voir comment la question sanitaire était au cœur des préoccupations des autorités administratives. Comment également les populations locales avaient-elles accès aux soins de santé à travers l’assistance publique ? Nous mettrons au cours de notre travail un accent particulier sur le paludisme ; car depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours, cette maladie constitue un véritable casse-tête pour les populations.
Il faut ajouter que le choix de la période 1905-1960, se justifie par des ruptures majeures intervenues dans les modalités de luttes contre les maladies endémiques dans la colonie du Sénégal. Le choix de 1905 pour le début de cette étude n’est pas fortuit. En effet, cette date est située à une époque charnière, correspondant à la création de l’Assistance Médicale Indigène (AMI), par le gouverneur Roume, qui fut à l’origine d’un profond changement dans la politique d’hygiène et de l’assistance publique avec des conséquences importantes sur la santé. En effet dans cette même lancée, le début de l’année 1940, marque sans conteste des ruptures radicales avec le discours de la dégénérescence humaine dans les colonies d’Afrique française afin de mieux servir la métropole. Ceci a permis la mise sur pied à partir de 1945, du Service Général d’Hygiène Mobile et de Prophylaxie (SGHMP) ; structure sanitaire spécialement équipée pour la médecine de masse. Entre 1945 et 1960, ces principales sections, déroulent un programme centré sur la lèpre, la tuberculose le paludisme et les maladies oculaires, sur l’ensemble du territoire de l’Afrique Occidentale Française (AOF). L’année 1960 marque la fin du régime colonial et l’accession du Sénégal à l’indépendance , qui définira une nouvelle orientation pour éradiquer les grandes endémies et les autres fléaux sociaux.
CADRE PHYSIQUE ET POLPULATION DU CERCLE DE MATAM
Le cercle de Matam faisait partie parmi les plus grandes entités territoriales créées par la France au Sénégal. Avec une superficie d’environ 26.600 km2, cet immense espace géographique est soumis à des facteurs physiques qui conditionnent son évolution tant au plan économique que social. La population du cercle était fortement hiérarchisée. Cette organisation sociale détermine les critères de castes. Ce faisant on retrouve à Matam les nobles, les artisans et les captifs. Ainsi dans ce chapitre, nous étudierons le cadre physique, l’organisation socioprofessionnelle et l’évolution administrative du cercle de Matam.
Cadre physique
L’avènement du pouvoir colonial, a sonné progressivement le glas de la chefferie traditionnelle dans tout le territoire du Sénégal. Matam à l’image des autres entités territoriales, était soumis à une organisation administrative moderne visant à répondre aux aspirations de la Métropole. Ainsi le cercle de Matam était limité au sud par les cercles de Tambacounda et Bakel, au nord-est par la Mauritanie dont le fleuve constitue une limite naturelle séparant définitivement certaines villes limitrophes comme Kaédi longtemps rattachée à Matam ; au nord par le cercle de Podor et à l’ouest par le cercle de Louga. Pour une meilleure gestion administrative et humaine, l’administration subdivisa le cercle en quatre provinces : avec le Nguenar au centre, le Ferlo à l’ouest, le Damga au sud et le Bossséa au nord. Cette entité territoriale couvrait une superficie d’environ 26.600 km2 et faisant partie des plus vastes espaces créées par le pouvoir colonial.
De par sa position géographique, Matam est partie intégrante du domaine sahélosoudanien aux confins du désert mauritanien. Cet espace est marqué par la rareté des pluies qui conditionnent les activités agricoles et pastorales. En effet, ce manque de pluviométrie, accompagnée de cycles de sècheresses, sont l’une des principales causes de la fréquence de disettes et des famines dans la vallée et Matam, n’échappe pas à cette caractéristique générale.
A Matam, les principales cultures, le Jeeri (culture d’hivernage) et le Waalo (culture de décrue), dépendent fortement des pluies. La faible pluviométrie notée dans cette localité et les inondations ne permettent pas très souvent le développement des activités culturales. Cette situation plonge les populations dans un désarroi qui se traduit par des déficits de production que les Toucouleurs nomment en Pulaar « Soonio » (famine). A côté de ces facteurs, on note l’existence d’animaux sauvages destructeurs (singes phacochères sauterelles etc.), qui anéantissent les espoirs des agriculteurs, souvent réduis à une aide des autorités coloniales. L’élevage autre activité importante dans le cercle de Matam reste soumis aux aléas climatiques. Face à cette situation, l’activité pastorale est un des facteurs déterminants qui expliquent ce vide démographique surtout à l’ouest du cercle où la recherche de l’eau et des pâturages sont devenus des activités quasi-quotidiennes des populations.
Cependant, à côté de ces handicaps, le cercle présente également des atouts réels qui sont favorables à l’épanouissement des hommes et du cheptel. C’est ainsi que le fleuve offre des potentialités agricoles énormes. Même en cas d’absence de pluies, les populations pouvaient pratiquer la culture irriguée en saison sèche. La pêche y est pratiquée également. A cela s’ajoute l’importance des terres du Jeeri et du Waalo surtout dans le Nguenar et le Bossséa où même avec une crue moyenne, ces terres assurent l’autosuffisance alimentaire.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : ETUDE DU MILIEU
CHAPITRE I : CADRE PHYSIQUE ET POLPULATION DU CERCLE DE MATAM
1. Cadre physique
2. Organisation socioprofessionnelle du cercle de Matam
3.1 Les nobles
3.2 Les artisans
3.3 Les captifs
3. L’évolution administrative du cercle de Matam
CHAPITRE II : L’EQUIPEMENT SANITAIRE DU CERCLE DE MATAM
1. Les infrastructures de santé du cercle de Matam
2. Le personnel européen dans le cercle de Matam
3. Le personnel indigène dans le cercle de Matam
DEUXIMEME PARTIE : EMERGENCE DU PALUDISME
CHAPITRE I : LES AVANCEES SCIENTIFIQUES
1. Les découvertes
2. Les vecteurs du paludisme
3. Le regard des Africains sur le paludisme
CHAPITRE II : LES CONDITIONS FAVORISANT L’EMERGENCE DE LA MALADIE
1. Les habitations
2. Les inondations
3. L’insalubrité
TROISIEME PARTIE : L’ADMISTRATION COLONIALE ET LA GESTION DE LA MALADIE
CHAPITRE I : L’IMPACT DE LA MALADIE DANS LE CERCLE DE MATAM
1. Les conséquences humaines
2. Les conséquences économiques
CHAPITRE II : LA LUTTE CONTRE LA MALADIE
1. Le rôle du Service Général d’Hygiène Mobile et de Prophylaxie dans l’éradication du paludisme
2. Les campagnes de masse
3. Les programmes d’assainissement
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ABREVIATIONS