Les maladies des plantes
La plupart des plantes sont immunisées ou résistantes à la majorité des micro-organismes avec lesquelles elles sont en contact. La pénétration ou l’invasion des plantes par ces micro-organismes peuvent être limitées par des barrières physiques ou chimiques. Dans le cas d’une invasion réussie, le développement de la maladie est influencé par plusieurs conditions : l’environnement, la sensibilité de la plante hôte et la virulence du pathogène (Schoeneweiss, 1975).
Au cours des cent dernières années, la modification rapide de l’environnement physique et chimique de la terre a contribué à émettre un nouveau modèle prenant en compte les changements environnementaux (Figure A-2). En effet, les modifications de l’environnement physico-chimique de la terre influencent le climat et sa variabilité, la santé de la plante hôte, et la composition des sols (Chappelka and Grulke, 2016). Par exemple, à l’ouest des Etats-Unis, des modifications climatiques ont engendré des changements physiologiques chez les plantes hôtes ligneuses telles qu’une augmentation de leur métabolisme C3 ou encore des perturbations des cycles de vie des pathogènes tels que Phytophthora ramorum dont le développement nécessite un fort taux d’humidité (pathogène causant notamment la mort subite des chênes sur différentes espèces ligneuses comme Notholithocarpus densiflorus, Quercus agrifolia, Quercus falcata, Quercus rubra, ou encore Larix kaempferi) (Sturrock et al., 2011; Matyssek et al., 2014).
Impacts agronomiques et écologiques des maladies des plantes
Conséquences agronomiques des maladies des plantes
Depuis le développement de l’agriculture, les cultivateurs ont dû faire face à une multitude de ravageurs (insectes, nématodes, rongeurs…), de maladies (virus, bactéries, champignons) et de mauvaises herbes(rentrant en compétition avec les plantes cultivées pour les ressources naturelles du milieu) mais également aux aléas climatiques. Afin de maintenir une production suffisante pour nourrir une population toujours plus nombreuse, les hommes contrôlent ces organismes grâce à des méthodes physiques (désherbage mécanique, solarisation des sols), biologiques (rotation des cultures, prédateurs, sélection variétale) et chimiques (pesticides) (Oerke, 2006, 2007; Popp et al., 2013).
Les maladies des plantes causent des pertes quantitatives (diminution des rendements), des pertes qualitatives (taux protéique dans les grains de blé trop faible) et peuvent même rendre impropre à la consommation la culture (production de mycotoxines par Fusarium graminearum chez le blé). Des exemples de pertes de rendement mondiales en fonction du type de ravageur pour les cultures de blé .
Bien que non actualisées, les données présentées Figure A-3 permettent de visualiser des pertes de rendement sans utilisation de pesticides (P) ou sans protection de culture (CP) par rapport à un scénario où pesticides et autres moyens de protections de culture sont utilisés. La différence CP-P permet de visualiser les pertes de rendements estimées sans utilisation de pesticides mais en utilisant d’autres moyens de protection de culture tels que notamment la sélection variétale et la rotation des cultures. Cette figure permet de constater que plus de la moitié des pertes de rendement agricole observées sans protection des cultures ne s’explique pas par l’utilisation de pesticides mais par les pratiques culturales et variétés selectionnées (Oerke, 2006, 2007; Popp et al., 2013). De plus, l’utilisation des pesticides sur les cultures est associée à des effets indésirables sur l’environnement, la santé et à l’apparition de résistance à ces produits chimiques. En effet, la diminution du nombre de substances actives (produits retirés du marché car pas assez spécifiques et/ou trop polluants), favorise l’émergence de ce genre de résistance. Par exemple, plusieurs familles de plantes ont montré des résistances à l’herbicide glyphosate par différents mécanismes : du fait d’une nécrose rapide des feuilles (résistance décrite chez Ambrosia trifida (grande herbe à poux)), grâce à une amélioration de la séquestration du glyphosate dans la vacuole ou encore par de multiples substitutions d’acides aminés au sein de la protéine cible du glyphosate EPSPS (5-enolpyruvyl-shikimate-3-phosphate synthase, résistance décrite chez Eleusine indica (Éleusine des Indes)) (Duke and Powles, 2008; Busi et al., 2013). Ainsi, d’après la Commission Européenne, il y avait plus de mille substances bioactives autorisées en 2001, contre 250 en 2009. Cette tendance à la diminution de substances chimiques homologuées est aujourd’hui encore d’actualité. C’est pourquoi le maintien des rendements des cultures passe par la sélection de variétés résistantes aux maladies ainsi que par la mise en œuvre d’une protection intégrée (utilisation combinée de produits phytosanitaires et de méthodes mécaniques et biologiques comme des prédateurs des ravageurs des cultures) (Barzman et al., 2015).
Conséquences écologiques des maladies des plantes
Les agents pathogènes sont impliqués dans la composition, l’évolution et la succession des populations de plantes. En effet, ils peuvent être responsables de la mortalité et de la réduction de la fitness des plantes (capacité des plantes à produire une descendance fertile) mais aussi de l’augmentation de la diversité génétique des plantes hôtes (Gilbert, 2002; Mordecai, 2011; Bever et al., 2015).
La modélisation des interactions entre plantes et pathogènes permet d’illustrer les différentes conséquences écologiques des maladies des plantes. Elles sont au nombre de trois : i) l’extinction de l’hôte, ii) la coexistence de l’hôte et du pathogène ou iii) l’extinction du pathogène provoquant ainsi le maintien d’une population non atteinte par la maladie. Pour la plupart des pathogènes, les modèles prennent en compte la densité des plantes hôtes. En effet, le nombre total d’individus malades est un facteur crucial pour la dispersion de la maladie chez de nombreux pathogènes. Par exemple, la relation entre densité de plantes et incidence de la maladie a été étudiée chez une combinaison de 46 hôtes et pathogènes. Dans la plupart des cas, il existe une corrélation positive entre densité de population et maladies fongiques. Les exceptions observées sont dues à une présence réduite d’inoculum par rapport à une forte densité de l’hôte. Par contre, les maladies virales propagées par des vecteurs sont généralement corrélées négativement à la densité des plantes car soit le nombre de vecteurs est limitant, soit le comportement des vecteurs change en fonction des modifications environnementales (Burdon and Chilvers, 1982; Thrall et al., 1993).
Le potentiel destructeur et la virulence des pathogènes introduits dans des millieux naturels peuvent conduire à l’extinction de l’hôte. Ce phénomène illustre l’importance écologique de la co-évolution plante/pathogène. Cette co-évolution est largement gouvernée par le coût de la résistance chez la plante hôte et par le coût de la virulence chez le pathogène et est une cause du maintien de la diversité génétique au sein des populations de plantes. Par exemple du côté des plantes, le gène ACD6 (Accelerated cell death 6) d’Arabidopsis thaliana a été identifié par analyse QTL (quantitative trait loci) pour son implication dans la vitesse d’initiation de formation des feuilles à partir d’une population de RILs (Recombinant Inbred Lines) issue du croisement entre Col-0 et Est-1. L’allèle ACD6 d’Est-1 provoque une apparition plus lente des feuilles d’Arabidopsis thaliana, une apparition de nécroses sur les feuilles adultes ainsi qu’une production de biomasse foliaire inférieure à celle de Col-0. Cet allèle confère également une meilleure résistance à la bactérie pathogène hémi biotrophique Pseudomonas syringae pv. tomato DC3000, aux pathogènes biotrophes Golovinomyces orontii T1 (oïdium), Golovinomyces cichoracearum UCSC1 (oïdium) et Hyaloperonospora arabidopsidis Noco2 (mildiou). Chez Arabidopsis thaliana Est-1, le coût de la résistance est donc visible en terme de biomasse foliaire (Todesco et al., 2010). Du côté pathogène, une étude a été réalisée sur le coût du plasmide Ti (tumour-inducing) d’Agrobacterium tumefaciens. Dans des conditions de cultures limitantes (peu de carbone ou peu d’azote dans le milieu de culture), il existe un coût du maintien du plasmide sur la fitness (succès reproducteur, valeur sélective ou adaptative) de la bactérie. En effet, une quantité identique de bactéries appartenant à deux souches d’Agrobacterium tumefaciens (souche 15955 possédant ou non le plasmide Ti) a été mise en culture dans un milieu pauvre. Au bout de 35 générations, les bactéries de la souche sans le plasmide Ti sont plus abondantes que celles de la souche portant le plasmide Ti (Platt et al., 2012). Dans le cas de la rouille couronnée (Puccinia coronata), la résistance de l’avoine (Avena satina) est race spécifique et peut être conférée par différents gènes PC, cible des gènes d’avirulence du pathogène. La virulence de vingt-neuf souches de Puccinia coronata a été évaluée en déterminant le nombre de gènes de virulence possédé par chacune des souches, cette virulence permet également de déterminer leur spectre d’hôte. Il s’avère que la virulence de la souche est corrélée au temps de latence avant reproduction : plus la souche est virulente et plus ce temps est long (Bruns et al., 2014).
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Les maladies des plantes
Impacts agronomiques et écologiques des maladies des plantes
Conséquences agronomiques des maladies des plantes
Conséquences écologiques des maladies des plantes
Stratégies d’adaptation des plantes aux stress biotiques
Les pathogènes vasculaires
Verticillium sp. : l’agent causal de la verticilliose
Cycle de la maladie, transmission et dispersion
Moyens de lutte contre la verticilliose
II. Bases moléculaires de la résistance aux pathogènes chez les plantes
Défenses préformées et induites aux pathogènes
Perception des pathogènes et des toxines
Transduction du signal
Mécanismes de défense contre les pathogènes
III. Contrôle génétique de la résistance aux maladies chez les plantes, notamment contre la verticilliose
Résistance qualitative aux pathogènes
Résistance quantitative aux maladies
QDR par expression de gènes dépendant du stade phénologique de l’hôte
QDR par haut niveau d’expression des gènes de résistance
QDR résultant de kinases associées aux parois cellulaires (WAKs)
QDR résultant de formes altérées de gènes NB-LRR
QDR basée sur les récepteurs PRRs
QDR résultant d’une perte de fonction d’un allèle de sensibilité
QDR résultant d’une modification du métabolisme de l’hôte
Durabilité et sélection variétale de la QDR
3. Mécanismes génétiques connus de résistances à la verticilliose
Résistance qualitative
Résistance quantitative
IV. Medicago truncatula, plante modèle des légumineuses
Importance nutritionnelle et écologique des légumineuses
Medicago sativa et Medicago truncatula, plantes hôtes de Verticillium sp
Medicago sativa, une culture fourragère mondiale majeure
Medicago truncatula et Verticillium alfalfae, un pathosystème modèle
Les ressources génétiques et génomiques disponibles
Génome de référence de la lignée A17
Populations de RILs et cartes génétiques
Collection de mutants
Atlas de gènes exprimés
Collections d’accessions naturelles
Le projet MtHapmap
V. Les études de génétique d’association
Principe des études de génétique d’association
Avantages et limites des études de génétique d’association
Contrôle génétique des phénotypes étudiés
Caractéristiques des individus utilisés pour le GWAS
Analyse des résultats du GWAS
VI. Objectifs de la thèse
Etude de la biodiversité de la réponse à Verticillium alfalfae chez Medicago truncatula par la recherche de sources de résistance
Identification de gènes candidats à la résistance à Verticillium alfalfae chez Medicago truncatula
Mise en évidence du rôle de certains gènes candidats à la résistance à Verticillium alfalfae chez Medicago truncatula et chez Lotus japonicus
CONCLUSION