Contexte biologique gรฉnรฉral : Les maladies auto-immunes
Gรฉnรฉralitรฉ sur les maladies auto-immunes
Le systรจme immunitaire a pour rรดle de protรฉger lโorganisme contre les agressions extรฉrieures comme les bactรฉries et les virus. Lorsque cette protection se retourne contre les constituants du ยซ soi ยป, on parle de maladies auto-immunes (MAI). Dโaprรจs le Centre National de Rรฉfรฉrence (CRMR) des maladies auto-immunes de Strasbourgย , les maladies auto-immunes touchent actuellement prรจs de 10% de la population mondiale. Depuis plusieurs annรฉes, prรจs de 80 maladies sont recensรฉes et ce nombre ne semble plus รฉvoluer. Elles sont classรฉes en deux groupes :
โ les maladies spรฉcifiques ร un seul organe comme le diabรจte de type 1 ou la sclรฉrose en plaque
โ les maladies non spรฉcifiques, qui touchent plusieurs organes, aussi appelรฉes maladie systรฉmique comme la polyarthrite rhumatoรฏde ou le lupus .
Plusieurs MAI apparaissent prรฉfรฉrentiellement chez les femmes [1]. Plusieurs hypothรจses sont avancรฉes pour expliquer ce phรฉnomรจne, parmi lesquelles lโinfluence des hormones ou le rรดle du chromosome X [2]. La majoritรฉ de ces maladies nโont pas encore dโorigine connue mais plusieurs facteurs semblent influencer la maladie. On parle alors de maladie multi-factorielle.
Origine du dysfonctionnement
Facteurs gรฉnรฉtiques et environnementaux Plusieurs facteurs semblent impliquรฉs dans le dรฉsรฉquilibre de la rรฉponse immunitaire . Parmi les facteurs soupรงonnรฉs dโavoir un impact sur le dรฉveloppement de la maladie, on trouve la prรฉdisposition gรฉnรฉtique [4]. En effet, il existe plusieurs formes familiales de certaines MAI. Gรฉnรฉralement, les MAI rรฉsultent dโune accumulation de polymorphismes de gรจnes dont les consรฉquences, pris indรฉpendamment, sont faibles sur le dรฉveloppement de la pathologie. Cโest le cas par exemple des gรจnes HLA, qui codent pour des protรฉines dont le rรดle est de distinguer les รฉlรฉments de lโorganisme des pathogรจnes [5]. Des facteurs environnementaux sont aussi ร prendre en compte dans le dรฉclenchement de la pathologie. Plusieurs pistes sont dโailleurs envisagรฉes comme les hormones fรฉminines qui sont importantes dans certaines MAI, certains traitements anti-cancรฉreux qui peuvent induire la production dโauto-anticorps [6] ou encore le microbiote intestinal. En effet, des donnรฉes รฉpidรฉmiologiques montrent une association entre ce microbiote et la survenue dโune maladie autoimmune [7]. Les modes de vie, tel que le rรฉgime alimentaire ou le fait de fumer, vont aussi favoriser le dรฉrรจglement du systรจme immunitaire [3]. Si les causes ne sont pas encore complรจtement รฉtablies, les dรฉrรฉgulations cellulaires impliquรฉes dans les MAI sont mieux dรฉfinies.
Dรฉrรฉgulation du systรจme immunitaire Dโun point de vue biologique, la premiรจre รฉtape dans lโapparition des MAI est la rupture de la tolรฉrance du soi. La rรฉponse auto-immune est ensuite mรฉdiรฉe selon deux processus .
Un premier processus est celui des lymphocytes B. En effet, la reconnaissance des รฉlรฉments du soi comme รฉtant des agents pathogรจnes entraรฎne la production dโanticorps dirigรฉs contre lโorganisme, les auto-anticorps. La prรฉsence dโauto-anticorps fait partie des รฉlรฉments analysรฉs pour le diagnostic de certaines MAI. Il en existe plusieurs selon la localisation de lโantigรจne, lโanti-corps et ne sont prรฉsents dans diffรฉrentes MAI [9] : les anti-corps anti-nuclรฉaires (ANA), les anticorps anti-cytoplasme de polynuclรฉaires neutrophiles (ANCA), les anticorps dirigรฉs contre le fragment constant (Fc) des immunoglobulines de type G, les anticorps anti-phospholipides et les anticorps anti-tissus. Le second concerne les lymphocytes T autorรฉactifs vont jouer un rรดle dans la lyse des cellules reconnues comme pathogรจnes et donc lโinflammation. Cette destruction se fait par la sรฉcrรฉtion de cytokines (interleukine et interfรฉron) qui vont faire venir dโautres cellules immunitaires par chimiotactisme. Si les mรชmes dรฉrรจglements des mรฉcanismes immunitaires semblent apparaรฎtre dans les MAI, les symptรดmes cliniques rรฉsultants de ces dysfonctionnements sont assez hรฉtรฉrogรจnes, en particulier pour les MAI systรฉmiques.
Des symptรดmes hรฉtรฉrogรจnes et une stratification difficileย
Les MAI systรฉmiques sont des maladies auto-immunes qui touchent lโensemble du systรจme, impliquant plusieurs organes. Ces pathologies se manifestent cliniquement par plusieurs symptรดmes, gรฉnรฉralement sous forme de crises. Les symptรดmes ne sont pas forcรฉment les mรชmes pour les patients diagnostiquรฉs avec la mรชme maladie et des pathologies diffรฉrentes peuvent partager certains critรจres cliniques. Connaรฎtre le stade de la pathologie est important lors du diagnostic et se base sur plusieurs marqueurs selon les pathologies comme la mesure des auto anticorps [10], le nombre et la sรฉvรฉritรฉ de lโatteinte des organes. Si le stade est agressif, la prise en charge du patient sera diffรฉrente (hospitalisation par exemple) et les traitements ne seront pas les mรชmes. Cependant, lโhรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ de lโaspect clinique entre les patients ne facilite pas lโobtention dโune stratification claire [11]. En 2014, un consortium europรฉen, PRECISESADSย , a mis en place une รฉtude afin dโรฉtablir une nouvelle classification des patients, basรฉe sur les mรฉcanismes cellulaires et molรฉculaires communs plutรดt que sur leurs symptรดmes seuls. Pour cela, 2 500 individus ont รฉtรฉ recrutรฉs, dont des patients de MAI systรฉmiques variรฉes. Ce projet vise ร utiliser les donnรฉes omiques (gรฉnomique, transcriptomique, รฉpigรฉnomique, mรฉtabolomique et protรฉomique) afin dโidentifier des marqueurs et des mรฉcanismes molรฉculaires qui caractรฉriseraient mieux les patients. Une nouvelle stratification serait gรฉnรฉrรฉe ร partir de ces signatures pathologiques et permettrait, in fine, de mieux traiter les patients.
Tout lโenjeu de cette thรจse est de dรฉfinir une nouvelle mรฉthode afin dโidentifier de nouveaux marqueurs biologiques pour les patients atteints de MAI. Cette mรฉthode prendra en compte lโaspect complexe et hรฉtรฉrogรจne de ce type de maladie en utilisant les caractรฉristiques biologiques de chaque patient et non la population malade dans son ensemble. La recherche de ces marqueurs va aussi reposer sur la combinaison de plusieurs donnรฉes omiques. Les donnรฉes de gรฉnomique peuvent contenir des informations causales de la pathologie et les donnรฉes de transcriptomique reprรฉsentent lโexpression des gรจnes. Pour cela, la mรฉthode va sโappuyer sur des outils informatiques (web sรฉmantique) et bio-informatiques (biologie des systรจmes).
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Table des matiรจres
Introduction
I Contexte biologique gรฉnรฉral : Les maladies auto-immunes
I.i Gรฉnรฉralitรฉ sur les maladies auto-immunes
I.ii Origine du dysfonctionnement
I.iii Des symptรดmes hรฉtรฉrogรจnes et une stratification difficile
II Enjeux bioinformatiques : Traitement de donnรฉes massives et hรฉtรฉrogรจnes, recherche de causalitรฉ
II.i La problรฉmatique des donnรฉes hรฉtรฉrogรจnes
II.ii La problรฉmatique des donnรฉes massives
II.iii Lโintรฉgration des donnรฉes par les technologies du Web sรฉmantique
II.iv La recherche de causalitรฉ par la biologie des systรจmes
III Le lupus systรฉmique erythรฉmateux, une pathologie complexe et hรฉtรฉrogรจne
III.i Symptรดmes et diagnostic
III.ii Rรดle des lymphocytes B et T et de lโinterfรฉron
III.iii Traitement thรฉrapeutique
IV Rรฉsumรฉ des contributions de la thรจse
1 Signature populationnelle dans une maladie complexe
1.1 Prรฉsentation de lโรฉtude clinique sur le lupus systรฉmique รฉrythรฉmateux (SLE) (donnรฉes SANOFI)
1.2 Diffรฉrentes signatures pour diffรฉrents contextes pathologiques
1.3 Recherche de signature de diagnostic dans lโรฉtude clinique
1.3.1 Comparaison entre la stratification des patients selon les catรฉgories SLEDAI et la population saine
1.3.2 Comparaison entre la population malade et la population saine
1.4 Conclusion et approche proposรฉe
2 Multiomiques & Web Semantique
2.1 Etat de lโart sur lโanalyse centrรฉe sur le patient et lโintรฉgration multi-omique
2.1.1 Les mรฉthodes centrรฉes sur lโindividu, lโรฉchantillon
2.1.2 Les approches intรฉgratives sur les donnรฉes multi-omiques
2.1.3 Le concept de transomique
2.1.4 The Cancer Genome Atlas : Un modรจle transomique et centrรฉ sur le patient ?
2.2 Un schรฉma dโintรฉgration de donnรฉes associรฉ ร une รฉtude clinique
2.3 Alimentation de la structure avec des donnรฉes multi-omiques centrรฉes sur le patient
2.4 Intรฉgration des donnรฉes processรฉes dans un endpoint
2.5 Modรจle final : application aux donnรฉes de SLE
2.5.1 Prรฉsentation de lโรฉtude clinique de Panousis et al
2.5.2 Intรฉgration des donnรฉes multi-omiques
2.6 Validation des รฉtapes dโintรฉgration via des requรชtes
2.6.1 Intรฉgration des donnรฉes appariรฉes
2.6.2 Intรฉgration de donnรฉes multi-omiques
2.6.3 Intรฉgration de lโapproche centrรฉe sur le patient
2.7 Discussion
2.7.1 Schรฉma dโintรฉgration
2.7.2 Sรฉlection des donnรฉes de gรฉnotypage
2.7.3 Discrรฉtisation des donnรฉes dโexpression
2.8 Conclusion : Gรฉnรฉration dโun modรจle transomique dโintรฉgration de donnรฉes cliniques multi-omiques ร lโรฉchelle du patient
3 Dรฉfinition, calcul et รฉvaluation des eICTLs candidats
3.1 expression Individually-Consistent Trait Loci (eICTLs) : Relation entre SNPs, variation dโexpression et maladie
3.1.1 Influence de SNPs sur le phรฉnotype
3.1.2 Les SNPs associรฉs ร la variation dโexpression ร lโรฉchelle du patient
3.1.3 Dรฉfinition des (eICTLs) candidats en langage SPARQL
3.2 Application de requรชte sur le modรจle de donnรฉes intรฉgrรฉes transomique
3.2.1 Identification des eICTLs candidats
3.2.2 Comparaison des analyses gรฉnomiques et transomiques
3.2.3 Comparaison avec les eQTLs (GTEx)
3.3 Conclusion : eICTLs candidats comme nouveaux marqueurs de patients
Conclusion