En 1978, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a défini les soins de santé primaires comme « des soins de santé essentiels universellement accessibles à tous les individus et à toutes les familles de la communauté par des moyens qui leurs sont acceptables, avec leur pleine participation et à un coût abordable pour la communauté du pays » (1). Ils sont « le moyen qui permettra d’atteindre l’objectif d’un niveau de santé qui permette de mener une vie socialement et économiquement productive » (1). Dans le contexte actuel de difficultés d’accès aux soins et d’économie budgétaire (2), la réorganisation du système de santé est essentielle. Un des axes majeurs de la politique de santé est d’optimiser l’offre de soins, notamment en termes d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins prodigués (2). La Loi Santé de 2018 renforce la place des soins primaires, caractérisés par les fonctions d’accessibilité, de globalité, de continuité et de coordination (3), grâce à « une équipe de soins primaires organisées autour du médecin généraliste de premier recours » contribuant à « la structuration du parcours de santé des patients ». Elle définit clairement les objectifs de ces équipes : « prévention, amélioration et protection de l’état de santé de la population, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé » (4).
Les maisons et pôles de santé pluriprofessionnels
Le concept de Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) a été introduit en 2007. Le Pôle de santé pluriprofessionnel (PSP) se distingue de la MSP par l’absence de regroupement au sein d’un même lieu. Au 30 mai 2018, la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) a dénombré 1400 MSP ouvertes ou en cours d’ouverture (5). Selon l’article L6323-3 du code de santé publique (6) : « La maison de santé est une personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens. Ces professionnels assurent des activités de soins sans hébergement de premier recours au sens de l’article L. 1411-11 et, le cas échéant, de second recours au sens de l’article L. 1411-12 et peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention, d’éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre du projet de santé qu’ils élaborent et dans le respect d’un cahier des charges déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé. » « Le projet de santé est compatible avec les orientations des schémas régionaux mentionnés à l’article L. 1434-2. Il est transmis pour information à l’agence régionale de santé. Ce projet de santé est signé par chacun des professionnels de santé membres de la maison de santé. Il peut également être signé par toute personne dont la participation aux actions envisagées est explicitement prévue par le projet de santé. » Les objectifs du projet de santé, défini par l’article L1434-2 du code de santé publique (7) portent : « sur la réduction des inégalités sociales et territoriales en matière de santé, sur l’amélioration de l’accès des personnes les plus démunies à la prévention et aux soins, sur le renforcement de la coordination, de la qualité, de la sécurité, de la continuité et de la pertinence des prises en charge sanitaires et médico-sociales ainsi que sur l’organisation des parcours de santé, notamment pour les personnes atteintes de maladies chroniques et les personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie. » .
Les MSP et PSP offrent de nombreux avantages aussi bien aux patients qu’aux professionnels concernés. Ces lieux de concertation devraient permettre un parcours de soins coordonné et sans rupture (8). L’Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé (IRDES), dans le cadre de l’étude sur l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération (ENMR) sur la période 2009-2012, a fait plusieurs observations (9). Le développement des MSP et des centres de santé aurait permis une diminution moins forte de la densité des médecins généralistes comparé à des territoires du même type dépourvu de MSP. Ce regroupement aurait contribué à l’augmentation du nombre de patients suivis par médecin pour un temps de travail équivalent. La dépense ambulatoire serait également minorée par rapport à un mode d’exercice plus « standard », et irait en diminuant pour les sites où « l’intégration, la coordination, la coopération » sont les plus importants. Les indicateurs de qualité seraient supérieurs dans les MSP et centres de santé, notamment dans le suivi du patient diabétique (taux de réalisation de l’HBA1C, microalbuminurie, ECG…). Cela reste à interpréter avec précaution, le nombre de sites étudiés étant relativement faible, la période d’analyse assez courte, et certains critères de jugement discutables. Des études sont actuellement en cours pour continuer à explorer l’impact de l’exercice regroupé.
Le pôle santé du Sud-Ouest Mayennais
Le pays de Craon est situé dans le Sud-Ouest du département de la Mayenne (53). Il regroupe près de 29000 habitants, dont 3150 personnes âgées de plus de 75 ans, sur 37 communes (10). L’indicateur Accessibilité́ Potentielle Localisé (APL) (11) développé par la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) mesure l’accessibilité́d’un habitant au professionnel de santé dans un territoire et indique les zones où l’offre de soins est insuffisante. En 2017, l’APL de la ville de Craon et de Renazé, est respectivement de 2,77 et de 3,38 consultations de médecine générale accessibles par an et par habitant pour une moyenne nationale à 4,11 (12). Le Pays de Craon est classé en niveau 3 (maximal) correspondant à une zone d’intervention prioritaire (12). Concernant les infirmiers diplômés d’état (IDE) et les masseurs-kinésithérapeutes diplômés d’état (MKDE) sur ce territoire, les indicateurs révèlent une zone « très sous dotée » (13,14).
Afin de répondre aux besoins territoriaux, le PSP du Sud-Ouest Mayennais a été créé en 2009 sous la forme d’un groupement de coopération sanitaire et le projet de santé a été signé la même année. Il rassemble 66 professionnels médicaux et paramédicaux libéraux , le Centre Hospitalier Local du Sud-Ouest Mayennais (CHLSOM) et la Mutualité Française Anjou Mayenne.
Certains professionnels exercent en maison de santé : on retrouve une MSP adossée au CHLSOM à Craon depuis 2012 avec son antenne satellite à Ballots et une deuxième MSP adossée au CHLSOM à Renazé́ depuis 2011 avec son antenne satellite à Saint Aignan sur Roë. D’autres exercent dans des locaux à l’extérieur des MSP, comme les pharmaciens et les ambulanciers ainsi que l’ensemble des professionnels de santé de Cossé le Vivien (MSP en cours dans cette commune) et de Cuillé (15). Ces professionnels qui souhaitaient une pratique plus collective ont participé aux premières expérimentations des nouveaux modes de rémunération. Ce pôle de santé, atypique par la présence d’un grand nombre de professionnels, a constitué une véritable référence au niveau régional.
L’accord conventionnel interprofessionnel
Après l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération (9) et deux années de règlement arbitral (16), l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) (17) a permis de pérenniser le principe d’une rémunération, sous forme de forfait pour la MSP, basée sur l’atteinte d’indicateurs. Néanmoins, certains indicateurs ont évolué pour mieux prendre en compte l’organisation, les coûts d’équipements et la relation avec les patients (8). L’ACI contient des indicateurs dits socles dans 3 grands domaines (17) :
– Accès aux soins : ouverture des structures de 8 heures à 20 heures en semaine et de 8h à 12h le samedi matin, accès à des soins non programmés chaque jour ouvré
– Travail en équipe et coordination : fonction de coordination (animation de la coordination interprofessionnelle, relation avec les institutions ou collectivités…), élaboration de protocoles pluriprofessionnels et organisation de réunions de concertation pluriprofessionnelles (RCP)
– Système d’information partagé pour les dossiers des patients
Il existe aussi des indicateurs optionnels : formation des jeunes professionnels, satisfaction des patients, missions de santé publique, consultations spécialistes de second recours…
En 2018, l’ACI a rapporté 63 540 euros en moyenne par structure. Au 30 avril 2019, l’Assurance Maladie a dénombré 775 structures ayant signé l’ACI. Elle a aussi précisé que 89% des MSP ayant signé cet accord, ont atteint l’indicateur concertation pluriprofessionnelle, ce qui correspond à une rémunération de 7100 euros par MSP (18). L’ACI a été signé au PSP du Sud-Ouest Mayennais le 21 décembre 2017 sous statut juridique « Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires » (SISA).
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Les soins primaires
2. Les maisons et pôles de santé pluriprofessionnels
3. Le pôle santé du Sud-Ouest Mayennais
4. L’accord conventionnel interprofessionnel
5. Les réunions de concertation pluriprofessionnelles
6. Le dispositif PAERPA
7. Problématique et objectif de l’étude
MÉTHODES
1. Matériel d’étude
2. Méthodes
2.1. Constitution de la base de données
2.1.1. Base de données et anonymisation
2.1.2 Dossier médical du patient
2.1.3. Dispositif PAERPA
2.2. Données recueillies
2.3 Codage selon la CISP-2
2.3.1 Codage des motifs de l’étude
2.3.2 Codage des procédures de l’étude
2.3.3. Codage indépendant
2.3.4. Analyse
3. Aspects éthiques et réglementaires
RÉSULTATS
1. Données générales
1.1. Nombre de fiches analysées
1.2. Nombre de fiches par patient
2. Contexte des réunions
2.1 Lieu des réunions
2.2. Date des réunions et informatisation des fiches
2.3. Fiches incomplètes
2.4. Information des patients de la tenue de la RCP
3. Caractéristiques des patients
4. Caractéristiques des professionnels impliqués
5. Motifs des RCP
6. Décisions à l’issue des RCP
7. Analyse en sous groupe concernant le dispositif PAERPA
7.1 Caractéristiques des patients
7.2 Caractéristiques des professionnels impliqués
7.3 Motifs des RCP
7.4 Décisions à l’issue des RCP
DISCUSSION
CONCLUSION
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