Les machines à absorption ammoniac-eau
Principe de fonctionnement
Une machine à absorption peut être représentée comme la combinaison de deux cycles de Rankine, l’un frigorifique et l’autre moteur . Le cycle frigorifique de Rankine permet simultanément de fournir de l’énergie à une source chaude et de prélever de l’énergie à une source froide. Il utilise un fluide frigorigène qui change de phase aux températures et pressions souhaitées. Le cycle moteur de Rankine permet quant à lui de produire un travail mécanique à l’aide d’une turbine. Si le compresseur et la turbine sont supprimés et que les deux niveaux de pression sont égaux (p1=p1’ et p2=p2’), une seule machine est obtenue. Alors si le condenseur du cycle moteur est remplacé par un absorbeur permettant l’absorption des vapeurs de fluide frigorigène issues de l’évaporateur, une machine à absorption est obtenue. Le cycle moteur, grâce aux phénomènes d’absorption et de désorption, produit le travail nécessaire au fonctionnement du cycle frigorifique.
La machine à absorption peut aussi être présentée comme un cycle frigorifique de Rankine classique dans lequel le compresseur est remplacé par une partie motrice composée d’un absorbeur, d’un générateur et d’un détendeur. Cette partie motrice permet de générer le fluide frigorigène (qui sera dans notre cas l’ammoniac) nécessaire pour produire l’effet utile, le froid. L’eau est dans notre cas le solvant qui permet l’absorption du fluide frigorigène.
Principe du cycle d’une machine à absorption :
1 → 2 : La vapeur de NH3 issue de l’évaporateur est absorbée par diffusion massique dans la solution liquide pauvre en ammoniac au sein de l’absorbeur. Il y a donc changement de phase vapeur – liquide. Pendant le procédé d’absorption qui est exothermique, une quantité de chaleur est cédée au fluide caloporteur.
2 : La solution liquide est alors fortement concentrée en NH3, elle est appelée solution riche. Elle est amenée à la pression de condensation du fluide frigorigène à l’aide d’une pompe, puis préchauffée dans un échangeur intermédiaire et injectée dans le générateur.
2 → 4 : La solution liquide est chauffée dans le générateur, le phénomène de désorption endothermique a lieu et la solution libère de la vapeur de NH3.
3 : La solution liquide restante dans le générateur est maintenant peu concentrée en fluide frigorigène, elle est appelée solution pauvre. Elle est alors pré-refroidie et détendue à l’aide d’une vanne pour retrouver la pression d’évaporation du fluide frigorigène. Elle peut maintenant être réinjectée dans l’absorbeur et absorber de nouveau des vapeurs de fluide frigorigène.
4 → 5 : La vapeur de fluide frigorigène issue du générateur passe dans un rectifieur pour enlever le maximum de trace de vapeur d’eau entrainée avec l’ammoniac lors du phénomène de désorption .
5 → 6 : La vapeur de fluide frigorigène est condensée, pré-refroidie et détendue à sa pression d’évaporation.
6 → 1 : La solution liquide de fluide frigorigène se vaporise dans l’évaporateur. Il y a alors production de froid.
Ce cycle est réalisable en raison de l’écart de pression de vapeur entre l’absorbant et le fluide frigorigène qui est variable en fonction de la température et de la pression. Cette variabilité permet d’avoir un écart de concentration entre la solution pauvre et la solution riche. L’avantage de ce cycle à absorption est que la compression mécanique est remplacée par une compression thermochimique qui utilise de la chaleur, c’est-à-dire une source d’énergie primaire dégradée. Le seul apport d’énergie primaire nécessaire se situe au niveau de la pompe à solution mais son travail est environ 96 fois inférieur au travail que le compresseur de vapeur doit fournir pour des conditions de fonctionnement similaires .
Performances globales de la machine
Les machines à absorption sont des cycles frigorifiques trithermes qui fonctionnent avec une source froide, une source intermédiaire et une source chaude. Le premier principe de la thermodynamique permet d’écrire l’équation suivante (1.3), si le travail de la pompe est négligé :
?0 + ?1 + ?2 = 0 (1.3)
?0 est la puissance thermique échangée avec la source froide, ?1 est la puissance thermique échangée avec la source intermédiaire et ?2 est la puissance thermique échangée avec la source chaude.
Les fluides de travail
Pour le bon fonctionnement d’une machine à absorption, les fluides mis en jeu, l’absorbant et le fluide frigorigène, doivent avoir des spécificités hydrauliques et thermiques bien précises. Les propriétés du mélange absorbant – fluide frigorigène sont aussi très importantes pour que le couple assure le bon fonctionnement de la machine.
La chaleur latente du fluide frigorigène est la chaleur nécessaire pour qu’il passe d’un état à un autre (liquide → vapeur ou vapeur → liquide). C’est une propriété physique importante car plus cette chaleur latente est grande, moins le travail nécessaire au fonctionnement du cycle est élevé. Plus simplement, plus sa chaleur latente est élevée, moins il faut de fluide frigorigène pour produire la même puissance froide. La propriété physique de l’absorbant la plus importante est sa pression de vapeur qui est la pression sous laquelle l’absorbant liquide se vaporise. Elle doit être la plus basse possible par rapport à celle du fluide frigorigène pour que l’absorbant ne soit pas partiellement évaporé lorsqu’il est chauffé dans le générateur. A la sortie du générateur la vapeur de fluide frigorigène ne doit idéalement pas contenir de traces de solvant. Enfin la propriété physique la plus importante du mélange est sa température / pression de cristallisation. Le mélange ne doit pas présenter de phase solide sur toute la plage de fonctionnement en pression et en température pour que le cycle fonctionne correctement et pour ne pas endommager la machine.
Les fluides frigorigènes les plus utilisés en climatisation et en réfrigération sont ceux qui présentent des chaleurs latentes (aussi appelées enthalpies de vaporisation) élevées. L’ammoniac est un excellent fluide frigorigène avec une chaleur latente de vaporisation de 1369,5 kJ/kg à son point d’ébullition (1,013 bar et -33,33°C) et qui varie entre 900 et 1500 kJ/kg pour une plage de température entre 100°C et -75°C [6]. L’eau est aussi un très bon fluide frigorigène avec une chaleur latente de vaporisation comprise entre 1200 et 2500 kJ/kg pour une plage de température comprise entre 327°C et 7°C [6]. Pour cette raison, les deux grandes familles de machines à absorption sont les machines ammoniaceau et eau-bromure de lithium (fluide frigorigène-absorbant). Le couple H2O/LiBr présente de bonnes propriétés physiques notamment au niveau de la pression de vapeur de l’absorbant qui est assez basse par rapport à celle du fluide frigorigène. De cette manière il n’y pas de traces de bromure de lithium emmenées avec la vapeur d’eau en sortie du générateur. De plus, ce couple ne présente pas de problèmes de toxicité et garantit de bons coefficients de performance. C’est le couple qui est actuellement le plus utilisé dans les machines à absorption. Mais le couple H2O/LiBr est limité aux applications de climatisation car les propriétés physiques de l’eau ne permettent pas son évaporation en dessous de 0°C et les plages de pression de fonctionnement pour ce couple impliquent un fonctionnement à très basse pression de la machine. Il est impossible avec ce couple de produire du froid négatif. Un autre inconvénient important du couple eau/bromure de lithium est sa cristallisation qui est possible si la quantité de bromure de lithium est trop importante par rapport à la quantité d’eau dans la solution. Il y a donc risque de solidification du mélange sur les plages de fonctionnements en pression et température.
Le couple NH3/H2O présente quant à lui une température de solidification basse, que ce soit celle de l’ammoniac ou celle du mélange ammoniac/eau. Ce couple est donc utilisable pour des applications de climatisation mais aussi de réfrigération et il n’y a pas de cristallisation possible sur les plages de fonctionnement en pression et température. Par contre, pour ce couple, l’écart de pression de vapeur entre l’absorbant et le fluide frigorigène est faible. Il y a donc des traces d’eau emmenées avec la vapeur d’ammoniac en sortie du générateur. Ce problème peut être résolu à l’aide d’un rectifieur ou d’une architecture adaptée comme une colonne à garnissage mais cela implique plus d’éléments dans la machine, complexifiant son architecture et pouvant réduire sa compacité. De plus le couple NH3/H2O est contraignant en raison de sa toxicité pour l’homme et de sa corrosivité sur de nombreux matériaux.
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Table des matières
Introduction générale
I. Contexte et objectifs de l’étude
II. Contenu du manuscrit
III. Références Introduction
CHAPITRE 1. Étude bibliographique
I. Introduction
II. Les machines à absorption ammoniac-eau
II.1. Principe de fonctionnement
II.2. Performances globales de la machine
II.2.1. Les indicateurs de performance thermique
II.2.2. L’indicateur de performance électrique
III. Les fluides de travail
IV. L’absorbeur
IV.1. Le phénomène d’absorption ammoniac-eau
IV.2. Les différents modes d’absorption
IV.3. Focus sur l’absorption en film tombant
IV.3.1. Etudes expérimentales sur l’absorption en film tombant
IV.3.2. Etudes numériques sur l’absorption en film tombant
IV.4. Evaluation des performances de l’absorbeur
V. Les transferts couplés de masse et de chaleur en film tombant
V.1. Les différents régimes d’écoulement gaz-liquide dans les échangeurs à plaques
V.1.1. Régime d’écoulement gaz-liquide contre-courant
V.1.2. Régime d’écoulement gaz-liquide co-courant
V.1.3. Dynamique des écoulements en film
V.2. Les transferts thermiques
V.3. Les transferts massiques
V.3.1. Généralités
V.3.2. Temps de séjour nécessaire
VI. Synthèse de l’étude bibliographique
VII. Références Chapitre 1
CHAPITRE 2. Installation expérimentale pour l’étude de deux absorbeurs à plaques
I. Introduction
II. Le prototype de machine à absorption
II.1. Fonctionnement de la machine et régulation
II.2. Instrumentation du prototype
II.3. Acquisition des données
II.4. Variables d’expérimentation
III. Les absorbeurs étudiés
III.1. L’absorbeur à plaques soudées
III.1.1. Caractéristiques et géométrie
III.1.2. Distribution de la solution liquide dans l’absorbeur
III.2. L’absorbeur à plaques et joints
III.2.1. Caractéristiques et géométrie
III.2.2. Instrumentation locale mise en place
III.2.3. Mesure expérimentale du coefficient de transfert de chaleur externe
IV. Procédure expérimentale et description des essais réalisés avec les deux absorbeurs
V. Traitement des données expérimentales
V.1. Propriétés thermodynamiques et propriétés de transport du mélange ammoniac –eau
V.2. Paramètres utilisés pour l’étude expérimentale de l’absorbeur
VI. Conclusion
VII. Références Chapitre 2
CHAPITRE 3. Analyse des résultats expérimentaux
I. Introduction
II. Analyse expérimentale globale de l’absorbeur
II.1. Performances de l’absorbeur
II.2. Impact de l’absorbeur sur la machine globale
II.3. Performances globales de la machine
II.4. Problématique de la machine réelle
III. Analyse expérimentale locale de l’absorbeur
III.1. Analyse des profils de température dans le fluide le long de l’absorbeur
III.2. Analyse des profils de température fluide/paroi le long de l’absorbeur
III.3. Analyse des flux surfaciques le long de l’absorbeur
IV. Conclusion
V. Références Chapitre 3
CHAPITRE 4. Étude numérique
I. Introduction
II. Modélisation d’un absorbeur à film tombant dans un échangeur à plaques
II.1. Hypothèses de modélisation
II.2. Bilans de masse
II.3. Bilans enthalpiques
II.4. Condition d’équilibre à l’interface
II.5. Bilan d’énergie à l’interface
II.6. Flux absorbés à l’interface
II.7. Bilan d’énergie sur le fluide de refroidissement
II.8. Equations empiriques pour le calcul des coefficients de transfert
II.8.1. Coefficient de transfert de chaleur du côté du fluide caloporteur
II.8.2. Coefficient de transfert de chaleur convectif du côté du film ruisselant
II.8.3. Coefficient de transfert de masse dans le film liquide à l’interface
II.8.4. Coefficient de transfert de chaleur dans la vapeur à l’interface
II.8.5. Analogie transfert thermique – transfert massique
III. Outil numérique développé
IV. Résultats numériques
Conclusion générale