Compétition interspécifique
La compétition interspécifique peut jouer un rôle important dans la dynamique des populations (Schoener 1982, Polis et al. 1989, Whitehead et Walde 1993, HoIt et Polis 1997). Elle se produit lorsque des individus de deux espèces entrent en compétition pour la même ressource ou lorsque l’une exclue physiquement l’autre d’une portion d’habitat (Townsend et al. 2002). Elle est commune entre les mammifères carnivores (Mills et Gorman 1997, Palomares et Caro 1999, Sunde et al. 1999) mais ne se produit principalement que lorsque les ressources sont limitées (Jones et Barmuta 1998). Elle peut mener à une diminution de la fécondité, de la croissance ou de l’ emmagasinage des réserves par les individus, de la réduction des densités et/ou d’ une altération de la structure d’ âge au niveau de la population et peut même aller jusqu’ à l’extinction (Dunham 1980, Korpimaki 1987, Petren et Case 1996, Fedriani et Fuller 2000). La compétition interspécifique peut aussi influencer l’utilisation de l’habitat. Par exemple, lors d’ une étude en Thaïlande, les déplacements des panthères nébuleuses (Neofelis nebulosa) de même que ceux des chats dorés d’Asie (Catopuma temminckii) étaient influencés par le dhole (Cuon alpinus), un canidé qui chasse en groupe et qui domine les deux félins solitaires (Grassman et al. 2005). Ailleurs, la panthère nébuleuse est retrouvée en faible densité là où il y a présence de grandes populations de tigres (Panthera tigris) ou de léopards (Panthera pardus ; Grassman et al. 2005). La compétition interspécifique a également été observée chez une population de guépards (Acinonyx jubatus) où 73% de la mortalité juvénile était causée par la prédation des lions (Panthera leo) et des hyènes tachetée (Crocuta crocuta; Laurenson 1994).
Autres causes naturelles: nourriture, maladies et parasites
Plusieurs causes naturelles de mortalité peuvent aussi affecter les populations de félidés. La disponibilité de la nourriture en est un exemple. En Argentine, suite à une diminution des populations de proies, 42% des chats de Geoffroy (Oncifelis geoffroyi) sont morts de faim (Pereira et al. 2006). Au Yukon, 19% des lynx du Canada (Lynx canadensis) ont subi le même sort durant le déclin des populations de lièvres d’Amérique (Lepus americanus; Poole 1994). La diminution de la fécondité des femelles adultes peut aussi affecter les populations de félidés. Une diminution dans certains paramètres de reproduction (taux d’ovulation, taux de grossesses et taille des portées) a été notée chez une population de lynx du Canada lors d’un déclin des proies, ce qui a mené à une chute de 40% des naissances (Brand et Keith 1979). La fécondité des feme lles peut être affectée par plusieurs facteurs naturels, diminuant ainsi la relève et le niveau des populations. Certaines maladies peuvent aussi affecter les populations de félidés.
Chez les lynx d’ Eurasie (Lynx lynx), la galle est une maladie commune qui est une cause importante de mortalité, spécialement en Europe du nord (Valdmann et al. 2004). Récemment, deux épidémies causées par le virus de la maladie de Carré du chien ont été rapportées chez des populations de grands félidés. La première en Californie, qui a touché des léopards, des lions, des tigres et un jaguar (Panthera onca) en captivités, a entraîné une mortalité de 23% (Appel et al. 1994). La seconde a conduit à une mortalité de 30% dans une population de lions en Tanzanie (Roelke- Parker et al. 1996). Les parasites peuvent également nuire aux populations de félidés . En effet, les parasites sont fréquents chez les lynx (Oertley et Walls 1980, Zarnke et al. 2001, Schmidt-Posthaus et al. 2002, Kikuchi et al. 2004, Reichard et al. 2004). Certains parasites tels que les vers de poumons Vogeloides Felis et Metathelazia californica, de même que l’ helminthe Toxocara sp., peuvent être mortels pour ceux-ci (Schmidt-Posthaus et al. 2002, Pence et al. 2003).
La perte d’ habitat
L’une des menaces les plus importantes chez les mammifères est la perte d’habitat (Wilcox et Murphy 1985, Ferreras et al. 1992, Rodrfguez et Delibes 1992, Cardillo et al. 2004), spécialement chez les carnivores (Wilcox et Murphy 1985, Noss et al. 1996, Crooks 2002). La perte d’habitat peut être causée par l’ urbanisation (Ferreras et al. 1992, White et al. 1996, Adkins et Stott 1998, Tigas et al. 2002), l’ agriculture (Dollacker et Rhodes 2007, Gagné et Fahrig 2007) ou les coupes forestières (Stouffer et al. 2006, Wenjun 2007). La perte et la fragmentation de l’ habitat de même que l’augmentation des bordures contribuent à la réduction de la distribution et de l’ abondance de plusieurs espèces animales (Yahner 1988, Saunders et al. 1991 , Ferreras et al. 1992, Palma et al. 1999, Dixon et al. 2007). Les populations de plusieurs espèces de félidés ont aussi diminué dû à la perte d’ habitat. Aux États-Unis, les ocelots (Leopardus pardalis) ont diminué depuis les années 1975, principalement à cause de l’urbanisation et de l’agriculture (Harveson et al. 2004, Jackson et al. 2005, Haines et al. 2006). En Europe, le nombre de lynx d’Eurasie a diminué depuis 150 ans en raison de la perte et de la fragmentation de l’ habitat causées par l’ urbanisation et l’agriculture (Schadt et al. 2002, Kramer-Schadt et al. 2004). En Floride, la perte d’ habitat par l’ urbanisation demeure la plus grande menace à la survie des couguars (Puma concolor; Kautz et al. 2006).
L’exploitation et le braconnage
L’exploitation par la chasse et le piégeage, tant légale qu’illégale, peut aussi contribuer à la diminution des populations de félidés. En effet, chez les lynx pardelles, la récolte illégale était la cause de plus de 50% des mortalités (Ferreras et al. 1992). Chez les lynx du Canada, la surexploitation par le piégeage aurait fait diminuer les populations au 20e siècle (Poole 2003). Chez le tigre, la chasse et le braconnage ont réduit l’aire de distribution depuis le début du siècle, ont fait chuter ses populations de 95% et il est maintenant disparu de plusieurs pays (Sunquist et al. 1999, Bhagavatula et Singh 2006, World Conservation Trust 2007). Les populations de lions ont aussi subi un déclin remarquable depuis 150 ans, principalement à cause de la chasse illégale afin de protéger le bétail de la prédation et pour des pratiques culturelies traditionnelles (Bauer et Nowell 2004, Bauer et Iongh 2005, Barnett et al. 2006). Un autre exemple est le cas du chat bai (Catopuma badia), endémique à l’île de Bornéo, dont les populations ont grandement diminué suite à l’ augmentation constante de son prix pour la revente dans les zoos (Kitchener et al. 2004). La surexploitation d’une espèce peut affecter indirectement d’autres espèces. La surexploitation du chinchilla à queue courte (Chinchilla brevicaudata) a contribué à causer le déclin chez l’un de ses prédateurs, le chat des Andes (Greai/urus jacobita), depuis les cinquante dernières années (lverson 2004, Lucherini et Merino 2006). Cette espèce est aujourd’hui l’espèce de félidé la plus menacée en Amérique (lverson 2004, Lucherini et Merino 2006).
Autres causes de mortalité humaines Les routes peuvent influencer négativement plusieurs espèces de félidés. Les principaux effets des routes sur les animaux sauvages sont l’augmentation de la mortalité due aux collisions automobile, la plus grande interaction avec les humains, la présence d’ une barrière physique, la perte d’habitat directe et indirecte et la fragmentation (van der Zee et al. 1992, Clevenger et Waltho 2000, Cain et al. 2003). Chez les félidés, il a été observé qu ‘après les captures légales et illégales, les autoroutes sont très souvent une cause de mortalité importante (Haines et al. 2005 , Blankenship et al. 2006). Les programmes de contrôle de la déprédation peuvent contribuer au déclin de certaines espèces. Cela a été observé chez les couguars dont les populations ont pratiquement été éliminées de l’ouest des États-Unis suite au programme de contrôle des prédateurs (Riley et al. 2004). Les populations de léopard des neiges (Uncia uncia), sont également menacées par la déprédation effectuée par les villageois dans le but de défendre leurs animaux d’ élevage (Mishra et al. 2003 , Bagchi et Mishra 2006). Le lynx roux est polygame (Provost et al. 1973). L’accouplement se produit entre février et avril (Duke 1954).
Les lynx roux ont une gestation d’environ 63 jours (Young 1958). Ils ont une seule portée par année qui varie entre 1 et 6 jeunes avec une moyenne de 2 à 4 (Larivière et Walton 1997, Anderson et Lovallo 2003). Les jeunes naissent entre avril et juin (Crowe 1975a, b) et restent avec leur mère jusqu’à la prochaine saison d’accouplement. Le lynx roux occupe une grande variété d’habitats allant des forêts des basses terres aux déserts arides et des forêts boréales aux régions tropicales humides (Werdelin 1981). Les caractéristiques clés des endroits où il habite sont une abondance de proies (Rolling 1945, Litvaitis et al. 1986b, Koehler et Hornocker 1989), un couvert dense et une protection contre les conditions climatiques sévères (McCord 1974, Koehler et Hornocker 1989). Le lynx roux se nourrit principalement de lagomorphes et de rongeurs (Bailey 1974, Litvaitis et al 1986a, Witmer et deCalesta 1986, Dibello et al. 1990, Knick 1990), ainsi que de cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus; Fritts et Sealander 1978, Litvaitis et al. 1984). 3.2. Tendance globale des populations de lynx roux En Amérique du Nord, le lynx roux est généralement considéré comme abondant à la grandeur de son aire de distribution.
Parmi les 12 sous espèces reconnues, une seule, qui occupe le Mexique, Lynx ru/us escuinapae, est considérée menacée (Woolf et Hubert 1998, United States Fish et Wildlife Service 2005, Hansen 2007). Au Canada, le lynx roux occupe la partie sud de huit provinces: la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Il est absent de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador. Le lynx roux est particulièrement abondant en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. En effet, ces deux provinces possèdent la plus grande récolte de lynx roux du nord est de l’Amérique du Nord depuis 1965, atteignant environ 1000 et 800 captures par année respectivement. En contraste, le lynx roux n’est présent qu’en faible densité au Québec et la récolte annuelle entre 1965 et 1991 varie autour de 150 à 200 captures.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
1. Déclin chez plusieurs mammifères au cours du dernier siècle
2. Problèmes de conservation chez les félidés
2.1. Causes naturelles
2.1.1. Compétition interspécifique
2.1.2. Compétition intraspécifique
2.1.3. Autres causes naturelles: nourriture, maladies et parasites
2.2. Causes humaines
2.2.1. La perte d’habitat.
2.2.2. L’exploitation et le braconnage
2.2.3. Autres causes de mortalité humaines
3. Étude de cas: le lynx roux (Lynx rufus)
3.1 . Présentation générale
3.2. Tendance globale des populations de lynx roux
3.3. Problème de conservation spécifique au lynx roux
3.3.1. Causes naturelles
3.3.1.1. Compétition interspécifique
3.3.1 .2. Compétition intraspécifique
3.3.1.3. Autres causes naturelles : nourriture, maladies et parasites
3.3.2. Causes humaines
3.3.2.1. La perte d’ habitat
3.3.2.2. L’exploitation et le braconnage
3.3.2.3. Autres causes de mortalité humaines
3.4. Évolution de la problématique du lynx roux au Québec depuis 1991
4. Objectif de l’ étude
ABSTRACT
STUDY AREA
METHODS
RESULTS
DISCUSSION
MANAGEMENT IMPLICA TIONS
AKNOWLEDGMENTS
LITERA TURE CITED
FIGURE LEGENDS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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