Les lymphocytes cytotoxiques

Les lymphocytes cytotoxiques 

Généralités du système immunitaire

L’organisme se défend en permanence contre les agressions externes grâce à un réseau complexe d’organes, tissus, cellules, molécules et mécanismes diverses ; on parle de système immunitaire. Celui-ci a évolué simultanément avec notre environnement pour adapter ses réponses et nous défendre face aux pathogènes étrangers mais aussi aux cellules du Soi altérées. La classification historique des cellules de l’immunité par la communauté d’immunologistes a été de distinguer deux composantes : l’immunité Innée de l’immunité Adaptative . Cette division repose notamment sur le différentiel temporel de mise en place d’une réponse. L’immunité Innée reconnaît rapidement des motifs conservés de pathogènes et met en place une réponse peu spécifique. A l’inverse, l’immunité Adaptative est modulée spécifiquement et requiert donc plus de temps pour s’enclencher.

Cependant, suivant les avancées de la recherche fondamentale, cette dichotomie entre immunité innée et adaptative tend à s’amenuiser de plus en plus. Un dialogue important et une complémentarité des réponses entre ces deux pans démontrent leur étroite interconnexion. Aussi, de nombreuses cellules partagent finalement des caractéristiques de ces deux immunités comme les cellules MAIT ou les lymphocytes T γδ. Ces dernières sont alors regroupées dans l’immunité dite transitionnelle.

Il est alors intéressant de remarquer que certaines fonctions sont finalement partagées par différents types cellulaires appartenant aux différents types d’immunité. C’est le cas de la fonction cytotoxique . La multiplicité de type cellulaire présentant cette fonction cytotoxique souligne l’importance de celle-ci au sein de notre système immunitaire. En effet, on comprend aisément l’intérêt d’un système de reconnaissance et d’élimination direct de pathogènes, ou de surveillance de développement tumoral dans l’arsenal de notre système immunitaire. Les premiers acteurs cytotoxiques à avoir été caractérisés sont les cellules « natural killer » (NK) (Herberman et al., 1975 ; Kiessling et al., 1975). Depuis, les lymphocytes T αβ CD8+ , les NKT et les lymphocytes T γδ ont aussi été caractérisés comme possédant une activité de lyse directe. De façon plus récente, les MAIT et certains lymphocytes T αβ CD4+ sont venus élargir les rangs des cellules cytotoxiques.

Les cellules natural killer (NK) 

Dans les années 1970, une nouvelle population cellulaire a été décrite chez la souris pour sa capacité cytotoxique spontanée face à des cellules tumorales sans sensibilisation au préalable (Herberman et al., 1975 ; Kiessling et al., 1975). C’est basé sur cette caractéristique que ces cellules ont été nommées « natural killer » ou cellules NK. Certains chercheurs classent les cellules NK dans la famille des cellules lymphoïdes innées (ILC), et plus précisément des ILC1. Ce rapprochement est fondé notamment sur le partage de plusieurs fonctions et facteurs de transcriptions. En effet, ces deux types cellulaires sont capables de secréter de l’IFNγ et du TNFα en réponse à un combo d’IL-12 et d’IL-18, nécessitent tous deux de l’IL-15 tant pour leurs différenciations que leurs fonctions, et expriment le facteur de transcription T-bet. En revanche, si l’on s’intéresse quelque peu au lignage de ces cellules, une telle classification n’est pas correcte (pour une revue récente sur le sujet, voir Riggan L. et al., 2019). Aussi, les NK sont des cellules circulantes alors que les ILC1 sont résidentes des tissus muqueux et seules les cellules NK sont douées de capacité cytotoxique.

Quoi qu’il en soit, les cellules NK ressemblent en partie à des lymphocytes T CD8+, notamment du fait de leur taille, fonctions et facteurs de transcriptions utilisés. En revanche, contrairement aux lymphocytes T ou B, ces cellules ne possèdent pas de récepteurs spécifiques à un antigène. Les cellules NK sont alors capables de différencier les cellules saines des cellules tumorales ou transformées grâce à un large éventail de récepteurs activateurs et inhibiteurs, on parle de reconnaissance du « Soi manquant ». Parmi les principaux signaux activateurs de la fonction cytotoxique des cellules NK, on retrouve la perte de l’expression du CMH de classe I ainsi que l’activation de récepteurs NK tel que NKG2D ou DNAM 1 (revue par Long E et al., 2013). Présentant à leur surface des récepteurs de la partie constante des anticorps (tel que FcγRIII), les cellules NK sont aussi capables de déclencher une cytotoxicité anticorps-dépendante (ADCC).

Les NKT 

Fin des années 1980, plusieurs équipes mettent en évidence chez la souris l’existence d’une population de lymphocytes T αβ exprimant leurs TCR de façon modérée et en l’absence de CD4 comme de CD8 (Budd et al., 1987 ; Fowlkes et al., 1987). De plus, ces derniers expriment la molécule NK1.1 à leurs surfaces jusqu’à lors considérée comme spécifique des cellules NK (Ballas et al., 1990 ; Sykes et al., 1990). Par la suite, la mise en évidence de leur forte sécrétion de cytokines telles que l’IFNγ et le TNFα et leur capacité cytotoxique a intensifié l’intérêt de la recherche pour cette population.

Les NKT se déclinent en plusieurs sous-populations répertoriées selon leur répertoire TCR, les NKT de type 1 (aussi nommés iNKT), les NKT de type 2 et les NKT-like (Godfrey D. et al., 2004). Toutefois, lorsque l’on parle des NKT, on sous-entend généralement les iNKT pour « invariants ». Cette population présente un TCR semi-invariant chez la souris, composé des chaînes Vα14-Jα18/Vβ8, Vβ7 ou Vβ2, et invariant chez l’homme Vα24-Jα18/Vβ11 (Porcelli S. et al., 1993 ; Lantz O. et al., 1994). Les iNKT représentent la population de NKT majoritaire chez la souris, ce qui a permis de bien mieux décrire leurs biologie et fonctions. Cependant, ce sont les NKT de type 2 qui sont majoritaires chez l’homme (Exley MA. et al., 2001 ; Arrenberg P. et al., 2009).

Les iNKT, bien que présentant le même TCR restreint au complexe CD1d/α-GalCer, démontrent une certaine hétérogénéité fonctionnelle. De ce fait et à l’instar des LT CD4+ dit « helper », les populations de iNKT sont catégorisées en fonction des cytokines qu’elles secrètent. Les NKT1 sécrètent principalement de l’IFNγ et sont retrouvés dans le foie et la rate, les NKT2 sécrètent majoritairement de l’IL-4 et sont retrouvés dans la rate et les poumons, tandis que les NKT17 sécrètent de l’IL-17 et résident dans les ganglions, poumons et la peau (Lee YJ. Et al., 2013 ; Engel I. et al., 2016).

Les NKT de type 2 sont bien moins caractérisés que les iNKT. Ces cellules présentent un répertoire de TCR plus varié et ainsi, une spécificité antigénique diverse bien qu’ils restent restreints au CD1d (Porcelli S. et al., 1993 ; Godfrey D. et al., 2004). Les NKT de type 2 sont abondants dans le foie bien que leur fréquence reste inconnue dans de nombreux organes (Exley MA. et al., 2002). Enfin, les NKT-like sont les seuls NKT à ne pas être restreints au CD1d. Ces cellules sont majoritairement CD8+ , expriment plusieurs récepteurs NK mais n’expriment pas la molécule de stimulation CD28 retrouvée habituellement sur les LT αβ (Speiser D., et al., 1999). Les NKT-like sont relativement rares à la naissance mais leur nombre augmente avec l’âge et ils peuvent représenter entre 5 et 15% des lymphocytes T périphériques (McNerlan SE. et al., 1998 ; Jiang Y. et al., 2014).

Les lymphocytes T CD8+

Les LT αβ CD8+ représentent une part puissante du système immunitaire adaptatif. Ces cellules sont circulantes et nécessitent de se faire activer par des cellules dendritiques au sein des ganglions avant de devenir cytotoxiques. En effet, bien qu’elles ne soient pas encore armées pour exercer leurs fonctions effectrices à l’état naïf, ces dernières deviennent matures et se multiplient considérablement une fois leur antigène rencontré à l’aide des cellules présentatrices d’antigènes (APC). Les lymphocytes T CD8+ expriment un répertoire de TCR très large restreint majoritairement par les molécules de CMH de classe I et reconnaissent une diversité d’antigènes. Ces LT ont aussi besoin de la présence de cytokines telles que l’IL-2 et l’IFNγ et de signaux d’activations secondaires (induit par leur CD28 ou encore l’interaction CD40/CD40L) pour s’activer et ainsi produire des molécules lytiques, cytokines et autres récepteurs de mort leurs permettant d’effectuer leur fonction cytotoxique.

Les MAIT

Les lymphocytes MAIT (Mucosal-Associated Invariant T cells) ont été découvert plus récemment grâce à l’identification d’un TCR semi-invariant composé de la chaîne Vα7.2-Jα33 associée à un répertoire restreint de chaînes β (Porcelli S et al., 1993 ; Tilloy F et al., 1999). La plupart des MAIT chez l’homme sont CD8+αα ou double négatif, c’est-à-dire CD4- CD8- . Elles sont restreintes à une protéine non polymorphique liée au CMH de classe I et hautement conservée dans l’évolution, MR1 (Treiner E et al., 2003) ce qui leur confère un rôle important de défense antimicrobienne. Elles sont ainsi capables de sécréter de nombreuses cytokines comme le TNFα, IFNγ ou encore de l’IL-17. Cela leur permet notamment de recruter et activer d’autres effecteurs du système immunitaire, tels que les cellules dendritiques ou les lymphocytes B. À la suite de leur stimulation TCR-dépendante, les cellules MAIT vont exercer leur fonction cytotoxique, notamment à travers la sécrétion de perforine et granzyme B.

Les lymphocytes T CD4+

Les fonctions effectrices des différents compartiments de LT sont critiques pour façonner la réponse immunitaire face aux nombreuses maladies et infections. Alors que les LT CD8+ ont toujours été reconnus pour leur fonction cytotoxique directe face aux cellules cibles, les LT CD4+ ont quant à eux été décrit pour leurs fonctions d’auxiliaires et soutiens aux autres populations de par leur production de cytokines.

Grâce aux recherches récentes, on se rend compte que ces délimitations sont finalement flexibles et que certains LT CD4+ sont eux aussi capables de cytotoxicité. De premières observations de ces LT CD4+ cytotoxiques ont pu être faites dans l’étude de la réponse antivirale, notamment grâce à des modèles de souris infectées par le virus de la chorioméningite lymphocytaire, puis par l’étude de patients atteint de VIH, EBV ou encore hépatites B & C (Suni et al., 2001 ; van Leeuwen et al., 2004 ; Jellison et al., 2005 ; Aslan et al., 2006 ; Saez-Borderias et al., 2006 ; Soghoian et al., 2012). Ces études ont aussi démontré que cette cytotoxicité est engendrée par une reconnaissance TCR-dépendante d’antigènes viraux apparentés présentés par le CMH de type II, de façon similaire à la reconnaissance par les LT CD4+ non-cytotoxique.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 : Les lymphocytes cytotoxiques
A) Généralités du système immunitaire
B) Les cellules natural killer (NK)
D) Les lymphocytes T CD8+
E) Les MAIT
F) Les lymphocytes T CD4+
G) Les lymphocytes Tγδ
Chapitre 2 : La synapse immunologique
A) Formation de la synapse immunologique cytotoxique
B) Le rôle crucial des molécules d’adhésions
C) Le cytosquelette d’actine : un acteur essentiel
D) La signalisation TCR, moteur de la dégranulation
Chapitre 3 : Les Vγ9Vδ2, sentinelles sanguines
A) Ontogénie et conservation au sein des espèces
B) Développement et sélection thymique du répertoire
C) Fonctions
D) Le récepteur T à l’antigène et corécepteurs
Chapitre 4 : Les butyrophilines, une famille émergente de régulateurs immunitaires
A) Généralités
B) BTN3A
C) BTN2A
OBJECTIFS DES TRAVAUX DE RECHERCHE ET DEMARCHE SCIENTIFIQUE
I. Objectifs des travaux de recherche
II. Démarche scientifique
RESULTATS
Chapitre 1 : Etude et caractérisation d’un anticorps anti-BTN3A
A) Introduction
B) Méthodologie
C) Principaux résultats
D) Conclusion
Chapitre 2 : Caractérisation de la synapse immunologique des LT Vγ9Vδ2
A) Introduction
B) Méthodologie
C) Principaux résultats
D) Conclusion
E) Article
DISCUSSION
LT Vγ9Vδ2 et immunothérapies
Butyrophilines et synapse des LT Vγ9Vδ2
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE
LT Vγ9Vδ2 au sein du microenvironnement tumoral
A) Article soumis
B) Equiper les LT Vγ9Vδ2 pour renforcer leurs fonctions face aux tumeurs solides
Liste des publications
Liste des communications

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