L’environnement est aujourd’hui au cœur des préoccupations mondiales, du fait de l’accroissement incessant des activités humaines conduisant à des pollutions de diverses natures et au réchauffement climatique. Les efforts entrepris suite aux objectifs proposés lors des conférences internationales sur le climat (COP21…) ont permis d’améliorer certains indicateurs comme la qualité locale de l’eau ou de l’air. Mais les indicateurs globaux liés aux émissions mondiales de gaz à effet de serre restent critiques. Parmi les pistes d’amélioration de la qualité de l’air, la diminution des composés organiques volatiles (COV) est au centre des attentions. Depuis 1999, une directive européenne règlemente l’utilisation des COV dans certaines activités et installations. Cependant, ils sont encore utilisés dans un grand nombre de domaines et selon un inventaire du CITEPA, les émissions totales de COV en France métropolitaine sont passées de 2478 kt en 1995 à 923 kt en 2020 et doivent encore être diminuées d’ici 2030. Les solvants qui sont la principale source d’émission de COV (45% des émissions totales) sont encore très exploités dans des nombreux secteurs tels que la métallurgie, la pharmacie ou la chimie. Ces trois secteurs utilisent l’extraction liquide-liquide qui repose sur l’utilisation d’une grande quantité de solvants organiques, parfois sur des installations à grande échelle. L’extraction liquide-liquide est une technique de séparation qui a été développée en hydrométallurgie pour récupérer des métaux issus de gisements ou de mines urbaines. Elle est aujourd’hui utilisée pour de nombreuses applications pouvant concerner la pétrochimie, l’industrie alimentaire, l’industrie pharmaceutique, la biologie ou encore l’industrie nucléaire. Cette technique consiste à mettre en contact une phase aqueuse contenant les éléments d’intérêt avec une phase organique contenant des extractants capables de complexer les éléments à extraire. Aujourd’hui, les nombreuses contraintes environnementales mais aussi économiques liées aux grandes quantités de solvants volatiles utilisées sont de plus en plus pointées du doigt.
Afin de palier à ces inconvénients, des techniques alternatives sont développées. Des procédés originaux par flottation ou par extraction solide-liquide permettent par exemple de réduire l’utilisation de solvants organiques volatiles. Cependant, les capacités de sélectivité et d’extraction ne sont pas toujours aussi satisfaisantes que celles obtenues en extraction liquideliquide et ces nouveaux procédés nécessiteraient de repenser les infrastructures des méthodes actuelles de séparation à l’échelle industrielle.
Des méthodes conventionnelles vers un nouveau concept d’extraction
L’extraction liquide-liquide
L’extraction liquide-liquide (ELL) est une technique de séparation chimique qui est utilisée dans de nombreux domaines industriels tels que l’industrie nucléaire, l’hydrométallurgie, l’agroalimentaire ou bien la pétrochimie. Cette méthode d’extraction est utilisée afin de récupérer des matières valorisables ou d’éliminer des éléments toxiques.
Principe
Le principe de l’extraction liquide-liquide [1] . Il réside en deux étapes :
o La première consiste à mélanger une phase organique contenant des molécules permettant d’extraire spécifiquement des éléments avec une phase aqueuse qui contient ces éléments, toutes deux n’étant pas miscibles. Des molécules complexantes spécifiques des éléments à extraire de la phase aqueuse sont ajoutées à la phase organique. Ce procédé est très efficace et largement répandu dans l’industrie car il est relativement simple à mettre en place. Il est par exemple utilisé pour la concentration de solution diluées ou pour la purification de produits chimiques [1].
o La deuxième étape est la réextraction permettant de récupérer les éléments triés dans une nouvelle phase aqueuse. La phase organique contenant l’élément d’intérêt extrait est mélangée à une nouvelle phase aqueuse propre et contenant un réactif capable de réextraire l’élément d’intérêt. Une molécule extractante hydrophile peut être utilisée ou bien une variation de pH peut permettre de décomplexer l’élément extrait dans la phase organique.
Applications industrielles
Le développement de l’hydrométallurgie moderne est couramment associé au procédé Bayer d’extraction de l’alumine par lixiviation de la bauxite par attaque basique découvert en 1887. Néanmoins, c’est l’utilisation du phosphate de tributyle (TBP) dans la production d’uranium et le retraitement du combustible usé [6] qui, dans les années 1940 a été propice au développement de l’extraction liquide-liquide (ELL). L’ELL est aujourd’hui utilisée dans de nombreux domaines, comme en pharmacologie pour isoler des molécules comme le paracétamol [7] ; en toxicologie pour la détection et le dosage de composés spécifiques comme la colchicine [8]. L’industrie se tournant de plus en plus vers le recyclage du contenu des mines urbaines, l’ELL est également exploitée en ce sens, avec par exemple la récupération de terres rares [9]. Dès le début de l’industrialisation de cette technique, l’utilisation de grandes quantités de solvant a posé problème. Les vapeurs de ces solvants peuvent être extrêmement polluantes et toxiques. Plusieurs tentatives d’alternatives ont été proposées afin de remplacer les solvants organiques en appliquant : des liquides ioniques non-volatiles et moins polluants [10,11], des fluides supercritiques, l’extraction par flottation (ou moussage) [12,13], l’extraction en phase solide, la précipitation, ou bien la filtration membranaire. Cependant, ces méthodes n’ont pas encore permis de remplacer l’ELL à l’échelle industrielle.
L’extraction en phase solide
L’extraction en (ou sur) phase solide (aussi appelée extraction solide-liquide) est basée sur la concentration ou l’isolement d’un élément d’intérêt d’une phase aqueuse sur une phase stationnaire appelée sorbant, ou adsorbant par abus de langage [14]. En plus de sa facilité de mise en œuvre, ce procédé possède l’avantage d’être effectué de manière continue.
L’adsorption de surface
L’adsorption est le processus durant lequel les molécules d’un fluide se fixent à la surface d’un solide. La phase contenant les molécules adsorbées est appelée «soluté» ou «adsorbat» et le solide est nommé «adsorbant» [16]. Il existe deux types d’adsorption : la physisorption et la chimisorption. La chimisorption est un phénomène dans lequel des liaisons chimiques se forment entre l’adsorbat et la surface de l’adsorbant. Les liaisons chimiques sont fortes et peu réversibles. La physisorption ou encore appelée adsorption physique a lieu lorsque les molécules d’adsorbat se fixent à la surface de l’adsorbant via les forces de Van der Waals et les interactions électrostatiques lorsque les adsorbants ont une structure ionique. Ce type d’adsorption est réversible car elle a lieu sans modification de la structure moléculaire. La physisorption est largement prépondérante dans les procédés industriels par rapport à la chimisorption .
La précipitation
La précipitation est la croissance en trois dimensions d’une phase solide. Elle peut être homogène, dans l’ensemble de la solution, ou hétérogène, localisée sur le solide sorbant. Trois sortes de précipitation peuvent avoir lieu avec pour origine une nucléation : la précipitation de surface [15], la précipitation à l’intérieur des pores du sorbant [17] ou bien piégée à l’intérieur d’une structure post-synthétisée ou ayant croit à posteriori [18]. La principale différence entre la précipitation et l’adsorption est l’arrangement moléculaire de la phase formée : 2D (adsorption) ou 3D (précipitation).
L’absorption
Contrairement à l’adsorption, l’absorption n’a pas lieu qu’en surface du solide, l’élément absorbé est diffusé dans la phase solide. L’élément absorbé va s’insérer dans le réseau cristallin du solide et se substituer à un atome présent. Ce mécanisme suppose que les rayons ioniques et les charges des deux atomes substitués soient similaires.
Comme pour l’extraction liquide-liquide, le phénomène d’échange d’ions peut également avoir lieu en phase solide et constitue un processus de sorption. L’espèce extraite est compensée par une autre espèce initialement présente dans le système lorsque ce dernier présente des groupements fonctionnels en surface [19]. Un échangeur d’ions est un solide, souvent une résine [20], capable d’échanger ses ions avec d’autres ions de la solution aqueuse dans laquelle il est plongé. Dans certains cas, les résines, en plus d’être échangeuses d’ions possèdent des fonctions complexantes dans leur matrice, elles sont appelées «chélatantes ». Elles sont, par exemple, utilisées dans l’industrie pour décontaminer les effluents aqueux contenant de l’uranium [21,22].
Afin de connaitre les conditions optimales de sorption d’un matériau, différentes études peuvent être proposées. Une première consiste à faire des cinétiques d’adsorption permettant d’établir la vitesse à laquelle les sites d’adsorption de l’adsorbant sont occupés et le nombre de sites inoccupés. Les modèles cinétiques aident à établir le taux d’extraction d’un métal et le temps au bout duquel l’équilibre est atteint. Différents modèles sont utilisés pour étudier les processus de sorption comme celui du pseudo premier ordre, du pseudo second ordre, l’équation cinétique d’Elovich ou encore le modèle de diffusion parabolique [23]. D’un autre côté, la modélisation d’isothermes d’adsorption permet de déterminer l’adsorption maximale théorique ainsi que les interactions potentielles entre l’adsorbant et l’adsorbé. Ceci est possible en couplant les données expérimentales à des modèles d’isothermes théoriques décrits dans la littérature comme ceux de Langmuir [24] ou Freundlich [25]. L’isotherme de Langmuir suppose que tous les sites de sorption disponibles sur l’adsorbant ont une affinité équivalente avec l’élément adsorbé, ce qui conduit à la formation d’une monocouche de molécules adsorbées. L’isotherme de Freundlich quant à lui, définit une adsorption hétérogène à la surface de l’adsorbant avec des sites aux affinités différentes.
Dans tous les cas, de nombreux paramètres peuvent affecter les processus d’adsorption comme le pH, le temps de contact, les ions compétiteurs, la quantité et la régénération de l’adsorbant mais aussi le type d’adsorbant .
|
Table des matières
Introduction Générale
Table des matières du Chapitre I
I. Des méthodes conventionnelles vers un nouveau concept d’extraction
I.1. L’extraction liquide-liquide
I.2. L’extraction en phase solide
I.3. Le liquide poreux : un matériau prometteur
Table des matières du Chapitre II
II. Un liquide poreux modulable
II.1. Liquide poreux de Type I : une synthèse en 3 étapes
II.2. Caractérisation d’un matériau original
II.3. Etude de l’impact des paramètres de synthèse des nanosphères
II.4. Matériau fonctionnel pour l’extraction
Table des matières du Chapitre III
III. Etude de perméabilité par diffusion des neutrons (DNPA)
III.1. Perméabilité du matériau par mesure in situ de DNPA lors de la sorption de gaz
III.2. Perméabilité du matériau par mesure DNPA en présence de solvants à contraste variable
Table des matières du Chapitre IV
IV. Extraction de métaux d’intérêt
IV.1. Etat de l’art de l’extraction de quelques métaux d’intérêt
IV.2. Méthodes et caractérisations
IV.3. Tests d’extraction : résultats et discussion
Conclusion Générale et Perspectives
Bibliographie Générale