Les lipides alimentaires
Structure, origine et apports nutritionnels conseillés
Les AG sont les constituants majeurs des différentes classes de lipides que sont les TG, les phospholipides (PL), les sphingolipides et minoritairement les esters de cholestérol (EC). Les TG représentent 95 à 98 % des lipides alimentaires ingérés (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation (ANSES), 2011). Les AG alimentaires sont apportés principalement par des molécules de TG qui adoptent différentes structures à l’échelle supramoléculaire dans les aliments (Vors et al., 2016) (Fig.1). La composition en AG des huiles est un des premiers moyens de classification des graisses qui peut varier considérablement selon le type d’AG constitutifs. En effet, une huile est caractérisée non seulement par sa composition globale en AG mais aussi par sa composition en espèces moléculaires. Chaque espèce moléculaire se caractérise par la nature des AG estérifiés en position externe : sn-1 ou sn-3, ou interne (sn-2) du glycérol (Genot & Michalski, 2010).
Le Tableau I illustre la grande diversité des AG alimentaires. La grande majorité des AG naturels sont constitués d’une chaine linéaire à nombre pair de carbone allant de 4 à 24 carbones (C), les AG de 10 à 22 C étant les mieux représentés (Patel et al., 2016). Ils se distinguent par la présence de doubles liaisons (ou insaturations) qu’ils renferment, alors que les AG insaturés (AGI) s’organisent autour des AGMI et des AGPI. Les AGMI ont une double liaison, le principal AG est l’ac.oléique (C18: n-9) et se retrouve dans l’huile d’olive, à la différence des AGPI qui comprennent deux ou plus de doubles liaisons majoritairement en configuration cis et non conjuguée. La position de la double liaison terminale (la plus proche du CH3 terminal) définit la classification des AGI n-6 ou n-3 qui est en rapport avec leur mécanisme de synthèse et leurs fonctions métaboliques (Raynal-Ljutovac et al., 2011), les AGS n’ont aucune insaturation (Orsavova et al., 2015). Parmi les composantes des deux classes d’AGPI (n-3 et n-6), on retrouve l’ac. α-linolénique (C18:3 n-3) et l’ac. linoléique (C18: 2n-6) qui sont indispensables pour la croissance normale et les fonctions physiologiques de tous les tissus mais ne sont synthétisés ni par l’Homme ni par l’animal (Nettleton et al., 2016).
Les AGPI n-3 se retrouvent à la fois dans certains produits végétaux et tissus animaux (Hardwick et al., 2013), ils sont principalement concentrés dans les poissons gras (sardine, hareng…). Les AGPI n-6 se retrouvent principalement dans les huiles végétales qui contiennent à l’état naturel une grande proportion d’AGI leur conférant leur fluidité (Saillard, 2014). Quant aux AGS, ils sont principalement d’origine animale (laitages, viandes) mais sont aussi d’origine végétale (graisse de coco, huile de palme) (Cuvelier & Maillard, 2012). Les AG non estérifiés (AGNE) ne sont présents qu’en faible proportion dans les lipides alimentaires. La grande majorité des AG alimentaires sont sous forme estérifiée dans les TG qui sont des lipides neutres ou dans les PL qui sont des lipides polaires.
Les AGT d’origine naturelle proviennent principalement de la biohydrogénation des AGPI par les bactéries du rumen au cours de laquelle certaines doubles liaisons restantes passent à l’état trans. Les AGT peuvent être d’origine industrielle et sont retrouvés dans certaines margarines et graisses végétales hydrogénées, suite à une hydrogénation chimique partielle des huiles végétales (Léger & Razanamahefa, 2005) ou peuvent également résulter du traitement thermique (chauffage et cuisson des huiles végétales à haute température (T°)) (Chardigny & Malpuech-Brugere, 2007). Les AGT sont très majoritairement des AG à 18 carbones et une double liaison donc monoinsaturé. Les AGT ont une configuration spatiale différente de celle des autres AG avec des propriétés biochimiques et biophysiques très particulières. Les AGT d’origine naturelle sont principalement composé d’isomère trans 11 (ou ac. vaccénique). Dans les matières grasses végétales partiellement hydrogénées, ce sont des isomères trans 9 (ac. élaïdique) et trans 10 qui sont majoritaires (Chardigny & Malpuech- Brugere, 2007).
Les lipides existent sous forme libre en phase continue homogène (cas des huiles) ; sous forme de gouttelettes d’émulsion ; huile dans l’eau (cas des sauces vinaigrettes et mayonnaises, laits, ou encore des yaourts qui sont des émulsions gélifiées) ; sous forme d’inclusions lipidiques dans des matrices solides glucidiques ou protéiques (cas des produits élaborés tels que les biscuits et les fromages) ou sous forme de phase continue d’une émulsion eau dans huile (beurre, margarine) (Michalski et al., 2017). Les graisses se subdivisent en graisses visibles comme l’huile, le beurre, la margarine, utilisées pour cuire, rôtir ou tartiner, et en graisses cachées que l’on retrouve dans les viennoiseries, les produits animaux et les sauces industrielles. Les huiles des fruits sont souvent obtenues à partir de la chair des fruits oléagineux (plantes, fruits et graines) par pression puis clarification ou centrifugation et filtration. C’est le cas des huiles vierges (huile de tournesol (riche en AGPI) comprenant essentiellement l’ac. linoléique source de vitamine (Vit) E ; huile d’olive (riche en AGMI, en particulier l’ac. oléique). Les huiles d’arachide, colza, maïs, soja, pépin de raisin et noix représentent les meilleures sources d’AGPI (Matthäus & Musa Özcan, 2015). D’autres huiles contenues dans les fruits peuvent subir en plus de ces étapes, un raffinage comme le coprah (provenant de la noix de coco) ou l’huile de palme et de palmiste (provenant du fruit et des graines du palmier) (Lafay & Verger, 2010).
Digestion et absorption des lipides alimentaires
La digestion s’effectue par une série de réactions d’hydrolyse qui permet de dégrader les lipides d’origine alimentaire en molécules lipidiques absorbables au niveau de la barrière intestinale. Avant leurs absorption dans l’intestin grêle, ces lipides subissent une hydrolyse gastrique puis duodénale (Wang et al., 2013). Chez l’Homme, la digestion des lipides est amorcée par la lipase linguale puis dans l’estomac par la lipase gastrique qui hydrolyse préférentiellement, les liaisons esters en position sn-3 d’une proportion non négligeable de TG (5 à 37%) pour libérer des AGNE et des diglycérides (Bandali et al., 2015). Les AGNE contenus dans l’estomac induisent la libération de la cholécystokinine (une hormone peptidique gastro-intestinale sécrétée par la muqueuse du duodénum et relarguée dans la circulation sanguine), déclenchant ainsi des contractions dans la vésicule biliaire. Les acides biliaires et les enzymes pancréatiques, notamment la lipase pancréatique sont alors excrétés dans la partie proximale de l’intestin grêle. Les TG résiduels sont hydrolysés en enlevant les AG en position sn-1 et sn-3 en AG et 2-monoglycérides (MG) dans l’intestin grêle proximal par le complexe lipase-colipase pancréatique. L’hydrolyse duodénale contribue de 40 à 73% à la digestion des TG alimentaires. La molécule de 2-MG est encore hydrolysée pour libérer le dernier AG. Les AG libérés et les lysolécithines sont incorporés dans des micelles mixtes et transportés dans la membrane apicale des entérocytes pour leur absorption et apparaissent sous forme de chylomicrons (Wang et al., 2013).
Les PL, principalement les phosphatidylcholines, sont hydrolysés dans l’intestin grêle par l’action de la phospholipase A2 pancréatique. Cette enzyme scinde le lien de l’AG situé en position-2 libérant ainsi un AG et un lyso-PC. Les lyso-PC tiennent un rôle important dans la solubilisation des autres produits de la digestion lipidique. Pour ce qui est du cholestérol, celui-ci est synthétisé par le foie (85%) et seulement 10 à 15% du cholestérol alimentaire est sous forme de cholestérol estérifié (CE). Le cholestérol est dégradé et sécrété dans les sels biliaires puis éliminé de l’organisme dans les fèces (Jesch & Carr, 2017). L’absorption de graisses dans des micelles mixtes se produit dans tout l’intestin grêle. Celui-ci n’est pas seulement un organe passif mais un organe métaboliquement actif, recevant des informations de la périphérie et capable de moduler ses synthèses et ses sécrétions lipidiques en fonction des substrats, des hormones ou d’autres substances endogènes ou exogènes. Il peut altérer le transport des lipides d’origine intestinale et la production des chylomicrons (en fonction de l’état de l’organisme) (Xiao & Lewis, 2012). Dans des conditions normales, l’absorption des graisses est 85-95% efficace. L’absorption est un phénomène complexe en raison de leur hydrosolubilité très limitée et de la taille importante de ces molécules. Celle-ci se déroule en trois étapes successives :
1. Captage entérocytaire des lipides,
2. Métabolisme intra-entérocytaires,
3. Assemblage et sécrétion des chylomicrons (Lichtenstein & Jones, 2012).
La matière grasse sous forme émulsionnée ou non-émulsionnée, entraîne des différences de métabolisme postprandial des AG ingérés incluant :
1. La cinétique de transit dans la circulation sanguine sous forme de chylomicrons
2. La perte fécale et
3. L’utilisation des AG alimentaires par l’organisme comme source d’énergie (β-oxydation), ce métabolisme ouvre un nouveau concept de lipides lents et lipides rapides dans la prise en compte des propriétés de structure et d’organisation des matières grasses alimentaires dans le suivi des facteurs de risque métabolique (Fig. 2). L’absorption intestinale des lipides et les évènements post-absorptifs durant la période postprandiale jouent un rôle majeur dans l’initiation et le développement des maladies métaboliques et CV (Vors et al., 2016).
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Table des matières
SOMMAIRE
INTRODUCTION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Les lipides alimentaires
1.1. Structure, origine et apports nutritionnels conseillés
1.2. Digestion, absorption et métabolisme des lipides et des lipoprotéines
1.2.1. Digestion et absorption des lipides alimentaires
1.2.2. Métabolisme des lipoprotéines
1.2.3. Métabolisme des AG et rôles physiologiques majeurs exercés par les AGPI n-3 et n-6
1.3. Hydrogénation des huiles : Définition et processus
1.3.1. Processus d’hydrogénation cas de la margarine
1.3.2. Procédé d’extraction des huiles de poisson
2. Obésité et complications CV
2.1. Définition de l’obésité
2.2. Désordres métaboliques et oxydatifs au cours de l’obésité
2.2.1. Perturbations des hormones de la balance énergétique
2.2.2. Anomalies du métabolisme des lipides
2.2.3. Résistine, insulino-résistance et obésité
2.2.4. Obésité et stress oxydant
2.3. Les modèles d’obésité nutritionnelle
3. Impact des graisses naturelle ou industrielle sur le risque cardio-métabolique
4. Effets des remplacements des graisses alimentaires ou leurs AG sur le RCV
MATERIEL ET METHODES
1. Animaux et régimes
1.1. Induction de l’obésité
1.2. Elaboration des régimes expérimentaux
1.2.1. Choix de la sardine et extraction de son huile
1.2.2. Choix de la margarine et sa provenance
1.3. Protocol nutritionnel
1.4. Prélèvement du sang et des différents organes
2. Analyses biochimiques
2.1. Détermination de quelques hormones impliquées dans la balance énergétique
2.1.1. Dosage de la ghréline sérique
2.1.2. Dosage de l’adiponectine sérique
2.1.3. Dosage de la résistine
2.2. Exploration du profil lipidique et lipoprotéique
2.2.1. Dosage du cholestérol total, libre et estérifié au niveau sérique
2.2.2. Dosage des triglycérides sériques
2.2.3. Dosage des phospholipides sériques
2.2.4. Teneurs et composition des lipoprotéines sériques en lipides et en protéines
2.2.4.1. Séparation et purification des différentes fractions de lipoprotéines
2.2.4.2. Détermination des contenus des lipoprotéines sériques en protéines et en différents lipides
2.3. Exploration de l’homéostasie glucidique
2.3.1. Mesure de la glycémie
2.3.2. Dosage de l’hémoglobine glyquée
2.3.3. Dosage de l’insuline sérique
2.3.4. Indice d’insulino-résistance (IR)
2.4. Evaluation du statut pro-oxydant/antioxydant
2.4.1. Détermination de l’attaque radicalaire
2.4.1.1. Dosage des hydroperoxydes (LPO) sériques et tissulaires
2.4.1.2. Mesure des substances réactives à l’acide thiobarbiturique (TBARS) du sérum, des lipoprotéines et des tissus
2.4.1.3. Détermination des concentrations des isoprostanes (IsoPs) au niveau sérique et urinaire
2.4.1.4. Dosage des dérivés carbonylés sériques et tissulaires
2.4.2. Evaluation du statut antioxydant
2.4.2.1. Détermination de la défense antioxydante non enzymatique
2.4.2.1.1. Dosage de l’albumine sérique
2.4.2.1.2. Dosage de l’acide urique (AcU)
2.4.2.1.3. Dosage du fer sérique
2.4.2.2. Détermination de la défense antioxydante enzymatique
2.4.2.2.1. Activité de la superoxyde dismutase (SOD)
2.4.2.2.2. Activité de la glutathion réductase (GSSH-Red)
2.4.2.2.3. Activité de la glutathion peroxydase (GSH-Px)
2.4.2.2.4. Activité de la catalase (CAT)
2.4.2.2.5. Dosage de l’activité de la paraoxonase (PON) 1
2.4.2.2.6. Détermination de l’activité enzymatique de LCAT
2.4.2.2.7. Evaluation de la capacité antioxydante totale sérique (CAox)
3. Analyse statistique
RESULTATS
1. Composition de l’huile de sardine et de la margarine en AG
2. Poids corporel et nourriture ingérée
3. Poids des organes absolu et relatif
4. Teneurs sériques en adiponectine, ghréline et résistine
5. Profil lipidique et lipoprotéique
5.1. Teneurs sériques en différents lipides
5.2. Répartition du CT et des TG entre les différentes fractions de lipoprotéines
5.2.1. Répartition du CT
5.2.2. Répartition des TG
5.3. Teneurs et composition des lipoprotéines en lipides et en protéines
5.3.1. Teneurs et composition des VLDL
5.3.2. Teneurs et composition des LDL-HDL1
5.3.3. Teneurs et composition des HDL2
5.3.4. Teneurs et composition des HDL3
6. Equilibre glycémique
6.1. Glycémie
6.2. Taux d’ HbA1c
6.3. HOMA-IR et insulinémie
7. Statut Redox
7.1. Peroxydation lipidique et protéique
7.1.1. Teneurs sériques et tissulaires en LPO
7.1.2. Teneurs sériques et tissulaires en TBARS
7.1.3. Teneurs des lipoprotéines en TBARS
7.1.4. Teneurs sériques et urinaires en isoprostanes
7.1.5. Teneurs sériques et tissulaires en carbonyles
7.2. Défense antioxydante
7.2.1. Défense antioxydante non enzymatique
7.2.1.1. Teneurs sériques en albumine
7.2.1.2. Teneurs sériques en acide urique
7.2.1.3. Teneurs sériques en fer
7.2.2. Défense antioxydante enzymatique au niveau des érythrocytes et des différents tissus
7.2.2.1. Activité de la SOD
7.2.2.2. Activité de la GSSH-Red
7.2.2.3. Activité de la GSH-Px
7.2.2.4. Activité de la CAT
7.2.2.5. Activité enzymatique de la paraoxonase (PON1)
7.2.2.6. Activité de la LCAT
7.2.2.7. Capacité antioxydante du sérum
DISCUSSION
CONCLUSION & PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
PUBLICATION
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