Les limites de l’économie capitaliste
C’est désormais une certitude, nous vivons une époque dans laquelle les inégalités explosent tandis qu’en parallèle l’environnement se dégrade de jour en jour. Des études, démontrant ces problématiques, sont réalisées chaque année dans le but de faire prendre conscience à la population qu’il est nécessaire de changer. En voici deux d’entre elles, publiées en 2016. Selon la note d’information d’OXAM, « le fossé entre les riches et les pauvres est plus abyssal que jamais ». En effet, les « 1% les plus riches possèdent davantage que les 99% restants» (OXAM 2016, p.2). En d’autres termes, les 99% de la population alimentent quotidiennement les comptes en banque des 1%. Chiffres encore plus alarmants, les « 62 personnes les plus riches au monde ont augmenté leur fortune de 44% entre 2010 et 2015 » (OXAM 2016, p.2). Selon un communiqué de presse paru en avril 2016, le WWF a annoncé que la Suisse a déjà épuisé ses ressources annuelles au 18 avril 2016 (WWF 2016). Cela veut dire qu’en un peu plus de quatre mois, la population suisse a épuisé toutes les ressources produites par la nature. « Les épiceries sont vides, plus une goutte ne sort des pompes à essence et les journaux ne peuvent plus être imprimés jusqu’à la fin de l’année » (RTS 2016). « La Suisse vit dès lors sur le dos des autres pays et des autres générations » (RTS 2016). Si tous les pays consommaient comme les Helvètes, il faudrait 3.3 planètes pour combler la demande de la population. Le constat est clair, nous évoluons dans une économie dans laquelle notre mode de consommation et de production engendre des problématiques effrayantes. En effet, sans nous en rendre compte, nous alimentons quotidiennement les comptes des plus fortunés contribuant ainsi à accroître les inégalités. De plus, notre mode de consommation n’étant pas durable, nous contribuons également à la dégradation de notre planète. C’est donc un truisme, car aujourd’hui notre économie qui est conduite par la loi de l’offre et la demande comporte des limites. Une partie de la population en prend conscience et est notamment à la quête de sens dans son mode de consommation. Cependant, une question subsiste : « Comment changer lorsque l’on a toujours vécu ainsi ? ».
Pourquoi existe-t-il des tensions entre les membres ?
J’ai perçu certaines tensions et incompréhensions entre les membres, notamment en ce qui concerne les membres subventionnés, tout comme le perpétuel clivage entre formes juridiques. Voici quelques propos à ce sujet : « dans l’ESS il y a beaucoup de préjugés. Ce que font les associations c’est ce que devrait faire l’Etat. L’Etat ne fait pas son boulot. Il ne peut pas, il n’a pas les capacités ni les compétences et bien qu’il rémunère les associations, ce sont elles qui font le boulot. Nous, on parle maintenant de prestations de service et non plus de subventions. ». « On a tous les mêmes valeurs, mais il y a des trucs à creuser entre les entreprises subventionnées et les autres. C’est une question de se demander ce qu’on fait ensemble parce qu’on n’a pas les mêmes moyens » ; « L’ESS c’est compliqué d’y trouver le juste milieu. Faire tourner une économie et ne pas la faire tourner qu’avec des subventions publiques, qu’elle soit autonome tout en étant en ligne avec sa vision» ; « Il faut veiller à l’intégrité des gens qui en font partie. Pas que ce soit un fourretout ». Ces opinions ont été exposées à plusieurs reprises durant mes entretiens et j’estime que les membres ne disposent pas assez d’informations concernant les subventions et les nouveaux adhérents. La lacune d’informations crée l’émergence d’interrogations et de méfiance chez certains membres.
D’une part les entreprises commerciales se sentent concurrencées par les entreprises subventionnées du même secteur d’activité et, d’autre part, les entreprises subventionnées ou très idéologiques estiment que pas toutes les entreprises n’ont pas leur place au sein d’APRÈS-GE. En conclusion, l’incompréhension règne principalement lorsque la thématique des finances est abordée. Il ne faut pas omettre le fait que toutes les structures ESS sont confrontées « à la vraie vie » et font face aux mêmes problématiques que les entreprises traditionnelles. En effet, toute entreprise doit avoir des rentrées d’argent pour être capable de payer ses charges.
A la recherche d’un emploi vecteur de sens
Divers sondages démontrent que désormais la population désire donner un sens à son emploi. Une étude réalisée par le Conservatoire national des arts et des métiers, révèle que « de plus en plus de cadres décident d’arrêter leur carrière pour se réorienter vers une association ». En effet, ces personnes ont la volonté de « promouvoir certaines idées sur la société » et de « vivre de nouvelles expériences» (RENAULT 2015). Chez les jeunes, cette quête de sens se fait de plus en plus palpable. Selon un sondage, « les jeunes veulent être en phase avec leur emploi et avec son utilité sociale ». Cette génération n’est plus à la recherche de « conditions matérielles associées aux métiers » (MARTIG Arnaud, 2016). Lors de la recherche d’un emploi, les jeunes ont comme principaux critères de choix, l’intérêt du poste (88%), l’ambiance de travail (84%) et les valeurs de l’entreprise (75%). Par ailleurs, selon l’enquête que j’ai réalisée sur les moins de 30 ans à Genève, aux questions « une entreprise sociale et solidaire respecte des critères éthiques, sociaux et écologiques et place la personne avant le profit. En sachant cela, aimeriez-vous en savoir plus sur ces entreprises ? » et « l’ESS représente 10% de l’emploi à Genève. En sachant cela, aimeriez-vous avoir plus d’information concernant les emplois disponibles dans ce secteur ? » la réponse est oui à 90% pour l’une et oui à 82% pour l’autre. Les résultats de ces enquêtes confirment l’engouement et la motivation de la population pour le changement. Les études le prouvent, elle est de plus en plus sensible au développement durable et à une économie plus équitable.
Positionnement trop émotionnel
Premièrement, bien qu’il existe une diversité dans les structures juridiques, les associations y représentent tout de même 62%. S’ajoute à cela, le fait que 54% des organisations membres sont subventionnées (RA 2014 APRÈS-GE p.8). De plus, les locaux d’APRÈS-GE se trouvent à côté de la maison des associations. Cette situation géographique est facteur d’incompréhension car APRÈS-GE est assimilée à cette maison des associations. Enfin, le nombre de bénévoles est estimé à 12’300. Selon, l’étude statistique réalisée en 2015, en termes quantitatifs, les structures dénombrant le plus grand nombre de bénévoles sont les fondations et les associations. Les acteurs de l’ESS le savent, les associations sont indispensables au bon fonctionnement de notre société. Comme le dit très justement APRÈS-GE17 : « certaines prestations fournies par les associations existent, car l’Etat s’est désengagé de problématiques sociales et a confié à des structures plus proches du terrain les réponses et aides nécessaires. Les affaiblir c’est mettre en cause notre capacité collective à répondre aux enjeux de solidarité et de diversité qui maintiennent une certaine cohésion sociale ». Cependant, la population ne semble pas avoir pleinement conscience du rôle indispensable des associations. Une étude menée par Jennifer Aaker, Kathleen D. Vohns et Cassie Mogilner (Journal of Consumer Research, Vol.37, No 2 2010, pp. 224-237) le démontre. Les consommateurs utilisent la chaleur (émotions18) et la compétence (rationalité19) pour former leur perception auprès d’une entreprise. Cette étude révèle que les consommateurs perçoivent les organisations à but non lucratif comme étant plus « chaudes » que les entreprises à but lucratif mais étant moins compétentes. De plus, les consommateurs sont moins disposés à acheter un produit fabriqué par une entreprise à but non lucratif, car ils perçoivent cette entreprise comme non compétente. Par conséquent, APRÈS-GE bénéficie injustement d’une perception trop émotionnelle par les consommateurs et l’Etat, mettant ainsi de côté sa notion de compétence et ses capacités économiques.
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Table des matières
1. Les limites de l’économie capitaliste
1.1 Une autre économie existe
1.1.1 Définition de l’économie sociale et solidaire
1.1.2 Définition des entreprises sociales et solidaires
1.1.3 L’emploi au sein de l’ESS
1.2 L’ESS à Genève
1.2.1 La Chambre de l’économie sociale et solidaire – APRÈS-GE
1.2.1.1 Les valeurs
1.2.1.2 Les prestations
1.2.2 Les entreprises membres d’APRÈS-GE
1.2.2.1 Les domaines d’activités
1.2.2.2 Les formes juridiques
1.2.2.3 Les critères d’acceptations
1.3 L’ESS dans d’autres régions
1.3.1 L’ESS en France
1.3.2 L’ESS au Québec
2. Problématique traitée et objectifs
2.1 Méthodologie
2.1.1 Indentification des membres
2.1.2 Elaboration des questionnaires (membres et population)
2.1.3 Collecte des données et conduite des entretiens
2.1.4 Structure du travail
3. Analyse des résultats et pistes de réflexion
3.1 1er acteur : les membres
3.1.1 La mission et les prestations d’APRÈS-GE
3.1.2 La relation avec APRÈS-GE
3.1.3 Les avantages de l’adhésion
3.1.4 La relation entre les membres
3.1.5 Les critères d’acceptation
3.1.6 La communication
3.1.7 Pistes de réflexion
3.1.7.1 Pourquoi existe-t-il des tensions entre les membres ?
3.1.7.2 Quelles prestations se révèlent être utiles ?
3.1.7.3 Quelle différenciation pour APRÈS-GE ?
3.2 2ème acteur : la population
3.2.1 Vers un mode de consommation plus durable
3.2.2 A la recherche d’un emploi vecteur de sens
3.2.3 La confusion des consommateurs
3.2.4 Pistes de réflexion
3.2.4.1 Les facteurs psychologiques
3.2.4.2 Les lacunes d’information
3.2.4.3 Conséquences : préjugés, incompréhensions, aprioris
3.3 3ème acteur : l’Etat
3.3.1 Suppression de la subvention à Essaim
3.3.2 Coupes budgétaires à Genève
3.3.3 Coupes budgétaires en France
3.3.4 Pistes de réflexion
3.3.4.1 L’efficience économique avant l’utilité sociale ?
3.3.4.2 Quelle reconnaissance pour l’ESS ?
3.4 Synthèse et conclusion de l’analyse
3.4.1 Situation 1.0
3.4.1.1 Positionnement trop émotionnel
3.4.1.2 Communication pas assez rationnelle
4. Plan d’action : APRÈS-GE 2.0
4.1 Mission
4.2 Positionnement
4.3 Les objectifs à atteindre et les actions à entreprendre
4.4 Limites au plan d’action
4.5 Revaloriser l’image et accroître la notoriété de l’ESS
4.5.1 Comment ?
4.5.2 Avec quel outil ?
4.5.3 Quel message ?
4.5.3.1 1ère partie : Promouvoir les membres et leur appartenance à APRÈS-GE
4.5.3.2 2ème partie : Apporter une valeur rationnelle à l’ESS
4.5.3.3 3ème partie : Apporter des informations sur APRÈS-GE
4.5.4 L’objectif
4.5.5 Les canaux de communication
4.5.6 Avantages & inconvénients
4.6 Accompagner les membres dans la durabilité
4.6.1 Système de graduation
4.6.2 Les critères indispensables et contraignants
4.6.3 Les critères non-contraignants
4.6.3.1 Exemple et explications
4.6.4 Les membres formateurs et les formations
4.6.5 L’évaluation de la durabilité
4.6.6 La gratification
4.6.7 Avantages & inconvénients
4.7 Accroître la visibilité de l’ESS auprès des jeunes
4.7.1 Créer un partenariat
4.7.2 Avantages & inconvénients
5. Recommandations
5.2 Impliquer les jeunes dans la réflexion
5.3 Intégration du digital dans la communication
6. Conclusion
6.1 Appréciation critique
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