Les limites d’actions du Secrétariat Général à la Jeunesse dues à l’occupation allemande

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L’influence des politiques pro-allemandes sur les jeunes

La création de groupements collaborationnistes de jeunesse et leur rôle vis-à-vis de la jeunesse Déjà avant-guerre, les jeunes ont rapidement représenté un enjeu important pour les partis politiques qui voyaient en eux un moyen d’influencer les jeunes générations. Désormais placés sous l’autorité allemande, ne sont autorisés que les mouvements politiques ayant reçu l’agrément de l’occupant. Il est nécessaire de rappeler la distinction entre le collaborationnisme et la collaboration d’état. Cette dernière symbolise une collaboration politique et économique avec l’occupant et représente un choix géopolitique d’une future Europe placée sous l’influence allemande. Le collaborationnisme, dont relèvent les mouvements politiques qui seront étudiés, désigne une adhésion idéologique aux principes du nazisme ; il correspond ainsi à une collaboration sur tous les plans. Les mouvements collaborationnistes sont pour la plupart indépendants, voire hostiles à Vichy. Ils sont majoritairement manœuvrés au cours des deux premières années de l’Occupation par Otto Abetz, ambassadeur du Reich à Paris, qui avait lui-même œuvré dans les années 1930 dans l’organisation de rencontres entre organisations de jeunesse allemandes et françaises, à travers son groupe Solhberg. Cet investissement dans la jeunesse de la part d’Otto Abetz a ainsi pu jouer en faveur des groupes collaborationnistes français dans l’autorisation et la mise en place des organisations de jeunesse propres à chaque parti.
Le 7 janvier 1941, Otto Abetz convoqua à l’ambassade d’Allemagne en France, un certain nombre d’officiers allemands chargés de statuer sur les autorisations de formations sociopolitiques en zone nord. En effet, devant le renvoi de Laval en décembre 1940, considéré en outre comme une trahison à la politique de collaboration amorcée à Montoire, les Allemands voulurent mettre en place un « contrepoids politique, voire une alternative laïque et républicaine autoritaire au régime « clérical-réactionnaire » de Vichy »131. De même, dans un but d’éviter la formation d’un parti unique ou d’un mouvement de masse de types fasciste, les Allemands autorisèrent la création de plusieurs partis politiques collaborationnistes puisqu’il
paraît souhaitable, du point de vue des intérêts allemands, que les différents groupes et groupuscules jouent les uns contre les autres »132 comme l’affirme l’Oberkriegsverwaltungsrat Hufnagel. C’est ce qui explique l’apparition, en 1941, de groupements collaborationnistes qui reçurent également l’autorisation de former des organisations de jeunesse inhérentes à leur parti. La création de groupe de jeunesse permet ainsi à ces derniers, de véhiculer auprès de la population, l’idée que le parti est jeune et qu’il se place comme un intermède nécessaire en vue de la politique de demain. Pour les Allemands, ces organisations de jeunesse devaient principalement œuvrer en faveur d’une Europe allemande. Cependant, ils voyaient d’un mauvais œil les organisations qui revendiquaient leur affiliation aux idées nationales-socialistes parce que leur soutien présumé de la part des instances allemandes pourrait s’avérer nuisible auprès des Français sérieusement pro-allemands »133. De même, les Allemands se méfient des organisations « se servant abusivement du concept de « Collaboration » » 134 et face aux démarches croissantes de demandes d’autorisations de tels mouvements, l’Abwehr demande au MBF de durcir sa vigilance devant des mouvements susceptibles de développer des sentiments anti-allemands. De même, la jeunesse étant considérée par les Allemands comme susceptible d’alimenter la révolte, une surveillance rigoureuse est appliquée à l’égard de ces différentes organisations de jeunesse collaborationnistes.
La constitution de sections jeunes répond également à une volonté d’influer politiquement sur les idées des adolescents afin qu’ils répandent autour d’eux les positions émises par le parti, dans l’optique d’obtenir des adhésions. Comme le souligne l’historien François Audigier, l’embrigadement et l’instrumentalisation politique de la jeunesse répond au projet de fascisation de la société135. Ainsi, pour les mouvements collaborationnistes, la finalité est de former politiquement les jeunes selon les lignes directrices du parti, afin qu’ils soient des acteurs essentiels de ce dernier.
Si la propagande à destination des jeunes est un des principaux objectifs des partis, elle ne semble avoir eu, cependant, que de maigres effets parmi la population calvadosienne. En témoigne le faible nombre de jeunes qui adhéreront à des partis. De plus, ces activités de propagande paraissent avoir été pratiquées, quelques fois, avec une manière qui n’allait pas pour favoriser les adhésions. Ainsi, certains jeunes n’hésiteront pas à user de leur adhésion à un parti en défilant dans certaines bourgades du département et en faisant preuve d’un excès d’autorité, ce qui n’est pas sans irriter la population calvadosienne. En témoigne l’attitude du jeune Dudouyt âgé de 18 ans, membre du MSR, du village de La Caine qui n’hésita pas à défiler en tenue paramilitaire, à distribuer des tracts à la sortie de la messe mais également à dénoncer plusieurs prélats suite à des sermons jugés suspects136. D’autres jeunes du PPF, comme nous le verrons plus tard, iront même jusqu’à ordonner au maire de la commune de Livarot de retirer tous les portraits des anciens présidents de la République accrochés dans la mairie. La tenue d’un uniforme mais aussi la protection des Allemands, donnèrent ainsi à certains jeunes du département un sentiment de supériorité, à l’instar d’un Lacombe Lucien. Si certains adhérèrent par idéologie, il semble que pour d’autres, l’appartenance à un parti devait les autoriser à commettre des violences ainsi que des vexations envers la population. Outre la jeunesse de leurs auteurs, ces actions provocatrices doivent être mises en contexte avec le déclin que connaissent les partis collaborationnistes à partir de 1942. En effet, l’insuccès dans la conquête de l’opinion a entraîné chez nombre de collaborateurs un sentiment d’exaspération et d’agacement qui a pu se manifester à travers des actions agressives.
Cependant, l’appartenance à un parti collaborationniste put avoir des conséquences fâcheuses pour certains jeunes qui se trouvèrent alors, de par leurs idées politiques, isolés des autres jeunes de leurs âges. À l’instar du comportement des adultes, les jeunes Calvadosiens cherchèrent à fuir les collaborationnistes. Les filles Marguerite âgées de 14, 18 et 20 ans en 1943 en feront ainsi les frais… Juliette X, qui avait alors 14 ans en 1943, montre bien comment l’appartenance à un groupe collaborationniste pouvait influer sur les sociabilités. Celle qui était alors voisine des Marguerite se souvient : « Les filles étaient très gentilles avant tout ça, on pouvait leur parler, elles étaient agréables puis tout d’un coup allez hop c’est parti avec les boches »137. Également, une altercation eut lieu le 10 août 1941 à l’occasion d’un bal clandestin entre les filles Marguerite et un groupe de garçons. Ces derniers entendirent l’aînée des filles demander à une autre de ses sœurs l’heure qu’il était. Ils rétorquèrent alors avec provocation heure allemande », « heure boche » … Les sœurs, voyant que les garçons portaient au poignet des pendentifs en forme de croix de Lorraine, leur ordonnèrent de les retirer. Une altercation verbale puis physique s’ensuivit alors.
De fait, les groupements collaborationnistes de jeunesse n’ont reçu qu’un faible écho dans le Calvados parmi les jeunes, à l’image de leurs aînés. Nous avons néanmoins réalisé une étude sociologique des adhérents correspondant à notre tranche d’âge étudiée.

Les autres mouvements ayant existé

Nous pouvons noter dans le Calvados l’existence de quelques groupements de jeunesse collaborationnistes de faibles envergures qui existèrent le plus souvent que quelques mois.
En avril 1941, fut mis en place un groupement de jeunesse du Feu « Les Jeunesses du Feu » dont on ne sait que peu de choses. D’après Yves Lecouturier, entre 50 et 100 jeunes auraient adhéré à ce groupe dont des garçons de l’École Primaire Supérieure qui auraient soumis leurs adhésions contre une rémunération. La Feldkommandantur 723 donna son autorisation, mais comme pour les autres groupements avec quelques conditions requises : interdiction du port d’uniforme, interdiction de toutes préparations militaires, autorisation obligatoire de la Propagandastaffel de la Feld 723 pour les représentations cinématographiques et théâtrales.161
En fin d’année 1941, une section du groupe « Les Jeunes de l’Europe Nouvelle » fut créée à Caen, 8 rue de Bras, sous la direction de Mr Lenoir et représentée par Mr Bourdan. Ce groupe, fondé par Marc Augier, était une branche du groupe Collaboration créé à l’automne 1940 par Alphonse de Chateaubriant. Suivant la ligne dressée par le parti, dont un point d’honneur fut mis sur l’organisation d’expositions et de réunions, les JEN adoptèrent la doctrine raciale du national-socialisme et firent de nombreuses conférences notamment sur la jeunesse hitlérienne. Cependant, son activité semble limitée du fait d’un nombre fort limité d’adhérents. 162.
Début 1942, le MSR d’Eugène Deloncle s’implanta à Caen et mit en place une équipe de jeunes qui fut dévolue au dépistage des communistes163. D’abord dénommée Jeunesses Sociales Révolutionnaires, elle changea de nom fin 1941 pour devenir Jeunes Équipe de France. Ce parti se caractérisait par une orientation particulièrement activiste et une critique de la politique de Vichy, jugée trop timide. Les « jéfistes » suivaient la devise « Grandeur, Générosité, Force » et prêtaient serment en déclarant « Je ne composerai jamais avec un Juif, je respecterai la femme, je combattrai pour ma patrie, pour l’Empire, pour ma Race ».164 Nonobstant le fait que celui-ci rassembla un grand nombre de jeunes comme nous avons pu le constater au cours de l’étude sociologique des jeunes ayant adhéré à des groupes collaborationnistes, le MSR semble avoir eu une existence assez courte comparée à l’UPJF et aux JNP.
Il arriva que des jeunes prirent la tête de groupements collaborationnistes comme ce fut le cas en 1942 avec Pierre Toulouse, âgé de 19 ans, qui mit sur pied à Caen, une permanence du Parti Français National Collectiviste. Ce parti avait été fondé par Pierre Costantini à la suite des émeutes du 6 février 1934 afin de lutter contre l’influence des Juifs et des francs-maçons. Ancien membre du « Feu », Pierre Toulouse fut qualifié d’« orgueilleux » par le préfet du Calvados165 . Celui-ci recruta autour de lui une vingtaine d’adhérents fin 1942166 . On note également l’existence à Caen du groupement de la Ligue Française rassemblant seulement une dizaine de très jeunes adhérents. Ce groupe, dont l’activité fut quasi nulle, fut placé sous la direction de Raymond Pillet, ancien légionnaire de la LVF.167
En outre, les mouvements de jeunesse collaborationnistes rencontrèrent un important échec dans le Calvados, comme l’atteste le faible nombre d’adhérents présenté précédemment. À l’instar de leurs parents, qui exercèrent sans aucun doute une influence sur le choix de leurs enfants, les jeunes ne répondirent que faiblement aux appels lancés par les partis politiques collaborationnistes. De façon paradoxale, alors que l’année 1942 marque le début du déclin des partis collaborationnistes du Calvados, elle représente l’année où le nombre d’adhésions des jeunes est le plus important. Munis de représentants tout acquis à la cause du parti, les groupes collaborationnistes vont dès lors entrer dans une voie de radicalisation, marquée par des démonstrations d’autorité irritant la population. De même, il ne doit pas être oublié que les chiffres d’adhésions présentés par les divers groupes ne sont pas représentatifs de la réalité. En effet, de nombreux stratagèmes furent mis en place pour obtenir une signature en échange d’un service ou bien d’un moment de divertissement.
Cependant, si ces groupes furent un échec vis-à-vis des politiques pro-allemandes, de nombreux jeunes Calvadosiens choisirent de se porter volontaire pour travailler en Allemagne.

Les jeunes travailleurs volontaires calvadosiens

Alors que les perspectives d’une guerre éclair fléchissent à partir de 1941, l’Allemagne s’engage progressivement dans une guerre longue et totale. Hitler décide alors de mobiliser la main-d’œuvre des territoires occupés afin de pouvoir répondre aux exigences des tournures du conflit. Le gouvernement de Vichy va dès lors collaborer en vue de satisfaire les demandes allemandes. Des campagnes d’incitations vont être mises en place via des contrats de travail avantageux, une propagande vantant la vie en Allemagne et en mettant en place des bureaux de recrutement. Le Calvados présente la spécificité d’être un département ayant fourni le plus de volontaires, comme le souligne Françoise Passera qui a étudié en profondeur les travailleurs volontaires calvadosiens168, avec au moins 2500 volontaires. Mais alors que représente la part de jeunes étant partis volontairement en Allemagne ? Nous avons pu répondre à cette question grâce à la base de données réalisée par Françoise Passera renseignant les volontaires du Calvados.

Des résultats peu convaincants pour Vichy

Les limites d’actions du Secrétariat général à la Jeunesse dues à l’occupation allemande Comme le souligne Jean Quellien, le Calvados est un département « sur-occupé »173. Dès les débuts de l’Occupation, plusieurs divisions allemandes stationnent dans le département du fait du plan Seelöwe prévoyant l’invasion de l’Angleterre174. En plus de ces troupes, se joint la 57e division d’infanterie qui a pour fonction l’occupation du Calvados et de l’Orne. Se greffe également la présence de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine qui s’emparent de terrains d’aviation ou bien de ports comme Trouville. Ceci n’est pas sans poser problème aux politiques de Vichy envers la jeunesse comme l’explique le préfet du Calvados dans son rapport d’octobre 1940. En effet, celui-ci met en avant que « les principales agglomérations des jeunes » se trouvent dans la « zone de combat » correspondant au nord du Calvados. C’est ici que se situent les locaux disponibles des colonies de vacances qui auraient pu être profitables pour le gouvernement afin d’organiser des camps de jeunesse. Or, les autorités d’occupation prirent rapidement un interdit de toute organisation de jeunesse en cette zone. Ces difficultés ne vont pas aller en diminuant puisqu’à partir de 1943, Hitler décide de renforcer les forces en présence le long du littoral. C’est donc quatre divisions allemandes 175 qui occuperont dès lors le département, représentant environ 60 000 hommes pour un département dont la population est estimée à moins de 400 000 habitants. La nécessité de loger et donc de cantonner ces hommes, va conjointement restreindre le nombre de locaux disponibles. De plus, la nécessité de renforcer le Mur de l’Atlantique va aller de pair avec une demande toujours plus importante de main d’œuvre. Ainsi, les maires devront établir des listes de personnes soumises au travail obligatoire et dont les jeunes seront astreints assez tôt. De fait, les limites d’âge pour les hommes seront fixées à 16 et 60 ans, 18 à 45 ans pour les femmes sans enfants. Ces mesures entraient alors en contradiction avec la doxa vichyste qui enjoignait les femmes à rester dans les foyers afin de s’occuper de leur famille. De même, il semble que les autorités allemandes aient passé outre les listes établies pour prendre au hasard dans la rue des jeunes gens pour les emmener travailler sur les chantiers. André L qui avait alors 14 ans en fit l’expérience : « Les Allemands réquisitionnaient pour aller à « l’appel à la pioche ». Ils firent appel aux agriculteurs avec les chevaux et comme mon père était décédé, c’était moi qui y allais à 14 ans avec les autres. On partait de Villers jusqu’à Deauville en convoi » 176 . Face à toutes ces mesures, les jeunes Calvadosiens pour qui l’intérêt envers la Révolution nationale était déjà assez limité, ne s’arrangea point. En effet, dans un rapport datant du 16 mars 1943, le délégué régional adjoint la jeunesse exprima auprès du préfet du Calvados son inquiétude sur la situation des jeunes requis sur les chantiers allemands : « Ces jeunes, peu encadrés, sont souvent livrés à eux-mêmes, d’où il résulte chez beaucoup une démoralisation et un désœuvrement certain, qu’il nous appartient de faire cesser. »177. Il fut ainsi proposé la mise en place de foyers destinés à recevoir ces jeunes à la suite de leur journée de travail, mais ce projet devait se heurter au refus de l’occupant.
Sont ainsi présentes la 352e division d’infanterie dans le Bessin, le 716e division entre Arromanches et l’Orne, la 711e division au Nord du Pays d’Auge et la 21e Panzer autour de Saint Pierre sur Dives. A cela s’ajoutent les membres de la Luftwaffe, de la Kriegsmarine, de l’organisation Todt et des Kommandanturen.
De plus, le 28 août 1940, fut promulguée une ordonnance interdisant l’activité de toute Union, Société ou Association à l’exception de celles fondées sur le droit public, la constitution d’associations nouvelles, la tenue de réunions ainsi que de ports d’insignes ou de costumes distinctifs. Ceci contrariait alors les plans de Vichy qui voulait utiliser les mouvements de jeunesse en vue de la formation d’un homme nouveau nécessaire à la réussite de la Révolution nationale. S’ajoute à ces interdictions, celles de la Feldkommandantur de Caen qui proscrit les chantiers de la jeunesse, les camps de travail ainsi que les boys-scouts178 Face à ces interdictions, le préfet dut trouver des moyens de substitution ne contrariant pas les promulgations allemandes. La réussite de l’œuvre du maréchal Pétain en matière de la jeunesse dans le Calvados était donc fortement impactée.
De fait, l’ouverture des centres de jeunesse est soumise à l’autorisation allemande qui ne semble pas pressée d’accéder aux requêtes du délégué à la jeunesse. Le préfet déclare ainsi : « Dans l’attente des autorisations d’ouverture par les autorités allemandes, il n’a pu être procédé qu’à des travaux de prospection et de préparation des programmes de travail des 5 centres de jeunes apprentis » 179 . Bien qu’un temps en sursis, les centres de jeunesse continuèrent d’exister dans le Calvados.180À ces difficultés s’ajoutent celles des réquisitions de locaux et de matériels opérées par l’armée d’occupation. Il en est de même pour les maisons de jeunes puisque si l’autorisation allemande est acceptée par les autorités locales, il arrive qu’elle soit refusée par les autorités centrales d’occupation. C’est ce qui arriva à la maison de jeunes d’Isigny, ouverte fin avril 1943, qui continua néanmoins de fonctionner sous la responsabilité du délégué départemental à la jeunesse181.

Les mouvements d’Action Catholique : organisations florissantes avant-guerre, désormais soumises aux rigueurs de l’Occupation

L’Entre-deux-guerres correspond à la période d’éclosion de nombreux mouvements de jeunesse dont les organisations catholiques. Il est cependant difficile d’estimer le taux de jeunes ayant fait partie d’une telle organisation avant-guerre. Wilfred Douglas Halls estime à moins de 15 % le taux de jeunes âgés entre 14 et 20 ans faisant partie d’un mouvement de jeunesse en 1939 alors que pour Claire Andrieu ce chiffre paraît surestimé et évoque, elle, un taux de 10 %214. Pour Michèle Cointet, ce taux est plus élevé puisqu’elle estime à 50 % les jeunes de 14 à 21 ans faisant partie d’un mouvement de jeunesse chrétien, soit 2,5 millions d’individus.215
La grande majorité de ces organisations résultaient, avant-guerre, de l’Association Catholique de la Jeunesse Française (ACJF). Fondée en 1886 par Albert de Mun, l’ACJF est naît dans un contexte difficile marqué par l’hostilité de la République envers l’Église216. De ce fait, cette dernière décide la création d’institutions et le développement de nouveaux lieux de sociabilité afin d’évangéliser une jeunesse qui, ensuite, inculquera à ses enfants les valeurs du catholicisme. Le but est également d’influencer les autres jeunes de leurs âges en montrant à ces derniers les atouts et les vertus d’être membre de l’Action Catholique. Possédant une importante instruction religieuse, les jeunes doivent être capables de répondre aux critiques formulées par leurs camarades et également adopter une attitude de conquérant autour d’eux217. Avec la devise
Voir, Juger, Agir », il leur est demandé d’apporter un regard précis sur l’environnement qui les entoure et de formuler des jugements afin d’apporter des solutions aux problèmes décelés. Le but était ainsi d’ « acquérir une formation non par l’enseignement mais par l’observation, la découverte et le développement du jugement. »218

Les organisations de jeunesse catholique : un vecteur de socialisation pour la jeunesse

Outre la formation religieuse proposée par les mouvements de jeunesse catholiques, ces derniers pénètrent le monde des loisirs et contribuent à leur essor dans le Calvados. Dès lors, les mouvements de l’ACJF représentent un vecteur de socialisation pour la jeunesse calvadosienne. Également, de nombreux jeunes Calvadosiens devinrent acteurs de ces activités, en se voyant confier des tâches plus importantes qu’avant-guerre, du fait de l’absence de prêtres retenus prisonnier en Allemagne. Les jeunes catholiques vont être alors impliqués plus étroitement aux activités paroissiales ainsi qu’à celles des mouvements d’ACJF.

La JOC, mouvement majeur de l’ACJF dans les villes pendant l’Occupation

Mouvement catholique le plus influent pendant l’Occupation, la JOC fut la première organisation de jeunesse catholique créée dans le département. Impulsée à partir de la paroisse Saint-Michel de Vaucelles en 1928, la JOC se développe rapidement dans le Calvados et rassemble en 1938, trente sections dans le département. Ce dynamisme peut être expliqué par la présence de villes ouvrières comme Caen, Dives-sur-Mer, Lisieux ou Falaise ainsi que par l’avènement du Front populaire. Les missions dévolues à la JOC étaient avant tout l’éducation chrétienne de la jeunesse des milieux populaires, la défense des intérêts des jeunes ouvriers ainsi que la lutte contre le chômage grâce à des formations professionnelles246.
Pendant l’Occupation, la JOC se préoccupe avant tout de combattre les problèmes sociaux en organisant des collectes de dons ainsi que des manifestations pour les prisonniers et leurs familles ainsi qu’aux plus démunis. L’action de la JOC de Caen au cours de l’été 1940, est en ce point représentatif de l’activité soutenue de l’organisation dans les missions d’entraide. De fait, alors que de nombreux prisonniers de guerre français étaient détenus dans l’enceinte de la caserne du 43e Régiment d’Artillerie, de nombreux jocistes œuvrèrent pour apporter leur aide. Ainsi, grâce à l’action d’un fonctionnaire de la ville qui obtenu des autorités allemandes la permission d’apporter des vivres et vêtements aux prisonniers, les jeunes purent entrer au sein de la caserne et tenter d’améliorer le quotidien de ces captifs. Des liens se nouèrent et les jeunes devinrent des intermèdes entre les prisonniers et leurs familles. De fait, nombreux furent ceux qui acceptèrent de transmettre des lettres écrites par les captifs à destination de leurs proches. Ces complicités nouées au sein de la caserne firent évoluer cette aide via des actions plus dangereuses comme l’aide à l’évasion des captifs, assurée notamment, grâce à la famille de l’aumônier de la JOC, l’abbé Fontaine247.
Au-delà de ces actions sociales qui, comme nous l’avons au sein de notre première partie, représenta une part non négligeable de l’activité des jocistes du Calvados, la JOC agit également pour occuper les jeunes, victimes du chômage ou bien en vacances scolaires. De fait, la JOC de Caen ouvrit, fin juillet 1940, une bibliothèque destinée à divertir les jeunes Caennais. À travers ces actions, la JOC permit ainsi aux jeunes citadins de se divertir et de se retrouver entre amis en dehors des centres et foyers de jeunesse. Cette question des loisirs fut, notamment, abordée au cours d’une réunion qui eut lieu le 8 septembre 1940 à Bayeux pendant un séminaire d’étude.248

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Table des matières

Remerciements
Liste des abréviations
Introduction générale
Chapitre 1 : Une jeunesse massivement sollicitée : les mesures mises en place dans le Calvados et leurs incidences sur les jeunes
a) Former une jeunesse saine et cultivée pour faire grandir un homme nouveau
1. Le Secrétariat Général à la Jeunesse : moyen institutionnel pour contrôler la jeunesse24
2. Dans un corps sain : la pratique du sport chez les jeunes
3. Cultiver les jeunes pour lutter contre les maux de la IIIe République
4. Combattre l’oisiveté à l’aide d’une jeunesse travailleuse
4.1. Les Centres de jeunesse
4.2. Le Service civique rural
b) Les jeunes, instruments de propagande du pouvoir vichyste ?
1. Des jeunes au service du Maréchal
2. Un lieu nouveau pour la jeunesse caennaise : l’OMJ
3. Le développement des foyers de jeunesse et des maisons de jeunes
4. Les organisations de jeunesse prônant la Révolution nationale
c) L’influence des politiques pro-allemandes sur les jeunes
1. Les jeunes, un vecteur de propagande pour les groupes collaborationnistes
2. Sociologie des jeunes ayant adhéré à un groupe collaborationniste
3. Les organisations de jeunesse collaborationnistes du Calvados
3.1 Deux mouvements influents : les JNP et l’UPJF
3.2 Les autres mouvements ayant existé
4. Les jeunes travailleurs volontaires
d) Des résultats peu convaincants pour Vichy
1. Les limites d’actions du Secrétariat Général à la Jeunesse dues à l’occupation allemande
2. L’échec des organismes et mesures mises en place
3. La délinquance : un problème loin d’être résolu chez les adolescents
4. Des causes multiples dans un contexte particulier
Chapitre 2 : Se retrouver entre jeunes : socialisation des jeunes dans un département massivement occupé
a) Les mouvements d’Action Catholique : organisations florissantes avant-guerre, désormais soumises aux rigueurs de l’Occupation
1. Une tolérance malgré leurs interdictions
2. Une concordance de principes avec Vichy
3. Des moyens de contrecarrer l’interdiction du scoutisme
b) Les organisations de jeunesse catholique : un vecteur de socialisation pour la jeunesse
1. La JOC, mouvement majeur de l’ACJF dans les villes pendant l’Occupation
2. L’action de la JAC dans les campagnes
3. Jeunes marins et étudiants derrière la JMC et la JEC
4. La Jeunesse Catholique Féminine : lieu de rencontre pour les jeunes filles
c) Un accès aux divertissements inégal et soumis à l’occupant
1. Des divertissements et une liberté entravés par le poids de l’Occupation
2. Être jeune dans le monde rural en temps de guerre
3. La ville, lieu majeur de sociabilité
4. Socialisation entre jeunes occupées et occupants
d) S’amuser malgré l’interdit
1. Les bals clandestins : Danser pour s’amuser, danser pour séduire, danser pour oublier
2. Le phénomène zazou et son impact sur les jeunes du Calvados
3. L’excitation de l’interdit : la transgression des règles chez les jeunes
Chapitre 3 : Une jeunesse frondeuse : des jeunes habités par l’ « esprit de résistance »
a) De nombreuses démonstrations d’hostilités à l’égard des Allemands : la résistance civile chez les jeunes
1. Les premières démonstrations de non-consentement : du simple « jeu » à la réalisation
d’actes de « péri-résistance »
2. Démonstrations collectives du refus
3. Des jeunes des milieux scolaires et universitaires particulièrement actifs
4. Vers une évolution de la résistance civile
b) L’engagement des jeunes dans la résistance-organisée
1. Sociologie des jeunes dans la résistance-organisée
2. Les motivations de l’engagement
3. Un engagement difficile à accomplir
c) Les organisations de résistance et leurs intérêts vis-à-vis des jeunes
1. Une tranche d’âge qui intéresse les mouvements et les réseaux ?
2. La particularité du Parti communiste envers la jeunesse
3. Le rôle des jeunes dans la résistance
d) Quand l’engagement est synonyme de risques
1. La politique de l’occupant à l’égard de la jeunesse
2. Les arrestations d’adolescents dans le Calvados
3. Le comportement des jeunes face aux interrogatoires
4. Un engagement pouvant conduire au péril de sa vie : les jeunes déportés et fusillés
Conclusion
Bibliographie

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