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La libéralisation financière dans la théorie de Shaw (1973)
Tout comme Mac Kinnon (1973), Shaw admet aussi l’importance du secteur financier dans son étude. Il insiste alors sur le fait que le développement économique d’un pays est étroitement lié au développement même du système financier du pays concerné. Comme Mac Kinnon (1973), il n’est pas du tout aussi pour l’idée de répression financière. Selon lui une telle pratique est contre-développement. C’est la libre concurrence entre les institutions financières seules qui est considérée comme solution au problème. Toute forme d’intervention étatique doit être alors écartée.
Cette sous-section s’arrange comme suit : nous parlerons d’abord de l’opinion de Shaw (1973) sur la répression financière, puis nous fixerons notre étude sur l’approfondissement financier selon Shaw (1973) bien sûr et pour terminer cette première section, nous nous baserons sur les conséquences théoriques de la libéralisation financière.
Nous entamons alors directement la répression financière.
A la différence de la thèse de Mac Kinnon (1973), au lieu de raisonner à partir d’une économie financièrement « rudimentaire 6», Shaw (1973) met au centre de son analyse une économie qui n’est plus à ce stade là, seulement c’est toujours une économie en retard. Ce retard se manifeste par la faiblesse du revenu gagné par le secteur financier qui est réduit au minimum strict. Ceci résulte selon Shaw (1973) du fait de la répression financière menée par l’Etat.
Shaw récence un certain nombre d’effets que la répression financière pourrait apporter sur l’économie. Primo, dans une économie ouverte financièrement (il ne s’agit plus ici d’une économie rudimentaire), la faiblesse du niveau du taux d’intérêt fera fuir les capitaux domestiques vers l’étranger. De ce fait, la quantité de fonds prêtables se détériorera de plus en plus pour le pays, donc le niveau de l’investissement de même. Secundo, la tendance à l’autofinancement sera de plus en plus accentuée également. En dépit de ceux-là, les crédits d’investissement seront aussi rationnés. Ceci s’explique par le fait que lorsque le taux d’intérêt est très bas, il devient pour les intermédiaires financiers très risqué d’accorder encore plus de crédits. La préférence pour la liquidité (PPL) joue un rôle important surtout du coté des banques; par conséquent les banques ne prêtent qu’aux seules entreprises qui selon elles, sont considérées comme stables. Il n’y a donc pas de possibilité d’exploiter les opportunités nouvelles étant donné que leur rendement est encore aléatoire. Par ailleurs, une telle pratique peut être source de chômage. Un taux d’intérêt réel très faible favorise la substitution du facteur capital au facteur travail. Plus, le taux d’intérêt est bas, plus le rendement du capital est élevé (substituabilité entre monnaie et capital ici et non complémentarité), donc plus il est préférable de détenir de facteur capital machine qui devient plus rentable que d’embaucher des employés. Et enfin, comme il a été déjà dit par Mac Kinnon (1973) d’ailleurs, le bas niveau du taux d’intérêt fera alimenter le secteur informel au détriment du secteur formel.
La théorie de Shaw (1973) stipule donc que la possibilité de réaliser des investissements est conditionnée par la variation du niveau du taux d’intérêt.
La théorie de Shaw (1973) se base sur les quelques hypothèses suivantes :
L’investissement est considéré comme une fonction décroissante du taux d’intérêt réel. Le taux d’épargne par contre est supposé comme fonction croissante du taux de croissance « exogène » de l’économie et du taux d’intérêt réel. En plus de cela, dans le cas d’une augmentation significative du taux d’intérêt, celle-ci impliquera selon Shaw (1973) un changement du plan de « consommation-épargne » des agents économiques. Autrement dit ces derniers préfèreront affecter une part de plus en plus élevée de leurs revenus à l’épargne à mesure que le taux d’intérêt s’élève, au détriment de la part destinée à la consommation. Shaw (1973), conformément à la théorie du portefeuille (quelques fois aussi appelée théorie classique de la monnaie) opte aussi pour l’idée de substituabilité entre monnaie et capital. Et la dernière hypothèse est que les monnaies selon Shaw (1973) sont internes au système, c’est-à-dire elles sont issues de la création monétaire par le crédit.
Sur l’axe des ordonnés sont représentés les taux d’intérêt (r) tandis sur l’axe des abscisses sont figurés les niveaux de l’investissement et/ou de l’épargne. (I et/ou S). g1, g2 et g3 sont les taux de croissance de l’économie avec g1<g2<g3. S (g1), S (g2) et S (g3) représentent les fonctions d’épargne relatives aux taux d’intérêt r1, r2 et r3 et aux taux de croissance g1, g2 et g3. A noter également que l’épargne est une fonction croissante du taux de croissance g et aussi du taux d’intérêt réel r.
Ici, r* désigne le taux d’intérêt d’équilibre issu de la libéralisation du marché des capitaux. Il correspond à un niveau tel que l’offre des capitaux (l’épargne) et la demande des capitaux (l’investissement) s’égalisent. Les niveaux r1 et r2 sont des niveaux du taux d’intérêt qui se trouvent à un niveau plus bas que celui du taux d’équilibre r*. Ils résultent notamment de la répression financière menée par les autorités.
Ainsi il est à supposer qu’initialement le taux de croissance de l’économie atteigne un niveau g1. A ce niveau, le taux d’intérêt « administré » se fixe sur r1. La demande d’investissement correspondante à ce taux est très élevé jusqu’à atteindre le niveau B. Par contre, le niveau de l’épargne est faible et égal à I17. De ce fait une partie de l’investissement ne peut pas être réalisée. Sur le graphique, cette part est représentée par le segment [AB]. Les crédits sont alors rationnés pour certains types d’investissement. En d’autres termes, étant donné la faiblesse du niveau de l’épargne, les banques ne financent que les investissements peu risqués. C’est-à-dire, ceux qui ont un rendement « juste supérieur » au taux r1, donc faiblement rentable. Il n’y a donc pas de place pour les investissements plus opportunistes susceptibles de dégager un rendement élevé. Ceci s’explique par le fait que les banques ne peuvent pas augmenter le niveau de leur prime de risque.
Si nous supposons maintenant que le taux fixé par l’Etat est équivalent à r2>r1. De ce fait, nous pouvons assister à une augmentation du niveau de l’épargne de I1 à I2. La part des investissements non financés diminue de [AB] à [CD]. Ce taux permet donc au financement des projets beaucoup plus risqués que précédemment, donc beaucoup plus rentables aussi.
La situation idéal d’après ce graphe est r* qui est le résultat du « laisser-faire ». Comme nous pouvons le constater, à ce niveau là l’équilibre est atteint sur le point E. Point sur lequel il n’y a pas de rationnement de crédits, épargne et investissement sont égaux. Ainsi, tous les types d’investissements seront alors financés intégralement sans discrimination. De ce fait, le niveau du taux de croissance serait plus élevé et qu’avec cette croissance élevée là, le niveau de l’épargne serait également élevé (l’épargne est fonction croissante du taux de croissance). Ce qui permet à la réalisation des investissements potentiellement rentables et donc, à un niveau de croissance de plus en plus supérieur encore. Nous assistons alors à un cercle vertueux.
Jusque là, nous n’avons parlé que de la libéralisation du taux d’intérêt. Dans ce qui s’en suivra, nous essayerons de comprendre comment se manifeste la libéralisation financière en général. Plusieurs sont les conséquences de la libéralisation financière. D’abord, elle favorise la diversification des produits financiers, c’est-à-dire permet aux innovations financières. Les emprunteurs peuvent alors accéder facilement aux ressources de financement étant donné qu’il existe une plus grande diversification des actifs financiers. Ceci leur permet de mieux gérer la structure de leur dette. Du coté des banques, la libéralisation financière rend plus facile les activités d’intermédiation bancaire en faisant diminuer les coûts des transactions. Ceci s’explique surtout par l’économie d’échelle qu’elles peuvent réaliser à mesure que leurs activités se développent.
En second lieu, le fait de faire augmenter le taux d’intérêt domestique entraînera un afflux des capitaux étrangers dans le pays concerné, de ce fait la quantité de fonds prêtables augmente. En même temps, le problème de fuite des capitaux domestiques vers l’étranger est aussi solutionné. Cependant, il est quand même nécessaire de remarquer que cette situation est aussi conditionnée par le niveau du taux de change.
En troisième lieu, la déréglementation financière permet également de limiter l’émergence du secteur informel. En fait, lorsqu’un pays se libéralise financièrement, cela aboutira à un alignement du niveau du taux d’intérêt. Autrement dit, cela résout le problème de « fragmentation 8» financière si nous reprenons le vocabulaire de Mac Kinnon (1973). Le secteur informel n’a plus alors de raison d’exister. En outre, la libéralisation financière permet aussi à l’égalisation du rendement des investissements réalisés (de mêmes types bien sûr) et par voie de conséquence à l’unification du marché financier domestique. En fait, elle réduit selon Shaw (1973) les différences interrégionales et intersectorielles du rendement des investissements en faisant accroître les rendements moyens.
En dernier lieu, la libéralisation financière encourage le développement des institutions financières spécialisées. Ainsi, la banque ne serait plus alors la seule forme d’institution financière. L’existence de ce système de financement non bancaire là renforcera alors la concurrence. En conséquence, le marché devient plus efficace et la transformation de l’épargne en investissement serait beaucoup plus aisée.
Pour conclure l’idée de Shaw (1973), la libéralisation financière permet donc de faire accroître le niveau du taux d’intérêt réel, de ce fait cela incite à la formation de l’épargne domestique et de l’investissement de même. Cela permet donc à une croissance plus vive de l’économie et finalement favorise le développement économique.
Cette première section nous a permis de comprendre pourquoi est-il nécessaire pour un pays de se libéraliser financièrement. En fait, il nous a permis de dégager certaines leçons. Comme nous avons pu le constater, les idées Mac Kinnon et Shaw (1973) sont complémentaires. Le taux d’intérêt doit être libéralisé car de ce fait, la formation de l’épargne serait plus favorisée. Les entreprises auront alors l’opportunité de se développer et donc, la possibilité d’un décollage économique serait plus envisageable. Là, nous pouvons apercevoir un véritable lien théorique entre libéralisation financière et croissance économique.
Cependant, cette analyse reste incomplète pour l’instant car parler d’économie financière revient au non sens si nous ne parlons pas des institutions financières et des marchés financiers. Dans la suivante section, nous nous focaliserons alors sur ces choses là.
La libéralisation financière et le développement des systèmes financiers
Comme déjà introduit précédemment, cette section se charge d’exposer les effets de la libéralisation financière sur les intermédiaires financiers. Cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous semble indispensable de définir d’abord ce que nous entendons réellement par libéralisation financière ; quelque chose que nous n’avons pas fait jusqu’ici. En fait, cette définition est importante pour comprendre pourquoi nous avons décidé de structurer cette section comme suit.
Robert Boyer la définit comme suit : « La libéralisation financière est définie comme un processus de démantèlement de toute forme de contrôle réglementaire quantitatif ou qualitatif à caractère restrictif imposé par l’État sur les structures institutionnelles, les instruments et les activités des agents sur différents segments du secteur financier, non seulement au niveau interne mais aussi à l’échelle internationale » (Boyer et al., 2004). Elle concerne donc la levée à la fois des restrictions internes qu’externes. Plus précisément, la libéralisation du secteur interne concerne les banques ; elle se traduit par la libéralisation des taux d’intérêt débiteur et créditeur9, la libéralisation des crédits, la réduction et suppression des réserves obligatoires, etc. Quant à la libéralisation du secteur externe, celle-ci concerne l’ouverture des marchés financiers et la libéralisation du compte du capital. L’ouverture des marchés financiers concerne à son tour la suppression des restrictions sur les titres pour les résidents et les étrangers, rapatriement du capital, des intérêts et des dividendes tandis que la libéralisation du compte du capital fait référence à l’abandon du contrôle des emprunts étrangers, les flux des capitaux étrangers et les opérations de change.
Tout d’abord nous attaquons la libéralisation du système bancaire, c’est-à-dire la libéralisation du secteur interne.
La libéralisation du secteur interne :
Parler de système bancaire revient au non-sens sans parler de la monnaie. La monnaie tient une place fondamentale dans le développement économique et pour cela, l’existence des banques est nécessaire car la création monétaire leur revient.
Comme il a été déjà avancé par Schumpeter (1934), la croissance économique devrait passer par l’abolition des combinaisons productives existantes en les remplaçant par la suite par des nouvelles structures plus avancées. Cela nécessite un coût de financement assez élevé et pour pouvoir le réaliser, les banques doivent créer de la monnaie (voir annexe 1). Cependant, il y a aussi une autre raison à part cette première. En fait, pour stimuler l’activité économique, un taux d’inflation positif est nécessaire, seulement ceci doit être d’un niveau raisonnable (inférieur à 10%). Pour que ce taux d’inflation puisse être réalisé, l’Etat ne doit pas trop abuser de son pouvoir et de trop limiter la création monétaire bancaire (répression financière). La création monétaire est en fait source d’augmentation de la masse monétaire, et qui dit augmentation de la masse monétaire dit augmentation des prix. L’élévation des prix incite en général les producteurs à offrir davantage une quantité de plus en plus élevée de leur production. Il y a donc là une nécessité de faire des investissements supplémentaires. En d’autres termes, la création monétaire et donc par extension la libéralisation du système bancaire, est une source potentielle de croissance économique. Toutefois, dans les pays réprimés financièrement, les banques ne sont pas libres d’exercer pleinement leur rôle. Elles doivent se soumettre à certaines règles : réserve obligatoire, encadrement de crédits, politique sélective de crédits, fixation du taux d’intérêt à un niveau bas. Parlons tout d’abord du système de réserve obligatoire. Dans le processus de création monétaire, la banque centrale joue un rôle prépondérant. En fait, elle est la seule institution qui a le pouvoir de créer de la monnaie fiduciaire10. En même temps, elle peut créer aussi de la monnaie scripturale comme en font les banques secondaires. Ces deux types de monnaies « que crée la banque centrale » sont appelées monnaies centrales ou base monétaire. Une banque secondaire qui est dépourvue de monnaie centrale n’a nullement le pouvoir de créer de la monnaie. Dans ce cas, les banques de second rang ont intérêt à conserver des billets dans leur caisse et au cas où elles n’en disposent pas, alors elles doivent se refinancer auprès de la banque centrale car seule cette dernière a le pouvoir d’en créer ; bien sûr il y a un prix à payer pour cela. Le volume de monnaie centrale que disposent les banques secondaires peut s’accroître aussi lorsqu’elles reçoivent des billets (dépôts) venant de leurs clients.
Dans un système de réserve obligatoire, la banque centrale contraint les banques secondaires à garder auprès d’elle une certaine proportion du montant des dépôts que ces dernières reçoivent des agents non bancaires. Par conséquent, à mesure que ce taux augmente, le degré de liquidité du système bancaire diminue et en même temps, la capacité de création monétaire des banques également. En se référant l’annexe 2, nous pouvons constater qu’un dépôt initial en monnaie centrale d’un montant de 10 417 chez une banque lui permet à la création de nouvelles monnaies d’un montant total de 10 922,8. Ceci sous les conditions suivantes : le taux de réserve obligatoire est de 4%, la part de marché de la banque concernée est de 10% et taux de préférence pour la liquidité11 des agents non bancaire est de 12%. Ce résultat est facilement calculable en utilisant la formule du multiplicateur de crédits12. Δ = ΔMBC M b + f (1 − b) + r(1 − b − f (1 − b))
Le développement du secteur externe :
Le début des années 80 a été marqué surtout par le développement des marchés financiers. Désormais, il est possible de se passer des services bancaires. La déréglementation financière a beaucoup contribué au développement et à l’efficacité des marchés financiers locaux mais aussi internationaux.
Un des effets positifs qu’a apporté la libéralisation financière au niveau des marchés financiers est le renforcement de leur efficience. Selon Fama (1969), un marché est qualifié d’efficient lorsque les prix des titres ou des crédits reflètent pleinement leur valeur fondamentale, c’est-à-dire leur valeur compte tenu des informations disponibles relatives à ces derniers (rentabilité, risque, etc.). Par exemple, s’il est connu que l’actif en question est faiblement rentable, de ce fait son prix doit être faible. Expliquons un peu comment la libéralisation financière peut-elle renforcer l’efficience des marchés financiers.
Le premier argument théorique fait référence à l’amélioration de la qualité des informations disponibles. En fait, les agents étrangers qui souhaitent faire des investissements exigent parfois plus de transparence et d’informations avant de s’embarquer dans leur projet, ils exigent également l’application des normes comptables internationales. Deuxio, la libéralisation du taux de change et la libéralisation du marché des capitaux rend les marchés financiers plus liquides. En fait, un marché liquide favorise les arbitrages financiers. En d’autres termes, les actifs qui ont des rentabilités jugées comme anormales ne seront pas vendus et donc, il y a une tendance automatique vers un prix d’équilibre. A part ces deux raison, une dernière stipule que la libéralisation financière permet de faire développer davantage les marchés financiers et qu’à son tour, ce développement permet de rendre ces marchés plus organisés et donc de plus en plus efficients encore. Mais les avantages de la libéralisation financière ne se limitent pas seulement sur cette notion d’efficience là.
Les théoriciens classiques préconisent eux aussi cette corrélation positive qui existe entre croissance et libéralisation financière là. D’abord, ils avancent l’idée selon laquelle la libre circulation des capitaux à travers le monde favorise l’allocation optimale de l’épargne mondiale. En même temps, cette libre circulation là est censée aussi inciter les projets d’investissement potentiellement productifs du fait de la grande disposition en fonds prêtables. En troisième lieu, la libéralisation financière selon toujours eux est censée favoriser une meilleure diversification du risque car les risques sont suffisamment repartis. Expliquons tout ceci avec plus de détails.
Grâce à la libéralisation, les différents pays seraient mis en relation. Ceux qui éprouvent un besoin de financement peuvent en trouver auprès de ceux qui dégagent un excédent. Cette pratique est bénéfique pour les différents pays participants. Rey (Rey, 2004) a tenté de donner une explication plus concrète à ce sujet. D’un côté, il y a les pays riches comme le Japon qu’il a pris comme exemple et qui possède un volume assez élevé d’épargne. Cependant, l’économie japonaise est peu dynamique et le taux de rendement du capital dans le pays est faible. En même temps, la population japonaise est en cours de vieillissement. De l’autre côté, il y a les pays pauvres caractérisés par la jeunesse de leurs populations, donc consomment beaucoup sans pouvoir accumuler de l’épargne. Toutefois, ces pays ont des projets d’investissement potentiellement rentables. La mise en relation de ces deux catégories de pays permettra pour les deux côtés d’atteindre un niveau plus élevé de croissance et aussi d’améliorer leurs bien-être respectifs. Le pays pauvre en question peut saisir l’opportunité d’investissement précédemment. Pour le Japon, il peut trouver un placement plus rentable pour son excédent d’épargne, lui permettant de financer ses allocations retraites. Cet exemple illustre en quelque sorte la théorie de l’avantage comparatif ricardienne (1817) mais seulement, ici il concerne le marché financier. Comme nous pouvons le constater, le premier pays est très favorable dans la transformation de l’épargne en investissement à haute rentabilité tandis que le second est propice à la formation de l’épargne. Donc l’ouverture financière des deux pays permet au développement de chacun des deux. Pour le pays récepteur de fonds, son économie subira une augmentation du taux de liquidité et également une augmentation du volume de fonds prêtable. Par conséquent, le coût du capital baisse pour ce pays.
La libéralisation du mouvement des capitaux réduit aussi le risque encouru par le prêteur. Sur le marché financier international, celui-ci a le privilège de pouvoir faire le choix grâce à l’existence d’une assez large gamme d’actifs financiers. Il a également aussi le privilège de placer dans plusieurs pays à la fois. Dans ce cas, si une crise frappe l’un de ces pays, le portefeuille de cet agent là ne sera touché qu’en partie. Donc, si les agents repartissent leurs prêts à travers plusieurs pays en investissant par exemple dans des entreprises filiales, le risque qu’ils encourent serait plus atténué. La dérèglementation financière peut alors constituer un facteur de redressement du taux de rendement des capitaux grâce à une meilleure diversification des risques. Un cercle vertueux s’autoalimente par la suite, face à l’élévation du taux de rendement, la formation de l’épargne est alors encouragée. Par conséquent, le taux d’investissement s’accroît aussi ce qui amorce la croissance économique.
Du coté des organismes financiers, la concurrence qui devient de plus en plus vive est un facteur qui rend ces derniers plus efficaces dans l’exercice de leurs activités. Ceci se traduit par exemple par l’utilisation des méthodes plus avancées et plus sophistiquées dans la gestion de leurs affaires. Par ailleurs, il y a aussi ce qu’on appelle « transfert managérial ». En fait, les institutions financières internationales, grâce aux expériences antérieures qu’elles ont acquises peuvent constituer comme un modèle pour les institutions financières domestiques. Une sorte de transfert de compétence des premières vers les secondes aura alors lieu. En outre, le transfert technologique peut être aussi considéré comme l’un des effets bénéfiques que procure la libéralisation financière. La libéralisation financière permet donc à une transmission de savoir faire et d’expertise entre les différents acteurs qui y participent, notamment les institutions financières.
La libéralisation des capitaux permet aussi à l’amortissement de la phase descendante du cycle économique. Comme les agents économiques peuvent toujours trouver de financement, alors même en situation de récession, le niveau de la consommation ou de l’investissement ne subira pas une chute brusque. La courbe de consommation et de l’investissement ne serait pas alors trop affecter par la phase descendante du cycle et la phase descendante elle-même serait également aussi plus affaiblie. La demande interne est donc stabilisée même si la production et le revenu intérieur tendent à baisser. Elle est donc moins volatile.
A part tout ceci, la conjugaison de la libéralisation des capitaux et celle du taux de change est censée être positive pour la croissance économique. Le cas des pays dits émergents d’aujourd’hui est un bon exemple. Dans les années 80, ces pays ont été les principales cibles des investissements directs étrangers (IDE) et en même temps ils se sont presque tous initiés dans l’application du taux de change flexible. Suite à cela, la balance de capitaux de ces derniers s’est beaucoup améliorée entrainant une appréciation de leur taux de change. En plus, ce phénomène a été renforcé par la dépréciation du dollar pendant cette même période. Les bénéficiaires étaient surtout les pays qui ont adopté de panier de référence autre que le dollar (yen, mark, etc.). Cependant, rien ne dit à l’avance qu’une telle appréciation soit bonne ou mauvaise pour une économie. En fait, pour qu’elle puisse être considérée comme une bonne chose, certaines conditions sont à respecter. Il faut que l’environnement institutionnel et économique du pays qui souhaite se libéraliser financièrement le permette. A titre d’exemple, le système financier du pays concerné doit être robuste et développé, et en même temps, il faut aussi que la situation macroéconomique du pays soit stable (taux d’inflation faible, déficit budgétaire modéré). Le fait que la monnaie nationale est surévaluée peut constituer comme un frein pour les activités exportatrices et donc, fera accroître le taux de chômage. En outre, l’entrée des capitaux étrangers accroît aussi la masse monétaire domestique. Une telle situation peut provoquer des tensions inflationnistes sévères et peut contribuer à la formation des bulles spéculatives.
De la même façon, si le marché domestique est réprimé (taux d’intérêt faible par exemple) alors que le pays décide d’aborder une libéralisation de son compte de capital et de son taux de change, une telle décision aboutira certainement à une fuite des épargne domestiques vers l’étranger où elles sont mieux rémunérées et cela ferait certainement déprécier la monnaie nationale entrainant une crise de change profonde.
A part tout cela, et comme nous l’avons introduit plus haut, la libéralisation des capitaux devrait permettre au développement des IDE (les IDE sont des capitaux étrangers), et les IDE à leur tour sont susceptibles d’avoir des effets positifs sur la croissance économique. Ces effets concernent notamment la diffusion technologique, le renforcement de la concurrence, l’amélioration de l’exportation, création d’emplois, etc. En un mot, les IDE sont donc susceptibles de contribuer à la croissance économique.
Michel Aglietta (2000) dans « La globalisation financière », a souligné aussi quelques points positifs qu’a « réellement » apportés la globalisation financière dans le système économique moderne d’aujourd’hui. Bien que ceux-ci ne soient vraiment pas issus de la libéralisation du secteur externe, il nous semble quand même important d’en parler un peu car sinon, notre analyse ne sera complète.
D’abord, du côté des ménages, leur revenu est une fonction croissante du prix des actifs financiers, il en est de même pour leur consommation. Dans le système où nous vivons actuellement, même les simples salariés peuvent devenir propriétaire d’une entreprise. Ceci est la résultante de l’émergence des investisseurs institutionnels qui jouent un rôle important dans la médiation financière. Michel Aglietta dénomme ce type de système de capitalisme patrimonial. Ainsi donc lorsque le prix des actifs augmente, les ménages au lieu de faire de l’épargne préfèrent faire de placement en titre financier. De ce fait, ils peuvent se procurer d’une grosse plus-value si le prix réel dépasse le niveau qu’ils ont anticipé. Par conséquent, leur revenu augmente, ce qui leur donne une possibilité d’accroître le niveau de leur consommation. Cette hausse de la consommation là aura un effet sur la demande globale mais également sur la performance des entreprises. Cela leur permet de s’offrir un taux de profit considérable, et donc de faire augmenter davantage les prix des actifs. Par la suite, les ménages seront incités de nouveau à détenir de plus en plus d’actifs financiers qui deviennent de plus en plus rentables.
Quant aux entreprises, étant donné qu’il y a une norme de rendement à respecter pour les fonds propres, à long terme, cela générera des conséquences positives sur l’économie. En fait, une telle situation amènera à l’économie de capital productif. Face aux concurrences qu’elles endurent, aux exigences qu’impose le rendement en fonds propres et aussi l’importance du coût des capitaux qu’elles doivent supporter, les entreprises sont obligées de se restructurer et donc de faire une économie de leur capital. Pour s’y faire, elles stimulent l’essor des services qu’elles achètent. Par ailleurs, l’importance du volume demandé par les consommateurs finaux de ces mêmes services génère aussi un effet positif sur la qualité de ces derniers. Par rapport à la production des biens, celle des services est plus économique en capital. Les services également ont un cycle de produit plus court et en plus ils s’adaptent facilement aux changements de nature de la demande. En gros, ce changement de structure de l’économie là a amené à une situation telle que l’ajustement de l’offre suite à une augmentation de la demande devient plus facile à atteindre. En d’autre terme, cette faculté d’ajustement permet de combattre contre les tensions inflationnistes. Cette baisse du niveau de l’inflation là explique alors le grand développement du système financier actuel.
La réalité de la crise des subprimes
La crise des subprimes a pris la forme d’une crise de liquidité généralisée et aussi d’une crise de confiance très profonde entre les agents économiques. Les banques ne se prêtent plus entre elles. De même, les marchés financiers ne veulent plus financer les banques et qu’à leur tour, les banques ne sont plus incitées à financer les entreprises.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, comprenons d’abord comment les crises de confiances prennent-elles naissances. Pour cela, essayons de savoir ce qu’il y a vraiment dans le bilan des banques. A l’actif d’une banque figurent les prêts et les crédits que la banque a octroyés aux agents emprunteurs. Ce sont donc des créances. A part ces deux éléments très courants, il peut s’agir aussi des titres de fonds qui sont destinés à être vendus auprès des investisseurs. Cependant, en ce qui concerne particulièrement les titres, leurs cours sur le marché peuvent fluctuer ou s’apprécier d’un moment à l’autre. Ainsi, la valeur faciale (valeur au jour de la première mise sur le marché) d’un titre n’est pas forcement l’équivalent de sa valeur sur le marché. Par ailleurs, comme nous somme en train de parler de bilan, il nous faut donc parler aussi du passif. Dans ceci figure notamment les fonds avec lesquels la banque a pu acquérir les titres et créances précédemment. En fait, une banque ne peut accorder de financement que si seulement, elle dispose au préalable des fonds (dépôts des agents, monnaie centrale) qui le permet (voir Annexe 1). Dans 95% des cas, ces fonds sont constitués par des dettes. Ces dettes ont servi surtout dans l’acquisition des titres précédemment et tôt ou tard, la banque doit l’acquitter.
Ainsi, si le cours des titres baisse, la valeur de l’actif de la banque fluctue également. Cette baisse au niveau de l’actif, en vertu du principe d’équilibre bilanciel, doit être également constatée au passif. Plus précisément, le règlement du système bancaire américain préconise que « le montant » de la baisse au niveau de l’actif doit être constaté « au niveau du capital » (pour le passif). Prenons un exemple et admettons que l’actif de la banque a connu une détérioration de 3% suit à une baisse du cours des titres qui le compose. Admettons aussi le fait qu’au total, la valeur faciale de ces titres est l’équivalent de 30 fois du capital de la banque. Supposons que cette valeur soit de 30000, donc le capital de la banque est de 1000 (car 1000*30 = 30000). Comme les titres ont perdu chacun 3% de leur valeur initiale, cette perte correspond au total à 30000 fois 3%, ce qui donne 900. Ainsi, cette détérioration d’un montant de 900 de l’actif là doit être constatée au niveau du passif et en particulier au niveau du capital. Comme nous pouvons le constater, 900 représente 90% de 1000 qui est la valeur initiale du capital de la banque. Autrement dit, le capital de la banque a donc perdu 90% de sa valeur. Il ne reste plus alors que 100.
C’est de cette manière que la banque Bank of America a connu une grande baisse de sa valeur boursière. Avant la crise, sa valeur boursière a été estimée à 159,7 milliards de dollar (Martin, 2009), cependant la baisse du cours des titres liés aux crédits subprimes a durement touché son bilan et a fait fluctuer son capital. Pour la sauver, au mois de janvier 2009, le gouvernement lui a octroyé, dans le cadre du programme TARP17, 45 milliards de dollars (Ibid.) à titre de recapitalisation. Cependant, la fluctuation incessante du cours des titres a de nouveau dévoré le capital de la banque et au mois de février de la même année, elle ne vaut plus en bourse que 37,1 milliards de dollar (Ibid.).
Ce même cas a été aussi constaté pour Citigroup. Sa valeur boursière d’avant crise était de 110,4 milliards de dollar. Tout comme précédemment, il a connu aussi une grande fluctuation de son bilan et a reçu par la suite 50 milliards de dollars (Ibid.) de la part du programme TARP au mois de janvier 2009. La crise a frappé à nouveau la banque et finalement, au mois de février, sa valeur boursière n’était plus seulement que de 22,9 milliards de dollars (Ibid.).
Les agences de notations doivent être mises au courant de ce changement pour qu’elles puissent évaluer la nouvelle qualité de la banque concernée. Par la suite, l’information sera diffusée à travers le système financier tout entier. Cela rendra la banque en question insolvable à l’égard des autres, l’entraînant dans une situation d’illiquidité car il est certain que personne ne voudrait plus la financer après tout cela.
Une situation de méfiance entre les banques s’autoalimentait alors qui par la suite est suivie d’un assèchement des marchés des titres liés aux crédits subprimes et celui-ci à son tour a fait naître une situation de cercle vicieux. Voyant la fluctuation du prix sur le marché de l’immobilier, les investisseurs n’achètent plus les titres. Par ailleurs, pour se couvrir contre les risques, les détenteurs cherchent à tout prix à s’en débarrasser, ce qui a fait baisser de plus en plus le cours de ceci. Tel est par exemple le cas des CDO, ceux-ci au départ sont censés être moins risqués grâce à la diversification de types d’actifs qui les compose, cependant avec la crise des subprimes, la crise de confiance s’est généralisée et finalement personne ne veut plus détenir de CDO. Les agences de rating ont fait alors déprécier les notes attribuées aux CDO. Cette dépréciation était de l’ordre de 25% pour les tranches supposées comme moins risquées. Elle était de 50% pour les autres tranches. De ce fait, les CDO deviennent de moins en moins liquide.18 Par la suite, cet assèchement du marché des CDO là s’est répercuté sur leur détenteur (banques, hedge funds, compagnie d’assurance, etc.), leur rendant insolvable et renforçant la crise des confiances.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE I: LES LIENS ENTRE LIBÉRALISATION FINANCIÈRE ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE
Section I. Revue de littérature sur les théories de la libéralisation financière
I.1.1. Le travail de Mac Kinnon
I.1.2. La libéralisation financière dans la théorie de Shaw (1973)
Section II. La libéralisation financière et le développement des systèmes financiers
I.2.1. La libéralisation du secteur interne
I.2.2. Le développement du secteur externe
Conclusion partielle du premier chapitre
CHAPITRE II: LA CRISE DES SUBPRIMES ET SES IMPACTS
Section I. Contexte mondial :
II.1.1. Origine de la crise des subprimes
II.1.2. La réalité de la crise des subprimes
Section II. L’impact de la crise financière internationale au Congo
II.2.1. Le Congo face à la crise financière internationale
II.2.2. Analyse de l’impact de la crise financière sur le Congo
Conclusion partielle du second chapitre
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
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