LES LEUCODYSTROPHIES CHEZ L’ENFANT
Profil épidémiologique
Les LD sont des maladies génétiques rares, leur incidence générale est difficile à apprécier vu la difficulté du diagnostic. Une étude faite en Allemagne par le département pédiatrique de l’Université de Hamburg en 1997, a rapporté que l’incidence générale des LD est estimée à 2,0/100000 naissances (2), alors qu’en France selon l’association européenne de lutte contre les leucodystrophies (ELA), l’incidence est estimée à 160 naissances par an. Dans notre contexte, l’incidence ne peut être précisée vu le manque d’études épidémiologiques. Les LD sont des maladies familiales. Dans notre série, 70% des patients sont issus d’un mariage consanguin, avec présence de deux histoires familiales. Comparativement aux données de la littérature, dans une série indienne de leucodystrophie métachromatique (LDM), 70% des patients sont issus de mariages consanguins avec quatre histoires familiales (3). Dans d’autres séries de LD, la consanguinité était observée chez tous les malades (4,5).
Profil clinique et paraclinique
Profil clinique
La symptomatologie dans les LD apparaît en général après un intervalle libre, par l’apparition d’une régression des acquisitions psychomotrices. Dans notre série 70% de nos patients ont présenté comme premier symptôme une régression des acquisitions psychomotrices, concordant avec les données des deux séries indiennes et américaines (3,4,6). Dans deux séries de LD avec mégalencéphalie en Inde et en Turquie, la régression n’a été observée que chez 30% des cas (5,7).
Des signes pyramidaux étaient présents chez 9 de nos patients, tandis que l’atteinte cérébelleuse n’a été observée que chez un seul patient. Comparativement aux autres séries, les signes pyramidaux étaient présents chez plus de la moitié des cas des séries indienne, allemande, italienne et néerlandaise (3,4,7,8,9). Ainsi l’atteinte pyramidale est quasiment constante dans les LD. Les signes cérébelleux étaient absents dans deux séries (8,4). Par contre, dans la série néerlandaise, ils étaient observés dans tous les cas (9). L’atteinte périphérique est caractéristique de la maladie de Krabbe et des LDM. Deux de nos patients ont présenté une abolition des réflexes ostéo-tendineux (ROT) témoignant d’une atteinte périphérique. Dans la série indienne, 69.4% des cas avaient des ROT abolis (3). Dans une autre série indienne de maladie de Krabbe, ils étaient abolis ou diminués dans 37.5% des cas (4). Les crises convulsives sont absentes ou d’apparition tardive dans les LD. (10,11) Dans notre série, les crises convulsives ont été le motif de consultation chez deux des enfants, et elles sont apparues au cours de l’évolution chez trois de nos cas. Comparativement aux données de la littérature, Une étude taiwanaise portant sur l’évolution des crises convulsives dans les LD et une autre étude canadienne sur les LDM, ont montré que les crises convulsives peuvent survenir à n’importe quel stade de l’évolution de l’affection. (12,13) Selon Aicardi, une atrophie optique est toujours présente dans les LD (10). Dans notre série, 5 de nos malades ont bénéficié d’un examen ophtalmologique spécialisé, un seul cas de cécité a été constaté. Dans une série s’intéressant au syndrome de CACH (9), l’atrophie optique Les troubles cognitifs et de comportement peuvent apparaître à n’importe quel stade de l’évolution, mais en général ils sont d’apparition tardive (10). Dans une série d’adrénoleucodystrophies (ALD), des troubles intellectuels et psychiques sont apparus chez tous les patients présentant la forme cérébrale de la maladie. (14) L’évolution de la maladie est toujours progressive, aboutissant dans tous les cas au décès. En effet, nous déplorons un cas de décès dans notre série.
Profil paraclinique
Bilan radiologique:
L’imagerie est indispensable et déterminante pour le diagnostic des LD. Elle met en évidence les anomalies de la SB au niveau du SNC. En pédiatrie, l’interprétation des images radiologiques est délicate avant l’âge de 2ans et doit tenir compte du stade de la myélinisation (15).La tomodensitométrie cérébrale (TDM) montre des images d’hypodensité au niveau de la SB, mais parfois elle peut être normale. (10,11) Dans certaines formes de LD, elle peut montrer des signes évocateurs de l’étiologie comme dans le syndrome d’Aicardi-Goutières où elle met en évidence des calcifications. (8,16) L’IRM cérébrale est plus sensible pour détecter les anomalies de la SB. Les lésions apparaissent en hyper signal sur les images pondérées en T2, en T1 elles peuvent être en hyper signal (normal) ou en iso- ou hypo signal. (11) L’IRM peut mettre en évidence des signes caractéristiques pouvant contribuer au diagnostic. Dans notre série, l’IRM a montré sa sensibilité et specifité pour diagnostiquer les anomalies de la SB. En effet, dans l’observation n°5, la TDM était normale, tandis que l’IRM a montré des anomalies de la SB, témoignant ainsi de la supériorité de l’IRM pour détecter les anomalies de la SB.
Bilan électrophysiologique:
Les explorations électrophysiologiques permettent de mettre en évidence des troubles fonctionnels au niveau du système nerveux central et périphérique : -L’électroencéphalogramme est souvent normal au début de l’affection ou peut montrer un ralentissement modéré de l’activité de fond. (12)
-Les potentiels évoqués auditifs (PEA), visuels et somesthésiques ont été étudiés dans deux séries de LD (1988 et 1982). L’étude a montré que ces examens étaient anormaux chez la majorité des patients (18, 19). Dans la maladie de Pelizaeus-Merzbacher, le PEA peut montrer un aspect évocateur de la maladie (20). -L’électromyogramme (EMG) et l’électrorétinogramme mettent en évidence l’atteinte du SNP. L’atteinte périphérique est caractéristique de deux formes classiques de LD: la maladie de Krabbe et la LDM.
Dans la série indienne de LDM, l’atteinte périphérique à l’EMG était présente chez 100% des malades (3). Dans une autre série sur la maladie de Krabbe, 80% d’atteinte périphérique a été objectivée à l’EMG (4). Dans notre série, pour des raisons socio-économiques, le bilan électrophysiologique n’a pas été fait par nos malades. Un EMG a été pratiqué chez un seul enfant et qui s’est révélé normal, tandis que chez un autre enfant, le PEA avait montré une surdité.
Bilan biologique:
Le diagnostic des étiologies des LD se base sur l’étude moléculaire et les analyses biochimiques. Grâce au développement de la biologie moléculaire, de nombreuses étiologies de LD ont pu être diagnostiquées. (21) Dans notre série, des prélèvements sanguins ont été effectués chez sept de nos patients pour une étude moléculaire et des dosages biochimiques, dont les résultats sont en cours.
Profil neuropathologique
Les LD sont expliquées sur le plan neuropathologique par une diminution importante de la SB du SNC. Cette dernière est remplacée par un tissu astrocytaire ferme. Il est décrit trois caractéristiques neuropathologiques communes à la majorité des LD (1) : – La dysmyélinisation est la résultante des troubles de formation d’une myéline quantitativement suffisante et qualitativement anormale. Le terme de démyélinisation qui désigne la destruction d’une myéline préalablement normale tant en quantité qu’en qualité, consacré par l’usage est donc inapproprié. Or même dans les LD à manifestation tardive, la myéline n’apparaît pas entièrement normale sur le plan biochimique. Dans certaines formes précoces et massives, il semble y avoir une amyélinogénèse plus au moins complète. Cette dysmyélinisation est souvent symétrique et étendue, touchant la SB du cerveau, du cervelet, du tronc cérébral et de la moelle, respectant les fibres en U. Ces dernières sont des fibres d’association sous corticales qui connectent les neurones séparés par un sillon. La
substance grise est toujours préservée. (Figure 5,6) -Une réaction macrophagique discrète, moins importante que ne le voudrait la disparition myélinique, est un argument en faveur d’un trouble de la myélinogénèse. Elle est plus souvent dispersée que péri vasculaire, elle peut contenir des lipides particuliers traduisant un catabolisme incomplet de la myéline; dans quelques formes, le contenu des macrophages peut être soudanophile.
-L’absence de tout signe de réaction inflammatoire est une donnée négative très importante dans la majorité des LD. On observe également à l’examen microscopique (22): ∙une diminution des oligodendrocytes ∙une atteinte des axones ∙Une réaction astrocytaire à des stades précoces de la pathologie, et une gliose fibrillaire à des stades très avancés. D’autres lésions peuvent s’associer, avec une fréquence variable (1): -Une atteinte du système nerveux périphérique peut se voir dans certaines formes de LD, (LDM et la maladie de Krabbe). -Des lésions viscérales peuvent s’observer dans certaines formes de LD, comme la maladie d’Austin (hépatique et splénique…).
Profil étiologique
Grâce au développement de la génétique, de la biologie moléculaire et des techniques d’analyse biochimique, de nombreuses causes de LD ont été déterminées (21). Ainsi une classification a pu être suggérée, se basant sur l’identification ou non de troubles métaboliques (10). Nous envisageons une mise au point sur les principales formes des LD. 1- Leucodystrophies avec trouble métabolique connu 1-1 La leucodystrophie métachromatique : La leucodystrphie métachromatique (LDM) est une maladie héréditaire autosomique récessive qui atteint le SNC et le SNP. Elle est due à un déficit en Arylsulfatase A (ASA), qui catalyse la première étape de la dégradation des sulfatides (Figure 7). Cette déficience est responsable d’une accumulation de sulfatide dans le système nerveux et dans d’autres tissus. Elle représente l’une des plus fréquentes LD. Sa fréquence est estimée en Allemagne et en France à 0.6/100000 naissances et en Turquie à 1.43/100000 naissances. (2,23) A l’examen neuropathologique, la maladie est caractérisée par la présence d’une démyélinisation diffuse du SNC avec présence de matériel métachromatique au sein de la SB, des oligodendrocytes, des astrocytes et des macrophages (Figure8). Au niveau du SNP, la démyélinisation est segmentaire avec présence d’inclusions métachromatiques dans les cellules de Schwann et les macrophages (Figure 9). Ces inclusions métachromatiques peuvent être
observées dans d’autres tissus (rein, le pancréas, le foie, la vésicule biliaire, les structures de l’œil). Sur le plan génétique, le gène de l’arylsulfatase A est identifié sur le chromosome 22q13 où plus de 80 mutations ont été décrites. (24) On distingue trois formes cliniques de LDM : la forme infantile (de l’âge d’un à 2 ans), la forme juvénile (3 à 16ans) et la forme de l’adulte. (22) -La forme infantile est la plus fréquente. Le développement psychomoteur de l’enfant est normal pendant la première année de vie. Ultérieurement une régression psychomotrice s’installe, touchant la position debout, assise et la tenue de la tête. A l’examen, un syndrome pyramidoextra-pyramidal est observé avec une diminution voire une abolition des réflexes ostéotendineux. Dans notre série, les cas des observations n°8 et n°9 présentent une évolution clinique proche de celle observée dans cette forme.
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Table des matières
Introduction
Patients et Méthodes
Résultats
ǀ. Les observations
ǁ. Tableaux récapitulatifs
Discussion
ǀ. Profil épidémiologique
ǁ.Profil clinique et paraclinique
1-Profil clinique
2-Profil paraclinique
2-1 Bilan radiologique
2-2 Bilan électrophysiologique
2-3 Bilan biologique
ǀǀǀ. Profil neuropathologique
ǀV.Profil étiologique
1- Leucodystrophies avec un marqueur connu
1-1 Leucodystrophie métachromatique
1-2 Maladie de Krabbe
1-3 Adrénoleucodystrophie lié à l’X
1-4 Maladie de Pelizaeus-Merzbacher
LES LEUCODYSTROPHIES CHEZ L’ENFANT : A PROPOS DE 10 CAS
1-5 Maladie de Canavan
2-Leucodystrophies de cause inconnue
2-1 Maladie d’Alexander
2-2 Syndrome de CACH
2-3 Syndrome d’Aicardi-Goutieres
3-Les leucodystrophies de cause indéterminée
Conclusion
Résumés
Bibliographie
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