La jeunesse libanaise face au flux d’informations télévisuelles
Le Liban, tel que nous l’avons connu dans les livres et les médias, pont entre l’Occident et l’Orient, Suisse de l’Orient, lieu de rencontre des différentes communautés religieuses, etc., se voit perdre de jour en jour cette caractéristique cosmopolite qui lui était jadis attribuée. Cette image de diversité, confrontée à beaucoup de guerres au fil des années, cède la place à un confessionnalisme accru ralentissant le développement du pays et enracinant dans la mémoire des Libanais, tout âge et toute catégorie socioculturelle inclus, une image de disparités politicoconfessionnelles et d’inégalités entre ses communautés.
En effet, le communautarisme confessionnel est un phénomène particulier spécifique de la société libanaise, qui s’est développé et s’est renforcé avec le temps. L’histoire et le développement de cette culture collective propre à chaque communauté religieuse, comme nous le verrons plus tard, ont créé des identités communautaires distinctives et les circonstances historiques ont favorisé ce sentiment de distinction interconfessionnelle et ainsi l’enracinement du confessionnalisme dans la société. Peu à peu, surtout à partir de la guerre civile de 1975, la politique s’est confondue avec le confessionnalisme. Il est devenu commun d’associer dans la mentalité des Libanais, un leader politique au sommet d’une confession donnée et d’où ce jumelage politico-confessionnel, favorisant dans l’inconscient des Libanais, l’association de la communauté confessionnelle avec le leader qui la représente, la protège et la consolide face à tout danger pouvant être engendré par les autres confessions. Ce jumelage est aussi déclencheur de clientélisme et de dépendance de la part des publics envers leurs leaders, hommes religieux soient-ils ou civils auxquels est souvent délégué le pouvoir de la zaama (la direction) de la confession. Cette influence politico-confessionnelle sur les sous-groupes ne se limite pas uniquement à un clientélisme très présent dans le quotidien des gens, mais aussi à un impact sur le comportement des individus de la collectivité, à savoir leur mentalité, leurs croyances, leurs décisions politiques et leurs comportements en tant que citoyens pendant les élections (législatives ou municipales), leur attachement, souvent extrémiste, à leur région d’origine, leurs comportements suite à un discours de leur leader politico-confessionnel ou celui d’un champ adversaire, leur choix de lieu de résidence, leur choix d’école et d’enseignement pour leurs enfants, etc.
Les médias, en particulier les chaines télévisées locales nées pour la plupart pendant la guerre civile au Liban, ayant agrandi le fossé entre les différentes communautés politicoconfessionnelles du pays, entre 1975 et 1990, se réjouissent d’attiser encore plus ce sentiment de disparités et d’inégalités entre les Libanais. Ceci dit, nous ne pouvons pas « négliger l’influence diffuse des religions sur les pratiques du journalisme et la consommation des médias » comme le dit Pierre Albert, en particulier au Liban, où « ce facteur est encore renforcé par la nature singulière du régime politique, la démocratie consensuelle, basée sur le partage du pouvoir entre les différentes communautés confessionnelles. » .
Les moyens et le cadre d’expérimentation
De ce fait, notre problématique résulte de nos propres recherches et de l’interprétation des nouvelles des différentes chaînes télévisées au Liban (surtout celles locales, mais aussi, pour certaines questions, l’étude de certaines chaines satellitaires), leur histoire (très influencée par la guerre), leur penchant politique et ou confessionnel et l’impact de ceux-ci sur leurs programmes (politiques et de divertissement, mais surtout politiques). Toutefois, nous accentuerons nos interprétations sur l’étude de la réaction du jeune public face à ce flux d’informations (des lectures et des recherches surtout au niveau de la sociologie des publics).
Cette thèse vise donc à étudier les rapports de pouvoir qui s’organisent dans l’espace public : influences directes ou subtiles (partis politique – médias – opinion publique jeune et intermédiaires professionnels dans l’éducation), rapports matériels et symboliques, et dominations à caractère politico-confessionnel.
Bien qu’ancrée dans l’évolution de la recherche, des théories et le renouvellement des connaissances en communication et en éducation, notre thèse touchera des sujets d’actualité basés sur des entrevues avec différents journalistes et directeurs de chaînes télévisées au Liban et des professionnels dans le domaine de l’éducation et de la psychologie des jeunes. Une étude approfondie et des lectures de plusieurs analyses académiques traitant un tel sujet seront faites afin de voir comment les professionnels qui se spécialisent ou sont déjà spécialisés dans ce domaine interprètent le problème de l’analyse de l’information télévisuelle par les adolescents.
Le pluriculturalisme et l’émergence de cultures hybrides, à l’ère de la Mondialisation de la communication
Barack Obama, lors de son premier discours, le 20 janvier 2009, en tant que président des Etats-Unis d’Amérique, déclarait: « Nous savons que notre héritage multiple est une force, pas une faiblesse. Nous sommes une nation de chrétiens et de musulmans, de juifs et de hindous, et de non-croyants. Nous avons été formés par chaque langue et chaque culture, venues de tous les coins de la terre ; et parce que nous avons goûté à l’amertume d’une guerre civile et de la ségrégation, et que nous avons émergé de cette période sombre plus forts et plus unis, nous ne pouvons pas nous empêcher de croire que les vieilles haines vont un jour disparaître, que les frontières tribales vont se dissoudre, que pendant que le monde devient plus petit, notre humanité commune doit se révéler, et cette Amérique doit jouer son rôle en donnant l’élan d’une nouvelle ère de paix. » .
De nombreuses sociétés sont aujourd’hui caractérisées par leur multiculturalisme, leur communautarisme et leur multi confessionnalisme. On peut considérer qu’il s’agit là d’une des formes de la modernité et l’une des conséquences de la mondialisation. Il est vrai que l’interaction économique croissante entre nations, ces cinquante dernières années a conduit à une intégration économique, mais cette même croissance a aussi posé des questions de cohabitations culturelles. Selon le botaniste Francis Hallé : « Il y’a une mondialisation pour chaque activité humaine. Distinguons avec soin celle qui concerne la culture de celle qui a trait à l’économie.».
En effet, depuis 1980, on a beaucoup parlé de la mondialisation au sens économique et technique du terme. Toutefois, cette mondialisation signifie que les entreprises implantées dans divers endroits du monde produisent et commercialisent des produits et services relatifs à leur propre culture tout en négligeant la culture des autres, celle des pays dits récepteurs ou du Sud. La mondialisation est définie par le même auteur comme suit : « Dans les régions tropicales où je travaille, la mondialisation économique a un puissant relent colonial. (…) la concurrence des produits venant des régions les plus avancées avec ceux des pays les plus pauvres procède d’une mondialisation injuste. Les délocalisations industrielles, bénéfiques à court terme, finissant par ruiner les fragiles économies locales et par induire des mentalités de larbins. » .
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Table des matières
Introduction générale
La jeunesse libanaise face au flux d’informations télévisuelles
Première partie
Les enjeux de la communication intercommunautaire dans l’ère de la mondialisation
Les médias favorisentͲils un lien de communication cohérent entre les différentes ethnies du monde ?
Premier Chapitre
Le pluriculturalisme et l’émergence de cultures hybrides,à l’ère de la Mondialisation de la communication
Deuxième chapitre
Cultures et conflits
Troisième chapitre
Médias et sociétés
Les jeunes Libanais face à l’information télévisée.
Vers la globalisation et l’ouverture au monde ou plus d’attachement à leur communauté confessionnelle?
Quatrième chapitre
« Ecole et télévision : le choc des cultures »
Les développements sur l’éducation aux médias
Deuxième partie
L’introduction des médias dans l’éducation à la citoyenneté et le vivreͲensemble au Liban.
Le cas du traitement de l’actualité retirée des chaines télévisées locales en classes secondaires, dans deux grands
établissements religieux de Beyrouth
Premier Chapitre
Présentation et justification de la méthodologie
Deuxième Chapitre
Aperçu sur l’histoire des confessionset des chaînes télévisées au Liban
Troisième Chapitre
Le système scolaire libanaiset le système actuel d’éducation aux médias
Quatrième Chapitre
Les résultats des animations de groupe en classes secondaires
Cinquième chapitre
Analyse des résultats de l’enquête et observation.
Conclusion Générale
Références
Liste des personnes interviewées pour notre travail de recherche
Table des figures
Annexes
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