On le sait, le littoral occupe une place majeure en France : son linéaire côtier est estimé par le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) à près de 5800 km pour la France métropolitaine.
En outre, cet espace est aussi important en matière de démographie puisqu’on recensait, en 2010, 6,16 millions d’habitants sur les communes littorales métropolitaines , ce qui représentait environ 10% de la population française. La densité de population y est élevée, avec une moyenne de 285 habitants par kilomètre carré dans les communes littorales, contre une moyenne nationale à 116 habitants par kilomètre carré en 2010 . Mais aux yeux de la population, le littoral représente des espaces de loisirs, de détente et ainsi lui renvoie une image globalement positive . Elle ne se rend pas toujours compte corrélativement des risques littoraux . Si la culture du risque lié au littoral est de nos jours peu présente dans les esprits, elle a pourtant été plus prégnante par le passé ; les populations littorales anciennes semblaient avoir cette culture du risque en transmettant la mémoire des tempêtes et inondations. Ces risques étaient connus et survenaient couramment, ce qui entretenait la conscience du risque dans l’esprit des habitants du littoral et de leur vulnérabilité, comme en témoignent d’ailleurs certains travaux historiques en la matière.
De plus, le littoral français génère un flux touristique conséquent. La capacité d’accueil est forte sur le littoral puisque la densité de lits touristiques au kilomètre carré s’élève à 361, pour une moyenne nationale à 37 . Ce tourisme pèse d’ailleurs fortement dans l’économie des cantons littoraux puisqu’il engendre 8,5% des emplois . Rappelons aussi que « le tourisme génère près de 50% de la valeur ajoutée de l’économie maritime métropolitaine ». Si la situation de la zone littorale française est connue, il s’agit de préciser, néanmoins, les contours de la notion même de littoral. Le dictionnaire Larousse l’envisage comme étant la « zone sinueuse où s’établit le contact entre la mer ou un lac et la terre » . Cette définition restant floue, elle ne permet pas de déterminer avec précision les zones incluses dans le littoral. D’autres définitions existent en fonction du domaine d’études s’en ayant emparé. D’un point de vue de la biologie par exemple, le littoral se caractérise par « l’espace occupé par les espèces végétales liées à la zone intertidale » . Les économistes considèrent, de leur côté, le littoral comme « les territoires participant directement à l’économie maritime ».
En droit, si le terme littoral n’est pas défini, les communes littorales sont, en revanche, visées à l’article L. 321-2 du Code de l’environnement. Cet article, apparu grâce à la « loi Littoral » du 3 Janvier 1986, envisage comme étant littorales, d’une part les communes « riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares » (al. 1er), et d’autre part, celles « riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux » (al. 2nd). Un bilan de l’application de la loi Littoral réalisé en 2007 par la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) dénombrait 884 communes françaises métropolitaines et 94 communes françaises en Outre-mer au sens de l’alinéa premier. Les communes ciblées par le second alinéa ont été précisées dans les décrets n°2004-309 et n°2004-311 du 29 Mars 2004 qui en ont fixé une liste.
L’approche juridique s’est donc fondée sur des critères spatiaux pour définir les communes littorales. À une échelle locale et dans une approche plus géographique, certains textes législatifs retiennent davantage le terme de rivage et non celui de littoral.
Le littoral, un territoire à risque
Bien que prisées, les côtes françaises font aussi face à plusieurs risques naturels, dont certains sont explicitement envisagés dans les textes de loi. La thématique des risques naturels majeurs est notamment abordée dans plusieurs articles du Code de l’environnement. L’article L. 561-1, apparu suite à l’adoption de la loi Barnier, cite ainsi une série de risques naturels susceptibles de fonder une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique , reprenant les risques naturels introduits par une circulaire du 20 juin 1988 . C’est à la suite de la tempête Xynthia de 2010 que la loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle 2, a étendu la liste des risques prévus dans l’article aux « crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine ». Une autre série de risques naturels devant faire l’objet des plans de prévention des risques mis en place par la loi Barnier est envisagée par l’article L. 562-1.
Seuls quelques cas de risques naturels sont listés mais aucune définition de la notion n’est donnée. Un auteur a d’ailleurs précisé que malgré l’importance des risques naturels et de leurs enjeux, il n’existe aucune qualification juridique à leur propos . Ainsi, il n’existe à ce jour aucune définition juridique propre aux risques littoraux en l’absence d’une définition plus générale des risques naturels. Il convient tout de même d’essayer de construire une telle définition, au sens où les acteurs publics la conçoivent. La Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR), cite ainsi, à l’occasion de la mise en place des Plans de Préventions des Risques Littoraux (PPRL), différents risques littoraux participant au recul du trait de côte, qu’elle a regroupés en trois catégories :
▪ Le recul des côtes rocheuses et à falaises, souvent appelé « érosion rocheuse». Ce risque peut être provoqué par différentes actions naturelles : le ruissellement pluvial sur le haut d’une falaise, l’infiltration des eaux de pluie, l’impact des vagues contre le pied de la falaise. Cela peut entraîner, à une vitesse plus ou moins rapide selon le type de roche, l’érosion de pans de falaise entiers.
▪ Le recul des côtes basses meubles, souvent appelé « érosion dunaire », ainsi que la migration dunaire. Si la côte sableuse est naturellement mouvante, le vent et les vagues contribuent à déplacer encore plus le sable. Cela se traduit parfois par « un affaissement des dunes à certains endroits, et par des déplacements massifs de sables » .
▪ La submersion marine. Elle provoque une « inondation temporaire des zones côtières par la mer dans des conditions météorologiques et de marées défavorables » . Rappelons que le Ministère de la Transition écologique et solidaire a estimé que 1,5 millions de français habitaient en zone soumise au risque submersion.
Nous l’avons vu, le littoral français est ainsi fortement urbanisé alors qu’un quart des côtes françaises (rocheuses, sableuses ou vaseuses) recule en raison de l’érosion, ce qui représente 1 720 km de linéaire côtier en recul. Quant au risque submersion, il concernerait, selon le Ministère de la Transition écologique et solidaire, 7000km² de zones basses métropolitaines . On considère que les espaces urbains « couvrent 22,8% des terres situées à moins de 250m des côtes reculant ». L’urbanisme des communes littorales se situe donc partiellement sur les espaces proches du rivage et donc une partie de la population française est exposée aux risques littoraux.
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Table des matières
INTRODUCTION
LE LITTORAL, UN TERRITOIRE A RISQUE
POLITIQUES PUBLIQUES, RISQUES LITTORAUX ET RELOCALISATION
MISE EN PLACE D’UNE STRATEGIE DE RECUL DE L’URBANISME, UNE REALITE DIFFICILE
PARTIE I : DES MECANISMES JURIDIQUES ACTUELS PEU ADAPTES A LA MISE EN PLACE DE DEMARCHES DE DELOCALISATION
I.1. DES OUTILS POUR CONTRAINDRE L’URBANISATION DU LITTORAL
I.2. DES OUTILS POUR PERMETTRE LE TRANSFERT DE LA PROPRIETE INAPPROPRIES AU TRANSFERT RAPIDE D’URBANISATION
PARTIE II : DES NOUVEAUX MECANISMES JURIDIQUES A DEVELOPPER POUR FACILITER L’ACQUISITION DES BIENS SOUMIS AUX RISQUES LITTORAUX
II.1. ACQUERIR LA PROPRIETE AU DECES DU PROPRIETAIRE, UN PROCESSUS LONG ET INCERTAIN
II.2. UNE PROPOSITION DE LOI ATTENDUE POUR FACILITER LES ACQUISITIONS SUR LE LITTORAL MAIS CONTESTABLE
II.3. DES DEMEMBREMENTS DU DROIT DE PROPRIETE POUR UNE MEILLEURE ACCEPTABILITE DES PROPRIETAIRES DE LA DELOCALISATION ET FACILITER L’ACQUISITION A TERME
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ANNEXES