Les iniquités de santé

Les iniquités de santé

La santé : un droit fondamental 

La santé, définie comme « un état de complet bien-être physique, mental et social», est un droit fondamental. Il s’agissait de l’engagement principal de l’Organisation des Nations Unies, qui recensait 193 États membres sur les 197 États qu’elle reconnait, lors de la création de l’Organisation Mondiale de la Santé en 1946. Sa constitution établit que « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale » (1). Cela a été réaffirmé lors de la déclaration Alma-Ata en 1978 (2), qui réunissait 3 000 délégués des ministères de la santé de 134 États. C’est pourtant, encore aujourd’hui, très loin d’être le cas.

Un Monde inégal : espérance de vie et espérance de vie en bonne santé 

Pour identifier des différences d’état de santé entre des groupes d’individus, il est usuel de délimiter ces groupes à l’aide des frontières nationales, et de comparer les indicateurs entre pays ou différents regroupements de régions du Monde (Régions du Monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé).

Dans ce cadre, l’espérance de vie moyenne à la naissance est parmi les indicateurs les plus surveillés (3). Des chercheurs démographes et des historiens estiment qu’au début du 19ème siècle, l’espérance de vie à la naissance ne dépassait 40 ans dans aucun pays (4). En conséquence des larges transformations de cette époque (amélioration des soins, de l’assainissement, des vaccins, de l’accès à l’eau courante et de l’alimentation), l’espérance de vie a alors augmenté dans tous les pays, mais pas avec la même ampleur. Ces différences ont engendré une phase d’inégalités très fortes. En 1950, l’espérance de vie en Norvège était de 72 ans alors qu’elle était de 26 ans au Mali, et de 36 ans pour l’ensemble du continent Africain, deux fois moins que dans l’ensemble du reste du Monde. En 2019 (5), les différences restaient fortes (Espérance de vie par pays). Pour 183 pays reconnus par l’Organisation des Nations Unies, l’espérance de vie moyenne était de 73 ans. Un enfant qui naissait au Japon, pays dans lequel l’indicateur était le plus élevé, pouvait espérer vivre en moyenne 84 ans. Suivaient la Suisse, la Corée du Sud et la Norvège, avec 83 ans. Les trois dernières places du classement étaient occupées par la Somalie avec 57 ans, la République Centrafricaine avec 53 ans et le Lesotho avec 51 ans. En regroupant les pays selon les régions du Monde de l’Organisation Mondiale de la Santé, les différences persistaient. L’espérance de vie moyenne était de 78 ans en Europe et dans le Pacifique Occidental, 77 ans pour les Amériques, 71 ans pour l’Asie du Sud-Est, 70 ans pour la Méditerranée Orientale et enfin 65 ans pour l’Afrique.

Même si l’espérance de vie globale est un indicateur puissant, d’autres mesures de la santé permettent d’affiner ces analyses. L’espérance de vie peut être divisée en espérance de vie en bonne santé et en espérance de vie avec une santé dégradée. En 2019, l’espérance de vie moyenne en bonne santé était de 64 ans dans le Monde. Elle était aussi très hétérogène entre les pays, avec 74 ans au Japon et à Singapour et 73 ans en Corée du Sud. De l’autre côté du gradient, on trouvait la Somalie avec 50 ans, la République Centrafricaine avec 46 ans et le Lesotho avec 44 ans. Concernant les continents ou régions du Monde, elle était de 69 ans dans le Pacifique Oriental et en Europe, 66 ans pour les Amériques, 62 ans en Asie du Sud-Est, 60 ans en Méditerranée Orientale et 56 ans en Afrique. Même si les fortes variations de mortalité infantile expliquaient une partie de ces différences, les écarts persistaient pour l’espérance de vie moyenne et l’espérance de vie moyenne en bonne santé après 60 ans. Une fois ces différences objectivées, il convient de les comprendre. La question majeure réside dans l’origine de ces disparités. Preston (6) a été le premier à décrire une nette relation entre l’espérance de vie moyenne par nation et le revenu moyen par habitant dans un ensemble de courbes qui portent son nom ( Classification des pays selon leur niveau de revenu). Il a identifié cette relation durant trois décennies : 1900-1910, 1930-1940 et 1960-1970. Plus le revenu moyen par habitant est élevé, plus les habitants d’une nation peuvent espérer vivre longtemps ( Espérance de vie par pays en fonction du produit intérieur brut par habitant). Cette relation s’aplatit pour les revenus les plus élevés : une même augmentation de revenu est donc associée à une plus forte augmentation de l’espérance de vie pour les pays à bas niveaux de revenu. Enfin, certains pays ont de meilleures ou moins bonnes espérances de vie à niveau de revenu égal, le revenu n’étant pas la seule caractéristique d’intérêt pour comprendre les différences entre nations.

Un Monde inéquitable : mortalités maternelle et infanto-juvénile 

L’équité en santé

Whitehead (7) a défini l’équité en santé comme l’absence de « différences de santé qui sont répréhensibles d’un point de vue moral ou éthique, parce qu’elles sont inutiles, évitables, et injustes. ». Ce sont ces différences qui seront définies dans la suite du document par le terme d’iniquités de santé. Définir les limites de la justice sociale est une tâche difficile : fondamentalement, la justice est une valeur subjective. Cependant, il existe certaines inégalités que tous (ou presque) considèreront comme injustes. Nous allons en illustrer deux : la mortalité maternelle et la mortalité infanto-juvénile. Ces indicateurs sont d’intérêt pour plusieurs raisons : ils sont peu sensibles aux caractéristiques biologiques et aux comportements (surtout pour la mortalité infanto-juvénile), ou du moins, les différences de comportements ne peuvent expliquer, seules, la totalité de ces inégalités. Aussi, elles sont des exemples probants d’iniquités de santé, des désavantages inutiles, évitables et injustes, liés à l’organisation des soins, et plus largement, de la société.

La mortalité maternelle

En 2017 (8) dans le Monde, 295 000 femmes sont mortes pendant la grossesse ou l’accouchement, représentant 9% des décès des femmes de 15 à 49 ans ( – Mortalité maternelle par pays). Deux-cents cinquante-quatre mille décès (86%) avaient été enregistrés dans les nations d’Afrique Sub-Saharienne (196 000) et d’Asie du Sud (58 000), et 94% des morts maternelles avaient eu lieu dans les nations à bas et moyens niveaux de revenu. Ainsi, le taux de mortalité maternelle était de 7 pour 100 000 en Australie et Nouvelle-Zélande, 1 pour 10 000 en Europe, alors qu’il atteignait 4 pour 1000 pour l’ensemble des nations à bas niveaux de revenu. Certains pays présentaient des taux très élevés, supérieurs à 1 pour 100, comme le Sierra Leone (1,12%), le Tchad (1,14%) ou encore la République du Soudan du Sud (1,15%). Il est à noter que le risque de décès est plus élevé pour les femmes de moins de 15 ans, et le risque de complications liées à la grossesse et à l’accouchement plus élevé pour les femmes de 10 à 19 ans. Enfin, les femmes des pays à bas et moyens niveaux de revenu ayant de plus nombreuses grossesses, les risques s’accumulent et l’on estime que la probabilité qu’une femme de 15 ans meure de la grossesse ou de l’accouchement est de 5 pour 1000 dans le Monde, de 2 pour 10 000 dans les nations à hauts niveaux de revenu et de 2 pour 100 dans les nations à bas niveaux de revenu.

Entre 2003 et 2009, cinq causes étaient responsables de 73% des décès (9) :
– Les hémorragies sévères (principalement en post-partum) (27%)
– L’hypertension artérielle (pré-éclampsie et éclampsie) (14%)
– Les complications per-partum (13%)
– Les infections (généralement en post-partum) (11%)
– Les mauvaises conditions d’avortement (8%).

On traite ici en grande partie de morts évitables et injustes puisque dans la plupart des cas, des mesures simples de prévention et des soins efficaces existent, mais que certaines nations ou populations n’y ont pas accès en raison de la structuration de la société. Par exemple, moins de la moitié des accouchements dans les pays à bas niveaux de revenu sont assistés par un professionnel de santé formé.

La mortalité infanto-juvénile 

En 2017, dans le Monde, 56 000 000 de personnes sont décédés. Cinq millions quatre cent mille (10%) avaient moins de 5 ans et 4 000 000 (7%) avaient moins d’1 an (10) ( Mortalité infantile par pays). Quatre-vingt-deux pourcents des décès d’enfants de moins de 5 ans avaient eu lieu dans les nations d’Afrique Sub-Saharienne ou d’Asie du Sud. Le risque pour un enfant né dans les nations d’Afrique Sub-Saharienne de mourir dans les 5 premières années de sa vie (8 morts pour 100 naissances) était 15 fois plus élevé que dans l’ensemble du reste du Monde. Certaines nations étaient plus touchées, comme le Tchad (11%), ou le Nigeria et la Somalie (12%). En 2017, les 3 causes majeures étaient :
– La pneumonie (15%), dont 5 nations seulement concentraient la moitié des décès (Inde, Nigeria, Pakistan, République démocratique du Congo, Ethiopie). Parmi les facteurs de risque de mourir d’une pneumonie, on notera la malnutrition (le plus important), la pollution, le virus de l’immunodéficience humaine et le surpeuplement du foyer.
– Les naissances prématurées (avant 37 semaines d’aménorrhée) ou les troubles néonataux (durant les 27 premiers jours de vie) (12%), avec de fortes variations entre les nations à bas et moyens niveaux de revenu et les nations à hauts niveaux de revenu (de 3 pour 1000 au Soudan à 4 pour 100 000 au Japon).
– Les maladies diarrhéiques (10%), les plus faciles à prévenir et à soigner. Elles sont principalement causées par l’eau insalubre, un mauvais assainissement et la malnutrition. Elles étaient la cause de plus de 3% de la mortalité infantile des nations de Madagascar, du Tchad et de la République Centrafricaine et de 0,001% de celle des nations d’Europe.

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Table des matières

Chapitre I. Introduction
1. Les iniquités de santé
1.1. La santé : un droit fondamental
1.2. Un Monde inégal : espérance de vie et espérance de vie en bonne santé
1.3. Un Monde inéquitable : mortalités maternelle et infanto-juvénile
1.4. Des iniquités entre individus et populations d’une même nation
2. Les déterminants de la santé
2.1 Prémices
2.2 Commission des Déterminants sociaux de la Santé
3. Cancers, cancers dépistables et dépistage des cancers
3.1. Epidémiologie générale des cancers
3.2. Le dépistage des cancers
3.3. Epidémiologie générale des cancers dépistables
3.4. Situation internationale des dépistages
4. Références
Chapitre II. Caractéristiques contextuelles associées à la participation aux dépistages des cancers : revue systématique des études observationnelles
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
2.1 Algorithmes de recherche
2.2 Phase d’examen préalable
2.3 Phase d’extraction des données
3. Résultats
3.1 Généralités
3.2 Associations entre caractéristiques contextuelles et participation aux dépistages des cancers
4. Discussion
4.1 Résultats des études du corpus
4.2 Autres états de l’art
4.3 Limites des études du corpus
4.4 Limites de cette étude
5. Conclusion
6. Références
Chapitre III. Contexte français
1. Les iniquités de santé
1.1. Les prémices
1.2. Iniquités de santé, recherche et politique
1.3. Le cas des cancers
2. Les cancers en France
2.1. Epidémiologie générale des cancers en France
2.2. Iniquités et incidence, survie et mortalité en France
3. Le cancer du sein en France
3.1. Facteurs de risque
3.2 Iniquités et incidence, survie et mortalité
3.3. Dépistage du cancer du sein en France
4. Références
Chapitre IV. Iniquités socio-territoriales de participation au Programme National de Dépistage Organisé du Cancer du Sein – une étude transversale multiniveaux
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
2.1 Populations et échantillons
2.2 Variables
2.3 Statistiques
3. Résultats
3.1 Description de l’échantillon
3.2 Résultats des modèles
4. Discussion
4.1 Résultats de l’étude
4.2 Forces de l’étude
4.3 Faiblesses de l’étude
4.4 Généralisabilité de l’étude
4.5 Perspectives
5. Conclusion
6. Références
Chapitre V. Discussion
Chapitre VI. Conclusion

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