Depuis quelques années, la lutte contre la pauvreté est devenue l’objectif central des politiques de développement mises en œuvre à Madagascar. En fait, l’analyse comparative des résultats du rapport principal sur l’enquête auprès de ménages EPM 2005 et celle de 2010, réalisé par l’équipe de la Direction des statistiques des ménages de l’INSTAT en collaboration avec le Ministère d’Etat chargé de l’économie et de l’industrie, a montré que l’incidence de la pauvreté monétaire se serait aggravée entre 2005 et 2010, passant de 68,5 à 76,5, soit une augmentation de 8 points de pourcentage a été constatée. Mais bien que l’accent ait été mis sur la croissance et la pauvreté, une attention particulière mérite d’être accordée à la question des inégalités notamment des revenus.
Selon Barro , 2000, « une forte inégalité des revenus tend à retarder la croissance dans les pays en développement » comme Madagascar. Ainsi, un accroissement du revenu moyen réduit la pauvreté, alors qu’une accentuation de l’inégalité l’accroît. Cependant, comme plusieurs facteurs peuvent affecter les revenus et que leur répartition issue du libre jeu du marché n’aboutit pas à une répartition équitable d’où une mauvaise répartition des revenus qui entraîne des inégalités.
En effet, les inégalités sont aussi importantes à Madagascar comme dans les autres pays en développement. De plus, l’instabilité politique chronique qui a régné durant cette période est largement responsable d’une phase d’ajustement sans croissance. Les inégalités ont également des conséquences plus graves surtout pour les pauvres. D’ailleurs, « la seule différence entre les riches et les pauvres c’est que les riches ont plus d’argent » disait Mary Colum à Ernest Hemingury, cette affirmation soulève de nombreuses questions. En fait, le fossé qui sépare les riches des pauvres est un sujet d’étude non seulement fascinant, mais aussi très important et la connaissance de ces différences entre les riches, les pauvres et tous ceux qui se trouvent entre les deux est une variable qui explique en partie le «printemps arabe » et l’évolution économique et sociale.
THEORIES DE RAWLS ET DE SEN
Théorie de la justice sociale de Rawls
Bien connues des économistes intéressés par les questions liées à la répartition, la théorie de la justice de John Rawls est apparue en France, comme aux Etats – Unies dans le débat national « Liberté, égalité et fraternité » dit la devise républicaine.
Justice comme équité
« La théorie de la justice » publié en 1970 par John Rawls lui permet de faire la quête de la recherche de la justice sociale. Il propose cette théorie qui constituerait une sorte de charte régulatrice du fonctionnement d’une société juste. Pour Rawls, « la justice consiste à corriger les inégalités entre les individus » . La conception de la justice est alors fondée sur la distribution et la répartition équitables ou adéquates des biens, d’où la justice est comme équité sur l’ensemble des individus contractant dans le but de réduire les inégalités.
En effet, dans une société, garantir la justice sociale est compatible avec des inégalités sur un ensemble d’avantages sociaux qui sont dans l’intérêt de tous. Ainsi, il faudrait une répartition égalitaire sinon une répartition équitable : « les inégalités sont justes si elles produisent des avantages pour les membres les plus défavorisés de la société » . En outre, la répartition des aptitudes naturelles est un atout collectif, c’est pourquoi les plus favorisés ne doivent en tirer des bénéfices que dans la mesure où cela aide les plus défavorisés. C’est ça les principes de justice qui vont être exposés ci-après, des principes qui maximisent la situation des plus défavorisés. De plus, c’est la justice dans la répartition des avantages et des charges de chacun qui doit définir les principes de la coopération sociale entre les individus d’un pays, et non les valeurs religieuses, philosophiques, ou de quelque nature spirituelle.
Cette théorie de la justice sociale repose sur deux principes, à savoir le principe de liberté et le principe de différence qui est chargé d’organiser les inégalités économiques et sociales.
Les deux principes de la justice
Ces principes permettent en effet d’accorder la priorité à la liberté.
a) Principe de liberté-égalité ou égalité dans la liberté de base
Les principes de justice doivent accorder une priorité à la liberté, notamment à la liberté individuelle que Rawls la définit comme un droit irréversible, elle reste « égale pour tous ». La liberté apparaît aussi comme un enjeu de la répartition.
Selon Rawls (1985) « chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés et de droits de base égaux pour tous, compatible avec le même système pour tous ». De même, « dans une société juste, l’égalité des droits civiques et des libertés pour tous est considérée comme les droits garantis par la justice qui ne sont pas sujets à un marchandage politique ni au calcul des intérêts sociaux » . De ce fait, chaque individu, sans exception, a un droit égal et il est libre d’entreprendre tout ce dont il est capable sans empêcher la liberté des autres comme dit l’adage « notre liberté s’arrête là où commence celle des autres ». A cet effet, on doit protéger la liberté de chacun car la priorité de la liberté garantit le cadre dans lequel les individus choisiront la manière de conduire leur vie, contrairement au libéralisme que Rawls le concilie avec cette justice sociale. De plus, cette priorité à la liberté individuelle s’associe au respect de soi- même plutôt qu’à l’intérêt personnel. Cependant, « la base du respect de soi-même n’est pas le revenu que l’on a, mais la répartition publiquement reconnue des droits et des libertés fondamentales » . Ce qui importe donc, c’est l’égalité de tous devant les libertés de base.
b) Principe de différence
Ce principe admet des inégalités justes. Il se subdivise en deux parties :
D’une part, le principe de différence suppose que les inégalités sont nécessaires car elles permettent aux désavantagés de profiter le plus possible des progressions économiques enregistrées ;
D’autre part, le principe de juste égalité de chance suppose que certaines inégalités peuvent améliorer la situation de tous par rapport à la situation de stricte égalité, c’est-à-dire une égalité équitable des chances.
Limite de la théorie rawlsienne
Les préoccupations de cette théorie restent aux plus désavantagés mais ne considère pas les groupes sociaux quelconques. L’analyse de Rawls apparaît donc le plus vulnérable. De plus, la valeur ou l’utilité de la liberté n’est toujours pas la même pour chaque individu.
Théorie des capabilités de Sen
Comme Rawls, la théorie d’Amartya Sen accorde aussi de la valeur à la notion de « liberté » même si pour lui, la liberté joue un rôle instrumental. Selon lui, la liberté découle de l’organisation sociale.
Critique envers la théorie de Rawls
A l’égard des utilitaristes et Rawls, l’approche de Sen les critique sur leurs idées des biens-êtres qui se reposent sur le désir et le plaisir. Son opposition porte également sur son impossibilité de fournir une mesure satisfaisante du bien social. En effet, pour Sen, la théorie du bien-être n’évalue pas les revenus et la richesse en tant qu’unités matérielles, mais en fonction de leur capacité à produire du bonheur ou à satisfaire les désirs humains. Pour lui, le bien-être (revenu, biens premiers) reste les moyens de liberté.
Cependant, Sen substitue un concept de justice basé sur l’évaluation des «opportunités réelles » des individus en soulignant que la base des inégalités repose sur la différence entre ces individus face aux différentes opportunités qu’ils font face. Par ailleurs, quand on compare les individus entre eux, on peut évaluer leurs avantages et désavantages relatifs en fonction de variables très différentes : leurs revenus, leurs fortunes, leurs utilités, leurs ressources, leurs liberté, leurs droits, leurs qualités de vie, etc. La pluralité des variables sur lesquelles nous pouvons nous focaliser pour estimer l’inégalité interpersonnelle nous impose nécessairement, de prendre une décision difficile : le choix. Ceci est devenu le problème dans l’analyse des inégalités.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : RAPPEL SUR LES PRINCIPALES THEORIES EN PRESENCE
Chapitre 1 : THEORIES DE RAWLS ET DE SEN
Section 1 : Théorie de la justice sociale de Rawls
Section 2 : Théorie des capabilités de Sen
Chapitre 2 : LES INEGALITES DE REVENUS EN QUESTION
Section 1 : Origines de l’inégalité de revenus
Section2 : Instruments de mesure de l’inégalité de répartition de revenus
DEUXIEME PARTIE : INITIATIVES POUR LA REDUCTION DES INEGALITES, CAS DE MADAGASCAR
Chapitre I : ANALYSE DIAGNOSTIQUE
Section 1 : Les problèmes et illustrations de la distribution de revenus à Madagascar
Section 2 : Lien entre inégalité et les autres concepts
Chapitre II : COMMENT LUTTER CONTRE LES INEGALITES DE REVENUS A MADAGASCAR ?
Section 1: Lutte contre les inégalités
Section 2: Rôles de l’Etat et redistribution de revenus
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE