Les premières recherches ayant porté sur le phénomène de la saisonnalité touristique datent de 1975 avec l’étude « Bar-On’s ». Cette problématique opérationnelle « clé » de l’économie touristique reste cependant à ses prémices puisqu’à ce jour, encore très peu de travaux traitent de ses impacts et de sa mesure. Malgré les nombreux débats de professionnels et d’experts du tourisme qu’elle suscite, il semblerait que les causes de base de la saisonnalité n’aient pas encore été identifiées et examinées efficacement (Lundtorp, Baum, 2001, p. 10). Cette constatation s’applique aussi à la Suisse, puisque la plupart de ces destinations, en dehors des grandes villes, connaissent de fortes fluctuations entre les saisons. Cet effet induit de nombreuses perturbations dans la gestion financière et générale des entreprises régionales.
La commune d’Estavayer-le-Lac témoigne du phénomène, puisque sa population passe du simple au double en période estivale. Cette petite ville de plus de 6’300 habitants bénéficie notamment d’une offre d’activités lacustres et nature exceptionnelle, garantissant ainsi un flux de visiteurs estivants important. La fin de l’été marque cependant la fermeture de plusieurs commerces et contrebalance la tendance de vente des entreprises restantes. C’est dans ce contexte que se dessine la problématique de ce travail, cherchant à connaître les opportunités de développement qui permettrait d’étendre la saison touristique d’Estavayerle-Lac.
Impacts de la saisonnalité
Les inconvénients de la saisonnalité
Les incommodités dues à la haute variation des saisons sont nombreuses et préjudiciables pour les opérateurs. Par opérateurs, on entend toutes les entreprises directement ou indirectement liées au tourisme, qui sont touchées d’une certaine façon par la saisonnalité touristique. Parmi les nombreux problèmes économiques et défis de gestion que l’on attribue à la saisonnalité, on trouve notamment :
– Une saison d’exploitation courte, laissant place à une importante période d’activité réduite ou de fermeture.
– Le sérieux besoin de générer un revenu correspondant à l’exercice d’une année sur une courte durée afin d’assumer les coûts fixes annuels.
– La sous-utilisation des biens immobilisés.
– La difficulté à trouver des sources de revenu ainsi qu’un faible retour sur investissement.
– L’incommodité de maintenir le bon déroulement de la chaîne d’approvisionnement sur une courte saison.
– Garantir l’appui des entreprises de transports (compagnies aériennes, navigation) qui sont souvent réticentes à s’impliquer et à investir dans les opérations saisonnières.
– Emplois à court terme plutôt que le long terme.
– La difficulté de conserver une qualité stable toute l’année, due principalement au changement constant du personnel (Baum, Lundtorp, 2001, p. 2).
Ces méfaits n’atteignent pas seulement les fournisseurs de prestations touristiques, ils touchent aussi les résidents locaux, les commerçants, les employés du tourisme et les touristes eux-mêmes (Lundtorp, Rassing, Wanhill, 2001, p. 153-154).
Perceptions des employeurs
Lors de la saison haute, les employeurs rencontrent de nombreuses difficultés dans la gestion de leur personnel. Les prestataires touristiques cherchent à engager à plein-temps, sans pouvoir conclure des contrats à long terme à cause de la chute de la demande et des ressources financières à disposition, créant des périodes de précarité de l’emploi lors de la saison basse et au contraire une forte immigration de travailleurs lors de la saison haute. Les conséquences du point de vue des prestataires touristiques sont définies par Cooper (1993) comme : « Il n’est pas possible de stocker et réserver le produit touristique : une chambre d’hôtel invendue une certaine nuit, un siège invendu dans un avion ou un billet de théâtre ont tous une valeur économique de zéro. » (cité dans Baum, Lundtorp, 2001, p. 10).
La nécessité de la saisonnalité
Selon plusieurs experts, l’offre de travail saisonnière doit être perçue comme un aspect positif et non un désavantage (Flognfeld 1988, Ball 1989, Shaw & Williams 1994). En effet, elle complèterait les besoins de travail d’une destination au lieu de lui faire concurrence, puisqu’elle concerne généralement un type de travailleur différent, qui a des projets distincts pour la basse saison. De plus, le savoir-faire importé est parfois nécessaire à la destination. Le tourisme n’est d’ailleurs pas le seul domaine ayant besoin de travailleurs saisonniers pour assurer sa viabilité ; On parle aussi du secteur agricole ou de la pêche par exemple (cité dans Baum, Lundtorp, 2001, p. 11). Par ailleurs, la saison basse est bénéfique et nécessaire dans certains cas puisqu’elle représente une période de récupération pour l’environnement naturel et social de la région concernée. Murphy (1985) affirme même que pour certaines communautés locales, la fin de la saison touristique est comme « la lumière au bout du tunnel » (cité dans Baum, Lundtorp, 2001, p. 10). Dans le cas d’Estavayer-le-Lac, on pense par exemple à l’une des attractions phares, le téléski nautique, qui profite de la saison basse pour exécuter les réparations et rénovations nécessaires à son bon fonctionnement.
La Grande Cariçaie, réserve naturelle s’étendant le long de la rive sud du lac de Neuchâtel entre Yverdon-les-Bains et le Fanel, est connue pour la richesse de sa faune et sa flore. Pour l’association de la Grande Cariçaie (AGC), les mois d’août à avril représentent la période de travaux de préservations. Les actions d’entretien des marais sont cruciales pour sa survie. Grâce à ses chemins pédestres et didactiques, la réserve attire les amoureux de la nature, les sportifs et les promeneurs. Les éco-compteurs disposés sur les 8 sites protégés de la réserve ont compté près de 160’000 passages entre avril et novembre 2015. D’un point de vue touristique, l’AGC s’était fixée comme objectif en 2015 de renforcer l’information et l’accueil au public en améliorant par exemple ses infrastructures d’observations et support d’informations. La période creuse a permis d’entamer les constructions et aménagements afin de garantir leur accès pour la saison 2016 (AGC, 2015).
Gestion de la saisonnalité
Le phénomène de la saisonnalité est complexe et ne peut être réglé par l’investissement des établissements privés uniquement. En effet, le développement durable d’une destination nécessite un partenariat soudé entre le secteur privé et le secteur public. Les prestataires touristiques privés ont besoin d’un appui public afin d’assurer une destination attractive dans son ensemble. Par la participation du secteur public, qu’il soit national, régional ou communal, on entend par exemple la création ou l’amélioration du système de transport ou la valorisation du patrimoine. Il est également de son devoir d’apporter des aides financières visant à encourager les flux touristiques vers la région et de formuler des politiques favorables. De son coté, le privé se charge des aspects marketing tels que le développement d’offres où la fixation des prix. Il est donc essentiel de considérer le problème comme un travail collaboratif entre les différents intervenants.
Implications politiques
Les études réalisées jusqu’à ce jour, notamment l’étude Bar-On’s, proposent plusieurs stratégies pour surpasser la saisonnalité :
• Le rallongement de la saison haute
• La création d’une saison secondaire
• La diversification du marché
• La tarification différenciée et les encouragements fiscaux
• L’étalement des périodes de vacances
• L’encouragement du tourisme domestique
• La mise en place d’attractions hors saison (festival, congrès, etc.) .
La stratégie de développement d’une destination touristique doit se concentrer sur la globalité de l’année. On remarque que lorsqu’un pays connaît une période de croissance touristique importante, les efforts se concentrent simplement sur le fait d’attirer plus de touristes, au lieu de quand attirer des touristes. Les campagnes marketing agressives et le manque de stratégie pour étaler les visites ont donc automatiquement créé le phénomène des hautes saisons, dès les années 50. Le meilleur exemple est celui des côtes espagnoles, envahies lors de la saison estivale, et désertées une fois l’hiver revenu (Butler, 1994, p. 13).
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Table des matières
Introduction
1. Etat de l’art
1.1. Impacts de la saisonnalité
1.1.1. Les inconvénients de la saisonnalité
1.1.2. La nécessité de la saisonnalité
1.2. Gestion de la saisonnalité
1.3. Origines de la saisonnalité
1.4. Aspects et modèles de saisonnalité
1.4.1. Aspects spatiaux
1.4.2. Origines du marché
1.4.3. Modèles de saisonnalité
1.5. Lesson drawing
1.5.1. Le cas de Bornholm : Diversification de l’offre touristique
1.5.2. Hôtellerie anglaise : L’implication du marketing dans le taux d’occupation
2. Analyse du cas particulier d’Estavayer-le-Lac
2.1. Analyse de la saisonnalité de la demande
2.1.1. L’importance de la mesure de la saisonnalité à Estavayer-le-Lac
2.1.2. Les outils de mesures
2.1.3. Enquête auprès des commerçants
2.2. Analyse de la saisonnalité de l’offre
2.2.1. Offres touristiques fixes et semi-permanentes
2.2.2. Evénementiel
2.3. Popularité des attractions staviacoises
2.4. Analyse SWOT
2.5. Projets en cours
2.6. Positionnement d’Estavayer/Payerne et région Tourisme
2.7. Plan d’action
3. Développements de nouveaux concepts touristiques
3.1. Destination de pêche
3.1.1. Les opportunités du tourisme de pêche
3.1.2. Limitations
3.1.3. Le cas du Finistère intérieur, Bretagne
3.1.4. Projet de destination de pêche à Estavayer-le-Lac
3.1.5. Analyse de la concurrence
3.1.6. Récapitulation
3.2. Tourisme d’affaires
3.2.1. Comprendre et définir le tourisme d’affaires
3.2.2. Opportunité du tourisme d’affaires à Estavayer-le-Lac
3.2.3. Limitations
3.2.4. Analyse de la concurrence
3.2.5. Le cas particulier du Pays de Galles
3.2.6. Projet de développement du Tourisme d’affaires à Estavayer-le-Lac
3.2.7. Récapitulation
3.3. Art de rue
3.3.1. Comprendre et définir l’art urbain
3.3.2. Best practices
3.3.3. Opportunité de l’art urbain à Estavayer-le-Lac
3.3.4. Projet « Itinéraire ArtMur » à Estavayer-le-Lac
3.3.5. Limitations
3.3.6. Analyse de la concurrence
3.3.7. Financement
3.3.8. Récapitulation
3.4. Opportunité événementielle : Halloween en ville
3.4.1. Signification de la fête d’Halloween
3.4.2. Opportunité de développement à Estavayer-le-lac
3.4.3. Programme
3.4.4. Financement
3.4.5. Récapitulation
4. Communication
5. Rapports entre tourisme et communauté locale
5.1. Résultats du sondage
Conclusion
Références
Bibliographie