Les illustrations facilitent la compréhension du texte

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Des illustrations denses au service de l’interprétation :

Le buffle et l’oiseau est illustré par Olivier Charpentier, peintre-illustrateur parisien, diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris. Les illustrations du conte sont réalisées à la peinture, avec beaucoup de couleurs. Elles illustrent le texte et facilitent sa compréhension, et elles l’enrichissent aussi d’éléments à interpréter.

Les illustrations facilitent la compréhension du texte :

Le lecteur peut comprendre globalement l’histoire de ce conte sans le texte, rien qu’en observant attentivement les illustrations. Elles sont donc idéales pour faciliter la compréhension du lecteur et illustrer le texte. A la troisième double page, le texte dit : « L’eau ruisselle tout autour de lui, le lac fait des vagues. » Sur l’illustration on voit clairement l’eau dégouliner sous le buffle qui se lève, et on voit également les ondes se propager dans l’eau. Ainsi, si le lecteur n’avait pas bien saisi le sens du texte et notamment du mot « ruisselle », il est aidé par l’illustration.
Les couleurs utilisées permettent au lecteur de visualiser le déroulement du travail agricole. Le rouge est utilisé aux première et deuxième doubles pages pour signifier l’ombre des arbres sur l’eau bleue tout autour. On comprend donc aisément dans les pages suivantes que le rouge représente l’eau, même si on ne voit plus de bleu autour. De même le vert pomme, très lumineux, représente le riz qui pousse petit à petit jusqu’à recouvrir toute la page, avant d’être récolté. Le lecteur voit littéralement la progression de la culture au fil des pages, ce qui l’aide dans la compréhension de la temporalité de l’histoire. En effet, le lecteur sait que le riz ne pousse pas en une journée donc quand il voit que le riz a beaucoup poussé entre deux pages, il comprend que du temps s’est écoulé entre ces deux pages. Cette illustration de l’évolution du champ tout au long de l’histoire permet au lecteur de comprendre que le temps de l’histoire est en fait beaucoup plus long que le temps du récit.

Des illustrations à déchiffrer pour accéder au message symbolique de l’œuvre :

Dans ce conte, les illustrations donnent des informations qui ne sont pas présentes dans le texte, et permettent au lecteur d’interpréter l’histoire. L’exemple le plus manifeste est le chant de l’oiseau, représenté en rose par Olivier Charpentier, par des branches courbes ornées de feuilles et de fleurs. Sur toutes les pages de l’album, le chant de l’oiseau est représenté, même si le texte n’en parle pas. L’illustrateur a donc choisi d’insister sur le fait que l’oiseau chante continuellement, y compris quand le boeuf se repose allongé dans l’eau. Ce choix de l’illustrateur facilite l’acceptation des arguments du buffle à la fin de l’histoire : l’oiseau a effectivement mérité le riz car il chante en continu depuis la première page.
Aux cinquième et neuvième doubles pages, lorsque le buffle et l’homme travaillent pour semer le riz puis le récolter, le chant rose de l’oiseau s’étale sur toute la page. Le dessin n’est plus qu’un branchage fleuri, l’illustrateur y incorpore d’autres éléments. Pourtant, le texte donne peu d’information sur le chant de l’oiseau : à la deuxième double page on a « Il chantait son chant d’oiseau, son monde d’oiseau, sa vie d’oiseau. Il racontait au buffle ses petites histoires d’oiseau. » et à la cinquième double page « L’oiseau chante ! Il chante pour le buffle ! Il chante pour l’homme ! Il chante pour le champ ! ». L’illustrateur a donc interprété ces éléments du texte pour représenter le chant de l’oiseau. A la cinquième double page, on voit en rose sur les branches trois oiseaux, un escargot, une grenouille, un petit félin… Le lecteur doit faire des inférences créatives pour imaginer leur signification. Peut-être qu’il s’agit d’animaux que l’oiseau connait et dont il parle dans son chant, puisqu’il raconte au buffle sa vie d’oiseau.
L’homme et le buffle sont aussi représentés en rose dans le chant de l’oiseau, en train de travailler joyeusement. L’homme semble presque danser les bras en l’air, et le buffle a la tête haute et des ailes. Là encore, c’est au lecteur d’interpréter ce choix de l’illustrateur. Comme l’oiseau chante pour le buffle et pour l’homme, il les encourage, donc il les raconte dans son chant léger et joyeux, comme si la tâche était agréable.
A la neuvième double page on retrouve le chant de l’oiseau qui couvre toute la page, mais les dessins incorporés aux branchages sont différents. Les branches sont plus espacées, les feuilles moins nombreuses qu’à la cinquième double page. Et l’illustrateur a peint en rose six oiseaux en train de manger du riz dans un bol. Cette illustration permet au lecteur d’anticiper la suite de l’histoire. Ce n’est qu’à la dixième double page que l’oiseau picore par-ci par-là dans la récolte. Pourtant dès la neuvième, on peut comprendre qu’il en a envie ou qu’il en a l’intention, grâce à ces oiseaux représentés en train de manger dans le chant de l’oiseau. On voit toujours le buffle et l’homme dans le chant rose de l’oiseau. Cette fois le buffle vole en tirant une montagne sur laquelle est assis l’homme. C’est encore une image à interpréter pour le lecteur. Peut-être que l’oiseau est excité par cette récolte, qu’il chante la force du buffle, la quantité de riz qu’ils vont récolter, et son bonheur de bientôt y goûter.
A travers ces dessins roses, l’illustrateur rend visible le chant de l’oiseau. Il montre que l’oiseau chante toujours, même quand le texte ne le dit pas, et que son chant varie d’intensité en fonction du moment : l’oiseau chante de tout son coeur lorsque le buffle et l’homme travaillent. De plus, il incorpore des éléments qui ne font pas partie du texte dans la représentation du chant de l’oiseau, qui permettent d’anticiper la suite de l’histoire et d’interpréter, en faisant des inférences créatives. D’autres illustrations sont à interpréter par le lecteur. Par exemple à la onzième double page, l’illustrateur a fait un grand zoom arrière dans l’illustration. On avait toujours été à l’échelle du champ, et là, on voit le champ avec l’homme le buffle et l’oiseau en petit, entouré de nombreux autres champs, recouverts de riz qui n’a pas été encore récolté, et de quelques palmiers. On prend du recul sur la scène qui se déroule. A cette double page, le buffle explique le rôle de l’oiseau dans le travail de récolte, et l’homme baisse la tête et réfléchit. En fait, l’homme prend du recul sur leur situation et réfléchit aux arguments du buffle : « S’il n’avait pas chanté, je n’aurais pas tiré avec autant de légèreté. Et toi, aurais-tu semé avec autant de joie au coeur ? L’homme baisse la tête. Le buffle attend. » Je pense que l’illustrateur a fait le choix de faire prendre du recul au lecteur au même moment que l’homme pour accentuer l’identification du lecteur à l’homme et l’amener a se poser la question aussi : « Est-ce qu’on peut considérer que l’oiseau a lui aussi travaillé ? »
Nous avons vu que les illustrations de cet album facilitent l’accès à une interprétation personnelle de ce conte de sagesse. La leçon de vie délivrée au lecteur est soumise à son interprétation de l’œuvre : plusieurs morales sont donc possibles.

Une morale plurielle et soumise à l’interprétation du lecteur :

La morale de ce conte est en fait plurielle. Elle n’est pas clairement énoncée, c’est au lecteur d’interpréter la fin de l’histoire. Je vois trois axes différents d’interprétation du message symbolique du conte.

La mise en valeur de la nature et du travail collectif :

Tout d’abord, cette histoire plonge le lecteur dans un monde à part. Le buffle et l’oiseau vivent paisiblement sur un champ de riz, isolés. La vie s’écoule lentement, tranquillement, avec le buffle qui fait des bulles et l’oiseau qui raconte sa vie au buffle. Le lecteur ressent le rythme lent de la vie des personnages, et il ressent cette tranquillité. On a derrière l’idée qu’il faut peu de chose pour vivre et être heureux, il suffit d’un ami et de la nature : l’eau, le soleil, le riz.
L’histoire donne également une image très positive du travail, notamment parce que le buffle est content de travailler avec l’homme. On a à la quatrième double page « Le buffle aime travailler. Plein d’ardeur, il s’avance ! » et à la huitième double page « Le buffle immense sort une nouvelle fois de l’eau, ravi ! » Le travail n’est pas ici une contrainte, c’est une activité qui permet de sortir de la routine, de se sentir utile, et de faire partie d’une équipe « On a du travail ». Même si la tâche est longue et redondante, le buffle aime ce travail. De plus on voit dans cette histoire la dimension collective du travail. Le buffle seul, l’homme seul ou l’oiseau seul ne pourrait rien faire, la culture du riz serait impossible. C’est l’association des trois personnages, de leurs compétences, qui permet d’arriver à un résultat. L’oiseau est minuscule, l’homme est plus grand que l’oiseau, et le buffle est immense. Peu importe la taille ou la nature de la tâche, ils ont chacun un rôle à jouer pour accomplir le travail.
Le livre parle également des différents types de travail, physique ou plus abstrait, avec l’idée qu’ils sont tous autant utiles. Le travail du buffle et de l’homme est visible sur les illustrations : on voit le riz pousser à intervalles réguliers sur des lignes horizontales à la sixième double page.
Lors de la récolte, on voit le champ vert redevenir un champ d’eau au fil de l’avancement du buffle et de l’homme, on voit s’accumuler le riz petit à petit. Ils ont un travail concret, palpable.
Au contraire l’oiseau ne participe pas à la tâche d’un point de vue physique, il représente une autre sorte de travail. D’ailleurs, son activité de chant est-t-elle vraiment du travail ou plutôt de l’art ?

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Table des matières

Introduction
1 Une séance test en classe de maternelle pour cerner mon sujet
2 La littérature de jeunesse : incontournable pour le développement de l’enfant et des élèves
2- 1 La littérature de jeunesse favorise le développement des tout-petits
2-2 L’enfant se prépare à la lecture en enrichissant sa connaissance de la langue et son lexique.p
2-3 L’enfant devient un lecteur capable d’interpréter
2-4 L’enfant lecteur apprend à communiquer avec les autres
2-5 L’enfant se confronte à la réalité du monde et se forge un esprit critique
2-6 La lecture littéraire : fondamentale et pourtant peu mise en place dans les classes
3 Réfléchir au vivre ensemble grâce au thème d’un album : l’exemple Le buffle et l’oiseau
3-1 Un conte de sagesse au rythme spécifique
3-1-1 Les caractéristiques du conte : du duo au trio
3-1-2 Un rythme lent et répétitif choisi pour illustrer le rythme de vie des personnages
3-2 Des illustrations denses au service de l’interprétation
3-2-1 Les illustrations facilitent la compréhension du texte
3-2-2 Des illustrations à déchiffrer pour accéder au message symbolique de l’oeuvre
3-3 Une morale plurielle et soumise à l’interprétation du lecteur
3-3-1 La mise en valeur de la nature et du travail collectif
3-3-2 La place des artistes dans la société
3-3-3 Les valeurs de justice et de partage
3-4 Proposition de séquence pour le cycle 3 Le buffle et l’oiseau
4 Le vivre ensemble par l’interprétation collective d’une oeuvre littéraire : l’exemple Les yeux d’Yseut
4-1 Un chagrin qui touche le lecteur et l’implique dans sa lecture
4-2 Des parents impuissants face au chagrin de leur enfant
4-3 Des images pour inférer et donc interpréter
4-4 Surnaturel au service d’un sens métaphorique
5 Le buffle et l’oiseau, cycle 2 : une expérience en classe qui ouvre de nouvelles pistes pour ma pratique future
5-1 Une séquence pour cycle 3 inadaptée à des élèves du cycle 2
5-2 Des échanges oraux plus profitables que les questionnaires de compréhension
5-3 Un passage par les arts visuels et des questions qui impliquent les élèves et les poussent à
l’interprétation
5-4 Confronter les élèves à l’hétérogénéité des morales dans la littérature : leur donner les clés pour construire eux-mêmes leurs propres valeurs
Conclusion

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